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Supreme Court of Canada

Everest v. Champion Savings Corporation Ltd., [1962] S.C.R. 289

Date: 1961-12-15

Charles E. Everest (Defendant) Appellant;

and

Champion Savings Corporation Limited (Plaintiff) Respondent.

Appeals—Jurisdiction—Motion for peremption dismissed—Whether dismissal appealable to Court of Queen's Bench de plano—Code of Civil Procedure, art. 46, 279, 280, 1211.

The defendant made a motion for peremption which was dismissed by the Superior Court. He appealed de plano to the Court of Queen's Bench which quashed the appeal on the ground that leave to appeal had not been obtained. He was granted leave to appeal to this Court.

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Held: The appeal should be allowed.

A motion for peremption is an instance within an instance, and the Superior Court judgment which dismisses such a motion is a final judgment and consequently, the Court of Queen's Bench has jurisdiction to entertain an appeal de plano from such a judgment. Kugel v. Malouin, [1947] Que. K.B. 1, approved; Wabasso Cotton Co. v. Commission des Relations Ouvrières de Québec et al., [1953] 2 S.C.R. 469, referred to.

APPEAL from a judgment of the Court of Queen's Bench, Appeal Side, Province of Quebec1, quashing an appeal from a judgment of Tellier J. which had dismissed a motion for peremption. Appeal allowed.

F. F. Hubscher, for the defendant, appellant.

J. Deforme, for the plaintiff, respondent.

The judgment of the Court was delivered by

Taschereau J.:—Le 18 novembre 1952, l'intimée a institué contre l'appelant une action devant la Cour supérieure du district de Montréal, dans laquelle elle réclame la somme de $25,054.96 avec intérêts et dépens. L'appelant, en vertu d'une entente intervenue entre les parties, avait le droit exclusif de vendre dans la province de Québec, moyennant commission, des Certificats de la Champion Savings Corporation Limited, et comme conséquence de cette entente, il aurait eu droit de recevoir en commission la somme de $161,893.81. Il est arrivé, d'après les termes de la déclaration au dossier, que l'intimée aurait payé $186,948.77, soit un excédent de $25,054.96, que celle-ci réclame dans son action.

L'appelant-défendeur a produit un plaidoyer au cours du mois de décembre 1952, et le 30 décembre de la même année la cause a été inscrite au mérite, mais le 9 juin 1954 elle a été rayée du rôle de la Cour supérieure par ordre de M. le Juge Edouard Tellier. Le 24 août 1960, le défendeur a présenté une motion pour péremption, alléguant que la dernière procédure utile avait été faite le 9 juin 1954, et que l'action en conséquence devait être rejetée avec dépens, sauf recours s'il y avait lieu. (C.P. 279 et suivants)

M. le Juge Tellier a rejeté la motion pour péremption avec dépens, pour des raisons qu'il est actuellement inutile de discuter. L'appelant s'est pourvu en appel devant la Cour du banc de la reine2, mais l'intimée a présenté une motion

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prétendant qu'il s'agissait de l'appel d'un jugement interlocutoire et que, suivant les dispositions de l'art. 1211 du Code de procédure civile, il fallait de toute nécessité que l'appelant obtînt la permission de l'un des juges de la Cour du banc de la reine pour que son appel puisse être légalement entendu. Cette motion a été accordée et l'appel a été rejeté avec dépens, avec la dissidence de M. le Juge Bernard Bissonnette. Le 17 février 1961, cette Cour a accordé à l'appelant la permission de loger son appel devant la Cour Suprême du Canada.

MM. les Juges Rinfret et Owen de la Cour du banc de la reine ont suivi la décision de leur Cour, rendue dans la cause de L'Association Patronale v. Dependable Slipper Co.3, où il a été décidé ce qui suit:

1. Il ne peut y avoir en toute instance principale qu'un jugement final et des interlocutoires.

2. Le jugement final est proprement celui qui termine un procès et met fin à l'instance sur le fond; le jugement interlocutoire est celui qui est prononcé durant le procès, savoir entre l'institution de l'action on de la demande initiale principale et le jugement qui y met fin, et comprend toute décision quant à un incident; le jugement final est, sous réserve de l'art. 43 C.P., appelable de piano; quant aux jugements interlocutoires, ils sont appelables ou non selon qu'ils sont définitifs ou provisoires (46 et 1211 C.P.).

Antérieurement, la Cour du banc de la reine avait été saisie d'une question semblable à celle qui nous est actuellement soumise. En effet, dans la cause de Kugel v. Malouin4, il s'agissait d'une demande de péremption d'instance qui avait été rejetée. L'appelant avait obtenu la permission de se pourvoir en appel, mais MM. les Juges St-Germain et McKinnon ont exprimé l'opinion suivante:

Lors de l'audition de cette cause, le savant avocat du demandeur a prétendu que le jugement dont est appel, n'était pas un jugement appelable aux termes de l'art. 46 C.P. et que, par conséquent, permission d'appeler dudit jugement n'aurait pas dû être accordée.

Or, avec toute déférence, je suis d'avis qu'il n'était pas même nécessaire pour le défendeur de demander la permission d'appeler de ce jugement, et qu'il pouvait appeler dudit jugement de piano.

Cette opinion est nécessairement fondée sur le principe que j'approuve, qu'une motion pour péremption est une instance dans une instance. Un interlocutoire est une mesure d'instruction au cours d'un procès et a pour objet de préparer la décision finale du tribunal sur la controverse qui a donné naissance au litige. Mais il arrive souvent, comme dans le cas qui nous occupe, qu'un jugement soit définitif, car il ne

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tend pas à mettre l'instance en état de recevoir une solution sur le fond du procès. Certains jugements revêtent un caractère de finalité, malgré qu'ils soient prononcés durant le procès, c'est-à-dire entre l'institution de l'action ou de la demande initiale principale et le jugement qui y met fin, mais ils ne déterminent pas un incident relatif à la demande principale. Comme le disait M. le Juge Bissonnette dans Kugel v. Malouin, supra, la demande en péremption provoque un incident qui doit être nécessairement vidé avant qu'il ne soit procédé ultérieurement sur l'instance principale. Il ne s'agit pas, en effet, de déterminer les droits des plaideurs sur le litige principal, mais de constater judiciairement la déchéance du droit de continuer l'instance.

Le meilleur exemple est un jugement accordant ou refusant une motion pour péremption. Si la demande est accordée, l'action est rejetée, parce que la procédure pendante est frappée de déchéance. Si elle est refusée, il résulte que le jugement nie à celui qui propose la motion, le droit qu'il peut avoir de rechercher l'extinction de l'instance. Dans l'un ou l'autre cas, la Cour ne statue pas sur le droit d'action. Je crois que c'est un droit fondamental que possède un plaideur, lorsque les conditions se rencontrent, de faire prononcer l'anéantissement de tous les actes de procédure accomplis dans un procès. Le jugement qui le refuse est final, et rien ne peut y remédier, sauf appel.

Une décision de cette Cour rendue dans la cause de Wabasso Cotton Co. v. La Commission des Relations Ouvrières de Québec et al.5 nous aidera à déterminer le présent litige. Il s'agissait en l'espèce d'un jugement de la Cour supérieure annulant, au cours de l'instance, une injonction interlocutoire. La Cour du banc de la reine a décidé qu'il n'y avait pas lieu à appel de plano, parce qu'il s'agissait d'un jugement interlocutoire. Cette Cour a décidé que la Cour du banc de la reine avait été régulièrement saisie de l'appel par inscription en appel, et lui a retourné le dossier pour considération de toute question pouvant être soulevée sur un appel logé de piano. Dans cette cause, M. le Juge en chef Rinfret s'est exprimé de la façon suivante:

Il est évident que le jugement qui a annulé cette injonction est un jugement final. Le résultat en est que, nonobstant l'action intentée par les appelants, rien n'empêche le Syndicat d'agir en vertu de la décision de la Commission et de poursuivre les appelants pour les raisons qu'ils ont invoquées lors de leur demande à la Commission.

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Le jugement sur l'action en annulation de cette décision ne pourra avoir pour effet que, s'il est favorable aux appelants, d'y joindre une ordonnance d'injonction permanente, mais l'injonction au cours de l'action est disparue pour toujours.

S'inspirant de nombreuses autorités qu'il cite dans ses notes, M. le Juge Fauteux, avec qui j'ai concouru, en est venu à la conclusion qu'il s'agissait d'un jugement final. A la page 479, il dit:

L'injonction interlocutoire est une mesure dont l'effet et l'objet visent exclusivement au maintien du statu quo pendente lite. C'est donc, en soi, un remède manifestement indépendant et distinct de tous ceux dont l'obtention est—et peut être—recherchée par l'action et conditionnée par son succès. Sans doute, et en fonction de la période de temps pour laquelle il est établi, ce remède est, pour cette raison, de nature provisoire; mais la nature du remède ne fait pas la nature du jugement qui en dispose. Les deux ne peuvent être confondus.

Et concluant sur la question soumise, il ajoute à la page 480:

Conséquemment et sauf appel du jugement qui, en l'espèce, a annulé l'injonction interlocutoire, ce jugement dispose avec finalité dans la cause, et de ce remède, et du droit d'y recourir.

Pour toutes ces raisons, je suis d'avis que dans le cas qui nous est soumis, il s'agit bien d'un jugement final et non pas seulement de la détermination d'un incident dans le litige principal. La Cour du banc de la reine avait donc juridiction pour entendre le présent appel de plano. Je lui retournerais en conséquence le dossier pour qu'elle se prononce sur le jugement de M. le Juge Tellier qui avait rejeté la motion pour péremption.

L'appel doit donc être maintenu avec dépens devant la Cour du banc de la reine et devant cette Cour.

Appeal allowed with costs.

Attorney for the defendant, appellant: Frank F. Hubscher, Montreal.

Attorneys for the plaintiff, respondent: Walker, Chauvin, Walker, Allison & Beaulieu, Montreal.



1 [1961] Que. Q.B. 169.

2 [1961] Que. Q.B. 169.

3 [1948] Que. K.B. 355.

4 [1947] Que. K.B. 1.

5 [1953] 2 S.C.R. 469, [1954] 2 D.L.R. 193.

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