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Supreme Court of Canada

Desrosiers v. Paradis et al. and Rainville et al., [1963] S.C.R. 52

Date: 1962-10-02

Dame Donalda Desrosiers (Mise-En-Cause) Appellant;

and

Wenceslas E. Paradis and Others (Defendants) Respondents;

and

Dame Aurore Rainville and Others (Plaintiffs) Respondents.

Wills—Interpretation—Usufruct—Substitution—Meaning of words "legal heirs"—Civil Code, arts. 443, 446, 864, 891, 900, 925, 929, 957.

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By clause 3 of his will made in 1918, the testator bequeathed to his widow the usufruct of all his property. By clause 4, it was stipulated that at the death of the widow or in the event of her remarriage, a sum of $1,000 together with all property passing to the testator by inheritance were to go to his legal heirs. By clause 5, it was stipulated that should the widow die childless and without having remarried, the property remaining after the execution of clause 4 was to be divided in equal shares between his legal heirs and the widow's legal heirs. The testator died in 1949 and was survived by his widow and their only child M. The latter died a few months later having appointed his wife, the present appellant, his universal legatee. The testator's wife died in 1957, childless and without having remarried. In her will she had appointed her brothers and sisters as universal residuary legatees.

In 1958, the legal heirs of the testator living at the time of the death of the widow instituted this action against the executors of the will of the widow, claiming the whole estate on the ground that the testator had, by clauses 4 and 5 of his will, created a substitution in their favour and which had opened at the death of the widow. The appellant was added to the action as a mise-en-cause and she alone defended the action. She claimed specifically that the will had created a usufruct and that title to the estate had passed to the testator's son at the death of the testator and to her at the death of the son.

The trial judge maintained the action and held that the will had created a substitution in favour of the testator's legal heirs living at the time of the death of the widow. The plaintiffs were declared to be entitled to the property described in clauses 4 and 5. The Court of Queen's Bench modified this judgment and held that "legal heirs" in clause 4 meant those living at the time of the testator's death (in this case, the son), and in clause 5 the "legal heirs" were those living at the time of the death of the widow. The Court held that clause 4 had created a usufruct in favour of the widow with title going to the son and that the appellant was entitled to that part of the estate. As to clause 5, the Court held that since the son had not survived his mother, he could not take under it whether a substitution or an usufruct had been created. The son's widow appealed to this Court and the plaintiffs cross-appealed.

Held: The appeal and the cross-appeal should be dismissed.

As to the property in clause 4, the testator's widow had received only the usufruct. By virtue of art. 864 of the Civil Code, the title passed to the testator's legal heirs at the time of his death, in this case his widow and his son. But, since the widow was only entitled to the usufruct, it was the son alone who took title which, at his death, passed to his wife, the appellant. In this case, there were double gifts taking effect simultaneously and without any lapse of time. (Aubertin v. Cité de Montréal, [1957] S.C.R. 643). The plaintiff's action could not be entertained as to that property.

As to the property in clause 5, it would appear that the testator's widow had more than an usufruct. Here there were two gifts firstly to the widow and secondly to the legal heirs of the testator and of the widow. These two gifts did not take effect simultaneously; they were successive and there was a lapse of time between their taking effect. A substitution de residuo was created in this case, and since the son died before its opening, he could not have acquired or passed any rights in that property to his wife. The plaintiffs were therefore entitled to it.

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The expression "legal heirs" used in clause 5 meant those alive at the time of the opening of the substitution which was at the time of the death of the testator's widow.

APPEAL and CROSS-APPEAL from a judgment of the Court of Queen's Bench, Appeal Side, Province of Quebec1, modifying a judgment of St-Germain J. Appeal and cross-appeal dismissed.

A. Mayrand, Q.C., and M. Johnson, for the appellant.

Georges Sylvestre, Q.C., for the respondents.

The judgment of the Court was delivered by Fautetjx J.:—Le 7 avril 1949, Clément Rondeau décédait, laissant comme survivants immédiats son épouse, Délia Gareau, et leur unique enfant, Maurice. Aux termes de son dernier testament fait le 28 avril 1918, quelque trente ans avant son décès et alors que Maurice avait deux ans, il disposa comme suit de ses biens:

3. Je donne et lègue à Dame Délia Gareau, mon épouse, l'usufruit et jouissance, jusqu'à son convol en d'autres noces de tous les biens meubles et immeubles que je délaisserai lors de mon décès et qui composeront ma succession, pour en jouir à compter du jour de mon décès, sans être tenue à donner caution, ni à faire emploi, ni à faire faire inventaire.

4. Au décès de mon épouse ou au cas de son convoi en d'autres noces, une somme de mille piastres ($1,000.00) et tous les autres biens qui me seront échus par succession et dont il aura été fait un état détaillé et assermenté par madite épouse avant son entrée en jouissance, retourneront à mes héritiers légaux, sans qu'elle puisse y prétendre aucun droit.

5. Et alors dans le cas où mon épouse décéderait sans enfants et sans s'être remariée, ce qui restera des biens de ma succession après qu'il aura été retourné à mes héritiers légaux les biens qui me seront échus par succession en plus d'une somme de mille piastres, sera partagé en deux parts égales dont l'une retournera à mes héritiers légaux et l'autre aux héritiers légaux de mon épouse.

6. Au cas où elle convolerait en d'autres noces, elle n'aura que la jouissance, sa vie durant, de la moitié dudit résidu de mes biens, l'autre moitié devant être payée à mes héritiers légaux sans qu'elle puisse y prétendre aucun droit et au décès de madite future épouse la moitié dont elle aura eu la jouissance retournera à ses héritiers légaux, à l'exclusion de son époux.

Madite épouse n'aura aucun droit à la jouissance de cette moitié dans le cas où convolant en d'autres noces, il existerait un ou des enfants issus de notre mariage, lesquels enfants auront alors la jouissance et la propriété absolue de tous mes biens.

Le fils de Clément Rondeau, Maurice, décéda sans postérité en 1949, quelques mois à peine après la mort de son

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père. Il était alors marié à l'appelante, Donalda Desrosiers, qu'il avait, par contrat de mariage, instituée sa légataire universelle.

La veuve de Clément Rondeau, Délia Gareau, mourut en 1957 sans enfants et sans s'être remariée. Dans son dernier testament, elle désigna ses frères et sœurs comme ses légataires universels résiduaires.

L'année suivante, en 1958, les intimés, héritiers légaux de Clément Rondeau vivants au décès de son épouse, Délia Gareau, ou ayants droit d'iceux, étant d'avis que Clément Rondeau avait, aux paragraphes 4 et 5 de son testament, établi en leur faveur une substitution relativement aux biens y décrits et que cette substitution s'était ouverte au décès de Délia Gareau, instituèrent aux exécuteurs testamentaires de celle-ci, W. Paradis et al, une action en pétition d'hérédité pour se faire remettre chacun leur part de ces biens. Dans cette action, ils mirent en cause les autres héritiers légaux de Clément Rondeau vivants au décès de son épouse ou leurs ayants droit, ainsi que la veuve de Maurice Rondeau, l'appelante en cette cause. Seule, celle-ci contesta. Elle plaida particulièrement—et c'est là l'unique moyen à retenir à ce stade des procédures—que le testament de Clément Rondeau créait en faveur de son épouse, Délia Gareau, non pas une substitution mais un simple usufruit sur les biens laissés, la nue propriété de ces biens ayant été, au décès du testateur, transmise à son fils, Maurice Rondeau, et au décès de ce dernier, à elle-même, sa légataire universelle.

La Cour supérieure accueillit cette action pour le tout. Elle jugea que le testament créait une substitution en faveur des héritiers légaux de Clément Rondeau vivants au moment du décès de son épouse, Délia Gareau, et que cette substitution s'était ouverte au décès de celle-ci. En conséquence, la Cour ordonna aux exécuteurs testamentaires de remettre aux demandeurs chacun leur part des biens décrits tant au paragraphe 4 qu'au paragraphe 5 du testament.

Porté en appel2 par la veuve de Maurice Rondeau, ce jugement fut modifié par une décision majoritaire aux seules fins d'écarter du dispositif les biens décrits au paragraphe 4 du testament. MM. les Juges Bissonnette, Rinfret et Choquette, de la majorité, exprimèrent l'avis que l'expres-

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sion mes héritiers légaux» utilisée pour désigner les bénéficiaires des dispositions du paragraphe 4 et ceux des dispositions du paragraphe 5 visaient, au paragraphe 4, les héritiers légaux de Clément Rondeau vivants au moment de son décès, et, au paragraphe 5, ses héritiers légaux vivants au moment du décès de son épouse. Donnant effet à cette interprétation, ils jugèrent d'abord que le testateur avait, au paragraphe 4, établi, en faveur de son épouse, un usufruit sur un legs à titre universel dévolu, à son décès, à ses propres héritiers légaux et qu'ayant manifestement exclu son épouse de ce legs, son fils Maurice lui survivant avait, dès la mort de son père, été saisi de la nue propriété de ces biens qu'il transmit lui-même, à son décès, à son épouse, Donalda Desrosiers. Référant ensuite au paragraphe 5, les Juges de la majorité inclinèrent à y voir une substitution relativement au résidu des biens mais ne jugèrent pas nécessaire de décider la question, car le fils Maurice, n'ayant pas survécu à l'épouse de Clément Rondeau demeurée veuve, ne pouvait, vu le sens attribué à l'expression «mes héritiers légaux» dans ce paragraphe, bénéficier de la disposition, qu'il s'agisse d'un usufruit (art. 901 C.C.) ou d'une substitution (art. 957 C.C.). Dissidents, MM. les Juges Owen et Montgomery auraient rejeté l'appel. D'accord avec leurs collègues, ils jugèrent comme eux que l'expression «mes héritiers légaux» au paragraphe 5 signifiait les héritiers légaux de Clément Rondeau existant au moment du décès de son épouse, mais contrairement aux juges de la majorité, ils considérèrent que la même expression au paragraphe 4 devait recevoir la même signification qu'au paragraphe 5 et qu'en conséquence, il y avait, comme en avait décidé le juge de première instance, une substitution dans les deux clauses.

De là un double pourvoi à cette Cour: appel de Donalda Desrosiers pour obtenir le complet rejet de l'action des intimés, et contre-appel de ces derniers pour faire rétablir le jugement de première instance tel que celui-ci fut modifié par un retraxit produit pour corriger une erreur qui s'était glissée dans le dispositif.

Il s'agit donc d'interpréter les dispositions testamentaires précitées. Nonobstant les imprécisions, ambiguïtés ou contradictions qu'on peut y relever, ces dispositions lorsque interprétées les unes par les autres en donnant à chacune le

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sens qui résulte de leur ensemble, justifient, je crois, l'opinion exprimée par les juges de la majorité en Cour du banc de la reine sur la véritable intention du testateur.

Comme déjà indiqué, Clément Rondeau fit son dernier testament quelque trente ans avant son décès et alors que lui et sa femme avaient un enfant de deux ans. Anticipant que le corpus de sa succession serait composé de deux parties distinctes de biens, la première comprenant ceux qui lui seraient échus par succession et la seconde les autres biens qu'il laisserait à sa mort, il voulut faire une attribution différente de chacune de ces deux parties. De plus et à ces fins, il envisagea diverses éventualités dont celle où son épouse survivrait à lui-même et à leur commune postérité et demeurerait jusqu'à décès en état de viduité. Au regard de cette éventualité, qui de fait s'est produite, il disposa comme ci-après de ses biens.

Au paragraphe 3, il constitue ce qui prima facie est un legs d'usufruit ayant pour objet tous les biens du corpus. Toutefois les termes de cette disposition générale sont par la suite contrôlés par ceux des dispositions spéciales apparaissant aux paragraphes 4 et 5 visant spécifiquement la première et la seconde partie des biens respectivement.

Relativement aux biens qui lui seraient échus par succession, et une somme de mille dollars, il ne lègue à son épouse, Délia Gareau, qu'un droit d'usufruit sa vie durant. Ceci appert clairement des dispositions du paragraphe 3 et du paragraphe 4 particulièrement, en lequel il prescrit qu'avant d'entrer en jouissance de cette première partie des biens, elle devra en faire un état détaillé et assermenté, et spécifie qu'au décès de son épouse ou à son convoi en d'autres noces, ces biens retourneront à ses héritiers légaux à lui, sans que celle-ci ne puisse y prétendre aucun droit. On retrouve, en plus, la confirmation de cette constitution d'usufruit aux dispositions du paragraphe 6. La veuve de Clément Rondeau n'a donc aucun droit à la nue propriété de cette partie des biens. Ce droit, qui durant la durée problématique de cet usufruit ne peut rester en suspens, serait, en l'espèce, au silence du testament, transmissible ab intestat aux héritiers légaux du testateur au moment de son décès, soit son épouse et son fils. (Art. 864 C.C.). Celle-ci ne pouvant cependant prétendre à d'autres droits que l'usufruit, seul le fils Maurice hérita du droit à la nue propriété qu'il transmit

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lui-même, lors de son décès, à l'appelante, sa légataire universelle Il y a donc eu, quant à cette partie des biens, deux libéralités, l'une d'usufruit et l'autre de nue propriété, bénéficiant respectivement à la veuve et au fils du testateur, toutes deux prenant effet simultanément dès le décès de ce dernier. Il n'y a pas d'ordre successif ou le trait du temps entre ces deux libéralités, contrairement à ce qui est la situation dans le cas de la substitution fidéicommissaire où un bénéficiaire gratifié en premier ordre doit, à un terme donné, rendre, en partie ou en totalité, ce qu'il a reçu à un bénéficiaire gratifié en second ordre. Cette distinction entre l'essence de la constitution d'usufruit et celle de la substitution fidéicommissaire est clairement exposée par notre collègue M. le Juge Taschereau dans Aubertin v. La Cité de Montréal3. Il en résulte que l'action des intimés quant à cette partie des biens ne peut être reçue.

Quant à la seconde partie des biens, le testateur a bien, comme pour la première partie, utilisé, dans la disposition générale du paragraphe 3, le mot «usufruit» pour désigner le legs bénéficiant à son épouse. Il apparaît cependant, au même paragraphe, que relativement à cette seconde partie des biens, contrairement à ce qui est le cas pour la première partie, sa veuve n'est pas tenue de faire inventaire. De plus, le testateur exprime clairement au paragraphe 5 la volonté que «ce qui restera» de cette partie des biens au décès de son épouse sera alors partagé en deux parts égales dont l'une retournera à ses héritiers légaux à lui et l'autre aux héritiers légaux de son épouse. Comme l'indique l'art. 928 C.C., une substitution peut exister quoique le terme d'usufruit a été employé pour exprimer le droit du grevé, et c'est d'après l'ensemble de l'acte et l'intention qui s'y trouve suffisamment manifestée plutôt que d'après l'acceptation ordinaire de certaines expressions qu'il est décidé s'il y a ou non substitution. Les dispositions du paragraphe 5 n'ont pas pour objet la totalité des biens formant cette seconde partie du corpus, telle qu'existant au moment du décès de Clément Rondeau, mais simplement «ce qui restera» de cette partie des biens au décès de sa veuve et la façon dont il devra alors en être disposé. Il semble bien que Clément Rondeau ait, quant à cette seconde partie des biens, donné à son épouse plus qu'un simple usufruit, qu'il lui ait accordé en plus le

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droit d'en faire certaines aliénations. Comme le signale Migneault, Droit Civil Canadien, vol. 5, au bas de la page 88, en s'appuyant sur Thévenot d'Essaule, le fidéicom-mis de residuo s'énonce ordinairement par la formule: Vous rendrez à un tel, lors de votre décès, ce qui restera de mes biens. Plus loin, à la page 93, traitant de la variété des effets de la substitution dépendant de la variété des termes la constituant, Migneault dit: «S'il s'agit d'un véritable fidéicommis de residuo, c'est-à-dire de l'obligation imposée au grevé de rendre à l'appelé ce qui restera des biens . . . . . . . . . .". Voir aussi Pothier, édition Bugnet, vol. 8, Traité des Substitutions, n° 140, p. 502 et n° 149, p. 504. Ainsi donc, quant à cette seconde partie des biens, il y a deux libéralités bénéficiant, en premier ordre, à la veuve et, en second ordre, aux héritiers légaux du de cujus et héritiers légaux de son épouse, chaque ligne pour une moitié. Ces deux libéralités ne prennent pas effet simultanément; il y a un ordre successif ou le trait du temps entre chacune. Si donc, comme je le crois, après avoir considéré attentivement tous les moyens soulevés par le savant procureur de l'appelante, il s'agit ici d'une substitution de residuo, Maurice Rondeau, époux de l'appelante, étant décédé avant l'ouverture de la substitution, n'a acquis et n'a pu conséquemment transmettre aucun droit à l'appelante quant à cette partie des biens. Ce sont les intimés qui ont droit d'en recueillir chacun leur part. De plus, je partage l'opinion, exprimée en Cour d'Appel, qu'au paragraphe 5 le testateur s'est préoccupé de la dévolution des biens y mentionnés telle qu'elle devait se faire, non pas au moment de son décès, mais à celui de son épouse, et que l'expression «mes héritiers légaux» se réfère à ses héritiers légaux qui seraient alors vivants.

Je renverrais l'appel et le contre-appel avec dépens.

Appeal and cross-appeal dismissed with costs.

Attorneys for the appellant: Corbeil & Johnson, Montreal.

Attorney for the respondents: G. Sylvestre, Joliette.



1 [1962] Que. Q.B. 27.

2 [1962] Que. Q.B, 27.

3 [1957] S.C.R. 643 at 647.

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