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Supreme Court of Canada

Corporation du Canton de Chatham v. Liverpool & London & Globe Insurance Co., [1959] S.C.R. 47

Date: 1958-12-18

La Corporation du Canton de Chatham (Plaintiff) Respondent.

and

The Liverpool & London & Globe Insurance Company Limited (Defendant) Appellant.

Insurance—Indemnity bond—Secretary-treasurer of municipal corporation—Disappearance of funds—Secretary-treasurer not to blame—Whether defective notice of claim—Whether type of loss contemplated by policy.

By an indemnity bond, the defendant company bound itself jointly and severally with D (the secretary-treasurer of the plaintiff corporation and its tax-collector) as principal, for repayment of up to $4,000 of "les deniers dont le principal peut, dans l'exercise de ses fonctions, être comptable envers la corporation". The bond was to be of no effect if "le principal remplit bien et fidèlement les devoirs de sa charge et rend compte, paie ou remet les deniers dont il deviendra comptable". The bond repudiated liability unless a sworn statement of claim was filed within three months of the discovery of the loss. A sum of money disappeared from the safe in D's office and a claim was made under the bond nearly four months later. There was no suggestion that D had stolen the money, and indeed he was kept in the plaintiff's employ for over a year after the disappearance of the money. The action was dismissed both by the trial judge and by the Court of Appeal.

[Page 48]

Held: The action must fail.

Per Taschereau J.: The claim was defective because it was not filed within the prescribed time. It must also fail because the plaintiff has failed to establish the culpability or the negligence of D.

Per Rand, Fauteux, Abbott and Martland JJ.: The claim must fail, since by the terms of the bond the defendant could not be held liable unless D himself was held liable. The preponderance of evidence was to the effect that the disappearance of the money had been caused by the act of a third party. The plaintiff has failed to establish that D had been guilty of negligence or had violated any provision of the Municipal Code involving his liability.

APPEAL from a judgment of the Court of Queen's Bench, Appeal Side, Province of Quebec1, affirming a judgment of Lalonde J. Appeal dismissed.

P. Legault, Q.C., for the plaintiff, appellant.

J. W. Long, Q.C., for the defendant, respondent.

Taschereau J.:—La demanderesse est une corporation municipale rurale, régie par le Code municipal de la province de Québec, et a sa place d'affaires dans le canton de Chatham, comté d'Argenteuil.

Le 6 janvier 1950, la compagnie défenderesse intimée émit un contrat d'assurance de garantie en faveur de la demanderesse, sur la personne de son secrétaire-trésorier, Harold Derouin, le tout conformément aux dispositions des arts. 151 et suivants du Code municipal. Cette police était limitée au montant de $4,000, et garantissait à la municipalité appelante le remboursement des montants d'argent, dont le secrétaire-trésorier, dans l'exercise de ses fonctions, pourrait être comptable envers la corporation. Elle devenait nulle si le secrétaire-trésorier remplissait bien et fidèlement les devoirs de sa charge, rendait compte, et payait ou remettait à la corporation ou à ses représentants autorisés, les deniers dont il avait l'administration durant l'exercise de ses fonctions.

On trouve aussi, incorporée à la police, la clause suivante :

La responsabilité de la Caution cessera à l'expiration d'un mois de la connaissance acquise par la Corporation de détournements de fonds, ou acte similaire, de la part du Principal, si ledit Principal est néanmoins maintenu en fonctions sans que la Caution y ait donné son assentiment par écrit.

[Page 49]

Une autre clause importante est ainsi rédigée:

La Caution ne se tient pas responsable des termes du présent cautionnement à moins qu'un rapport assermenté de la réclamation ne soit remis à la Caution par la Corporation dans les trois mois suivant la découverte d'un tel délit.

Des certificats de renouvellement ont été émis par la compagnie intimée, d'année en année, jusqu'au 1er mars 1952.

La preuve révèle que lorsque le secrétaire-trésorier est revenu à son bureau le matin du 20 décembre 1950, une somme de $2,157.76 manquait dans la voûte, qui était le produit de la perception de certaines taxes d'eau et d'égout, payées par les contribuables durant les quelques jours précédents. Le maire, de même que les membres du Conseil, en furent avertis sans délai, et l'auditeur appelé par le secrétaire-trésorier, se rendit immédiatement sur les lieux et constata en effet que cette somme était disparue.

Le conseil prit l'attitude qu'en vertu de la police d'assurance émise par l'intimée, celle-ci devait lui rembourser le montant, vu que son secrétaire-trésorier n'avait pas rendu compte de cette somme de $2,157.76. Le 9 avril 1951, les procureurs de la municipalité firent parvenir par lettre enregistrée à l'intimée, un affidavit de son auditeur, établissant ce déficit de $2,157.76 et réclamant de l'intimée cette somme en vertu de la police. Sur refus de l'intimée de payer, une action fut instituée devant la Cour supérieure, qui fut rejetée, et ce jugement fut unanimement confirmé par la Cour du banc de la reine2.

Dans les limites de la municipalité appelante, il n'y a pas de banque légalement constituée où le secrétaire-trésorier puisse déposer les fonds municipaux, tel que l'exige l'art. 640 CM., de sorte qu'il lui fallait, à des intervalles de temps plus ou moins longs, se rendre à Lachute, ville voisine, où se trouvait la plus proche succursale d'une banque à charte.

Le 15 décembre précédent, Derouin avait ainsi déposé les argents perçus la semaine précédente, mais de substantiels montans furent payés par des contribuables du 15 au 19 décembre, s'élevant à $2,157.76, et c'est cette somme qui est réclamée de l'intimée.

[Page 50]

L'auditeur de la corporation, appelé le 20, lors de la découverte du déficit dans la caisse, constata que jusqu'au 15 décembre les livres balançaient parfaitement; il compara les copies de reçus, les entrées des livres, avec les dépôts de banque, et conclut que la somme disparue était bien le produit de la perception des taxes du 15 au 19.

Suivant la coutume, le soir du 19, le secrétaire-trésorier plaça ce montant de $2,157.76 dans la voûte municipale mise à sa disposition par le conseil et dont il avait la clef, et la disparition de l'argent durant la nuit est demeurée inexpliquée. Le secrétaire-trésorier jure qu'il n'est l'auteur d'aucune défalcation, et c'est bien ce que semble avoir compris le conseil lui-même, car il garda Derouin à son emploi, et ce n'est que beaucoup plus tard que ce dernier quitta volontairement la corporation municipale, pour occuper un autre poste plus rémunérateur.

Comme le Juge au procès, et la Cour du banc de la reine, je suis d'opinion que cette action ne peut réussir. J'entretiens cependant des doutes sérieux sur l'un des motifs invoqués par M. le Juge McDougall qui, comme ses autres collègues, rejetterait l'action. Il cite en effet une clause de la police d'assurance qui dit que la responsabilité de la caution cessera à l'expiration d'un mois de la connaissance acquise par la corporation de détournements …, si le principal (Derouin) est maintenu en fonctions sans que la caution ait donné son assentiment par écrit.

Selon M. le Juge McDougall, cette clause libérerait l'intimée parce qu'elle n'a pas donné son assentiment par écrit avant l'expiration d'un mois. Il est vrai que Derouin est resté à l'emploi de la corporation municipale après la connaissance acquise par l'appelante du déficit, pour une période dépassant un mois, mais il semble que les mots: "La responsabilité de la Caution cessera" s'appliquent aux défalcations futures seulement, et non pas à celles qui auraient pu exister préalablement, comme dans le cas qui nous occupe, et pour lesquelles l'appelante réclame.

Mais je retiens deux motifs, qui selon moi, justifient le rejet de l'appel.

En premier lieu, la corporation devait aviser l'intimée par un rapport assermenté dans les trois mois suivant la découverte du délit. Or, le déficit a été établi le 20 décembre

[Page 51]

1950, et ce n'est que le 9 avril 1951 que l'affidavit de l'auditeur a été transmis à l'intimée, c'est-à-dire près de quatre mois après sa découverte. La police veut que la caution ne soit pas responsable si la réclamation n'est pas faite dans ce délai de trois mois suivant la découverte du délit.

En second lieu, rien dans la preuve ne justifie la présente réclamation. Ce que l'intimée a garanti, c'était l'honnêteté, la fidélité de Derouin, et il incombait à l'appelante de démontrer légalement qu'il avait manqué à son devoir. Il n'a pas davantage été établi que le secrétaire-trésorier avait fait preuve de négligence qui aurait pu faciliter le détournement, et comme l'appelante a totalement failli d'établir ces éléments essentiels, il s'ensuit que sa réclamation n'est pas fondée.

L'appel doit donc être rejeté avec dépens.

The judgment of Rand, Fauteux, Abbott and Martland JJ. was delivered by

Fauteux J.:—Des faits qui ont donné lieu à ce litige, il est suffisant, je crois, pour disposer de cet appel de référer à ceux qui suivent.

Le 6 janvier 1950 l'intimée signait en faveur de l'appelante un acte de cautionnement dont le texte de l'obligation de substance est libellé comme suit:

THE LIVERPOOL & LONDON & GLOBE INSURANCE COMPANY LIMITED (ci-après dénommée la Caution), s'engage conjointement et solidairement avec HAROLD DEROUIN … (ci-après dénommé le Principal) envers la Corporation Municipale de canton de Chatham … (ci-après dénommée la Corporation), au service de laquelle le Principal remplit les fonctions de Secrétaire-Trésorier … pour le remboursement des deniers dont le Principal peut, dans l'exercice de ses fonctions, être comptable envers la Corporation, la responsabilité totale de la Caution étant strictement limitée au montant de quatre mille … dollars, quel que soit le nombre de défauts du Principal, ou la durée de ce cautionnement. Au cas où plusieurs cautionnements seraient simultanément en vigueur entre les parties, la responsabilité totale de la Caution sera limitée au montant du cautionnement le plus élevé, en vigueur au moment du défaut.

Ce cautionnement sera nul si le Principal remplit bien et fidèlement les devoirs de sa charge et rend compte, paye ou remet à la Corporation, ou à ses représentants autorisés, les deniers dont il deviendra comptable durant l'exercice de sa charge; autrement il demeurera dans toute sa vigueur.

Cette obligation était tenante lorsque, dans l'avant-midi du mercredi vingt décembre 1950 Derouin, le secrétaire-trésorier de l'appelante, constata qu'une somme de

[Page 52]

$2,157.76, dont la plus grande partie avait été perçue par lui dans l'après-midi du samedi précédent et déposée le soir même dans la voûte appartenant à la municipalité et placée dans ses bureaux, en était disparue. Le lundi et le mardi cette somme était dans la voûte; Derouin en avait constaté la présence. Constatant cette disparition, sur-le-champ Derouin alerta les autorités municipales et la Sûreté provinciale. L'enquête faite établit qu'aux bureaux ou sur la voûte on ne put relever aucun indice d'effraction. Pour fermer cette voûte il n'y avait qu'une clé dont Derouin gardait constamment sur lui la possession; mais un expert a démontré, après la disparition, qu'il était possible de l'ouvrir autrement qu'avec une clé, soit par une opération touchant les pentures et l'utilisation d'une broche.

Il est bien évident que cette disparition ne s'explique que par la commission d'un délit criminel. Rien dans la preuve, cependantet le procureur de l'appelante l'a admisn'autorise à dire que Derouin fut partie à ce délit. Il a lui-même nié sous serment toute participation et de son côté la municipalité, après enquête, a continué de le maintenir dans ses fonctions jusqu'en avril 1952, alors que de son chef il décida de quitter cet emploi pour assumer une position plus lucrative.

La prépondérance de la preuve établit donc que cette disparition doit être imputée à l'acte d'un tiers.

L'appelante soumet cependant que Derouin aurait été négligent en ce qu'il aurait dû, contrairement à ce qui est le cas, déposer cette somme à la banque plutôt que de la garder à la voûte de la municipalité. Cette négligence engagerait la responsabilité de Derouin et par suite, aux termes de l'acte de cautionnement précité, celle de l'intimée.

La preuve ne permet pas de soutenir cette prétention. Il est avéré que pour se conformer à une résolution du Conseil de la municipalité les argents perçus par le secrétaire-trésorier devaient être déposés au compte d'icelle à la succursale de la Banque de Montréal établie à Lachute, soit à environ cinq milles de St-Philippe où se trouvait le bureau du secrétaire-trésorier. Aucune instruction n'avait été donnée à Derouin quant au jour ou aux jours où il devait faire ses dépôts. Suivant la pratique connue des autorités municipales, ces dépôts étaient faits le samedi. De fait, le samedi

[Page 53]

précédant la disparition, Derouin s'était rendu à Lachute pour y déposer les argents perçus durant la semaine. C'est après avoir fait ces dépôts qu'il est revenu à St-Philippe préparer la documentation nécessaire pour aller dans l'après-midi, à Lachute Mills, y percevoir les taxes d'eau et d'égouts. Il en est revenu vers les quatre heures et demie de l'après-midi, alors qu'il entra dans les livres de la municipalité les montants perçus qu'il déposa dans la voûte.

L'appelante n'a pas démontré, dans les circonstances, que Derouin se soit rendu coupable de négligence ou de violation de dispositions du Code municipal entraînant sa responsabilité. Au contraire, l'appelante, tel que déjà indiqué, lui a continué sa confiance.

Suivant l'acte de cautionnement précité, l'intimée ne saurait être tenue au remboursement de la somme disparue que si Derouin lui-même pouvait l'être; et comme tel n'est pas le cas, cette raison suffit au rejet de la réclamation de l'appelante et du présent appel. Je renverrais l'appel avec dépens.

Appeal dismissed with costs.

Attorneys for the plaintiff, appellant: Legault & Legault, Montreal.

Attorney for the defendant, respondent: J. W. Long, Montreal.



1 [1957] Que. Q.B. 41, [1957] I.L.R. 1-254.

2 [1957] Que. Q.B. 41, [1957] I.L.R. 1-254.

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