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Supreme Court of Canada

City of Montreal v. The King, [1949] S.C.R. 670

Date: 1949-06-24

The City Of Montreal (Suppliant) Appellant;

and

His Majesty The King Respondent.

Petition of right—Motor vehicle—Collision between two vehicles— Gratuitous passengers suing one of the owners—Settlement made out of court—Whether amount of settlement recoverable from co-author if payment made by non responsible owner—Prescription—Arts. 1118, 2262 C.C.

Following a collision between appellant's fire pump and respondent's truck, the three gratuitous passengers of the truck sued appellant for damages for personal injuries. Only one of the actions was proceeded with and the jury's verdict, after assessing the damages, was that it was impossible to say that appellant was 100 per cent responsible. The trial judge did not render judgment on that verdict and eventually appellant settled the three claims out of court. Then appellant, by Petition of Right, claimed from respondent the amounts it had paid in these settlements together with the damages to the fire pump, alleging that respondent's employee was solely responsible for the collision. The Exchequer Court found that respondent was the only one responsible but that appellant's claim was prescribed under Art. 2262 C.C. except as to the damages to the pump.

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Held: As there was no legal obligation for the appellant to indemnify the victims of the accident, since the respondent alone was responsible for the collision, the moneys paid by the appellant to the victims could not be recovered from the respondent.

Held, also that the prescription of an action based on Art. 1118 C.C. does not begin to run until the judgment liquidating the damages or, if no judgment, until payment of the debt by one of the codebtors, as it is only then that the codebtor can recover the share and portion due by his codebtor.

APPEAL from the judgment of the Exchequer Court of Canada, Angers J., dismissing appellant's petition of right except as to damages to the fire pump on the ground that the appellant's claim was prescribed under Art. 2262 C.C.

D. A. McDonald, K.C., for the appellant.

J. P. Charbonneau, K.C., for the respondent.

The judgment of the Court was delivered by

Taschereau, J.:—Le 12 avril 1944, une voiture à incendie, propriété de la ville de Montréal, est venue en collision avec un camion appartenant à l'intimée et conduit par Mlle Marguerite Thibault, qui était alors dans l'exercice de ses fonctions. Cette dernière conduisait bénévolement trois passagers, Shirley Harris, John Fleming et Eric Lawrence Brueton. Comme conséquence de cette collision, ces derniers ont été sérieusement blessés, et ont réclamé de la Cité de Montréal une compensation pour les blessures corporelles dont ils furent les victimes. Ils ont respectivement évalué leurs dommages à $14,284.96; $12,715.44 et $3,513.50.

Seule, l'action de Harris a été entendue devant la Cour Supérieure de Montréal. Le jury qui a été saisi de cette cause, en est arrivé à la conclusion que le demandeur avait souffert des dommages estimés à $8,699.96, mais a déclaré qu'il lui était impossible de dire que la Cité de Montréal était responsable de cet accident dans une proportion de 100 p. 100. Le juge présidant le procès n'a rendu aucun jugement pour confirmer ce verdict, et il en est résulté qu'un règlement est intervenu entre Harris et la Cité de Montréal pour la somme de $4,250.00. Les deux autres réclamations ont aussi été réglées pour $3,250.00 et $2,750.00. La Ville de Montréal, dans les trois cas, a payé les frais. Après avoir effectué ces paiements, l'appelante a produit devant

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la Cour d'Échiquier une réclamation contre Sa Majesté, au montant de $13,090.58, représentant les montants payés en satisfaction des règlements intervenus. A cette somme a été ajouté $369.53, valeur des dommages à la pompe à incendie.

La Pétition de Droit allègue que la faute de cet accident repose entièrement sur l'employée de l'intimée, conductrice du camion, et que la Ville de Montréal, ayant payé les montants ci-dessus mentionnés, a droit d'exercer en vertu de l'article 536 (B) de sa charte, une action en garantie contre l'intimée pour se faire indemniser des montants qu'elle a payés, en outre des dommages occasionnés à sa pompe à incendie.

La défense de Sa Majesté le Roi est que la Ville a payé ces montants pour satisfaire ses propres obligations, que cette réclamation est prescrite, sauf l'item de $369.53, et qu'il n'y a pas de lien de droit entre l'appelante et l'intimée. M. le Juge Angers de la Cour d'Échiquier en est venu à la conclusion que toute la responsabilité de ce malheureux accident reposait sur l'intimée, mais que la réclamation de la Ville, en remboursement des montants qu'elle avait payés était prescrite en vertu de l'article 2262 du Code. Civil. Il n'a maintenu les conclusions de la Pétition de Droit que pour la somme de $369.53, car dans ce cas, ce ne serait pas la prescription d'une année, mais bien celle de deux années qui s'appliquerait.

Il importe d'abord d'examiner cette question de prescription.

L'action instituée par Harris contre la Cité de Montréal, est bien, pour employer l'expression du Code Civil, article 2262 (2), "une action pour injures corporelles", et elle se prescrit par un an. Comme conséquence des dommages qu'il a subis, Harris devait instituer son action contre la Ville, dans une année du fait dommageable. L'accident étant arrivé le 12 avril 1944, il était encore en conséquence dans les délais voulus, quand il a fait signifier son action à la Cité de Montréal, dans le cours du mois d'octobre 1944. Il a jugé à propos de ne pas exercer son recours contre Sa Majesté le Roi, qui serait conjointement et solidairement responsable avec la Cité de Montréal, si les deux étaient co-auteurs du délit dont les victimes ont souffert (Code

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Civil, art. 1106). Mais il n'en a pas été ainsi; seul le recours contre la Ville a été exercé. La Ville a réglé et a payé les trois réclamations, entre mai et juillet 1945, et aujourd'hui, son action contre Sa Majesté le Roi ne peut être autre qu'une action récursoire, basée sur les dispositions de l'article 1118 du Code Civil, qui se lit ainsi:

1118. Le codébiteur d'une dette solidaire qui l'a payée en entier, ne peut répéter contre les autres que les parts et portions de chacun d'eux, encore qu'il soit spécialement subrogé aux droits du créancier.

Si l'un d'eux se trouve insolvable, la perte qu'occasionne son insolvabilité se répartit par contribution entre tous les autres codébiteurs solvables et celui qui a fait le paiement.

Alléguant que Sa Majesté est seule responsable de l'accident, la Ville réclame la totalité des montants qu'elle a payés en règlement. Je suis clairement d'opinion que cette action ne se prescrit pas par une année à partir de la date du fait dommageable ou du délit. La prescription ne commence à courir qu'à partir de la date où la Ville pouvait exercer son recours contre l'intimée. Si le verdict du jury avait été confirmé par un jugement, c'est à cette date que la prescription commençait à courir. Admettant que la Ville puisse exercer une réclamation, comme il n'y a pas eu de jugement, le jour a quo de la prescription est la date des paiements versés aux victimes. Contrairement à ce qui arrive dans les provinces de droit commun, dans la province de Québec, le juge adjugeant sur la réclamation d'une victime contre des co-auteurs d'un quasi-délit, ne détermine pas la proportion de responsabilité des défendeurs. Il déclare s'il y a responsabilité conjointe et solidaire, et c'est à partir de ce moment que l'article 1118 du Code Civil trouve son application. Il appartient alors à celui qui a payé la dette en totalité d'exercer son recours contre le co-débiteur de la dette solidaire. C'est d'ailleurs ce qui a été déterminé par cette Cour dans la cause récente de Thériault v. Huctwith 1, où il a été décidé:

The litigation here is merely to find if there is a joint and several liability between the tort feasors, and when this has been determined, it may not be raised again in the second action between Miss Thériault and Brandon and Huctwith, where only the apportionment of the liability will have to be established.

Dans la présente cause, il n'y a pas de jugement déclarant la solidarité entre les co-auteurs du quasi-délit, mais il n'est pas nécessaire que les tribunaux interviennent pour

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que la solidarité existe. Du moment que les parties sont tenues solidairement, par l'opération de la loi, l'une des parties ainsi solidairement obligée, et de qui le paiement est réclamé, peut payer volontairement, et exercer contre son co-débiteur, les droits que lui confère l'article 1118 du Code Civil. C'est à la date où elle effectue ce paiement que naît son droit d'agir et qu'elle peut validement exercer son recours contre ceux qui sont solidairement tenus avec elle. Avant cela, le droit de l'un des co-débiteurs contre l'autre est plus qu'incertain. Il ne peut donc pas être susceptible de prescription.

Dans une cause de Montreal Tramways v. Eversfield 2, la Cour d'Appel de Québec a justement décidé ce qui suit:

La prescription d'une action récursoire, par laquelle la compagnie des tramways de Montréal réclame au défendeur des dommages-intérêts qu'elle a été condamnée à payer à la victime d'une collision, a son point de départ là compter du jugement qui alloue les dommages-intérêts à la victime et non à compter de la collision.

Et à la page 556, M. le Juge Pratte s'exprime dans les termes suivants:

Il me semble que le plus sûr moyen de vérifier si la prétention du défendeur est fondée ou non est de préciser la cause juridique de l'obligation que l'appelante demande au défendeur d'exécuter. Pourquoi ce dernier serait-il tenu de payer le montant réclamé? Serait-ce parce qu'il est responsable de l'accident allégué par la demanderesse? Il me paraît bien que non, puisque la seule allégation de cet accident et de la faute du défendeur ne suffirait pas à justifier la conclusion de la demande. Si la demande peut être accueillie, c'est uniquement à raison de l'obligation de payer alléguée par la demanderesse. C'est cette obligation de payer une dette que la demanderesse prétend être celle du défendeur, qui serait la cause juridique de l'obligation du défendeur. Il est bien certain que le quasi-délit imputé au défendeur a joué un rôle nécessaire dans la naissance de la créance de la demanderesse, mais ce n'est pas lui qui a été la cause juridique du droit que cette dernière entend exercer.

Ceci doit être, je crois, considéré comme la véritable jurisprudence de la province de Québec, si l'on tient compte surtout des remarques des autres collègues de M. le Juge Pratte dans la même cause. D'ailleurs, en France, la théorie est la même. Planiol et Ripert (Traité Pratique de Droit Civil, Vol. 7, page 685) s'expriment ainsi:

Le point de départ exact du délai est en principe le jour où est ouverte l'action en justice et où le créancier a commencé à pouvoir l'intenter.

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Un auteur plus ancien, parmi plusieurs autres, entretient la même opinion. Vide Vazeille, Traité de prescription, Vol. 2, page 221:

Celui qui, par l'effet de la solidarité, paye pour d'autres, ne change pas la nature de leur dette. Sa reconnaissance interrompt la prescription, suivant l'article 2249; mais en payant il n'est que subrogé au droit des créanciers, pour la part de ses co-débiteurs, d'après l'article 1251; et si la prescription ne date plus contre eux que du jour de ce paiement, dans son nouveau cours, au moins elle n'est pas en termes différents; elle est toujours, comme pour le créancier primitif, de trente ans, pour le capital, et de cinq ans, pour les intérêts.

Dans le cas qui nous occupe, la cause juridique de l'obligation de Sa Majesté le Roi, n'est pas le quasi-délit qu'on lui impute, mais l'obligation que lui impose la loi, de rembourser à la Cité de Montréal un montant proportionné au degré de sa responsabilité.

Je suis d'opinion que le jugement du Conseil Privé dans la cause de La Congrégation des Frères Maristes v. Regent Taxi 3, ne s'applique pas. Dans cette cause, il n'était pas question de solidarité. Seul le Regent Taxi était l'auteur d'un unique délit, où il y avait deux victimes: Le frère blessé, et la Congrégation qui en souffrait des dommages. Il a été décidé que l'action des deux, étant de même nature, était sujette à la prescription d'une année à compter du fait dommageable. Le recours exercé n'était pas par action récursoire. Ici, la situation est entièrement différente. Il n'y a qu'une victime d'un quasi-délit dont il y aurait deux co-auteurs. Il ne s'agit pas de déterminer la relation juridique entre la victime et ceux qui lui ont causé des dommages, mais bien les droits que peuvent exercer l'un contre l'autre les auteurs solidaires du quasi-délit.

J'en viens donc à la conclusion que l'action de l'appelante n'est pas prescrite. Son droit de poursuivre Sa Majesté le Roi devant la Cour d'Échiquier est né non pas le jour de l'accident, soit le 12 avril 1944, mais bien dans le cours des mois de mai et juin 1945, date des paiements effectués. Or, comme la Pétition de Droit a été commencée le 23 juillet 1945, il en résulte que la prescription n'est pas acquise.

Vient ensuite la question de savoir si la Ville de Montréal est dans les conditions voulues pour exercer l'action récursoire qu'elle a intentée, et que dans sa Pétition de Droit elle appelle une action en garantie.

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Le verdict qui a été rendu par le jury n'a fait qu'évaluer les dommages subis par Harris, mais à cause de son illégalité évidente, il ne pouvait être confirmé par un jugement de la Cour. La Ville n'a donc pas été condamnée à payer quoi que ce soit à Harris, ni aux deux autres réclamants, dont les actions ne sont pas venues devant les tribunaux. Le seul jugement qui détermine la responsabilité de cet accident, est le jugement de M. le Juge Angers, de la Cour d'Échiquier, qui la fait reposer entièrement sur Sa Hajesté le Roi.

En assumant qu'en vertu de la loi de la Cour d'Échiquier, semblable action puisse être instituée, comment la Ville non responsable de cet accident, peut-elle exercer un recours en garantie, ou instituer un action récursoire contre l'intimée? Le recours en garantie n'existe que pour se faire rembourser que ce que l'on est légalement tenu de payer (Archibald v. Delisle 4), et l'action récursoire que l'on prétend exercer, ne serait ouverte à la demanderesse que si elle avait payé une dette à laquelle elle était tenue solidairement avec d'autres. Rien de cela n'existe dans le présent cas. Seule l'intimée est responsable de cet accident, et la Ville, absoute de toute faute par M. le Juge Angers, n'aurait dû rien payer. Elle ne peut pas demander à l'intimée le remboursement d'un paiement qu'elle n'était pas tenue de faire. Son action ne repose sur aucun principe juridique. Son obligation légale d'indemniser les victimes était un élément essentiel pour justifier sa réclamation, et les versements bénévoles qu'elle a faits, ne donnent pas ouverture aux conclusions de sa Pétition de Droit.

L'appel doit être rejeté avec dépens.

Appeal dismissed with costs.

Solicitors for the appellant: St. Pierre, Choquette, Berthiaume, Émard, Martineau, McDonald & Séguin.

Solicitor for the respondent: J. P. Charbonneau.



1 [1948] S.C.R. 92.

2 Q.R. [1948] K.B. 545.

3 [1932] A.C. 295.

4 25 S.C.R. 1.

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