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Supreme Court of Canada

Corporation du Village de Ste. Anne-Du-Lac v. Hogue et al., [1959] S.C.R. 38

Date: 1958-12-18

La Corporation Municipale du Village de Ste-Anne-Du-Lac (Defendant) Appellant;

and

Lucien Hogue et al. (Plaintiffs) Respondents;

and

Anita Raymond Respondent.

Municipal corporations—Waterworks—Municipality granting permit by resolution to erect and operate waterworks system—Whether exclusive franchise—Art. 408 of the Municipal Code.

A resolution by a municipal council authorizing a group of people to build and operate a waterworks system for a period of 25 years does not prevent a municipality from building and operating its own waterworks system. If the municipality purported to grant a permit, competition was not prohibited. If, on the other hand, the municipality purported to grant an exclusive franchise, it could not do so by resolution. By the terms of art. 408 of the Municipal Code, a by-law approved by an affirmative vote of the majority in number and in value of the electors who are property-owners and also by the Lieutenant-Governor in Council is required in order to grant an exclusive privilege for a term not exceeding 25 years.

APPEAL from a judgment of the Court of Queen's Bench, Appeal Side, Province of Quebec1, affirming a judgment of Fortier J. Appeal allowed.

P. Massé, Q.C., for the appellant.

A. Feiner and M. Landry for the respondents.

The judgment of the Court was delivered by

Taschereau J.:—Les cinq intimés ont formé une société le 1er novembre 1941, pour construire et opérer un système d'aqueduc dans les limites du canton Décary, aux droits de qui se trouve l'appelante incorporée subséquemment. Une requête fut présentée dans le temps au conseil municipal,

[Page 39]

demandant l'autorisation de procéder à la construction de l'aqueduc, et pour y donner suite, la municipalité adopta la résolution suivante, le 3 novembre de la même année:

Il est proposé par François Roy secondé par Aurèle Leduc que suivant la requête présentée par les intéressés et la majorité des résidents dans le village de Ste-Anne-du-Lac demandant au conseil municipal d'accorder un permis de poser un aqueduc dans le village par les suivants mentionnés soit: Lucien Hogue, Charles Bolduc, Arthur Chalifoux, Orner Roy, Jos. Tourangeau, Attendu que la municipalité donne un permis aux ci-haut mentionnés.

Permis de poser un tuyau pour desservir l'eau dans le village Ste-Anne-du-Lac avec toute exemption de taxe de toute nature à échoir pour vingt-cinq années à venir soit jusqu'au 1er novembre 1966.

Certifié conforme au livre des délibérations de la Municipalité du Canton Décarie Session du 3 novembre 1941 page du livre 229.

En foi de quoi je Olidor Chalifoux, sec.-trés. donne ce certificat ce 13ème jour de juin 1955.

(Signé) OLIDOR CHALIFOUX,

Sec.-Trés.

Aucun contrat écrit n'intervint entre les parties, et les intimés procédèrent alors à la construction de l'aqueduc et desservirent plusieurs familles du canton. Il arriva cependant que dans l'opinion d'une grande partie de la population, le service fourni par les intimés était inadéquat et insuffisant, et ne répondait pas aux besoins des contribuables. C'est alors qu'en 1949 se forma la nouvelle corporation municipale, l'appelante dans la présente cause, qui décida en 1952 de construire son propre aqueduc. On échangea des pourparlers avec les intimés afin d'acheter leur système de distribution d'eau, mais les négociations n'apportèrent aucun résultat concret et l'aqueduc municipal fut construit.

Au mois de février 1954, les intimés instituèrent la présente action, et c'est leur prétention que cette concurrence a fait disparaître l'utilité de leur propre aqueduc, qu'ils avaient obtenu la permission de construire, et qu'ils ont subi des dommages évalués à $42,666.66. Ces dommages comprendraient $15,000 pour la valeur de leur aqueduc, et $27,666.66 pour perte de profits à compter du 1er janvier 1953, date où l'aqueduc municipal a commencé ses opérations. Ils allèguent en outre que la défenderesse-appelante est aux droits du canton Décary, et est en conséquence liée par les obligations contractées par ce dernier par les termes mêmes de la résolution passée le 3 novembre 1941.

[Page 40]

L'appelante soutient au contraire qu'aucune franchise exclusive n'a été accordée aux intimés, que le permis de construire n'excluait pas la possibilité d'une concurrence future, que la résolution est illégale et que les dommages sont exagérés.

La Cour supérieure a maintenu l'action et a accordé aux intimés la somme de $12,500, montant que ces derniers auraient été disposés à accepter si l'appelante avait acheté leur entreprise. La Cour du banc de la reine2 a unanimement confirmé ce jugement.

Avec toute la déférence possible pour les opinions contraires, je crois que le présent appel doit être maintenu et que l'action doit être rejetée. Je crois en effet que le droit conféré aux intimés par la résolution du 3 novembre 1941, pourrait être suffisant pour octroyer un permis, mais non pas un privilège tel que celui qui est réclamé.

Je n'ai pas à me demander s'il s'agit dans l'occurrence d'une franchise exclusive, accordée aux intimés pour une période de vingt-cinq ans, ou d'un simple permis d'ouvrir les rues du canton Décary pour y poser des tuyaux et desservir le public, car dans l'un ou l'autre cas, les intimés ne peuvent réussir. S'il s'agit d'un simple permis, la concurrence n'est pas prohibée, et l'appelant pouvait construire son système d'aqueduc, quels que soient les dommages soufferts par les intimés. S'il s'agit de l'octroi d'une franchise exclusive, la résolution ne peut la conférer. En effet, l'octroi d'un privilège exclusif n'excédant pas vingt-cinq ans ne peut être accordé que par règlement, et ce règlement doit être approuvé par le vote affirmatif de la majorité en nombre et en valeur des électeurs propriétaires, et aussi par le Lieutenant-Gouverneur en Conseil. Or, ceci n'a pas été fait, et on s'est contenté de passer une résolution, qui évidemment n'a aucune valeur légale et ne peut conférer aucun droit aux intimés. L'acte du conseil municipal est frappé d'une nullité absolue, que toutes les parties intéressées peuvent invoquer. L'article 408 du Code Municipal, para. 2, est rédigé dans les termes suivants :

Art. 408. Toute corporation locale peut faire, amender ou abroger des règlements :

2. Pour accorder à toute compagnie, personne ou société de personnes, qui se charge de la construction d'un aqueduc, d'égouts, de puits publics ou de réservoirs, ou qui en prend l'administration, un privilège exclusif

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n'excédant pas vingt-cinq années pour poser des tuyaux servant à l'approvisionnement d'eau ou aux égouts dans les limites de la municipalité, ou dans toute partie d'icelle; et effectuer un contrat pour l'approvisionnement de telle eau, ou pour l'usage de tels égouts, pour une ou plusieurs années, mais pour une période de pas plus de vingt-cinq années; 16 Geo. V, c. 69, s. 1, (1926).

Tout règlement adopté en vertu du présent paragraphe 2 doit, avant d'entrer en vigueur, être approuvé par le vote affirmatif de la majorité en nombre et en valeur des électeurs propriétaires qui auront voté sur tel règlement, et par le lieutenant-gouverneur en conseil. 20 Geo. V, c. 103, s. 15, (1930).

Dans le cas qui nous occupe, ces formalités n'ont pas été suivies.

L'intimé a cité l'arrêt de Stuart v. La Corporation du Village de Napierville3, décision rendue par la Cour de revision, où il a été décidé ce qui suit:

Une municipalité du village a le droit d'accorder un privilège exclusif de poser des tuyaux dans toutes les rues, aux fins de l'exploitation d'un aqueduc, pendant une période de 25 années.

Lorsqu'un règlement concédant cette franchise ne donne aucun bonus, n'impose aucune taxe et n'oblige pas les contribuables ni les résidents de la municipalité de prendre l'eau de cet aqueduc, il n'est pas nécessaire de le faire approuver par les électeurs municipaux ni par le Lieutenant-Gouverneur en conseil.

Ce jugement n'est pas une autorité qui s'applique au présent cas, et ne peut nous servir de guide pour la détermination du litige. En effet, cet arrêt date de 1916, quatorze ans avant l'entrée en vigueur du paragraphe 2, qui n'a été incorporé à l'art. 408 qu'en 1930 par le statut 20 Geo. V, c. 103, et c'est depuis cette date que l'art. 408 se trouve dans la forme actuelle.

Mais, dans cette cause de Stuart, supra, M. le Juge Fortin donnait les raisons pour lesquelles le règlement n'était pas ultra vires, et s'exprimait ainsi à la page 409:

II n'était pas nécessaire non plus de soumettre ce règlement à l'approbation des électeurs municipaux et à l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil. L'art. 637 C.M. (ancien code) en vertu duquel on a procédé n'exige ni l'une ni l'autre de ces conditions.

Mais la loi n'est plus la même, et il est maintenant essentiel que le règlement soit approuvé par le vote de la majorité en nombre et en valeur des électeurs propriétaires, et que la sanction du Lieutenant-Gouverneur soit donnée.

[Page 42]

Il s'ensuit qu'aucune franchise exclusive n'a été accordée légalement aux intimés, et que la municipalité pouvait, sans encourir de responsabilité civile, construire son propre aqueduc comme elle l'a fait. Si la résolution du 3 novembre 1941 n'accordait aux intimés qu'un simple permis, elle n'excluait pas la concurrence municipale.

L'article 14 du Code Municipal qui veut que nulle objection faite à la forme, ou fondée sur l'omission de formalités même impératives, ne peut être admise sur une action, poursuite ou procédure concernant ces matières, ne peut venir au secours des demandeurs. Il ne s'agit pas ici, en effet, d'une objection faite à la forme, ou d'omission de remplir des formalités, mais bien d'une nullité radicale, que l'appelante était justifiée d'invoquer pour refuser de reconnaître l'existence légale d'une franchise exclusive, sans que l'annulation de cette procédure ait été préalablement prononcée par la Cour de magistrat, à la demande d'une partie intéressée, en vertu des arts. 430 et 431 du Code Municipal. Toute personne recherchée en dommages devant la Cour supérieure, peut invoquer la nullité absolue d'un acte municipal sur lequel est basée une demande.

L'appel doit donc être maintenu et l'action rejetée avec dépens de toutes les Cours.

Appeal allowed with costs.

Attorneys for the appellant: Courtemanche & Dubreuil, Montreal.

Attorney for the respondents: M. Landry, Montreal.



1 [1958] Que. Q.B. 183

2 [1958] Que. Q.B. 183.

3 (1916), 50 Que. S.C. 407.

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