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Supreme Court of Canada

Tetreault and Lussier v. Gagnon, [1962] S.C.R. 766

Date: 1962-06-25

Réjean Tétreault and Léo Lussier (Defendants) Appellants;

and

Maurice Gagnon (Plaintiff) Respondent.

Contracts—Real property—Execution of deed—Onerous contract—Right of habitation—Sale of house to take effect after death—Whether gift inter vivos—Whether commutative contract.

A spinster, whose health was failing, offered to give rent-free accommodation to her former employee and friend, and the latter's husband and family, on condition that during her lifetime she would be looked after by the former employee. She also gave a promise of sale of the house where she was living, and if the conditions were fulfilled, on her death, the former employee and her husband would become proprietors of the house by virtue of a deed that her legatees would execute. The spinster died a few days after the signature of the document which was not registered. The defendants, as executors, contended that the agreement was in the nature of a gift inter vivos of real property and void for lack of registration during the donor's lifetime. The trial judge dis-

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missed the action on that ground. This judgment was reversed by the Court of Queen's Bench where the majority held that it was not a gift inter vivos but an onerous contract. The executors appealed to this Court.

Held: The appeal should be dismissed. Even though the plaintiffs took the attributes of donees by reason of the fact that due to the sudden death they did not have to give anything in return, this should not affect the consideration of the question. There can be no gift without an animus donandi and a transmission of values without the receipt of something equivalent. Equivalence does not mean equality. The solution of the question could not depend solely on a purely mathematical comparison between the value of what was given and the value of the obligations assumed, as this would entirely disregard the factor of intention. The Court of Appeal had correctly held that the agreement was not a gift but a commutative contract. Each of the parties in this case expected to receive a benefit from the other equivalent to the benefit it was to bestow on the other.

APPEAL from a judgment of the Court of Queen's Bench, Appeal Side, Province of Quebec1, reversing a judgment of Brossard J. Appeal dismissed.

Roch Pinard, Q.C., for the defendants, appellants.

Gérard Beaupré and Marcel Trudeau, for the plaintiff, respondent.

The judgment of the Court was delivered by

Fauteux J.:—Les appelants, ès-qualité d'exécuteurs testamentaires de feu Marie-Anne Martel, appellent d'une décision majoritaire de la Cour du banc de la reine1 infirmant le jugement de la Cour supérieure qui avait rejeté l'action en passation de titres intentée contre eux par l'intimé, tant personnellement qu'en sa qualité de chef de la communauté existant entre lui et son épouse.

Voici sommairement les circonstances donnant lieu à ce litige. Mademoiselle Martel résidait à Montréal et, de 1941 à 1947, y exploitait un restaurant avec l'assistance de son employée et amie, Dame Gagnon, épouse de l'intimé, qui était alors célibataire. Les deux vivaient ensemble à l'arrière de l'établissement. Advenant 1947, Mademoiselle Martel dut, sur l'avis de son médecin, abandonner cette exploitation. Elle se fit construire une maison à appartements où elle et son amie allèrent continuer de vivre en commun jusqu'au jour où, en décembre 1948, cette dernière épousa l'intimé. Les époux Gagnon s'installèrent dans un logement contigu à celui de Mademoiselle Martel et y demeurèrent

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jusqu'en 1954 alors qu'en raison de la naissance d'un nouvel enfant, ils durent aller loger dans un appartement moins exigu. Après, comme avant le mariage, Dame Gagnon continua de prodiguer à Mademoiselle Martel son amitié et son assistance. Durant l'été de 1955, Mademoiselle Martel fit une thrombose cérébrale ou une nouvelle hémiplégie. Alors âgée de 57 ans, sans aucun parent à Montréal et ne pouvant aucunement se suffire à elle-même, elle songea qu'en offrant des compensations appropriées, elle pourrait peut-être persuader Dame Gagnon à venir, avec sa famille, vivre avec elle jusqu'à la fin de ses jours et qu'elle pourrait ainsi s'assurer, jusqu'à son décès, la sécurité, l'attention et tous les soins impérieusement nécessaires à son état. Elle fit part de ce projet aux Gagnon. Ces derniers acceptèrent d'y donner suite aux termes et conditions arrêtés dans une convention notariée, faite et signée par les parties le 1er septembre 1955. C'est sur ce contrat que se fonde l'action en passation de titres faisant l'objet du litige.

Il suffit de donner la substance des obligations réciproquement assumées par les parties aux fins ci-dessus. Mademoiselle Martel s'engagea à partager son appartement avec les Gagnon et à faire faire les travaux nécessaires à l'aménagement du sous-sol de l'immeuble pour l'usage exclusif de leur famille, et ce, sans charge de loyer. Elle leur consentit, de plus, une promesse de vente de son immeuble pour un dollar et en considération des obligations assumées par ceux-ci à son endroit; convenant, les parties, que l'acte de vente serait différé à la mort de Mademoiselle Martel pour être alors exécuté par ses héritiers ou représentants légaux, et que les Gagnon y assumeraient les charges ou toute hypothèque affectant l'immeuble et respecteraient les baux existants. Il fut entendu que Mademoiselle Martel ne pourrait vendre ou autrement disposer de sa propriété, gardant cependant le droit de renouveler ou remplacer l'hypothèque l'affectant, conservant tous droits et pouvoirs d'administration tel que le droit de louer, percevoir les loyers et revenus de l'immeuble, ainsi que les obligations du propriétaire, jusqu'à son décès. Les Gagnon, d'autre part, s'obligèrent à vivre avec Mademoiselle Martel, à prendre soin de sa personne, à lui fournir le logement, la nourrir et l'entretenir à leurs frais—sauf les frais médicaux et autres dépenses extraordinaires

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dépendant de son état—jusqu'à sa mort. Les parties stipulèrent que cette convention prendrait fin soit par consentement mutuel, soit par la volonté unilatérale des Gagnon ou à leur défaut de remplir fidèlement leurs obligations, soit enfin dans le cas où Dame Gagnon prédécéderait Mademoiselle Martel.

A la date même de cette convention, Mademoiselle Martel fit son testament, disposant de ses biens en faveur des personnes désignées et assignées en la présente action comme mises-en-cause.

Onze jours plus tard, soit le 12 septembre 1955, Mademoiselle Martel décédait.

L'intimé requit alors les appelants de lui signer le contrat de vente et, sur leur refus, institua contre eux la présente action.

En défense, les exécuteurs testamentaires plaidèrent, inter alia, que cette convention du 1er septembre 1955 constitue une donation entre vifs de biens immobiliers, frappée de nullité par défaut d'enregistrement du vivant de la donatrice, et qu'en conséquence l'immeuble en question était dévolu aux héritiers testamentaires de Mademoiselle Martel.

Dans un jugement fort élaboré, M. le Juge Brossard, de la Cour supérieure, analyse tous les moyens de défense, retenant comme étant le seul fondé le moyen ci-dessus spécifié. Pour ce motif, la Cour déclare que la convention est sans valeur et sans effet quant aux exécuteurs testamentaires et aux héritiers mis-en-cause, et rejette l'action.

Ce jugement fut infirmé par une décision majoritaire de la Cour d'Appel. M. le Juge en chef Galipeault et MM. les Juges Hyde, Rinfret et Owen, de la majorité, étant d'opinion que la convention du 1er septembre 1955 n'est pas une donation mais bien un contrat onéreux, accueillent l'action de l'intimé et condamnent les appelants à lui passer titres. Dissident, M. le Juge Bissonnette exprime l'avis que les parties à cette convention ont, consciemment ou non, formé une donation à cause de mort et, partant, un contrat prohibé par la loi. Pour ce motif, différent de celui retenu en Cour de première instance, il confirme le dispositif du jugement de la Cour supérieure.

De là l'appel des exécuteurs testamentaires à cette Cour.

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La question fondamentale à déterminer est de savoir si, comme le prétendent les appelants, Mademoiselle Martel, dans une intention libérale et sans contre-partie équivalente, s'est, dans les circonstances, irrévocablement dépouillée de son immeuble en faveur des Gagnon ou si, comme ces derniers le soumettent, cette convention du 1er septembre 1955 constitue un acte commutatif et non pas un acte de libéralité.

Si, pour résoudre la question, il fallait s'en tenir au sens littéral de certains termes utilisés à l'acte, on ne saurait y voir de donation. C'est à la commune intention des parties contractantes qu'il faut, cependant, s'attacher en se reportant au temps de l'exécution de la convention. Et doit être écarté de la considération le fait qu'en raison de la soudaineté imprévue du décès subséquent de Mademoiselle Martel, —dont les expectatives de vie étaient de dix ans, suivant l'opinion de son médecin, —les Gagnon, recevant tout sans avoir eu rien à donner encore, prennent, en fait, vraiment figure de donataires.

Il n'y a pas de libéralité sans la présence de l'élément intellectuel ou psychologique, I'animus donandi, et sans la présence de l'élément matériel, la transmission de valeurs sans contre-partie équivalente. Planiol et Ripert (1933), tome 5, pp. 327 et seq. Dans le cas où celui qui reçoit reçoit subordonnément à l'exécution de certaines charges, on considère, particulièrement, pour déterminer la nature de l'acte, si ces charges sont stipulées au profit de celui qui donne, ou au profit d'un tiers, et si elles sont équivalentes ou non à la valeur de ce qui est donné. Il s'agit d'équivalence et non d'égalité. Eh toute déférence, la solution ne saurait dépendre uniquement d'une comparaison purement mathématique entre la valeur des biens donnés et la valeur des charges imposées; ce serait ne tenir aucun compte du facteur intentionnel. Le contrat sera tenu comme un contrat commutatif et non comme une donation «s'il réunit des parties qui ne se sont engagées qu'à raison de ce fait que chacune d'elles estime recevoir de l'autre un avantage correspondant à celui qu'elle lui procure. Alors seulement on peut dire qu'il y a équivalence entre les prestations des parties» Baudry-Lacantinerie, Droit Civil, tome 10, p. 515, n° 1136. Voilà le critère qui doit nous guider et qui, à mon avis, a été appliqué à l'espèce par les Juges de la majorité en Cour du banc de la reine, pour conclure, à bon droit je crois, que la convention

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du 1er septembre 1955 n'est pas une donation mais un contrat commutatif. Si l'on considère, d'une part, que Mademoiselle Martel vivait seule, sans proches à Montréal, impotente et dans l'urgente nécessité d'avoir et de s'assurer des soins jusqu'à son décès, et son désir que cette sécurité et ces soins lui fussent donnés par une personne qu'elle connaissait bien, son amie, dame Gagnon, et que, d'autre part, les Gagnon s'engageaient à sacrifier l'intimité de leur vie familiale pour vivre en commun avec Mademoiselle Martel, prendre soin de sa personne, la nourrir et l'entretenir à leurs frais jusqu'à sa mort, et si, de plus, l'on tient compte du fait que les Gagnon ont obtenu le droit de reviser, en aucun temps, leur position et remettre en balance, au regard les uns des autres, les droits et obligations leur résultant de cette convention, il apparaît, à mon avis, qu'en signant le contrat, chacune des parties a estimé recevoir de l'autre un avantage correspondant à celui qu'elle lui procurait.

Pour ces motifs, qui sont en substance ceux des Juges de la majorité en Cour du banc de la reine, je renverrais l'appel avec dépens.

Appeal dismissed with costs.

Attorneys for the defendants, appellants: Pinard, Pigeon, Pare & Lejour, Montreal.

Attorneys for the plaintiff, respondent: Beaupré & Trudeau, Montreal.



1 [1961] Que. Q.B. 195.

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