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Supreme Court of Canada

Salvas v. Vassal, (1897) 27 SCR 68

Date: 1897-01-25

Title to landSaleRight of redemption—Effect as to third parties— Pledge—Delivery and possession of thing sold.

Real estate was conveyed to S. as security for money advanced by him to the vendor, the deed of sale containing a provision that the vendor should have the right to a reconveyance on paying to S. the amount of the purchase money, with interest and expenses disbursed, within a certain time. S. subsequently advanced the vendor a further sum and extended the time for redemption. The right of redemption was not exercised by the vendor within the time limited and S. took possession of the property, which was subsequently seized under an execution issued by V. a judgment creditor of the vendor. S. then filed an opposition claiming the property under the deed.

Held, reversing the judgment of the Court of Queen's Bench, that as it was shown that the parties were acting in good faith, and that they intended the contract to be, as it purported to be, une vente à réméré, it was valid as such, not only between themselves but also as respected third persons.

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APPEAL from a decision of the Court of Queen's Bench for Lower Canada ([1]) reversing the judgment of the Superior Court in favour of the opposant.

The material facts of this case may be stated, briefly, as follows '.

In 1894 the respondent, Vassal, obtained judgment in an action against a Mme. Planee and issued execution thereon under which the sheriff seized certain real estate and moveables in Drummondville as being property of said defendant. The appellant Salvas made an opposition to this seizure claiming to have acquired said real estate from Madame Planee by deed of sale executed in April 1893, and duly registered. The deed of sale is filed in the record, and by it Madame Planee conveyed to appellant a lot of land in Drummondville on which was a small house constructed and another building in course of construction. She also conveyed certain moveables, which are not in question on this appeal. The purchase money of the real estate was $300 and of the moveables $550 and the deed provided that the vendor might redeem the real estate by paying to Salvas the said sum of $850 within three months. He afterwards advanced to the vendor a further sum of $650 and extended the time for redemption for one month more, and subsequently granted her a delay of another mouth. The property was not redeemed and appellant took possession and leased it to one Hamel, but on account of this litigation he had to cancel the lease and pay $200 damages to the lessee.

The following is the text of the deed of sale of the 10th April, 1893, and of the deed extending the time for redemption of 8th July, 1893.

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DEED OF SALE À Réméré OF THE 10th APRIL, 1893.

“Pardevant Louis Véronneau, notaire public pour la” province de Québec, résidant et pratiquant au village " de Saint-Michel d'Yamaska, dans le district de Riche-" lieu, soussigné.

“A comparu Dame Mélanie Lalanne, demeurant au v village Saint-Michel d'Yamaska, l'épouse séparée de " biens de M. L. Adolphe Plante, hotelier, du même " lieu, lequel autorise sa dite épouse à l'effet des préseentes.

L Laquelle a reconnu avoir vendu, cédé et transporté a avec garantie contre tous troubles, à Olivier Salvas, "cultivateur, de la paroisse de Saint-Michel d'Yamaska, " à ce present et acceptant :

"1. Une portion de terre située sur le côté sud-est "du chemin Saint-George, dans la ville de Drummond-" ville, connue sous le numéro cent quarante du " cadastre du quartier sud de la ville de Drummond-" ville de la contenance de soixante-dix pieds de front " sur cent-trente-deux pieds de profondeur, mesure " anglaise, plus ou moins s bornée en front par le " chemin Saint-Georges, en arrière par Edouard Rhéa-" me, d'un côté au nord-ouest par Ephrem Archambault, " et de l'autre côté par W. J. Watts, avec une petite " maison dessus construite et une autre maison en voie " de construction. Laquelle maison la dite dame vende-" resse sera tenue et obligée de parachever à ses frais, sous " le plus court dºlai possible.

“2. Suit la description des meubles:—

"La dite dame venderse declare que tout ce que " ci-dessus vendu, lui appartient par bons titres de " propriété dont elle promet aider l'acquéreur au " besoin.

“Pour ce que ci-dessus vendu appartenir and dit” accquéreur, ses hoirs et ayant cause, en pleine et “absolue propriété de ce jour a toujours.

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“Cette vente a été ainsi faite pour et moyennant le” prix et somme de huit cent cinquante dollars.

I Il est convenu entre la dite dame venderesse et le " dit acquéreur que si la dite dame venderesse remb bourse au dit acquéreur, au domicile de ce dernier, " la dite somme de huit cent cinquante dollars, d'hui à " trois mois de cette date et lui en paie d'ici lors " l'intérêt à sept pour cent par an, de ce jour au paie-" ment, et rembourse aussi au dit acquéreur le mon-" tant de tous déboursés qu'il aura faits sur pour et à c cause de la dite portion de terre et autres objets " mobiliers présentement Tendus avec le même intérêt " à compter de leur date la dite dame venderesse aura " droit à titre de faculté de réméré, de reprendre la " possession et propriété du tout présentement vendu "dans leur état d'alors mais si la dite dame vende-" ressue fait défaut en tout ou en partie d'opérer les dits " remboursement et paiement aux temps et lieu convenus, le dit acquéreur demeurera en tel cas pro-" pariétaire incommutably du tout présentement vendu, " ainsi que de toutes les améliorations qui v auront " été faites sans être tenu à aucun remboursement ni " indemnité pour deniers reçus à compte, impenses ou a autres considérations.

"La dite dame venderesse conservera jusqu'à sa dé-" chance de la dite faculté de réméré l'usufruit du " tout présentement vendu en en supportant toutes les c charges et redevances seigneuriales, municipales et. " autres et en jouissant des dits biens mobiliers en bon " père de famille.

DEED OF EXTENSION OF DELAY OF THE 8TH JULY 1893.

“Prevent Louis Véronneau, notaire public, pour “la province de Quebec, résidant et pratiquant au” village de Saint-Michel d'Yamaska, dans le district “de Richelieu, soussigné.

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“Á comparu M. Olivier Salvas, cultivateur, de la” paroisse de Saint-Michel d'Yamaska d'une part.

“Et Dame Mélanie Lalanne, demeurant au village.” de Saint-Michel d'Yamaska, l'épouse séparée de biens " de M. L. Adolphe Plante, hôtelier, du même lieu, " agissant et représentée aux présentes par le dit M. L. A Adolphe Plante, son procureur dûment autorisé par " sa procuration reçue devant W. L. M. Daisy, notaire, l le six juin mil huit cent quatre-vingt-neuf, d’autre” part.

L Lesquelles parties ont déclaré:

“Que par acte de vente avec faculté de réméré reçu " devant le notaire soussigné, le dix avril dernier et e enregistré au bureau d'enregistrement du comte de " Drummond, le ou vers le vingt-deux avril dernier, la d dite Dame Mélanie Lalanne a vendu au dit M. Salvas, " pour les prix et considérations et moyennant les conditions y mentionnées, le terrain et dépendances et e effets mobiliers y designés:

"Qu'entre autres conditions du dit acte, ii a été s stipulé que la dite Dame Mélanie Lalanne aurait le " droit de rependre la possession et propriété des dits " terrain et dépendances et effets mobiliers dans le "cours dc trois mois à compter de la date du dit acte, c c'est-à-dire, le dix de juillet courant, mais cela, en " par elle remboursant au dit M. Salvas, une somme " de huit cent cinquante dollars, avec intérêt an taux " de sept par cent.

"Que la dite Dame Mélanie Lalanne se sentant " incapable de rembourser la somme capitale et intérêts " mentionnés au dit acte, aurait demandé an dit M. " Salvas de lui accorder une extension de délai pour " exercer la dite faculté de réméré, ce à quoi le dit M. " Salvas aurait acquiesce.

"En conséquence de quoi le dit M. Salvas a accordé c comme par les présentes il accorde à la dite Mélanie

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"Lalanne, ce acceptant par son dit procureur, un délai " de un mois, à compter du dix juillet courant, pour " exercer la dite faculté de réméré qu'elle dite Dame " Mélanie Lalanne s'était réservée dans et par le dit " acte sus-daté. La convention des parties étant que " la dite Dame Mélanie Lalanne aura le droit en rem-" boursant au dit M. Salvas à son domicile ici les huit c cent cinquante dollars et intérêts, plus une autre s somme de six cent cinquante dollars dont deux cents " dollars avancés et fourmis à la dite Dame Mélanie " Lalanne depuis la date du dit acte, et employes par c elle à payer les ouvriers et les matériaux employés à " Ia construction de la maison et autres bâtiments que " cette dernière s'est, par le dit acte, obligée de para-" chever à ses frais, de reprendre la pleine possession " et propriété du tout vendu et mentionné au dit acte; " quatre cent cinquante dollars à être avancés et four-" nis d'hui à quelques jours, pour le même objet et " aux mêmes conditions."

The respondent Vassal contested the opposition, claiming that the property so sold was worth more than $2,000, that the sale was simulée, illegal, fictitious and fraudulent, and that it was in fact a pledge to secure a loan.

The Superior Court maintained the opposition, holding that on expiry of the time for redemption the title to the property was confirmed in appellant, and that the sale was made in good faith and without fraud. The Court of Queen's Bench reversed this judgment and held that the transaction was only a pledge to appellant without delivery or possession, under the form of a deed of sale (sous la forme d'unetelle.)

The appeal to this court was limited to the case respecting the real estate, the appeal as to the moveable effects having been refused

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At the argument of the appeal before this court, the good faith of the transaction and absence of fraud were admitted by the respondent.

It is proved and admitted by the appellant that he adopted the sale with faculté de réméré, as offering him a better security than a simple hypothec that his advances would be repaid.

At the time of the sale the real estate with the completed house, was worth from $2,000 to $2,500; some months afterwards, by reason of certain unforeseen events in the locality, the value was reduced to not more than $1200 or $1,500.

Geoffrion Q. C. and Lavergne for the appellant. There has been no subrogation to the subsequent creditor, the respondent, and he has no right to demand that the contract between Madame Planee and the appellant should be declared void. Art. 1039 C. 0.

There is no fraud shown nor is it proved that the deed was fictitious and it should not be set aside. Salvas "paid a full and sufficient price and notwithstanding indulgence granted to his debtor, the default to redeem made the sale absolute by lapse of time. In Bourque v. Lupien ([2]) in conformity with Rolland de Villargues and Laurent's opinion, it was decided that there being here no laws against usury in Canada we can stipulate for any rate of interest, that there can not be any question of presumption against the deed because there is no prohibitive law to be eluded. The Court of Review based its decision upon Francæur v. Biron, (unreported) where one of the parties alleged that the redemption deed was not a real sale but a disguised pledge, supporting his pretensions upon the meanness of the price and the want of delivery. The Superior Court was reversed in Review, but the Court

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of Queen's Bench established the first judgment maintaining the sale.

If the object was not actually put into the possession of the creditor, it was not a pledge. Arts. 1966, 1970 0. 0. The court cannot suppose that the intention of the parties was to make a pledge in the absence of delivery the essence of pledge.

In Church v. Bernier ([3]) the court maintained a sale where no delivery had been made. The present case offers stronger reasons to maintain the sale. By our law sale is perfected by consent alone although the thing sold be not then delivered. Art. 1472 C. 0.

The deed was made public by registration and the respondent was a posterior creditor; there was no fraud and the appellant acted in perfect good faith. Hunt v. Taplin ([4]) must be distinguished, for in that case the sale was only colourable. The cases of Rickaby v. Bell ([5]); Cushing v. Dupuy ([6]); Black et al v. Walker ([7]); and Carter v. McCaffrey ([8]) are evident cases of collusion and fraud. The case of Pacaud v. Huston ([9]) cited by Mr. Justice Hall is not at all similar to the present one.

Crépeau Q. C, and Baudry Q. C., for the respondent. The contract made by Madame Planee bears marks of fraud; the price is so low as to cause that presumption and the simulation to a deed with right of redemption is evidently for the purpose of evading the Quebec Statute 55 & 56 Vict., ch. 17, sec. 1. See 16 Laurent ([10]); Bedarride Traité du Dol, etc. ([11]) and our courts follow this doctrine; Trahan v. Gadbois ([12]) * Wilson v. Mahon ([13]) ', Carter v. McCaffrey (6). It is a

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constructive fraud at any rate. The authors are unanimous in such a case in admitting a creditor, even posterior, in contesting the deed. Bedarride, Doll etc. ([14]); Marcadé ([15]); Larombière ([16]).

The transaction was not seriously intended to be a sale, but was a disguised pledge, bad for want of delivery. See Black v. Walker ([17]). The transaction has all the defects mentioned by Bedarride, Traité du Dol, etc. ([18]); and Chardon Traité du Dol, etc. ([19]). Salvas made subsequent advances on the same security. It is only upon our judgment and seizure that Salvas claimed the ownership whilst the insurance was taken by Plante as proprietor at his request.

There is a resemblance between the transaction and the ''Contrat pignoratif," of the French law writers. In France, when the contrat pignoratif is usurious, the law declares it absolutely null and void, but when a deed of sale a réméré is declared a mere con/rat pignoratif on account of simulation, but without usury, it is declared null as a sale, but stands good as a covenant for debt. Bedarride, vol. III, nos. 946, 947, 1181. Guyot Vo. " Pignoratif." Duranton vol. 16, nos. 430,

431. Dalozz "Rep. Leg. Vo "Nantissement " Nos. 224, 233, 307, 314. Again in Dalloz Rep. de Leg. Vo " Obligation," nos. 1035 and 1043, we see that third parties are always permitted to prove simulation in a deed which may affect their rights and interests, and that judges have power to decide that a sale a réméré is simulated and in reality nothing but a pledge. See also Gushing v. Dupuy ([20]); Gendron v. Labranche ([21]) per Casault J. at p. 92. The point involved was

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discussed and decided in our favour in Rickaby v. Bell ([22]); Pacaud v. Huston ([23]); Fairbanks v. Barlow ([24]); Hunt v. Taplin ([25]).

The deed violates the principle laid down by art. 1981 0. 0. that a debtor's assets are the common pledge of his creditors. The further advances, extension of time and so forth were illegal and never consented to by the vendor but by her husband alone without her authority in writing. The extension is not recorded in the registry office.

The Chief Justice. It is clear that no fraudulent

intent to hinder delay or defeat the creditors of the judgment debtor can be imputed to the appellant, who paid his money in good faith. Indeed the Court of Appeal does not dispute this.

The question whether a particular transaction was a sale with right of redemption, or a c contrat pisgnoratif" or an " antichrése " all of which differ in their legal effects ([26]), must in every case depend upon the interpretation of the deeds passed between the parties and on proper appreciation of the evidence.

Considering the case in this way it appears to me free from doubt that the parties intended just what they have said in the two notarial deeds and that these deeds were not intended to disguise any other or different contracts from those expressed in them

This being sufficient for the decision of the appeal I need not say anything further.

The appeal must be allowed and the appellant's opposition maintained with costs to him in all the courts.

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GwynnE, Sedgwick and King JJ. concurred in the judgrnent of Mr Justice Girouard.

GIROUARD J.Nous avons donné à cette cause toute l'attention que son importance demandait, et ce n'est qu'après mûre délibération que nous sommes arrivés à la conclusion qui suit. Nous avons sérieusement examine les raisons qui ont été avancées à l'appui de ce que l'on a appelé la jurisprudence de la Cour d'Appel dans la présente cause et aussi celle de Pacaud v. Huston ([27]), et Si nous avions le moindre doute sur le sujet notre devoir serait indubitablement de la confirmer; mais nous n'en avons aucun. Nous considérons que la jurisprudence de la Cour d'Appel est à la fois injuste et contraire au texte même du Code Civil. Cette injustice, M. le juge Ramsay l'a dénoncée dans des termes amers dans son dissentiment en Pacaud v. Huston (1).

His deed of sale " disait il en référant à la vente à réméré du créancier " is set aside and when he comes to the distribution of the money, he will have no more claim than a chirographary creditor. And all this shuffling has no other object than that. It is a false pretence on the part of the contesting party to say that he wants to leave him with his gage, the judgment to be confirmed robs him of his gage.

M. le juge Plamondon, de son côté, qui avait décidé Pacaud v. Huston ( 1 ) en Cour Supérieure, vient nous dire qu'il n'est pas convaincu par la decision de la Cour d'Appel, puisque dans la présente espŁce, il decide comme dans la premiere. Il est evident que la jurisprudence de la Cour d'Appel n'est pas encore acceptée par le Barreau et le Banc de la province de Québec.

A l'exposé des faits qui précŁdent, je n'ai qu'une observation à ajouter et elle se rapporte à la bonne foi de l'appelant. Je crois qu'elle a été finalement admise à l'audience devant nous * elle est d'ailleurs incontestable.

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La Cour Supérieure le jugea ainsi : " Dans toute cette transaction," dit M. le juge Plamondon dans son jugement, l la bonne foi de l'opposant et l'absence de fraude sont évidentes." Le jugement de la Cour ( d'Appel ne contredit pas ce motif; il declare purement et simplement

qu'il ressort des faits et des circonstances de cette cause que l'acte de vente à faculté de réméré consenti par Dame L. Adoiphe Plante, autorisée par son mari, en faveur de l'intimé, du 10 avril 1893, devant Mtre. Véronneau, notaire, était un contrat de gage, sous la forme d'une vente, et que les prétendues vendeurs ne se sont pas dépossédés ni des meubles ni de l'immeuble vendus.

Le juge en chef Lacoste ([28]) admet implicitement la bonne foi de l'appelant.

Ainsi, dit il, un acte simulé, qui n'a pas pour objet d'éluder une loi et qui est exempt de fraude, doit s'exécuter comme les parties out entendu qu'il fut exécuté.

Puis, le savant juge ajoute :

Nous aurions maintenu la vente si la contestation eut été entre les parties au contrat.

M. le juge Hall ([29]), est plus explicite :

There can be no doubt as to the good faith of the purchaser Salvas : he did not wish to buy the property, but would only provide the desired amount upon the condition of the title being conveyed to him, and he expected that Mrs. Plante would exercise her right of redemption, return his money and avail herself of the stipulated right of redemption.

M. le juge Blanchet trouve la conduite de l' appelant pour le moins étrange ([30]); ii a des soupçons de fraude, mais il n'ose le dire dans ses conclusions. D'ailleurs la preuve établit hors de tout doute que la transaction a été exempt de fraude. Mme. Plante, la venderesse, n'avait pas de créanciers valant la peine d'être mentionnés, si ce n'est l'intimé pour une somme de $200 pour matériaux fournis à la maison en voie de construction,

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et ii fut tout de suite pavé à même les deniers de l'appelant. Ce paiement aurait dû ouvrir les yeux de l'intimé et le pousser au bureau d'enregistrement, qui est à quelques pas de son domicile. Il ne fit rien et continua à faire des avances de bois, s'en rapportant évidemment à la solvabilité personnelle de Planee ou de sa femme.

Les faits et circonstances de la vente à réméré étant établis, il ne nous reste plus qu'à examiner les questions de droit. La vente à réméré était-elle valide à l'égard des tiers, étant prouvé et même admis qu'elle fut passée dans le hut de mieux assurer le remboursement des avances de l'appelant? Même si elle n'est à leur égard qu'un nantissement d'immeuble, ce nantissement est-il parfait, et permet-il à l'appelant de garder l'immeuble?

La Cour Supérieure a jugé que la vente était valide. La Cour d'Appel à l'unanimité ne voit dans la transaction qu'un nantissement d'immeuble, irrégulier et sans valeur légale, puisque, dit-elle, il ry a pas en tradition de gage. C'était le principe qu'elle avait con- -sacré en 1877, dit M. le juge Hall, dans Pacaud v. Huston ([31]).

Plus prudent que les hommes d'affaires l'acheteur qui n'est qu'un simple cultivateur sans instruction, demeurant à 25 ou 30 milles des lieux en litigequ'iI ne connaissait pas—qui avait lhsbitude de consulter le notaire de son village dans le cours de ses transactions, s'est cru le plus sûr des préteurs. C'était en effet sa position à l'origine, lorsque la vente a été passée et qu'il n'y avait pas de créancier à redouter. Mais voila que le vendeur fait des dettes; il devient même insolvable. Des lors, d'aprés la Cour d'Appel, la vente ne vaut plus rien et tout gage possible disparaît aussi, puisqu'à ses yeux, il n'y a pas eu de tradition. L'acheteur est

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devenu un simple créancier chirographaire, comme le plus imprévoyant des fournisseurs, par exemple, l'intime qui ne sé donne même pas la peine d'aller consulter les livres du bureau d'enregistrement. C'est bien le cas de dire, summum jus, summa injuria.

Pour decider la question même vis-à-vis des tiers ii s'agit de rechercher non pas les motifs ou le but immédiat ou ultérieur ou les résultats possibles ou probables que les parties avaient en vue, mais la nature de la convention qu'elles avaient l'intention de faire et qu'en réalité elles ont faite. Etait-ce une vente à réméré ou un nantissement? Il suffit de poser la question pour la résoudre. Ce n'était certainement pas un nantissement, puisque, s'ii faut en croire la Cour d'Appel, il n'y avait pas de tradition. Et pourquoi pas une vente? La tradition ou possession n'est pas alors nécessaire Il suffit que l'acheteur ait fait enregistrer son titre contre des acquisitions futures. Où est la loi qui empêche les parties de couvrir une avance, un credit, ou même une speculation, sous la forme d'une vente d'immeuble, soit absolue, soit résolutoire, comme une vente avec faculté de réméré? Où se trouve ici la simulation? Les parties n'entendaienteiles pas faire une vente irrevocable, si le prix n'était pas remboursé?

La Cour d'Appel invoque dans cette cause la doctrine des commentateurs du Code Napoléon et la jurisprudence française. Mais fussent-elles précises et unanimes; s'appliquent-elles? Pour donner à cette question tout le développement qu'elle exige, ii est nécessaire de rappeler ce qu'étatt l'ancien droit en cette matière et determiner le droit nouveau tant en France que dans notre province.

Les lois en vigueur avant le Code n'offraient pas assez de liberté pour permettre des operations de cette nature. Pour Ia vente ii fallait la tradition; l'acquéretir

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avait aussi à craindre la lesion d'outre moitié. Puis le défaut d'exercer la faculté de rachat dans le délai convenu n'était pas irréparable. Le délai pouvait étre prolongé par le juge et l'acheteur ne devenait propriétaire irrevocable de la chose vendue que par un jugement en déchéance du droit de réméré. D'un autre côté l'antichrèse on le nantissement de l'immeuble était presque prohibé comme suspect d'usure. On trouve dans Merlin, Quest. vo. Contrat Pignoratif, un plaidoyer complet sur le droit ancien. Il y enseigne que la vente avec faculté de réméré a été substituée en France à l'antichrŁse c'est-à-dire, le nantissement des immeubles, qu'on ne pouvait plus y pratiquer ouvertement aprŁs qu'elle eat été prohibée par le droit canonique, et dans un temps où les juges ecclesiasticues connaissaient de l'usure. Des créanciers ne prirent plus de fonds en gage, avec pacte d'en recevoir les fruits pour les intérêts; ils adoptèrent le vente à réméré, et comme aux termes de la loi romaine 87, la chose donnée en gage pouvait être louée par le créancier à son débiteur ils relouèrent à leurs vendeurs les fonds que ceux-ci leur avaient vendus.

Ces contrats furent nommés Pignoratifs, paree que la vente, qui y était stipulée, n'était véritablement qu'une i pignoration déguisée. On conçoit que cette manière de violer indirectement la loi qui prohibait toute stipulation intérêts pour argent prêté ou dûl'argent étant suppose ne rien produirene manqua point d'éveiller l'attention des autorités. Aussi le Parlement de Paris rendit-il, le 29 juillet 1572, un arrêt de règlement par lequel il declare ces sortes de contrats nuls et usuraires. Cependant, les auteurs et les arrêts sont unanimes à décider qu'il fallait au moins le concours de trois circonstances pour que les contrats de vente fussent réputés de vrais contrats pignoratifs simulés savoir la vileté du prix de la chose vendue la faculté de réméré et la

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relocation ou le bail à louage fait au vendeur de la chose vendue.

Mais, continue Merlin, p. 309, quand même il réunirait les trois conditions, qui, par leur concours, faisaient autrefois, dans la jurisprudence de quelques parlements, considérer des actes de vente comme des contrats pignoratifs, il suffirait qu'il eût été passé dans un pays où le prêt à intérêt et l'antichrèse ont toujours eu l'approbation des lois; il suffirait qu'il eût été passé à une époque où la faculté de prendre des biens en antichrèse et de prêter à intérêt, était légalement établi dans tout le territoire français pour qu'il demeura constant a vos yeux, qu'on n'a point voulu, qu'on n'a pas Pu vouloir, dans ce contrat. cacher sous une forme licite, des conventions défendues; que ce qui est annoncé, par ce contrat, avoir été stipulé entre les parties, la été réellement, et sans aucune ombre, comme sans aucun motif de déguisement; qu'on ne peut pas dire de ce contrat, aliud gestum, aliud scripta; en un mot, que ce contrat n'est point une antichrèse simulée, qu'il n'est point un contrat pignoratif, qu'il est, et rien de plus, une vente à réméré.

La Cour de Cassation, par arrêt du 16 juin 1806, adopta les conclusions de Merlin :

Vu la loi 23, D. de regulis juris, la loi 1, par. 6, D. depositi; l'art. 46 de l'ordonnance de 1510; l'art. 30, chap. 8, de celle de 1535; et l'art 134 de celle de 1539; Considérant que le jugement du tribunal d'appel de Grenoble, du 11 pluviose an 12, en décidant qu'un contrat de vente sous faculté de réméré n'est qu'un contrat pignoratif, a dénaturé ce contrat;

Que la prohibition du contrat pignoratif, comme pouvant donner lieu a des intérêts plus forts que ceux que l'on retirerait d'une constitution do rente, n'a jamais eu lieu dans le resort du parlement do Grenoble.

Que, memo dans les parlements qui avaient introduit cette prohibition. la relocation do 1 héritage était l'un des caractères essentiels exigés pour en induire une pignoration, circonstance qui no so rencontre pas dans l'espèce dont il s'agit;

Par ces motifs, la cour casse et annule etc Voir aussi 9 Marcadé et Pont, no. 1049 et suiv., 1215 et suiv.

Comment avant le Code du Bas-Canada une vente comme celle qui faisait le sujet du savant plaidoyer de Merlin, aurait-elle été envisagée par nos tribunaux? On ne trouve aucune decision de nos cours dans un sens

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ou dans l'antre, si ce n'est celle de Shaw v. Jeffery ([32]). C'est un fait remarquable one nos rapports judiciaires avant le Code ne font presque pas mention des ventes à réméré on des nantissements d'immeubles. Il y a lieu de croire qu'après l'abrogation des lois contre l'usure, une telle vente aurait été déclarée valable, comme elle le fût par la Cour de Cassation. Shaw v. Jeffery (1).

Le Code Napoleon, et surtout le Code de Québec, ont considérablement innové à l'ancien droit en cette matière. La vente est parfaite par le seul consentement des parties, quoique la chose ne soit pas encore livrée. Arts. 1025 et 1472 C. C. Faute par le vendeur d'avoir exercé la faculté de réméré l'acheteur demeure propriétaire irrévocable de la chose vendue. Art. 1550 0.0. Les majeurs ne sont pas restituables pour cause de lesion seulement. Arts. 1001 1012 1413. C. C. Ces articles se trouvent en substance au Code Napoleon. L'article 1674 du Code Napoléon declare néanmoins que la rescision de la vente d'un immeuble peut être demandée, s'il y a lésion de plus de sept douziŁmes dans le prix.

Quant an nantissement des immeubles, les deux. codes contiennent des differences plus nombreuses et plus radicales. Le Code de Québec art. 1967, declare que l les immeubles peuvent être donnés en nantissement aux termes et conditions convenus entre les parfies," et que les règles concernant le gage des meubles,. s'appliquent au nantissement des immeubles " en autant que ces règles peuvent y être applicables." Au. contraire, dans le systŁme du Code Napoleon, le nantissement des immeubles forme un contrat à part appelé l'antichrèse comme dans l'ancien droit, (les vieux auteurs l'appelaient mortgage, 9 Marcadé et Pont, 1056 1215), qui confère au créancier des droits bien. différents du gage. Le créancier n'acquiert aucun droit

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de propriété ou privilège sur l'immeuble même, mais seulement la faculté d'en percevoir les fruits ala charge de les imputer annuellement d'abord sur les intérêts et ensuite sur le capital de sa créance. C N. art. 2085; 28 Laurent, n. 528. D'aprés le Code Napoleon, art. 2078 et 2088, le créancier ne pent jamais s'approprier le gage, soit mobilier ou immobilier * toute stipulation contraire est regardée comme un pacte commissoire et absolument nulle; le créancier ne peut que poursuivre l'expropriation du gage par les voles ordinaires. Beaudry-Lacantiñerie, dans son nouveau Traité du droit civil ([33]), observe que si en réalité la convention que les parties ont voulu faire révèle le pacte commissoire prohibé par l'art. 2088 on n'est plus en face d'une vente à réméré, mais bien d'un contrat pignoratif.

La convention est nulle, ajoute-t-il; du moins elle ne peut valoir que comme simple contrat d'antichrèse. La vileté du prix de la vente et la relocation au vendeur sont encore ici les principaux signes qui trahiront le plus souvent l'impignoration.

Il cite plusieurs arrêts qui ont jugé dans ce sens; mais ils n'ont aucune application dans le systeme de notre Code. L'article 1971 dit :

Le créancier peut stipuler qu'à défaut de paiement il aura droit de garder le gage.

Le pacte commissoire est donc permis parmi nous, et dans le gage des meubles et le nantissement des immeubles.

A ces différences fondamentales ajoutons qu'en "France les lois contre l'usure sont encore en force tandis qu'elles ont été abrogées an Bas-Canada depuis près d'un demi-siècle. Ce qui est cause qu'en France les auteurs et les arrêts sont encore à la reclierche du taux de l'intérêt, de Ia vileté du prix du pacte commissoire et des autres indices du contrat pignoratif dans les ventes avec faculté de réméré et que si ces indices sont

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établis le contrat est déciaré nul comme étant en fraude de la loi. C'est ce qu'enseignent Bédarride, cite par l'intimé, Duvergier et d'autres commentateurs, et ce qui a été décidé par un grand nombre d'arrêts recueillis par Dalloz, ([34]). Mais l'opinion de ces jurisconsuites et la jurisprudence de ces arrêts ne peuvent faire autorité parmi nous, où l'usure, la lesion même d'outre moitié, le contrat pignoratif et le pacte commissoire ne sont plus reconnus comme moyens de nullité des conventions. C'est ce que l'arrêt rendu sur le plaidoyer de Merlin que nous avons cite a décidé pour le ressort du parlement de Grenoble où certaines lois prohibiiives du prêt à intérêt n'étaient pas suivies ; et c'est aussi la jurisprudence de la Belgique où le taux de l'intérêt est libre au comme Canada ([35]).

Mais, dit l'intimé, l'acheteur n'a pas eu de tradition et n'a jamais eu la possession de l'immeuble. Supposons qu'il en soit ainsi. Où est Ia loi qui exige la tradition ou la possession pour la validité de la vente à réméré d'un immeuble? Le Code de Québec et le Code français disent que la vente est parfaite par le seul consentement des parties, quoique Ia chose ne soit pas encore livrée. (Art. 1472 C. C). Et l'article 1025 qui declare que,—

Le contrat d'aliénation d'une chose certaine et déterminée rend. l'acquéreur propriétaire de la chose par le seul consentement des parties, quoique la tradition actuelle n'en ait pas lieu.

Le Conseil Privé a semblé conceder (sans cependant decider) dans la cause de Gushing v. Dupuy, ([36]) qu'à l'égard des tiers la tradition n'était pas une cause de nullité de la vente de meubles. A plus forte raison, doit-il en être ainsi de la vente d'un immeuble qui doit être enregistrée pour valoir contre les tiers inscrits.

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Sans doute, le défaut de tradition sera toujours un élément important de Ia fraude Gushing v. Dupuy; mais hors ce cas la tradition n'est d'aucune importance même vis-à-vis des tiers; parce que loin d'être precrite par la loi, elle est déclarée etrangère au contrat. Tout ce qu'il suffit c'est que la vente soit faite de bonne foi et exempte de toute fraude. La jurisprudeuce française s'est prononcée dans ce sens par plusieurs arrêts. Poteau v. Caillaut Cass. 23 décembre 1845 ([37]); Grassin v. Ravion 22 avril 1846 ([38]); BontéBarbe v. Mazurier, 2 juillet 1856 ([39]); Mazet v. Barrabé, 26 décembre 1892 ([40]); Rougeron v. Chabot, 20 mars, 1888 ([41]); Lamoureux v. Sous-Comptoir, 13 juillet 1891 ([42]). Qu'il nous suffise d'attirer l'attention sur les motifs de ces deux derniers arrêts Celui de 1888 déclare :—

Que cette vente était exempte de toute fraude, mais que dans les circonstances où elle a eu lieu, Chabot, loin de soustraire le gage à ses créanciers, n'y a eu recours que pour le leur conserver dans la mesure de ce qui lui était possible.

Par l'arrêt de 1891 la Cour de Cassation declare vu les art. 68 de la loi du 25 ventôse an XI et 1382 C. Civ. (C.N.); Attendu que

la convention par laquelle lune des parties vend à l'autre, sous condition de réméré, une quote-part d'un immeuble, tout en lui conférant sur cet immeuble une hypothèque pour sûreté d'une créance, n'est interdite par aucune loi; que rien n'autorise à appliquer par analogie à une convention de cette nature les dispositions do l'art. 2088 C. Civ., qui régissent exclusivement le contrat d'antichrèse.

Puis les annoteurs observeront à la note :

La jurisprudence et Ia majorité des auteurs considŁrent comme étant parfaitement valable, malgré l'art. 2088 C. Civ. dont les dispositions régissent exciusivement le contrat d'antichrèse, ainsi que le déclare la Cour de Cassation dans l'arrêt recueili au texte la convention par laquelle un débiteur, en hypothéquant des immeubles à son créancier,

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consent à ce que les immeubles ainsi affectés deviennent et demeurent la propriété de ce dernier à défaut de remboursement de l'emprunt à l'échéance. (V. Toulouse, 16 mars, 1812, S. chr. ler mars 1822, S. chr. Montpellier, 26 juillet 1833, S. 34, 2, 29, 6 mars 1840, S. 40, 2531; Cass. ler juillet 1844, Pand. fr. chr. S. 45, 1, 17, P. 44, 2,543. D, P. 44 1 344. Comp. Cass., 26 février 1856, S. 56, 1, 667, P. 57, 284. D. P. 56, 1, 116. Duranton, t. 18, p. 568; Troplong, Nantissement, n. 561, et Vente, n. 77; Duvergier, De la Vente, n. 118 et 119 P. Pont Petits Contrats t. 2, n. 1260; Champonnière et Rigaud, Dr. d'enregistr, n. 2071; Aubry et Rau, 4e edit. t. 4, par. 438, p. 718. ——V cependant Paris, 22 messidor an XI, S. chr.—Montpellier, 17 août 1840; S. 40, 2, 531; ce dernier arrêt a été cassé par la décision précipitée du ler juillet 1844. Comp. notre Rep. alph. v° " Antichrèse," n. 35 et suiv.)

Nos tribunaux ont eu maintes occasions de considérer les articles du Code an sujet des ventes avec faculté de réméré et des nantissements de biens, tant mobiliers qu'immobiliers. Comme cette cause ne présente qu'une question de validité d'une vente à réméré on du nantissement d'un immeuble, ayant en lieu de bonne foi et sans fraude nous devons écarter toutes les décisions où il s'agissait de transactions fausses on frauduleuses, par exemple Cushing v. Dupuy ([43]), et Rick by v. Bell ([44]), et même celles qui, comme dans Hunt v. Taplin ([45]), n'avaient en vue que la validité des ventes on nantissements entre les parties contractantes on de choses mobilières à moins que les principes qui v sont déclarés ne soient également applicables à la vente on an nantissement de l'immeuble vis-à-vis des tiers. Nous n'avons done qu'à confronter les décisions suivantes :

1er. Burland v. Moffatt ([46]).

Semble—The plaintiff, being a second purchaser in good faith and for value acquired a valid title to the property in question which he could set up even against an action brought directly by the creditors.

2e. Church v. Bernier ([47]).

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Held, that although M. acting as agent for appellants, purchased the bark in his own name, and it remained in his possession, yet the whole transaction being in good faith and there being no suspicion of M's insolvency at the time of the transaction in question, appellant's right of property in the bark so measured and identified, was perfect without delivery.

Le juge en chef Lacoste disait :

Suivant l'ancien droit, ces ventes (de choses mobilières) n'auraient pas été parfaites sans délivrance. Le législateur a vu des inconvénients graves dans l'application de la loi telle qu'elle existait, il a cru y remédier en décrétant que la vente serait parfaite par le consentement des parties, non seulement entre elles mais vis-a-vis des tiers. Pour l'interprétation de cet article 1027, il faut donc élaguer la question de fraude.

En rendant jugement dans la présente cause, le savant juge a exprimé son étonnement à la vue de la decision de cette cour dans Hunt v. Taplin ([48]) qui n'a cependant aucune analogie avec le cas present, puisqu'il s'agissait de la validité d'une vente entre les parties contractantes. La Cour d'Appel avait jugé que la convention liait les parties contractantes; mais la Cour Supreme renversa son jugement.

Cette décision, dit le juge en chef, bouleverse notre jurisprudence. Si cependant la Cour Suprême persiste il sera de notre devoir d'accepter sa propre jurisprudence.

Il n'entre pas dans les attributions de cette cour de reviser ses propres decisions. On nous pardonnera si, en passant, nous signalons à l'attention un arrêt tout recent de la Cour de Cassation, rendu le 22 janvier 1895 Spezzechine v. Culot ([49]);

10. La nullité d'une vente peut être demandée et prononcée pour cause de simulation, à la requête de l'héritier du prétendu vendeur, lorsque ce dernier établit, par des présomptions appuyées d'un commencement de preuve par écrit, que l'acte de vente dressé en vue de frustrer les créanciers de son auteur n'avait jamais dû recevoir, dans l'intention commune de ceux qui l'avaient souscrit et n'avait reçu en fait aucune execution

Les annotateurs observent en note :

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La jurisprudence a quelque temps hésité sur 16 point de savoir si la nullité d'une convention pour simulation de cause peut être invoquée par les parties contractantes elles-mêmes. La negative, admise par plusieurs arrêts, s'appuyait sur l'adage : Nemo auditur propriam turpitudinem allegans, et prétendait refuser d'une manière générale à ceux qui avaient pris part à la fraude alléguée le droit d'en tirer parti pour se dérober à leurs engagements. (V. en ce sens, Cass. 8 janvier 1817; 5 décembre 1826; 6 août 1828, S. et P. chr. Paris, 26 novembre 1836, S. 37, 2, 34. Chambéry, 6 mai, 1861, S. 61, 2, 563, P. 62, 105). Mais l'opinion contraire semble avoir définitivement prévalu. (V. notamment, Cass. 19 janvier 1830, S. et P. chr. Lyon, 21 mars 1832, S. 32, 2. 391. Cass. 7 mai 1832, S. 36, 1, 574. P. 36, 2, 48, D. P. 36, 1, 161. 11 juin 1838, S. 38, 1, 494, P. 38, 1, 663, D. P. 38, 1, 269. Nîmes, 25 janvier 1839, S. 39, 2, 177, P. 39, 1, 209, D. P. 39, 2, 99. Limoges, 28 novembre 1849 S. 51 2 413. Cass. 23 juillet 1851, S. 51, 1, 753, P; 51, 2, 48, D. P. 51, 1, 269. 22 novembre 1869, S. 70, 1, 339, P. 70, 886, D. P. 70 1 273. Aix, 25 janvier 1871, S. 71, 2, 264, P. 71, 843, D. P. 71, 2, 52. Montpellier, 8 février 1876, S. 76, 2, 295, P. 76, 1130. Cass. 30 juin 1879, S. 81, 1, 397, P. 81, 1, 1031, D. P. 79, 1, 413. 25 avril 1887 dans ce Recueil, 87, 1, 135. 6 juin 1887 ibid. 87, 1, 289. Aubry et Rau, 4e édit., t. 1, par. 35, p. 116; Laurent, Principes de dr. civ. t. 16, n. 121). Les parties elles-mêmes peuvent donc se préyaloir de la nullité de l'acte simulé; et ce qui est vrai des contractants ne l'est pas moins de leurs héritiers, qui succŁdent à leurs droits et actions

3e Pacaud v. Huston ([50]), décidé par la Cour d'Appel composée de Monk, Ramsay, Sanborn et Tessier JJ., M. le juge Ramsay dissident.

Held that the deed of sale was simulated and void for total want of consideration and the property never passed under it.

Il est évident que cette cause n'a guère d'analogie avec celle qui nous occupe. M. le juge Sanborn, qui rendit le jugement de la majorité, observa :

Appellant appears to have had an intimate knowledge of his affairs, and there is much reason to believe that he considered him insolvent at the time. It is unnecessary to pronounce positively on this point to determine this issue. The first thing to be noticed as bearing upon the case, and in fact of determining the relations between appellant and Nault, is that appellant accepted a mortgage upon the property now in question at the same time as he took a deed. He could not

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really be at the same time owner and mortgagee of the same property. (La Cour de Cassation a cependant décidé le contraire par arrêt du 13 juillet 1891, cite plus haut). .. It is argued that this is a deed with a right of redemption, and that appellant became absolute proprietor till the right of redemption is exercised by offering him the money. This is not so. A deed with right of redemption is one where there is a price paid and the right of redemption is stipulated by the deed. See art. 1546 C. C. In this case no such right is stipulated, and according to appellant's evidence, Nault could not have the property back by paying the stipulated price $400, but only upon paying the $1,300 mortgage and the notes. There was in fact no consideration for the deed treated as a sale.

4e. Bourque v. Lupien ([51]), où ii s'agissait de la validité d'une vente à réméré entre l'acheteur et l'acquéreur du vendeur, qui s'était cependant chargé de ses obligations, Larue J., disait pour Ia Cour de Revision de Québec c

En France où les contrats usuraires étaient défendus, et où, dans le contrat d'antichrèse (c'est-à-dire de nantissement des immeubles comme sûreté d'un prêt) il était défendu de prêter au-dessus du taux legal les auteurs enseignaient qu'un contrat d'antichrèse déguisé sous le titre de vente à réméré n'était rien autre chose qu'un acte pignoratif. 3 Bédarride, no. 1179; Chardon, n. 512.

Laurent, vol. 28, no. 543, après avoir mentionné Que sous l'empire de la loi du 3 sept. 1807 qui impose aux parties l'intérêt legal comme limites qu'elles ne peuvent pas dépasser, ajoute ce qui suiit : 'Il va de soi qu'il n'est pas permis aux parties de faire indirectement ce qui leur est défendu de faire directement éluder la loi et surtout une loi d'ordre public Les tribunaux ont donc le droit et le devoir d'annuler pour cause d'usure les contrats antichrétiques qui cachent des conventions usuraires, quels que soient le nom et Ia forme que les parties leur donnent Il résulte de là des difficultés d'interprétation Ces difficultés ne se présentent plus d'après notre législation qui laisse aux parties pleine liberté de stipuler tel intérêt qu'elles veulent. Il ne peut plus être question de contrat déguisé, puisq u'il n'y a plus de pro hibition à éluder

Ces dernières remarques s'appliquent à nous qui n'avons pas de loi contre l'usure.

Chez nous Ia vente est parfaite par le seul consentement des parties, (C. C. 1025, 1472), et le réméré n'est généralement stipulé que pour

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donnrr une garantie plus sûre au créancier qui a prêté son argent et qui ne veut pas courir le risque d'en perdre une partie en faisant les frais nécessaires pour vendee l'immeuble en justice. Ce contrat est légal, pourvu qu'il n'y alt pas fraude, et cc, lors même que le prix de vente serait bien inférieur à la valeur de l'immeuble, car l'annulation d'un contrat pour lésion d'outre-moitié n'existe plus

La cause qui a le plus de ressemblance à Ia présente est celle de Francæur v. Biron, jugée par la Cour d'Appel en 1887, et non rapportée. Francæur avait acheté de Biron deux immeubles avec faculté de réméré. Le délai expire sans que Biron eût exercé son droit, Francæur poursuivit le possesseur Giguère. Biron. poursuivi en garantie, alléguait .que l'acte n'était pas une vente réelle, mais bien un nantissement déguisé; il s'appuyait sur la vileté du prix et le défaut de tradition. La Cour Supérieure a maintenu Ia vente. Ce jugement a été renversé par la Cour de Revision. La Cour d'Appel a infirmé le jugegement de la Cour dc Revision et rétabli celui. de la Cour Supérieure, qui avait décidé que Francœur était devenu propriétaire en vertu de l'acte de vente à réméré et que ce droit lui était resté par suite du défaut du vendeur d'exercer son droit de réméré dans le délai stipulé, et qu'aux termes des arts. 1549 et 1550 C. C. il était déchu du droit de i'exercer

Enfin, comment decider autrement en face de l'article 1027 de notre Code Civil qui ne se trouve pas au Code Napoleon, bien que le principe en soit reconnu par des commentateurs comme consequences de l'article 1583 C. N. (art. 1472 de notre Code), qui declare Ia vente parfaite par le seul consentement des parties, quoique la chose n'ait pas encore été livrée, 24 Demolombe p. 467. L'alinéa ler de l'art. 1027 dit :

Les règles contenues dans les deux articles qui précédent, s'appliquent aussi bien aux tiers qu'aux parties contractantes), sauf, dans les contrats pour le. transport d'immeubles, les dispositions particulières de ce code quant à l'enregistrement des droits reels.

En supposant que la doctrine des auteurs et la jurisprudence française seraient unanimes contre la validité de l'acte de vente à réméré, à titre de vente, comment en présence d'un texte aussi formel peut-on decider que cette vente faite de bonne foi et sans fraude valide entre les parties ainsi que l'admet la Cour d'Appel,

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ne le serait pas également à l'égard des tiers, simples créanciers chirographaires du vendeur? C'est ce que l'intimé n'a pas même tenté de démontrer

Nous sommes done d'opinion que l'acte du 10 avril 1893, consenti par Mme. Planee dans le but de mieux assurer le remboursement des avances d'argent que lui faisait l'appelant constituait une vente avec faculté de réméré, valide non seulement entre les parties contractantes, mais aussi à l'égrard des tiers et que, faute par la venderesse d'avoir exercé cette faculté dans le terme prescrit, l'appelant demeure propriétaire irrévocable de l'immeuble vendu même vis-à-vis des tiers et en particulier de l'appelant.

Ce premier point décidé en faveur de l'appelant et

sans contredit c'était le plus importantnous considérons qu'il n'est pas nécessaire de nous prononcer sur le second, savoir Ia validité de l'acte du 10 avril 1893 comme nantissement d'immeuble, et particulièrement la nature de la possession requise en pareil cas.

Enfin nous sommes unanimement d'avis d'infirmer le jugement dont est appel, et de rétablir celui de la Cour Supérieure quant à l'immeuble. En conséquence l'opposition de l'appelant à la saisie du dit immeuble est maintenue avec dépens devant toutes les cours.

Appeal allowed with costs.

Solicitors for the appellant: Laurier, Lavergne Se Côté.

Solicitors for the respondent: Crépeau & Crépeau.



[1] Q. R. 5 Q. B. 349.

[2] Q. R. 7 S. C. 396.

[3] Q. R. 1 Q. B. 257.

[4] 24 Can. S. C. R. 36.

[5] 2 Can. S. C. R. 560.

[6] 5 App. Cas. 409; 24 L. C. Jur. 151.

[7] M. L. R. 1 Q. B. 214.

[8] Q. R. 1 0. B. 97.

[9] 3 Q. L. R. 214.

[10] Nos. 497 498.

[11] Nos. 1429, 1446, 1447.

[12] 5 R. L. 690.

[13] Q. R. 3 S. C. 267.

[14] Vol. IV nos. 1420-1422.

[15] Sur. art. 1167 vol. 4 p. 1451. 432, no. 502.

[16] Vol. 2 p. 228 sur. art. 1167, no. 20.

[17] M. L. R. 1 Q. B. 214.

[18] Vol. 4, nos. 1445, .1446, 1451.

[19] Vol. 3, no. 507.

[20] 5 App. Cas. 409; 24 L. C. Jur. 151.

[21] Q. R 3 S. C. 83.

[22] 2 Can. S. C. R. 560.

[23] 3 Q. L. R. 214.

[24] 14 Can. S. C. R. 217.

[25] 24 Can. S. C. R. 36.

[26] Pothier, Traité de l'Hypothèque no. 242-245; Traité deVente no. 285

[27] 3 Q. L. R. 214.

[28] Q. R. 5 Q. B. 356.

[29] Q. R. 5 Q. B. 360.

[30] Q. R. 5 Q. B. 352.

[31] 3 Q. L. R. 214.

[32] 13 Moo. P. C. 432.

[33] Ed. 1895, t. ler p.145.

[34] Vo. Vente, n. 1438 et suiv. Lacantinerie, 1 Dr. Civil 135.

[35] 24 Laurent 379; Baudry- 9 Marcadé et Pont, 1216, 1225.

[36] 5 App. Cas. 409.

[37] S. V. 46, 1,732.

[38] S. V. 46, 1,639.

[39] Dal. 56, 1,427.

[40] 4 Pand. Fr. Chr. 2 59.

[41] Pand. Fr. 88, 1,386.

[42] Pand. Fr. 92, 1,237.

[43] 5 App. Cas. 409.

[44] 2 Can. S. C. It. 560.

[45] 24 Can. S. C. R. 36.

[46] 11 Can.S. C. R. .76.

[47] Q. R. 1 Q. B. 257.

[48] 24 Can. S. C. R. 36.

[49] Pand. Fr. 95 1 486.

[50] 3 0. L. R. 214.

[51] Q. R. 7 S. C. 396.

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