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Supreme Court of Canada

Sura v. The Minister of National Revenue, [1962] S.C.R. 65

Date: 1961-12-15

Frank Sura Appellant;

and

The Minister of National Revenue Respondent.

Taxation—Income tax—Quebec domicile—Legal community of property— Wife having no separate property (propres)—Whether only one-half of taxable income in husband's hands-Whether husband liable for only one-half of income tax—Income War Tax Act, R.S.C. 1927, c. 97, ss. 3, 9—Income Tax Act, 1948 (Can.), c. 52, ss. 2, 3 (Income Tax Act, R.S.C. 1952, c. 148, ss. 2, 3).—Civil Code, arts. 406, 1260, 1269, 1272, 1292, 1298.

The taxpayer and his wife were resident and domiciled in the Province of Quebec at the time of their marriage. As they did not enter into a pre-nuptial contract stipulating separation as to property, they were therefore, under the provisions of the Civil Code, married under the regime of the community of property. The income in question was made up of the husband's salary and rentals, and it was not disputed that this income constituted an asset of the community. The taxpayer claimed that under the provisions of the Code, the income was the income of himself and his wife in equal parts and that each should be assessed for one-half of the total income. The Minister contended that the husband alone was liable for the income tax. The taxpayer was successful before the Income Tax Appeal Board, but lost before the Exchequer Court. The taxpayer appealed to this Court.

Held: The appeal should be dismissed; the appellant was liable for tax on all of the income of the community of property.

Under the Income Tax Act, the tax is imposed on the person and not on the property, and the person who must pay the tax is the one whose enjoyment of the income is absolute, unfettered by any restriction on his freedom to dispose of the income as he sees fit. The amount of the tax is determined by the benefits that person receives.

Under the regime of community of property, all income—with the exception of the proceeds of the personal work of the wife—received by either consort and those derived from the assets of the community, fall into the community. The consorts are the co-owners of the property of the community. Although the wife is a co-owner she does not have all the rights which ownership normally confers. Her right is stagnant, nearly sterile, because it is unproductive during the existence of the community. It is only at the dissolution of the community that the wife will be vested with her full rights of ownership. The husband is the sole administrator of the community and has very broad powers. He collects the income from the community property. He alone can dispose of this income, he alone has the unrestricted enjoyment of it, and nothing can leave the common fund unless it results from the expression of his wish. He receives the income on his own account and

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not as agent or fiduciary for the benefit of his wife. Since the wife withdraws no benefit derived from the community property, no income tax can be claimed from her.

APPEAL from a judgment of Fournier J. of the Exchequer Court of Canada1, reversing a decision of the Income Tax Appeal Board. Appeal dismissed.

P. F. Vineberg, Q.C., and P. Meyer, for the appellant.

R. Bédard, Q.C., and M. Paquin, Q.C, for the respondent.

The judgment of the Court was delivered by

Taschereau J.:—Il s'agit dans la présente cause d'un appel d'un jugement rendu par M. le Juge Alphonse Fournier2, le 3 novembre 1959, renversant un jugement de la Commission d'Appel de l'Impôt sur le Revenu. Les faits dans cette cause ne sont pas contestés, et les parties ont en effet signé une admission. Pour la parfaite intelligence de la cause, cependant, ces faits peuvent se résumer ainsi:

L'appelant Sura qui était domicilié dans la province de Québec au moment de son mariage, s'est marié sans passer par les formalités d'un contrat. Comme conséquence de l'art. 1260 du Code Civil, les époux se sont soumis aux lois et coutumes générales du pays, et la communauté légale de biens a donc existé entre eux. Evidemment, les parties ne contestent pas que le revenu des biens communs est un actif de la communauté, tel que défini à l'art. 1272 du Code Civil de la province de Québec.

La question qui se pose est de savoir si ce revenu de la communauté est le revenu seul du mari, ou si le revenu de cette communauté est pour moitié le revenu du mari, et pour l'autre moitié le revenu de la femme. Si le revenu de la communauté doit être considéré comme le revenu seul du mari, la cotisation faite par le Ministre est valide, mais si ce revenu doit être divisé, tel que le prétend l'appelant, la cotisation faite par le Ministre doit être mise de côté.

Le Ministre a décidé, le 20 février 1956, que pour les années 1947 à 1954, un seul rapport devait être fait, et que l'appelant devait en conséquence payer l'impôt sur cet unique rapport. De cette décision l'appelant s'est pourvu en appel devant la Commission d'Appel de l'Impôt sur le

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Revenu, qui a décidé que les revenus devaient être divisés, que deux rapports distincts pour chaque année devaient être faits, un pour le mari et un pour la femme, ce qui réduisait substantiellement la taxe imposable, et que le dossier devait en conséquence être retourné pour nouvelle cotisation. En Cour d'Echiquier, devant qui s'est pourvu le Ministre du Revenu National, l'honorable Juge Fournier a renversé la décision de la Commission d'Appel de l'Impôt sur le Revenu, et en est arrivé à la conclusion que les cotisations du revenu de l'appelant pour fins d'impôt, pour les années d'imposition de 1947 à 1954, devaient être confirmées et qu'un seul et même rapport devait être fait par l'appelant. C'est de ce jugement qu'appelle maintenant Sura.

Comme il s'agit de cotisations pour les années 1947 à 1954, il est essentiel de voir quelle était la loi fédérale d'impôt en vigueur à ces dates respectives.

En 1947, c'était la loi que l'on retrouve dans les Statuts Revisés du Canada de 1927, c. 97. L'article 3 est à l'effet que pour les objets de la loi, le mot "Revenu" signifie:

la gratification ou le profit ou gain annuel net, soit déterminé et susceptible de computation en tant que gages, salaires, ou autre montant fixe, ou non déterminé en tant qu'honoraires ou émoluments, ou comme étant des profits tirés d'une profession, ou d'une occupation ou vocation industrielle ou commerciale, financière ou autre, directement ou indirectement reçus par une personne de tout office ou emploi, ou de toute profession ou vocation, ou de tout commerce, industrie ou affaire, suivant qu'il y a lieu, que sa provenance soit du Canada ou d'ailleurs; et doit comprendre l'intérêt, les dividendes ou profits directement ou indirectement reçus de fonds placés à intérêt sur toutes valeurs ou sans garantie, ou d'actions, ou de tout autre placement, et, que ces gains ou profits soient partagés ou distribués ou non, aussi les profits ou gains annuels dérivés de toute autre source, y compris etc.

En 1948, lors de la révision de la Loi concernant les impôts sur le revenu (11 et 12 Geo. VI, c. 52), la loi a été refondue, et l'art. 2(1) était ainsi rédigé:

2. (1) Un impôt sur le revenu est payé, ainsi qu'il est prévu ci-après, sur le revenu imposable pour chaque année d'imposition, de toute personne résidant au Canada à une époque quelconque de l'année.

3. Le revenu d'un contribuable pour une année d'imposition, aux fins de la présente partie, est son revenu pour l'année de toutes provenances à l'intérieur ou à l'extérieur du Canada, et, sans restreindre la généralité de ce qui précède, comprend le revenu pour l'année provenant

(a) d'entreprises,

(b) de biens,

(c) de charges et d'emplois.

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4. Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu provenant, pour une année d'imposition, d'une entreprise ou de biens, est le bénéfice en découlant pour l'année.

5. (1) Le revenu provenant, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, est le traitement, salaire, et autre rémunération, y compris les gratifications que le contribuable a touchées dans l'année.

Rien dans les amendements subséquents apportés à la loi, ne change le principe que ce n'est pas la propriété d'un bien qui est taxable, mais que la taxe est imposée sur un contribuable, et est déterminée par le revenu que l'emploi, les entreprises, les biens, ou la propriété procurent à celui qui en est le bénéficiaire légal. Comme l'a dit M. le Juge Mignault dans la cause de McLeod v. Minister of Customs and Excise3:

All of this is in accord with the general policy of the Act which imposes the Income Tax on the person and not on the property.

On ne peut pas plus mettre en doute cette proposition, qu'on peut entretenir la moindre hésitation pour admettre, sans réserve, que seul doit payer l'impôt sur le revenu, celui qui en a la jouissance absolue, entachée d'aucune restriction concernant la libre disposition qu'il juge à propos d'en faire. (Vide Robertson Ltd. v. M.N.R.4).

Dans le cas présent, les époux, comme nous l'avons vu, sont mariés sous le régime de la communauté légale de biens. Ce régime est caractérisé par l'union étroite d'intérêts qu'il établit entre les époux. Il est fondé sur la nature même du mariage, et fait présumer entre les époux la convention de mettre en commun leur mobilier, leurs revenus, les fruits de leurs épargnes et de leur commune collaboration. La communauté est une sorte de société de biens répartis en trois masses. La première est formée de ce que l'on appelle les «biens communs», spécialement affectée aux intérêts du ménage, et c'est le principe fondamental sur lequel repose ce système matrimonial.

La seconde est formée des immeubles propres au mari dont il était propriétaire avant le mariage, ou dont il a hérité de ses ascendants pendant sa durée. C'est sur ces biens personnels au mari que porte le douaire coutumier de la femme et des enfants. (1434 C.C.). La troisième masse

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de cette communauté comprend les «biens immobiliers» propres de la femme, dont elle est propriétaire, comme d'ailleurs le mari avant le mariage, ou qu'elle acquiert comme héritage lors de l'existence de la communauté.

Le revenue de ces trois masses sert à augmenter les «biens communs» qui sont la copropriété des époux, et qui doivent normalement se partager à la dissolution du mariage, par la mort ou le divorce, ou comme conséquence d'un jugement prononçant la séparation de biens. (Vide Mignault, vol. 6, p. 148 et suivantes).

Ce régime de communauté assure la prépondérance du mari dans l'administration des biens. Comme conséquence de la volonté du législateur (art. 1292), le mari seul administre les biens de la communauté. Il peut les vendre, aliéner et hypothéquer, sans le concours de sa femme. Il ne peut cependant, sans ce concours, disposer entre vifs à titre gratuit des immeubles de la communauté, ni de l'universalité ou d'une quotité du mobilier, si ce n'est pour l'établissement des enfants communs. Il peut néanmoins disposer des effets mobiliers à titre gratuit et particulier pourvu qu'il ne s'en réserve pas l'usufruit et que ce soit sans fraude.

Ce fut aussi la volonté du législateur (1298 C.C.) que le mari seul ait l'administration de tous les biens personnels de la femme, c'est-à-dire de ses «propres», et lui seul peut exercer toutes les actions mobilières et possessoires qui appartiennent à sa femme. Il lui est interdit cependant d'aliéner ses immeubles sans le consentement de son épouse.

On voit donc que, sans être comme l'ont dit jadis les anciens auteurs, «le maître et seigneur de la communauté», le mari en est le seul administrateur, avec des pouvoirs très étendus. Le mari administre les trois masses et en perçoit les revenus qui servent à augmenter l'actif commun. Lui seul peut disposer de ces revenus, lui seul en a la jouissance sans restrictions, et rien ne peut sortir du fonds commun à moins que ce ne soit comme résultat de l'expression de sa volonté. Il reçoit pour lui, et nullement comme mandataire ou fiduciaire pour le bénéfice de son épouse. Cette dernière ne retire aucun revenu, et son bénéfice consiste dans l'augmentation des biens communs dont elle est copropriétaire et dans lesquels elle a un droit éventuel au partage futur.

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Une seule exception, apportée par la Législature en 1931, permet à la femme mariée sous le régime de la communauté légale, d'administrer sans restrictions les biens qui sont le produit de son travail personnel. (C.C. 1425a et suivants). Mais cependant, au décès de l'un des époux, ces biens accumulés et non dépensés constituent un actif de la communauté. Ce n'est pas le cas qui nous occupe, mais je tiens à le souligner pour indiquer l'exception qu'a voulu faire le législateur à la règle générale, reconnue par le droit civil de la province de Québec.

Ce régime de la communauté contraste avec le régime de la séparation de biens, que les futurs conjoints ont la liberté de choisir, et où chacun des époux contribue aux charges du ménage, dans la proportion de leurs moyens respectifs. (C.C. 1423).

Que le mari et la femme soient copropriétaires des biens de la communauté, ne peut faire, il me semble, aucun doute dans l'esprit des juristes. Malgré les hésitations qu'ont pu entretenir certains auteurs, je crois qu'il est maintenant universellement admis que c'est bien là la règle qui doit nous régir.

Baudry-Lacantinerie, Traité théorique et pratique de droit civil, Du Contrat de Mariage, vol. 1, 3e éd., à la page 581, dit:

637. Le mari et la femme sont copropriétaires des biens de la communauté. La communauté ou société de biens entre époux n'est représentée que par un fonds commun, destiné à subvenir aux charges du ménage et à s'enrichir des économies momentanément confondues et finalement soumises au principe du partage égal. Ainsi se trouve bien consolidée, semble-t-il, l'idée d'une copropriété basée sur l'égalité, du moins théorique, des droits des deux conjoints.

Aubry-Rau, 6e éd., Cours de Droit Civil, tome 8, p. 10:

Mais, dans les rapports des époux entre eux, la maxime précitée n'avait pas une portée aussi absolue; et la femme n'en était pas moins, en réalité, même pendant le mariage, copropriétaire des biens de la communauté.

Laurent, Principes de Droit Civil Français, (Paris 1887), vol. 22, n° 1, p. 7:

C'est que la femme est réellement copropriétaire. Les anciens auteurs le disent en toutes lettres.

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Dans Pesant v. Robin5, citant Baudry-Lacantinerie, M. le Juge Anglin approuve le passage suivant:

En somme, la véritable notion de la communauté nous paraît être qu'elle constitue une copropriété entre époux, soumise à des règles particulières.

Mignault partage les mêmes vues, et il s'exprime ainsi, Droit Civil, vol. 6, p. 337:

La femme qui renonce perd toute espèce de droit sur les biens de la communauté. Perd: car elle avait pendant le mariage des droits sur les biens de la communauté. Elle était copropriétaire avec le mari, non pas sous la condition suspensive de son acceptation, mais sous la condition résolutoire de sa renonciation. Si elle accepte, le droit résoluble qu'elle avait devient irrévocable; si elle renonce, il est révolu rétroactivement, et le mari est réputé avoir toujours été seul propriétaire des biens qui composaient le communauté.

Mignault rejette comme inadmissible la théorie de Toullier qui a enseigné que pendant le mariage, le mari est seul propriétaire; que le femme n'a que l'expectative de devenir un jour commune. En un mot, la théorie de Toullier serait qu'il n'y a pas de communauté pendant le mariage, et c'est donc une erreur que commet Toullier quand il fait commencer la communauté alors que nous la faisons finir, c'est-à-dire au moment de la dissolution du mariage, de la séparation de corps ou de biens. Comme le signale encore Mignault, la loi dit positivement que la communauté commence avec le mariage (art. 1269), et qu'elle finit avec lui.

S'il en était autrement, et si la femme n'était pas copropriétaire des biens communs, elle aurait à payer, lors de la dissolution de la communauté, des droits de succession, car il s'agirait alors d'une transmission de biens lui venant de son mari. Mais, il n'en est pas ainsi, car il n'y a pas de transmission mais un partage, où elle prend la part qui lui revient et qui lui appartient depuis le mariage. Ce qu'elle reçoit ne provient pas du patrimoine de son époux. Vide également les autorités suivantes qui sont au même effet:—LAURENT, Principes de Droit Civil, vol. 21, pp. 224–225; PLANIOL et RIPERT, (Boulanger) Traité Pratique de Droit Civil, 1957, vol. 8, pp. 328, 331, 704; JOSSERAND, Cours de Droit Civil, 1933, vol. 3, n° 14; HUC, Code Civil, 1896, vol. 9, n° 72; MARCADE, Droit Civil, 7e éd., vol. 5, p. 444; DURANTON, Cours de Droit Français, vol. 14, p. 105.

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Je n'entretiens aucun doute sur la vérité de cette proposition, mais pour la détermination de la présente cause, d'autres facteurs doivent être considérés. Ainsi, s'il est vrai, comme je le crois, que la femme est copropriétaire des biens communs, il est également vrai qu'elle n'a pas l'exercice de la plénitude des droits que confère normalement la propriété. (C.C. 406). Son droit est informe, démembré, inférieur même à celui de quelqu'un qui a la nue propriété d'un bien et dont un autre a l'usufruit. Il est stagnant, presque stérile, parce qu'improductif durant la vie du conjoint. Ce n'est qu'à la dissolution de la communauté que la femme sera investie de la plénitude de son droit de propriété, qui comporte le jus utendi, fruendi et abutendi, dont sa condition maritale l'avait temporairement dépouillée.

C'est ainsi qu'elle ne retire aucun revenu des biens de la communauté, dont le mari est le seul administrateur (C.C. 1292), sans qu'il ait besoin, d'une façon générale, d'obtenir le concours de son épouse. Tous les revenus sont les siens dont il peut disposer, qu'il peut aliéner, même à titre gratuit, sauf les restrictions imposées par la loi. (C.C. 1292). Il résulte que la femme ne touche aucun revenu des biens communs, qu'elle n'a «aucun traitement, salaire ou rémunération», que rien ne lui «provient d'entreprises, de biens, de charges ou d'emplois»'. Or, c'est précisément ce qui est taxable.

Le loi, comme je l'ai signalé antérieurement, ne recherche pas le capital ou la propriété d'un bien. Elle s'adresse à la personne, et le montant de l'impôt est déterminé par les bénéfices qu'elle recueille. Comme la femme n'en retire aucun, dérivant des biens communs, il s'ensuit que le fisc ne peut rien lui réclamer.

Ces principes que je viens d'exposer et qui doivent, à mon sens, déterminer le sort de la présente cause, doivent évidemment régir les biens communs lorsqu'il s'agit de communauté légale. Dans le cas qui nous est soumis, il n'y a qu'une seule masse de biens, car il est admis que les conjoints n'avaient pas de «biens propres». De plus, quand il s'agit de communauté conventionnelle, il est certain que la situation peut être différente, car les conjoints peuvent toujours par contrat, tout en stipulant la communauté qui

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doit déterminer le régime marital financier, faire toutes sortes d'autres conventions qui, évidemment, ne doivent pas être contraires aux bonnes mœurs ni à l'ordre public. (C.C. 1257, 1262, 1268). Pour les fins de la présente cause, il serait superflu de les discuter.

Je dois dire que je suis d'accord avec M. Fisher de la Commission d'Appel de l'Impôt sur le Revenu, quand il dit qu'il y a copropriété des biens communs, mais je ne puis accepter sa conclusion que l'impôt doit être divisé. Admettre cette opinion, ce serait dire que la femme a un «gain annuel», personnel au sens de la loi de l'impôt, ce qui n'existe certainement pas; ce serait dire également qu'elle a un «revenu imposable» pour chaque année et que, évidemment, elle ne pourrait pas payer. Seul le mari peut payer à même les biens de la communauté, et il est interdit à la femme de le faire. La communauté n'est pas taxée, et d'ailleurs elle ne peut l'être, car elle n'est pas une personne juridique. Pesant v. Robin6.

D'autre part, je refuse d'admettre la théorie de M. le Juge Fournier de la Cour d'Echiquier, qui ne voit dans la communauté que les biens personnels du mari. Dans son jugement très élaboré il s'exprime de la façon suivante:

Pour toutes ces raisons, je suis d'opinion que pendant la durée de la communauté, le mari est seul propriétaire des biens qui composent l'actif de la communauté et seul responsable des charges qui en constituent le passif.

Il conclut qu'étant seul propriétaire des biens communs, le mari doit seul payer l'impôt. J'arrive à la même conclusion que M. le Juge Fournier, que seul le revenu du mari est imposable, mais pour des raisons différentes que j'ai expliquées précédemment.

On a cité au cours de l'audition une nombreuse jurisprudence américaine, d'où il semble ressortir qu'aux États-Unis, dans les huit États où est établie la communauté légale, la copropriété des biens existe entre les conjoints et que deux rapports d'impôt doivent être faits. Je dois

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signaler, cependant, que j'ai trouvé des différences dans les lois qui régissent ces États et que de plus, une influence, qui n'est pas d'origine française, a substantiellement changé certains principes fondamentaux.

Au début du volume de Saunders (Lectures on the Civil Code of Louisiana), Juge de l'État de la Louisiane, un éminent avocat, H. P. Dart, a écrit un remarquable article sur les sources du Droit Civil de la Louisiane. Il est obligé lui aussi de reconnaître que Saunders admet l'infiltration de la Common Law dans le Droit Civil Français de la Louisiane. Voici ce qu'il dit:

It is his belief (Saunders) that judicial construction has had a tendency to import Common Law into our jurisprudence, perhaps unintentionally or because so much of our system is not dependent upon the Civil Law of France and Rome. He lays the blame upon court and legislature, and he warns us that we will soon lose touch altogether with the law of our origin, unless a higher standard of legal education is required by the Legislature or by the Supreme Court.

Quelle que soit la valeur des autorités étrangères qui nous ont été citées, je crois qu'elles ne peuvent pas lier cette Cour. Elles reflètent une économie du droit civil qui ne correspond nullement à la nôtre.

Pour les raisons ci-dessus, je suis d'opinion que l'appel droit être rejeté avec dépens.

Appeal dismissed with costs.

Attorneys for the appellant: Meyerovitch & Levy, Montreal.

Attorney for the respondent: A. A. McGrory, Ottawa.



1 [1960] Ex. C.R. 83, [1959] C.T.C. 460, 59 D.T.C. 1280.

2 [1960] Ex. C.R. 83, [1959] C.T.C. 460, 59 D.T.C. 1280.

3 [1926] S.C.R. 457 at 464, 1 D.T.C. 85, (1917-27) C.T.C. 290.

4 [1944] Ex. C.R. 170 at 180, 2 D.T.C. 655, [1944] C.T.C. 75.

5 (1918), 58 S.C.R. 96 at 105, 46 D.L.R. 369.

6 (1918), 58 S.C.R. 96, 46 D.L.R 369.

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