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Supreme Court of Canada

Gadoury v. Miron & Frères Ltée, [1959] S.C.R. 53

Date: 1958-12-18

Roland Gadoury (Plaintiff) Appellant;

and

Miron & Frères Ltée. (Defendant) Respondent.

Motor vehicles—Collision at intersection—Right of way—Whether right abused.

The plaintiff, who was a gratuitous passenger in a vehicle owned and driven by M, was injured when the vehicle collided with a cement-mixer truck owned by the defendant and driven by its employee, at an intersection in Montreal. The vehicle carrying the plaintiff was proceeding east on a street where small islands separate the

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traffic in each direction, and the defendant's truck, which was proceeding north, had the right of way. The trial judge found that both drivers were at fault and condemned the defendant jointly and severally with M. The Court of Appeal dismissed the action against the defendant as it found that M alone had been at fault. M did not appeal to the Court of Appeal and therefore there was res judicata as to his liability.

The evidence disclosed that the driver of the defendant's truck approached the intersection at a moderate speed, looked to his left, and saw a truck approaching and coming to a stop at the south-west corner. He then looked to his right, and seeing that his way was clear proceeded to cross at a speed of approximately 12 to 15 m.p.h. As he entered the intersection, he again looked to his left and for the first time saw the vehicle driven by M passing the stationary truck. He was unable to stop in time.

Held: The action against the defendant must be dismissed. In the light of the principles enunciated in Parent and Bélair v. Vachon, [1958] S.C.R. 703, it cannot be said that the defendant's driver had abused his right of way. Even if it could be said that he should have looked sooner to his left, this objection could not, in the circumstances, establish his liability. It was not shown that if he had looked sooner to his left, he could and should have realized that M's conduct was such as to render the possibility of a danger of collision reasonably apparent and that by taking reasonable precautions he could have avoided the collision.

APPEAL from a judgment of the Court of Queen's Bench, Appeal Side, Province of Quebec1, reversing a judgment of Bertrand J. Appeal dismissed.

B. Nantel, Q.C., for the plaintiff, appellant.

R. Pinard and R. Paré, for the defendant, respondent.

The judgment of the Court was delivered by

Fauteux J.:-—Dans l'après-midi du 23 septembre 1954, l'appelant, passager gratuit dans une camionnette appartenant à Léo Mainguy et conduite par ce dernier en direction est sur le boulevard Gouin, fut grièvement blessé au cours d'une collision intervenue à l'intersection de la rue Lajeunesse, entre cette camionnette et une bétonnière automobile, propriété de l'intimée et conduite par son employé, Yvon Castonguay, dans une direction nord sur la rue Lajeunesse.

A la suite d'une action prise par l'appelant contre Mainguy et l'intimée, ces deux derniers furent tenus conjointement et solidairement responsables dans une proportion que la Cour supérieure, à la demande des parties, établit à soixante et quarante pour cent, respectivement.

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Seule, l'intimée appela de ce jugement. Dans une décision unanime, la Cour du banc de la reine2 exprima l'avis que la responsabilité de cet accident reposait uniquement sur Mainguy et accueillit cet appel. D'où le pourvoi de l'appelant devant cette Cour.

Sur la responsabilité de Mainguy, il y a chose jugée. Il a été tenu responsable parce qu'il a violé le droit de passage de Castonguay venant à sa droite, et—suivant les termes du jugment de première instance"pour s'être avisé de s'introduire dans la traverse de la croisée, malgré qu'il eût aperçu le gros véhicule des Miron, qui montait à seulement 100 pds avant l'intersection, et en jugeant, du reste mal à propos, avoir le temps et l'espace de franchir sans encombres."

De son côté, Castonguay procédait à sa droite, sur la rue Lajeunesse, à une vitesse légale de 20 milles à l'heure, vitesse qu'il réduisit à environ 15 milles pour entrer dans l'intersection. A cette intersection il y a, sur les côtés ouest et est du boulevard Gouin, deux lisières de circulation constituées par la présence d'un îlot sis à peu près au centre, en largeur du boulevard ; de sorte que les véhicules y voyageant de l'ouest à l'estcomme c'était le cas pour Mainguydoivent circuler sur la lisière sud, alors que ceux venant en sens inverse doivent ce faire sur la lisière nord. Procédant vers l'intersection à une vitesse réduite, Castonguay regarda d'abord à sa gauche et vit, sur le boulevard Gouin, un camion approcher la rue Lajeunesse et s'arrêter au coin sud-ouest de l'intersection. Il regarda ensuite à sa droite, comme il le devait pour satisfaire au droit de passage des véhicules susceptibles de venir sur cette lisière nord du boulevard, puis, rentrant dans l'intersection, il regarda à nouveau à sa gauche et aperçut la camionnette de l'appelant doublant le camion mis à l'arrêt pour s'engager dans l'intersection. Immédiatement, il appliqua les freins, tira à l'extrême droite pour éviter, mais vainement, la collision qui se produisit.

Retenant en substance les reproches faits à Castonguay par le juge de première instance, l'appelant soumet que Castonguay a abusé de son droit de passage en ce que, dit-il, conduisant un lourd véhicule, il devait, en droit, "se garder contre toute négligence, conserver sur son véhicule

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une maîtrise lui permettant de parer efficacement à toute éventualité, surtout à un carrefour aussi fréquenté". En fait, soumet-il, Castonguay aurait été négligent en ce qu'il n'aurait pas averti de sa venue, aurait regardé à sa droite alors que de ce côté il n'y avait aucun danger vu qu'aucun véhicule n'avait droit de circuler en direction ouest sur la lisière sud du boulevard, et il aurait ainsi trop tardivement regardé à sa gauche d'où pouvait véritablement provenir le danger.

Ainsi donc, suivant l'appelant, Castonguay devait anticiper que la loi serait observée à sa droite mais violée à sa gauche par la méconnaissance de son droit de passage. Il paraît bien évident qu'on ne peut reprocher à Castonguay d'avoir regardé à sa droite. Au contraire, il en avait le devoir. A la vitesse réduite à laquelle il procédait, il allait quand même, en une fraction de seconde, dépasser la lisière sud pour atteindre la lisière nord où il était obligé de céder le passage à tout véhicule pouvant venir à sa droite.

Sans doute, et ainsi que déclare le savant juge au procès, en s'appuyant sur les décisions de cette Cour dans Thériault v. Huctwith3, Walker v. Brownlee4 et Provincial Transport v. Dozois5, le droit de passage ne permet pas "de pousser à tous risques devant soi comme si, dans ce cas, les règles ordinaires de la prudence étaient abolies." Dans ces décisions, et plus récemment, dans celle de Parent et al v. Vachon6, il est précisé que le titulaire de ce droit n'est pas, en raison d'icelui, relevé de l'obligation de prendre, lorsque la possibilité d'un danger de collision est raisonnablement apparente, des précautions raisonnables aptes à prévenir cette collision. Et, avec justesse, M. le Juge Cartwright, dans ses raisons, ajoute qu'en appliquant cette règle, il est nécessaire de retenir cette déclaration de Lord Atkinson dans Toronto R. W. Co. v. King7:

Traffic in the streets would be impossible if the driver of each vehicle did not proceed more or less upon the assumption that the drivers of all the other vehicles will do what it is their duty to do, namely, observe the rules regulating the traffic of the streets.

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C'est à la lumière de ces principes qu'il faut considérer si, comme le soumet l'appelant, Castonguay a abusé de son droit. On lui reproche d'avoir trop tardivement regardé à sa gauche. Ce reproche, même si fondé, ne saurait, dans les circonstances de cette cause, établir la responsabilité de Castonguay, à moins qu'il ne soit en plus démontré que si, de fait, il avait regardé plus tôt à sa gauche, (i) il pouvait et devait réaliser qu'en raison de la conduite de Mainguy, la possibilité d'un danger de collision était raisonnablement apparente, et (ii) qu'il pouvait, en prenant des précautions raisonnables, éviter la collision. Or, Mainguy déclare qu'en procédant vers l'intersection, il diminua sa vitesse à 15 milles à l'heure et qu'arrivé à la ligne des piétons, il aperçut le camion de l'intimée à 100 pieds de l'intersection et, pour cette raison, diminua encore sa vitesse. C'est à la suite de ces réductions successives de vitesse qu'il changea soudainement d'idée pour accélérer et entreprendre de traverser l'intersection alors que le véhicule conduit par Castonguay était sur le point d'y entrer. Il ne paraît pas douteux que si Castonguay avait pu et dû observer cette conduite de Mainguy, il eut été justifié d'en déduire que Mainguy avait réalisé qu'il allait entrer dans l'intersectioncomme d'ailleurs Mainguy dit l'avoir réaliséet d'anticiper qu'en raison de ces réductions successives de vitesse, Mainguy adoptait des mesures propres à assurer l'exercice de son droit de passage. Les faits de cette cause sont manifestement différents de ceux sur lesquels cette Cour s'est appuyée pour décider dans Parent et al v. Vachon, supra, que, dans ce cas, le titulaire du droit de passage a abusé de son droit. En l'espèce, c'est avec raison que la Cour d'Appel n'a pas adopté une conclusion similaire.

Je rejetterais l'appel avec dépens.

Appeal dismissed with costs.

Attorneys for the plaintiff, appellant: Nantel, Mercure & Surprenant, Montreal.

Attorneys for the defendant, respondent : Pinard, Pigeon, Paré & D'Amour, Montreal.



1 [1958] Que. Q.B. 358.

2 [1958] Que. Q.B. 358.

3 [1948] S.C.R. 86, 3 D.L.R. 542.

4 [1952] 2 D.L.R. 450.

5 [1954] S.C.R. 223.

6 [1958] S.C.R. 703.

7 [1908] A.C. 260 at 269.

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