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Supreme Court of Canada

Bissonnette v. Cie de Finance Laval Inc., [1963] S.C.R. 616

Date: 1963-06-24

J. G. Fernand Bissonnette (Défendeur) Appelant;

et

La Compagnie de Finance Laval Limitée et al. (Demanderesse) Intimée.

Immeubles—Hypothèque avec clause de dation en paiement—Faillite—Clause jouant automatiquement dans ce cas—Nature et effet de la dation—Créancier plus qu'un créancier garanti—Droit à la propriété —Effet sur les autres créanciers—Code Civil, arts. 1085, 1952—Loi sur la faillite, S.R.C. 1952, c. 14, arts. 2(r), 50.

Lorsqu'une requête en faillite fut présentée contre la compagnie Hôtel Lapointe Inc. celle-ci était propriétaire d'immeubles grevés d'un privilège de vendeur avec clause résolutoire et d'une hypothèque avec clause de dation en paiement. Dès avant cette date, la compagnie était en défaut de satisfaire à ses obligations. Avant que le jugement de la Cour d'appel confirmant l'ordonnance de séquestre ne soit rendu, la demanderesse devint cessibnnaire du privilège de vendeur et de l'hypothèque avec la clause de dation. Après mise en demeure, la demanderesse présenta une requête en retrocession des immeubles en paiement de ses créances. Le juge de première instance donna effet à la clause de dation et déclara la demanderesse propriétaire incommutable. Ce jugement fut confirmé par la Cour du banc de la reine. Le syndic obtint permission d'appeler devant cette Cour.

La clause de dation se lit ainsi en partie: …qu'advenant le défaut par le débiteur de rembourser … alors, dans chacun de ces cas, le créancier aura droit de prendre l'immeuble ci-dessus en paiement de sa créance ou de toute partie d'icelle non alors acquittée … la présente clause de dation en paiement prenant effet automatiquement au cas où le débiteur ou l'un ou l'autre de ses représentants ferait cession de ses biens, serait mis en faillite ou tomberait sous le coup d'un concordat … Cette clause aura effet au choix de créancier, nonobstant toutes autres clauses antérieures.

Arrêt: L'appel doit être rejeté.

Le choix du créancier, mentionné à la fin de la clause, était celui de renoncer ou non à la dation automatiquement acquise par le fait de la faillite alors que dans les autres cas où la dation pouvait jouer, le choix était d'exiger ou de ne pas exiger la dation. Le débiteur avait conféré au créancier un droit de propriété conditionnelle sur les immeubles, droit devant prendre un caractère absolu rétroagissant à la date du contrat dès l'accomplissement de la condition, soit la faillite. Par conséquent, l'argument du syndic que le créancier aurait perdu le droit d'invoquer la clause de dation parce qu'il n'aurait pas

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fait ou signifié son choix d'en prendre avantage, ne peut pas être retenu, puisqu'elle joue automatiquement dans le cas d'une faillite.

Il appartenait au syndic de faire la preuve que la demanderesse avait par ses actes renoncé à la dation en paiement. Cette preuve n'a pas été faite.

Les faits démontrent que les exigences de l'art. 50 de la Loi sur la faillite, prescrivant que le créancier doit fournir au syndic une preuve détaillée et assermentée de sa réclamation, ont été entièrement couvertes.

L'argument que la clause de dation en paiement vient en conflit avec l'esprit et les dispositions de la Loi sur la faillite régissant les droits d'un créancier garanti, ne peut être retenu. Le créancier d'une telle clause est plus qu'un créancier garanti au sens de l'art. 2(r) de la Loi. Sous notre droit, la dation en paiement équivaut à vente, le débiteur étant obligé de remettre une chose autre que celle qui était due en vertu de l'obligation. Dès l'avènement de la faillite, la demanderesse créancière avait acquis un droit à la propriété des immeubles revendiqués.

APPEL d'un jugement de la Cour du banc de la reine, province de Québec1, affirmant un jugement du Juge Marier. Appel rejeté.

L. P. Gagnon, C.R., et J. B. Carisse, pour le défendeur, appelant.

J. P. Bergeron, C.R., et P. E. Blain, pour la demanderesse, intimée.

Le jugement de la Cour fut rendu par

Le Juge Fauteux:—L'appelant, syndic à la faillite de Hôtel Lapointe Inc., ci-après appelé la compagnie ou la débitrice, se pourvoit en cette qualité à l'encontre d'une décision unanime de la Cour du banc de la reine1 rejetant son appel d'un jugement du Tribunal des Faillites et ce pour les motifs exposés par M. le Juge Choquette et partagés par MM. les Juges Bissonnette, Hyde, Montgomery et Rivard.

Par ce jugement de la Cour supérieure siégeant en faillite, rendu le 28 juin 1961, M. le Juge Marier, donnant effet à une clause de dation en paiement dont les immeubles de la débitrice étaient affectés, en déclara l'intimée propriétaire incommutable et ordonna les radiations appropriées.

L'appelant a demandé et obtenu la permission de se pourvoir à cette Cour.

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Il convient de relater sommairement les faits et les diverses procédures dans la perspective desquels se situent les questions de droit soulevées par l'appelant.

Quelque huit ans avant sa faillite, soit le 31 mars 1952, la compagnie acheta les immeubles en litige, assumant au contrat les charges dont ils étaient grevés, dont (i) un privilège de vendeur avec clause résolutoire, résultant d'un acte de vente du 30 mars 1950 et (ii) une hypothèque avec clause de dation en paiement, constituée par acte d'obligation passé le 3 octobre 1951. A la date de la requête en faillite, le 23 février 1960, ces immeubles étaient encore grevés de ces droits réels pour des montants considérables. La compagnie était de plus en défaut de faire des versements substantiels sur le capital; des intérêts étaient dus; enfin, les taxes scolaires qui n'avaient pas été payées depuis 1956 s'arrérageaient à la somme de $33,231.45, le 21 juin 1961, lors de l'enquête sur la requête en rétrocession. Ainsi donc, et dès avant la faillite, la compagnie était en défaut de satisfaire aux obligations par elle assumées lors de l'acquisition des immeubles en 1952 et ce défaut donnait au créancier du privilège de vendeur et au créancier de l'hypothèque le droit d'invoquer respectivement la clause résolutoire et celle de dation en paiement.

La requête en faillite, comme déjà indiqué, fut présentée le 23 février 1960 alors que l'appelant fut nommé séquestre intérimaire des biens de la débitrice. Le 5 avril suivant, l'ordonnance de séquestre fut rendue contre la compagnie et l'appelant fut nommé syndic à la faillite. La compagnie interjeta appel du jugement la déclarant en faillite et ce n'est que quelque sept mois plus tard, soit le 16 novembre 1960, que cet appel fut rejeté par la Cour du banc de la reine.

Alors que cet appel était pendant, l'intimée, la Compagnie de Finance Laval Ltée, devint cessionnaire des créances résultant (i) de l'acte de vente du 30 mars 1950, dont le privilège de vendeur, et (ii) de l'acte d'obligation du 3 octobre 1951, dont l'hypothèque avec clause de dation en paiement, le tout en vertu d'actes de cession et transport signifiés à la débitrice. Dans le même intervalle, par lettre du 26 avril 1960, l'intimée, invoquant le défaut de la débitrice d'exécuter les obligations par elle assumées, le fait de

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l'ordonnance de séquestre rendue contre elle et la clause de dation en paiement, la mit en demeure de lui consentir la rétrocession des propriétés susdites en paiement de ses créances.

Subséquemment au jugement de la Cour d'Appel maintenant l'ordonnance de séquestre, l'appelant fut confirmé dans sa fonction de syndic, à la première assemblée des créanciers, tenue le 29 novembre 1960. Le 16 mars suivant, il demanda au Tribunal des Faillites que tous droits de l'intimée de réaliser ses garanties soient différés jusqu'au 16 mai 1961, et obtint, le lendemain, une ordonnance intérimaire ayant cet effet jusqu'à adjudication sur sa demande. Celle-ci fut accueillie le 18 avril 1961, vu le consentement de l'intimée qui avait elle-même logé, le 12 avril 1961, la requête en rétrocession qui nous occupe. Suspendue, avec l'acquiescement de l'appelant, il ne fut procédé à cette dernière requête que le 20 juin 1961. Dans l'intervalle, l'appelant demanda, le 27 avril 1961, l'autorisation du tribunal de vendre de gré à gré les immeubles en litige à une personne qui s'était engagée, moyennant certaines conditions, à s'en porter acquéreur et à signer un contrat de vente dans les trente jours de l'acceptation de son offre. L'intimée consentit à jugement sur cette requête mais sous la réserve expresse que ce consentement était donné sans préjudice à son droit de contester, advenant—comme ce fut le cas—la non réalisation de la vente proposée, certaines allégations de la requête mettant en question son droit à la dation en paiement.

Postérieurement à ces procédures, la requête en rétrocession fut entendue au mérite et, comme déjà indiqué, trouvée bien fondée, tant en Cour de première instance qu'en Cour d'Appel.

D'où le présent pourvoi.

Il convient de citer au texte la clause de dation en paiement sur laquelle se fonde le jugement a quo, d'en souligner les parties essentielles, omettant des diverses circonstances en conditionnant l'application, celles qui n'ont aucune pertinence en l'espèce:

Il est expressément compris, sans quoi les présentes n'auraient pas été consenties par le créancier, qu'advenant le défaut par le débiteur de rembourser à échéance le capital emprunté ou tout versement sur icelui

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convenu; ou de payer ses taxes avant le premier janvier de chaque année; ou si le débiteur faisait défaut de .............................................................................................. alors, dans chacun de ces cas, le créancier aura droit de prendre l'immeuble ci-dessus en paiement de sa créance ou de toute partie d'icelle non alors acquittée, duquel immeuble il sera et demeurera propriétaire incommutable sans aucune indemnité, ni sans aucun remboursement pour deniers déjà reçus ou pour toutes impenses et améliorations apportées audit immeuble, lequel sera et devra être considéré comme franc et quitte de toutes charges, dettes et hypothèques subséquentes au présent acte d'obligation, la présente clause de dation en paiement prenant effet automatiquement au cas où le débiteur ou l'un ou l'autre de ses représentants ferait cession de ses biens, serait mis en faillite ou tomberait sous le coup d'un concordat. Tous locataires, tiers détenteurs ou créanciers subséquents dudit immeuble seront sujets et soumis non seulement à l'hypothèque consentie en faveur dudit créancier, mais à toutes les clauses insérées au présent acte et sujet à la clause de dation en paiement mentionnée plus haut, laquelle constitue et confère dans tous les cas, sur l'immeuble sus-désigné et dépendances, en faveur du créancier, un droit «in re», immédiat, rétroactif, «hic et nunc», dans le cas où le créancier demanderait la propriété du débiteur en paiement de sa créance. Cette clause aura effet au choix du créancier, nonobstant toutes autres clauses antérieures.

A l'audition, le syndic a soumis en substance les arguments suivants au soutien de son appel.

Il a d'abord prétendu qu'aux termes de la dernière phrase de la clause précitée, le jeu de cette clause est conditionné à la signification au débiteur du choix du créancier d'en prendre avantage; que ce choix n'aurait pas été fait ou signifié; il en conclut que la clause est demeurée sans effet et que le créancier a perdu le droit de l'invoquer. Pour écarter cette conclusion, il suffit de dire qu'à tout le moins la première des prémisses sur laquelle elle repose, n'est pas fondée dans le cas de la faillite du débiteur, l'un des cas prévus pour l'application de la clause. I1 est, en effet, clairement stipulé que dans ce cas la clause opère «automatiquement». Il faut donner effet à cette stipulation et pour ce faire interpréter cette dernière partie de la clause non pas en la considérant isolément mais avec les autres parties du contexte, en donnant à chacune le sens qui résulte de la clause entière. Ainsi considérée, il apparaît, comme s'en exprime M. le Juge Choquette avec l'accord de tous ses collègues, que le choix du créancier, mentionné à la fin du texte, serait le choix de renoncer ou de ne pas renoncer à la dation en paiement automatiquement acquise par le fait de la faillite alors que, dans les autres cas où il peut y avoir lieu à dation en paiement, ce choix serait d'exiger ou de ne

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pas exiger la dation en paiement. Cette interprétation est vraiment la seule susceptible de donner effet à la volonté exprimée des parties. Celles-ci ont envisagé et réglé d'avance, par contrat, le sort des immeubles dans l'éventualité d'une faillite du débiteur. Par cette clause, ce dernier a conféré au créancier un droit de propriété conditionnel sur les immeubles affectés, droit prenant un caractère absolu rétroagissant à la date du contrat dès l'accomplissement de la condition, soit l'avènement d'une faillite. Par la même clause, le débiteur a accordé au créancier la faculté de renoncer à son gré au droit ainsi conféré. Ce premier argument ne peut donc être retenu.

Mais, poursuit l'appelant, l'intimée a par ses actes renoncé à la dation en paiement. Cette renonciation, dit-il, résulterait virtuellement (i) du consentement donné par l'intimée à l'ordonnance du 18 avril 1961 requise par le syndic pour faire différer à deux mois l'exercice des droits de l'intimée, (ii) du consentement de cette dernière au jugement du 27 avril accueillant la requête du syndic pour la vente des immeubles en question, et (iii) du fait que l'intimée aurait fait parvenir au syndic un relevé de compte daté le 31 mai 1961 indiquant le montant de la dette de la débitrice au 2 juin 1961. Le premier de ces consentements fut donné alors que la requête en rétrocession était et demeurait pendante; de plus, l'audition de cette requête fut suspendue avec l'acquiescement de l'appelant. Le second fut donné à la condition expresse que la vente projetée soit conclue et sans préjudice au droit de l'intimée de contester certaines allégations de la requête du syndic mettant en doute le droit de l'intimée à la dation en paiement, advenant le cas où la vente n'aurait pas lieu, ce qui, en fait, s'est produit. Quant au relevé de compte, l'appelant ne paraît pas en avoir fait état en Cour d'Appel. Il a été produit en preuve par l'appelant, sous réserve des objections de l'intimée, relativement à une question étrangère à la suggestion d'une renonciation. Le dossier ne révèle d'ailleurs aucune circonstance permettant d'inférer raisonnablement en l'espèce une renonciation du fait de son envoi au syndic. Pour ces raisons et celles données en Cour d'Appel, je dirais qu'il appartenait à l'appelant de faire la preuve de la renonciation et que cette preuve n'a pas été faite.

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D'après une autre prétention de l'appelant, la requête en rétrocession serait prématurée et partant mal fondée parce que l'intimée n'aurait pas fourni au syndic une preuve détaillée et assermentée de sa réclamation, suivant les formalités prescrites à l'art. 50 de la Loi sur la faillite. Le syndic, comme on l'a noté en Cour d'Appel, s'est tenu suffisamment informé de la réclamation de l'intimée et de la preuve au soutien; il avait évidemment pris connaissance des titres de l'intimée et de la lettre du 26 avril 1961 adressée par ce dernier à sa débitrice pour demander la rétrocession des immeubles affectés; par sa requête du 16 mars 1961, il avait demandé que soit différé l'exercice des droits de l'intimée afin de pouvoir vendre lui-même les immeubles revendiqués; par sa requête du 27 avril 1961, c'est lui qui prend encore l'initiative de s'adresser au tribunal pour faire décider en somme que l'intimée n'a pas droit à une dation en paiement. Ces deux requêtes contiennent une description complète des immeubles en litige et des droits qui les grèvent. De tous ces faits, la Cour d'Appel a conclu, avec justesse, que les exigences de l'art. 50 ont été entièrement couvertes.

Enfin, et c'est là le principal argument soumis à l'audition, même si la clause de dation en paiement contient une stipulation à l'effet qu'elle joue automatiquement dans le cas d'une faillite, une telle clause, dit l'appelant, est ineffective parce qu'elle est incompatible avec l'esprit de la Loi sur la faillite dont l'une des fins est de protéger la masse des créanciers et empêcher que les uns bénéficient d'avantages indus au détriment des autres, et que, valide sous le Code Civil, elle est en conflit avec les dispositions de la Loi sur la faillite régissant aux fins ci-dessus les droits d'un créancier garanti. Rejetant cet argument, la Cour d'Appel a jugé qu'il n'y avait, dans le présent cas, aucun conflit entre la Loi sur la faillite et le Code Civil, que l'intimée est en l'espèce plus qu'un créancier garanti au sens de l'art. 2(r), qu'elle a acquis un droit à la propriété des immeubles revendiqués et que, d'ailleurs, le syndic n'a offert aucun rachat de ce qu'il appelle la «garantie» de l'intimée.

Au soutien de sa prétention, l'appelant a particulièrement invoqué, en cette Cour comme en Cour d'Appel, les décisions rendues par la Cour supérieure de la Province de Québec dans les causes suivantes: Laplante, Perras et Berthe

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Roberto 1953 Montréal C.S. 141 (non rapportée), Beauchatel Construction Inc. v. Poissant2, et Ireland, Breton v. Gingras et al.3 Une étude attentive de ces décisions aussi bien que de l'argumentation de l'appelant révèle que l'une des prémisses essentielles sur lesquelles elles se fondent est qu'on considère le créancier d'une telle clause comme un créancier garanti au sens de l'art. 2(r) de la Loi sur la faillite et qu'on justifie ainsi l'application des dispositions de cette loi autorisant le rachat de la garantie pour assurer que le patrimoine du failli reçoive le profit du surplus de sa valeur, au bénéfice de la masse des créanciers. L'article 2(r) définit ainsi le créancier garanti:

«créancier garanti» signifie une personne qui détient un mortgage, une hypothèque, un nantissement, une charge, un gage ou un privilège sur ou contre les biens du débiteur, ou toute partie de ces biens, à titre de garantie d'une dette échue ou à échoir du débiteur envers lui, ou une personne dont la réclamation est fondée sur, ou garantie par, un instrument négociable détenu en garantie subsidiaire et dont le débiteur n'est responsable qu'indirectement ou secondairement;

Manifestement, on ne saurait, en vertu de la deuxième partie de cette définition, considérer l'intimée comme créancière garantie en raison de la dation en paiement qu'elle invoque. Et pour que l'intimée soit ainsi considérée, en vertu de la première partie, il faudrait que cette clause constituât—ce qui n'est pas—1'une des formes de sûretés réelles qui y sont énumérées et qui permettent à leurs bénéficiaires de réclamer un droit de préférence sur le prix de vente des biens qui en sont affectés, de se faire payer leur dette à même ce prix avant les autres créanciers et d'échapper ainsi à la loi du concours régissant les créances chirographaires, suivant l'art. 1981 du Code Civil. Au contraire et par cette clause, la débitrice, comme déjà indiqué, a conféré au créancier, non pas un droit de préférence accessoirement à un droit principal, mais un droit de propriété conditionnel sur les immeubles affectés, droit prenant un caractère absolu rétroagissant à la date du contrat dès l'accomplissement de la condition, soit, en l'espèce, l'avènement de la faillite. Art. 1085 du Code Civil. La Caisse Populaire de Scott v. Guilmette4. Dans Planiol et Ripert, 2e éd., Droit Civil, vol. 7, p. 658, on définit la dation en paie-

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ment et on en analyse la nature. La tenant, non comme une sûreté réelle garantissant une obligation mais comme mode d'extinction d'obligation, on la rapproche du paiement ou on la ramène à la novation par changement d'objet ou encore à une vente donnant lieu à compensation, l'auteur ajoutant que, sous ce dernier aspect, «Tout se passe comme si le débiteur vendait un bien à son créancier pour un prix égal au montant de sa dette; le créancier devient propriétaire de la chose et le débiteur du prix; la compensation vient éteindre aussitôt sa dette du prix et la dette dont était tenu le débiteur.» Sous notre droit, la dation en paiement équivaut à vente. Art. 1592 du Code Civil. En somme, la débitrice, en consentant à cette clause s'est obligée, advenant sa faillite, à remettre en paiement à son créancier une chose autre—soit les immeubles—que celle qui était due en vertu de l'obligation. En exigeant la clause au contrat, le créancier a pu avoir en vue d'assurer la protection de son patrimoine, mais ceci ne fait pas du moyen qu'il a pris pour ce faire l'une des sûretés réelles mentionnées dans la définition du créancier garanti. Aussi bien et d'accord avec la Cour d'Appel, je dirais que l'intimée est, par suite de cette clause qu'elle invoque, en raison de la faillite, plus qu'une créancière garantie et qu'elle a acquis un droit à la propriété des immeubles revendiqués.

L'appelant a fait état de la rigueur de cette clause dont il a par ailleurs reconnu la validité, plaidant simplement son inefficacité en raison de la Loi sur la faillite. Il n'appartient pas aux tribunaux mais au Législateur d'y apporter des tempéraments, si et dans la mesure où il le juge à propos.

Je rejetterais l'appel avec dépens.

Appel rejeté avec dépens.

Procureurs du défendeur, appelant: E. Lafontaine et J. Bernard Carisse, Montréal.

Procureurs de la demanderesse, intimée: Blain, Piché, Bergeron, Godbout & Emery, Montréal.



1 [1963] B.R. 391.

2 [1961] C.S. 145, 1 C.B.R. (N.S.) 279.

3 [1962] C.S. 95, 3 C.B.R. (N.S.) 162.

4 [1962] B.R. 293.

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