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Cour suprême du Canada

Immeubles—Vente—Action pour faire annuler—Entente verbale—Admissibilité—Prête—nom—Acheteur étant une compagnie non encore incorporée—Code civil, art. 1238, para. 7—Loi des compagnies de Québec, S.R.Q. 1941, c. 276, art. 29.

L'actif d'une compagnie en faillite et dont l'appelant Morin détenait le contrôle comprenait particuliérement deux propriétés immobilières: l'une sur laquelle se trouvait la maison familiale et l'autre, une ferme. Voulant récupérer ces deux immeubles, l'appelant Morin conçut le projet d'en faire l'acquisition par l'intermédiaire de son fils. Ce dernier, à la suite d'une entente verbale avec son père, acheta les deux immeubles du syndic à la faillite. Quelques mois plus tard, Morin fils, sans l'assentiment de son père, vendit la ferme à l'intimée Mar-Mic

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Farm Inc., compagnie qui ne devait être incorporée que trois mois plus tard. Dans son action pour réclamer les deux propriétés, Morin père allégua qu'il fut convenu verbalement que son fils agirait comme son prête-nom, lui rétrocéderait les immeubles sur demande et serait remboursé des argents déboursés par lui aussitôt que son père pourrait le faire.

Le juge au procès fit droit à la demande de Morin père; il le déclara propriétaire de la propriété résidentielle et annula la vente de la ferme qui avait été faite à Mar-Mic Farm Inc. La Cour d'Appel déclara Morin père propriétaire de la propriété résidentielle, mais déclara que la vente de la ferme était valide. Morin père interjeta appel à cette Cour et Morin fils, dans un contre-appel, attaqua la décision déclarant son père propriétaire de la propriété résidentielle.

Arrêt: Les appels de Morin père doivent être maintenus et le contre-appel de Morin fils doit être rejeté.

La preuve testimoniale concernant la nature de l'entente verbale entre le père et le fils était admissible—il existait un commencement de preuve par écrit au sens du para. 7 de I'art. 1233 du Code civil—et cette preuve considérée avec tout ce que révèle le dossier établissait de façon prépondérante les préventions de Morin père à l’effet que son fils devait agir comme son prête-nom. Morin fils n'a donc jamais été propriétaire des deux immeubles, et il s'ensuit que son père avait droit d'en obtenir la rétrocession. II s'ensuit aussi que Morin père avait droit de demander que l'acte de vente relatif à la ferme soit déclare inexistant parce que Mar-Mic Farm Inc., désignée comme acheteur, n'avait aucune existence juridique à la date de cet acte de vente et de son enregistrement, et que ce défaut n'était pas autrement couvert. II n'y avait aucune preuve au dossier de la constitution d'un fidéicommis au sens et aux fins indiqués aux dispositions de I'art. 29 de la Loi des compagnies de Québec. Les dispositions de cet article ne pouvaient pas être étendues au cas présent. La prévention des intimés que l'action ne pouvait réussir parce que préalablement à son institution ils n'avaient pas été remboursés des argents qu'ils avaient avancés, ne peut pas être supportée. Suivant la convention verbale le fils devait sur simple demande, et sans autre condition, rétrocéder les immeubles à son père.

Immovables—Sale—Action to set aside—Verbal agreement—Admissibility—Prête-nom—Purchaser a company not yet incorporated—Civil Code, art. 12SS, para. 7—Quebec Companies Act, R.S.Q. 1941, c. S76, s. 29.

The assets of a bankrupt company which had been controlled by the appellant Morin included, inter alia, two immovable properties: one upon which was situated the family residence and the other, a farm. Desiring to regain these two properties, the appellant Morin conceived the scheme of acquiring them through his son. The latter, following a verbal agreement with his father, bought the two properties from the trustee in bankruptcy. A few months later, the son, without the consent of his father, sold the farm to the respondent Mar-Mic Farm Inc., a company which was only incorporated some three months later. In his action claiming the two properties, the father alleged that it had been agreed verbally that his son would act as his prête-nom, would reconvey the properties upon demand and would be reimbursed of the moneys laid out by him as soon as the father could do it.

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The trial judge maintained the father's action; he declared him to be the owner of the residential property and set aside the sale of the farm which had been made to Mar-Mic Farm Inc. The Court of Appeal declared that the father was the owner of the residential property, but found that the sale of the farm was valid. The father appealed to this Court, and the son cross-appealed against the decision declaring his father to be the owner of the residential property.

Held: The appeals of the father should be maintained and the cross-appeal of the son should be dismissed.

The oral proof concerning the nature of the verbal agreement between the father and the son was admissible—there being a commencement of proof in writing within the meaning of art. 1233, para. 7 of the Civil Code—and this oral proof, considered with all that was to be found in the record, established preponderantly the contentions of the father to the effect that his son was to act as his prête-nom. Consequently the son had never been the owner of the two properties, and it follows that the father had the right to obtain a reconveyance. It follows also that the father had the right to demand that the deed of sale concerning the farm be declared non-existent because Mar-Mic Farm Inc., designated as the purchaser, had no legal existence at the date of the deed of sale and its registration, and that this deficiency was not otherwise covered. There was no evidence in the record that a trust within the meaning and objects of the provisions of s. 29 of the Quebec Companies Act had been created. The provisions of that section could not therefore be extended to the present case. The respondent's contention that the action could not succeed because, before its institution, they had not been reimbursed of the moneys which they had advanced, could not succeed. According to the verbal agreement the son was obligated upon demand, and without any other condition, to reconvey the properties to his father.

APPEALS and cross-appeal from three judgments of the Court of Queen's Bench, Appeal Side, Province of Quebec[1], affirming in part the judgment of Marchand J. Appeals allowed and cross-appeal dismissed.

APPELS et contre-appel de trois jugements de la Cour du banc de la reine, province de Québec[2], maintenant en partie un jugement du Juge Marchand. Appels maintenus et contre-appel rejeté.

Roland Fradette, C.R., pour les appelants.

Laurent Cassette, pour I'intime Jacques Morin.

Pierre Côté, C.R., pour les intimés Blouin et Mar-Mic Farm Inc.

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Le jugement de la Cour fut rendu par

LE JUGE FAUTEUX:—L'appelant J.-Alonzo Morin et les : membres de sa famille détenaient respectivement la presque totalité et la balance des actions de la compagnie Ferme Etchemin Limitée lorsque celle-ci tomba en faillite et qu'éventuellement la vente de son actif s'avéra inéluctable. Cet actif comprenait particulièrement deux propriétés immobilières dont l'une sise au village de St-Henri de Lévis sur laquelle se trouvait la maison familiale des Morin et l'autre, une ferme située à un ou deux milles du village, désignée sous le nom de Ferme Etchemin et utilisée pour l'élevage et I'entraînement des chevaux de course. Morin père voulut naturellement récupérer ces deux immeubles qu'il considérait comme son bien. Vu les ennuis que lui faisaient les syndics à cet égard, il conçut le projet d'en faire indirectement l'acquisition par I'intermédiaire de Provincial Hardwoods Inc.,—compagnie qu'il fit incorporer à ces fins— ou par l'intermédiaire de son fils, l'intimé, Jacques Morin, récemment admis à la pratique de la médecine. A la suite de diverses tractations et en exécution d'une entente verbale entre lui et son fils Jacques, ce dernier se porta acquéreur des deux immeubles et ce par un acte de vente intervenu le 18 février 1959 entre lui et les syndics et subséquemment enregistré au Bureau d'enregistrement de la division d'enregistrement concernée. Les deux propriétés furent achetées au prix de $25,000 payés comptant, dont $5,200 contribués par Jacques Morin, ses frères et ses sœurs; $15,000, produit d'une obligation souscrite en faveur de United Loan Corporation par Jacques Morin comme débiteur principal et son père comme caution, et la balance, $4,800, ainsi que les frais encourus s'élevant à plus de $1,000, furent payés par Morin père. Quelques mois plus tard, soit le 17 novembre 1959, Morin fils, sans l'assentiment de son père, signait un acte de vente aux termes duquel il vendait la ferme à l'intimée Mar-Mic Farm Inc. et ce pour un prix de $24,300. Ce sont la les faits qui, en somme, donnèrent naissance au présent litige.

Morin père prétendant qu'il est propriétaire des deux propriétés immobilières demanda par action la reconnaissance de son droit. Suivant lui, ce qui fut verbalement convenu entre lui et son fils, préalablement à la signature de

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I'acte de vente par Iequel ce dernier se portait acquéreur des immeubles en question, fut que le fils agirait, dans la circonstance, comme prête-nom de son père, lui rétrocéderait ces immeubles sur demande et serait remboursé des argents déboursés par lui, ses frères et sœurs, aussitôt que le père pourrait ce faire. D'autre part et suivant le fils, tout ce dont il a convenu fut d'accorder à son père un droit de préférence de racheter les biens en question avant l'expiration de l'été 1959 en lui remboursant sans délai tout l 'argent qu'il investirait, tant personnellement que pour le compte de ses frères et sœurs, et toutes les dépenses que lui entraînerait l'achat de ces biens. Ainsi donc et sur ce premier aspect du litige, la question soumise est de savoir si la preuve testimoniale concernant la nature de cette entente verbale entre père et fils est admissible et, dans l’affirmative, si elle établit les prétentions du père. S'il faut répondre affirmativement à ces deux questions, Morin fils n'a jamais été propriétaire de ces immeubles et n'avait aucun droit de vendre la ferme à qui que ce soit. II s'ensuivrait que Morin père a droit d'être reconnu propriétaire de l'immeuble sur lequel se trouve la maison familiale et même aussi de la ferme si, comme il le prétend—et c'est là le second aspect du litige—la vente de cette ferme par Morin fils à Mar-Mic Farm Inc. doit être (i) déclarée nulle parce qu'entachée de fraude attribuable à Morin fils et à Marc-André Blouin instigateur de cette vente et de l'incorporation de Mar-Mic Farm Inc. ou (ii) déclarée inexistante parce qu'au 17 novembre 1959, date de cet acte de vente, Mar-Mic Farm Inc. qui y apparaît comme acheteur, n'avait aucune existence juridique n'ayant, en fait, été incorporée que le 23 février 1960.

Dans un jugement très élaboré comportant, outre une appréciation défavorable concernant la crédibilité de Jacques Morin et les agissements de Marc-André Blouin, une analyse minutieuse de toutes les circonstances révélées par le dossier, la preuve écrite et testimoniale, M. le Juge Marchand, de la Cour supérieure, accepta comme bien fondées les prétentions de Morin père, accueillit sa demande, rejeta les contestations de Morin fils et de Marc-André Blouin ainsi que I 'intervention de Mar-Mic Farm Inc. II n'est pas nécessaire de rapporter ici au complet le dispositif du jugement lequel a pour objet différents sujets d'ordre

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plutôt accessoire au sujet principal; il suffit de dire que Morin père est déclaré propriétaire de la propriété résidentielle, que I'acte de vente du 17 novembre 1959 consenti par Jacques Morin à Mar-Mic Farm Inc. en ce qui concerne la ferme est déclaré nul parce qu'entaché de fraude et inexistant en raison de I'inexistence légale de I’ acquéreur ; et il est ordonné à Morin père de payer à Morin fils par versements et à des dates déterminées, la somme de $4,900 représentant la balance due sur le produit de la cotisation faite entre Morin fils et ses frères et sœurs.

Morin fils, Marc-André Blouin et Mar-Mic Farm Inc. appelèrent de ce jugement. Ces trois appels séparés furent entendus simultanément et décidés subséquemment le même jour. Les Juges de la Cour du banc de la reine[3] se divisèrent. Alors que M. le Juge Casey les aurait tous maintenus avec dépens, M. le Juge Rivard les aurait tous rejetés, sans frais, tout en modifiant le jugement de la Cour supérieure en retranchant l'ordonnance relative au remboursement de la balance due sur la cotisation pour réserver à Jacques Morin les droits et recours qu'il pouvait avoir à ce sujet. Pour leur part, M. le Juge en chef et MM. les Juges Choquette et Montgomery (i) maintiennent l'appel (N° 6118) de Jacques Morin contre son père et Provincial Hardwoods Inc. et procédant à rendre le jugement qui, à leur avis, aurait dû être rendu en Cour supérieure, ils déclarent Morin père propriétaire de la propriété résidentielle à compter de la date de l'institution de l'action, et ce pour des motifs autres que ceux retenus en Cour supérieure, sans frais; (ii) ils maintiennent l'appel (N° 6119) de Marc-André Blouin et (iii) l'appel (N° 6117) de Mar-Mic Farm Inc. logés contre Morin père et Provincial Hardwoods Inc., avec dépens.

Morin père et Provincial Hardwoods Inc. ont interjeté appel à cette Cour à l'encontre de ces trois jugements et, dans un contre-appel, Jacques Morin attaque la décision suivant laquelle son père fut déclaré propriétaire de la propriété résidentielle.

Sur le premier aspect du litige, soit la question de l'admissibilité et valeur probante de la preuve testimoniale concer-

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nant la nature de la convention verbale entre Morin père et Morin fils relativement à la vente des deux propriétés immobilières, je dirais, en toute déférence pour ceux qui entretiennent l'opinion contraire, que pour les raisons ci-après indiquées, je partage les vues de M. le Juge Rivard de la Cour d'Appel, qui lui-même confirme l'opinion du Juge de première instance tant sur l'admissibilité de la preuve testimoniale que sur le fait que cette preuve considérée avec tout ce que révèle le dossier établit de façon prépondérante les préventions de Morin père sur la nature de cette convention verbale.

Sur l'admissibilité. II ne s'agit pas ici de contredire ou changer les termes de cet acte de vente des syndics à la faillite de Ferme Etchemin Limitée à Jacques Morin. II s'agit de déterminer la nature d'une convention qui—de l'aveu même de l'intimé Jacques Morin—est une convention verbale distincte de l'acte de vente des syndics à Jacques Morin, tant en raison de l'objet propre a cette convention verbale qu'en raison des parties entre lesquelles elle est intervenue, et ce antérieurement et aux fins de l'acte de vente en question. Ce n'est donc pas l'art. 1234 du Code Civil qui s'applique ici mais les dispositions du para. 7 de l'art. 1233 du Code Civil qui permettent la preuve testimoniale lorsqu'il y a un commencement de preuve par écrit. Dans Johnston v. Buckland[4], le Juge en chef Rinfret, parlant au nom de cette Cour, a précisé aux pages 102 et seq. ce qu'il faut entendre par « commencement de preuve par écrit ». II a noté particulièrement les dispositions de l'art. 316 du Code de Procédure Civile qui autorise la recherche de ce commencement de preuve par écrit dans le témoignage même de la partie centre laquelle on cherche à faire la preuve testimoniale et il a rappelé que cette recherche étant du domaine du Juge du fond, les tribunaux d'appel ne doivent pas intervenir dans cette question laissée à l'arbitrage du Juge de première instance sauf dans le cas d'une erreur évidente. En l'espèce, ce commencement de preuve par écrit, M. le Juge Rivard, de la Cour d'Appel, qui a fait une analyse très détaillée du dossier, l'a trouvé, à l'instar du Juge de

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première instance, dans cet ensemble formé (i) de certains aveux faits par Jacques Morin aux plaidoiries et dans son témoignage, (ii) de l'appréciation de son témoignage au sujet duquel le Juge de première instance déclara: «Ses réponses ne viennent qu'après de longues et laborieuses hésitations puis, lorsque les questions pouvaient provoquer une réponse de portée juridique défavorable à sa cause, presque invariablement il déclare qu'il ne se souvient pas, sans oser toutefois nier les propos substantiels rapportés par les témoins» et enfin (iii) des multiples circonstances révélées par une preuve écrite et verbale dont la validité n'est pas en question. II n'a pas été démontré que la conclusion à laquelle en est arrivé le Juge au procès sur la question, opinion que partage entièrement M. le Juge Rivard, soit entachée d'erreur évidente. II n'y a donc pas lieu d'intervenir et il n'apparaît d'ailleurs aucune raison de ce faire.

Sur la force probante. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de reproduire ici l'analyse minutieuse de toute la preuve, analyse qui apparaît aux notes de M. le Juge Rivard aussi bien qu'à celles du Juge de première instance. II suffit de dire que la version de Morin père sur la nature de cette entente verbale est supportée par les faits révélés au dossier et que suivant cette entente Morin fils devait agir comme prête-nom de son père et lui rétrocéder, à sa demande, les deux propriétés, Morin père devant de son côté et aussitôt qu'il le pourrait rembourser à son fils les argents déboursés par celui-ci, ses frères et ses sœurs.

Morin fils n'a donc jamais été propriétaire des deux immeubles en litige. II s'ensuit que son père a droit d'en obtenir la rétrocession, ce à quoi il n'y a aucun obstacle en ce qui concerne la propriété résidentielle dont le fils n'a pas disposé.

Il s'ensuit aussi que Morin père a droit de demander—et c'est là le second aspect du litige—que l'acte de vente relatif à la ferme, intervenu le 17 novembre 1959, entre son fils et Mar-Mic Farm Inc. soit déclaré (i) nul, si entaché de fraude attribuable à Morin fils et à Marc-André Blouin ou (ii) inexistant, si Mar-Mic Farm Inc. désignée comme acheteur n'avait aucune existence juridique à la date de cet acte de

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vente et de son enregistrement et que ce défaut n'est pas autrement couvert en l’espèce.

Le second de ces moyens étant, à mon avis, bien fondé et décisif de ce second aspect du litige il suffira de ne considérer que ce moyen.

II est indéniable que la date de cet acte de vente entre Jacques Morin et Mar-Mic Farm Inc. est le 17 novembre 1959 alors que la date des lettres patentes accordées à cette dernière est le 23 février 1960. N'ayant aucune existence légale a la date de cet acte de vente aussi bien qu'a celle de l'enregistrement d'icelui, Mar-Mic Farm Inc. ne peut réclamer les bénéfices de la priorité d'enregistrement à moins qu'elle ne puisse utilement invoquer, comme en a jugé la majorité en Cour d'Appel, certaines dispositions de l'art. 29 de la Loi des Compagnies de Québec, S.R.Q. 1941, c. 276. Ces dispositions particulières statuent que des la date de ses lettres patentes une compagnie est saisie de tous les biens possédés ou détenus pour elle jusqu'à cette date en vertu d'un fidéicommis créé en vue de sa constitution en corporation. Pour entrer dans le cadre de ces dispositions Mar-Mic Farm Inc devait alléguer et prouver qu'antérieurement à son incorporation, la ferme en question était possédée ou détenue pour elle jusqu'à la date de ses lettres patentes en vertu d'un fidéicommis créé en vue de sa constitution en corporation. En d'autres termes, il lui fallait alléguer et prouver qu'une personne physique ou morale avait acquis un titre légal à cette ferme en qualité de fiduciaire et la détenait à ce titre pour la lui céder dés qu'elle aurait acquis une existence légale. II n'y a aucune preuve au dossier de la constitution d'un fidéicommis au sens et aux fins indiqués à ces dispositions de l'art. 29 de la Loi des Compagnies de Québec. Selon ces termes, l'acte du 17 novembre 1959 n'est pas un acte de vente intervenu entre Morin fils et une personne agissant ès-qualité de fiduciaire pour le bénéfice de Mar-Mic Farm Inc. mais un acte de vente intervenu entre Morin fils et un acheteur désigné comme étant Mar-Mic Farm Inc. représentée par Jean-Guy Blouin—et non Marc-André Blouin—agissant non pas personnellement ou ès-qualité de fiduciaire mais à titre de secrétaire de la compa-

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gnie Mar-Mic Farm Inc. II est de l’essence d'un fidéicommis qu'un titre légal à des biens passe d'une personne à un fiduciaire qui le détient pour l’avantage du bénéficiaire du fidéicommis. Ni Jean-Guy Blouin ni Marc-André Blouin n'apparaissent à l'acte comme ayant acquis eux-mêmes et à quelque titre que ce soit un droit à la ferme. En somme comme M. le Juge Rivard je suis d'avis que les dispositions de l’art. 29 de la Loi des Compagnies de Québec ne peuvent être étendues au cas qui nous occupe. Ne pouvant invoquer utilement ces dispositions je ne vois pas comment Mar-Mic Farm Inc. pourrait profiter de ce prétendu contrat fait de sa part avant même qu'elle ne soit incorporée. Je ne vois davantage comment, après son incorporation, elle pourrait, par adoption ou ratification, valider rétroactivement à la date qu'il porte, cet acte de vente dont elle n'avait pas au jour où il fut signé la capacité d'autoriser l'exécution.

Reste à considérer la prévention de Jacques Morin voulant que même si les vues ci-dessus exprimées sont bien fondées et que c'est en qualité de prête-nom de son père, qu'il s'est porté acquéreur des immeubles en litige, les appelants ne peuvent réussir sur leur action parce que préalablement à son institution ils ne Font pas remboursé de $4,900, balance due sur la somme de $5,200 avancée par lui et ses frères et sœurs et parce qu'ils n'ont pas vu à le faire libérer des obligations qu'il avait contractées avec la United Loan Corporation. Pour disposer de cette prévention, il suffit, je crois, de rappeler que suivant la convention verbale intervenue entre Morin père et Morin fils antérieurement et aux fins du contrat par lequel ce dernier se portait acquéreur des deux immeubles en litige, Morin fils devait sur simple demande, et sans autre condition, rétrocéder ces immeubles à son père; sans doute le père s'était-il engagé à rembourser le fils des argents avances par lui, et ses frères et sœurs, mais suivant la convention le père ne devait rembourser que lorsque la chose lui serait possible. Ainsi donc et en raison de cette entente le droit de Morin père à la rétrocession des immeubles n'est assujetti à aucune condition et le fils devait y procéder dés la demande de son père. On peut ajouter, sans que la chose soit nécessaire, qu'en outre des argents contri-

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bués par lui en paiement du prix de vente fixé par les syndics c'est Morin père qui à la suite de cette vente a vu au paiement des primes d'assurance, des taxes aussi bien que des versements exigés en vertu de l’obligation consentie à la United Loan Corporation.

Pour ces raisons, qui sont en substance celles de M. le Juge Rivard, de la Cour d'Appel, et de M. le Juge Marchand, de la Cour de première instance, je maintiendrais les trois appels et rejetterais le contre-appel, avec dépens en cette Cour; j'infirmerais les jugements prononcés en Cour d'Appel dans les causes portant les numéros 6117, 6118 et 6119 et rétablirais le jugement de première instance avec les modifications indiquées aux raisons de jugement de M. le Juge Rivard.

Appels maintenus et contre-appel rejeté.

Procureurs des appelants: Fradette, Bergeron & Cain, Chicoutimi.

Procureurs de I'intimé Jacques Morin: Lafrenière, Cassette, Loubier & Boudreau, Québec.

Procureurs des intimés Blouin et Mar-Mic Farm Inc.: Pratte, Côté & Tremblay, Québec.



[1] [1964] B.R. 854.

[2] [1964] B.R. 854.

[3] [1964] B.R. 854.

[4] [1937] R.C.S. 86, 2 D.L.R. 433.

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