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Supreme Court of Canada

Rhéaume v. Cité de Québec et al., [1959] S.C.R. 609

Date: 1959-05-27

Dame Marie Colette Rheaume (Plaintiff) Appellant;

and

La Cité de Québec and Yvon Thibault (Defendants) Respondents.

Negligence—Motorcyclist striking oil puddle on road and fatally injured— Action by widow for damages against municipality—Whether notice furnished on time—Prescription—Charter of the City of Quebec, 19 Geo. V, c. 95, art. 535—Arts. 1056, 2262(2) of the Civil Code.

While travelling on a motorcycle along a street in Quebec City, the deceased's vehicle skidded on a puddle of lubricating oil which had come out of a barrel that had fallen from a truck driven by an employee of one of the defendants. The deceased was thrown on the road and fatally injured. His widow notified the defendant City of the accident within 30 days, but not within 15 days. She then instituted an action against the City and against the owner of the truck, and obtained judgment against both jointly and severally. The Court of Appeal unanimously affirmed the judgment against the owner of the truck; and by a majority judgment dismissed the action against the City on the ground that notice of the accident had not been given to the City within 15 days as required by art. 535 of its Charter. The widow appealed to this Court.

Held: The appeal should be dismissed.

Under art. 535 of the Charter of the City of Quebec, any action against the City for damages for bodily injuries resulting from a fall on a sidewalk or roadway is precluded unless notice of the accident is filed with the City within 15 days of the accident. No right of action exists without that notice. In the absence of notice everyone's right of action is prescribed, and not only the right of action attaching to the actual victim, as the appellant had argued.

The second contention of the appellant to the effect that her right of action (being derived from art. 1056 C.C. and not from the victim) was not an action for damages resulting from bodily injuries within the meaning of art. 535 of the Charter could not be upheld, since an action for bodily injuries can include one in which the plaintiff was not the actual victim. Regent Taxi and Transport Ltd. v. Petits Frères de Marie, [1932] A.C. 295, followed.

The suggestion that the 15-day notice in art. 535 envisaged only the case of a pedestrian falling on the sidewalk or roadway and that it was therefore sufficient in this case to have given the 30-day notice, could not be maintained. Where an accident resulted solely, as in this case, from the condition of a roadway, the 15-day notice provision

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governing injuries resulting from falls on sidewalk or roadway must apply. That is what is envisaged by art. 535 which covers the case of a motorcyclist falling in the circumstances of this case.

Finally, at this stage of the proceedings, it would not be appropriate to allow the plaintiff to produce evidence tending to justify the non-filing of the notice.

APPEAL from a judgment of the Court of Queen's Bench, Appeal Side, Province of Quebec1, reversing in part a judgment of Dion J. in a jury trial. Appeal dismissed.

L. A. Pouliot, Q.C. and L. Corriveau, for the plaintiff, appellant.

J. de Billy, Q.C, for the defendant City, respondent.

The judgment of the Court was delivered by

Fauteux J.:—Le 26 juillet 1955, Gabriel Rochette procédait en motocyclette sur la rue Saint-Vallier, en la cité de Québec, lorsque, passant sur une large flaque de graisse lubréfiante provenant d'un baril tombé d'un camion appartenant à Yvon Thibault et conduit par son préposé Claude Boulet, il perdit l'équilibre et fit une chute sur la chaussée. Comme résultat, il se fractura le crâne et décédait quelques heures plus tard.

Plus de quinze jours après cet accident, soit le 25 du mois suivant, l'appelante, épouse du défunt, avisait, par lettre de son procureur, la cité intimée du fait de cet accident. Par la suite, elle intentait, tant personnellement qu'en sa qualité de tutrice à leur enfant posthume, une action contre l'intimée et Thibault, et obtint contre eux, dans un procès par jury, une condamnation conjointe et solidaire de $30,000.

Porté en appel1, ce jugement fut unanimement confirmé quant à Thibault mais cassé par une décision majoritaire quant à la cité sur le motif qu'avis de cet accident ne lui avait pas été donné dans les quinze jours de la date de cet accident fatal, suivant les exigences des dispositions de l'art. 535 de sa charte. De là le présent pourvoi de l'appelante contre ce jugement.

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C'est la prétention de l'appelante qu'aucun avis n'était nécessaire en l'espèce et que, dans le cas contraire, il était suffisant de donner l'avis, comme ce fut le cas, dans les trente jours.

Tel qu'amendé et en vigueur au temps de l'accident et de l'institution de l'action, l'art. 535 de la charte de la cité de Québec (19 George V c. 95) se lit comme suit:

Nonobstant toute loi à ce contraire, nul droit d'action n'existe contre la cité pour dommages-intérêts résultant de blessures corporelles infligées par suite d'un accident, ou pour dommages à la propriété mobilière ou immobilière, à moins que, dans les trente jours de tel accident ou de tels dommages et, dans les cas d'accident et de dommages provenant d'une chute sur un trottoir ou sur la chaussée, à moins que, dans les quinze jours de tel accident et de tels dommages, un avis écrit n'ait été reçu par la cité, mentionnant en détail les dommages soufferts, indiquant les nom, prénoms, occupation et adresse de la personne qui les a subis, donnant la cause de ces dommages et précisant la date, l'heure approximative et l'endroit où ils sont arrivés.

Aucune action en dommages-intérêts ou en indemnité ne peut être intentée contre la cité, avant l'expiration de trente jours de la date de la réception de l'avis ci-dessus.

Le défaut d'avis ci-dessus ne prive pas, cependant, les victimes d'accidents de leur droit d'action, si elles prouvent qu'elles ont été empêchées de donner cet avis par force majeure ou pour d'autres raisons analogues jugées valables par le juge ou le tribunal.

Évidemment, les dispositions de la nature de celle qui précède sont exorbitantes du droit commun et ne doivent recevoir une application que dans les cas qui y sont clairement prévus. Ville de Louiseville v. Triangle Lumber Co.2. Encore faut-il, cependant,et c'est là l'inéluctable devoir des tribunaux,leur donner leur effet, quelle qu'en soit la rigueur, lorsque se présentent ces cas prévus. La Cité de Québec v. Baribeau3.

Aux vues des procureurs de l'appelante, lues et interprétées comme un tout, les dispositions de l'art. 535 ne sauraient s'appliquer dans le cas, comme en l'espèce, d'une action instituée sous le régime de l'art. 1056 du Code Civil et ce pour deux raisons.

La prescription du premier paragraphe de l'art. 535 ne vise, dit-on, que le droit d'action de la personne même qui a subi l'accident, ce qui exclut les bénéficiaires de l'art. 1056. Cette prétention se fonde sur l'interprétation qu'on donne au dernier paragraphe lequel, dit-on, indique que ce sont

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les victimes mêmes de l'accident qui doivent donner l'avis prescrit au premier. Et de là, on déduit que c'est leur droit d'action et uniquement le leur qui est visé par la prescription du premier paragraphe. Je ne vois pas que cette conclusion découle du texte du dernier paragraphe. De plus, elle fait manifestement violence au texte même du premier alinéa:

Nonobstant toute loi à ce contraire, nul droit d'action n'existe contre . la cité pour dommages-intérêts résultant de blessures corporelles infligées par suite d'un accident, ou pour dommages à la propriété mobilière ou immobilière, à moins que, de tel accident un avis écrit n'ait été reçu par la cité

Il importe peu que ce droit d'action soit celui de la victime ou qu'il ait été transmis à son héritier dans le cas, par exemple, de dommages à la propriété mobilière ou immobilière, ou que ce droit soit celui établi au bénéfice des personnes mentionnées à l'art. 1056. Peu importe le titulaire ou la nature de son droit; on ne peut distinguer là où le texte de la loi est absolu. Nul droit d'action n'existe sans l'avis. Peu importe aussi par qui l'avis est donné; la Législature ne s'en est pas exprimée dans la disposition. Il est impératif, mais il suffit qu'il soit reçu par la cité. On ne peut aggraver, au moyen de déductions, cette disposition exorbitante du droit commun, en limitant à la victime le droit de donner un avis valide quand le texte de la prescription imposant l'obligation de ce faire ne décrète pas une telle limitation. Ce qu'on a voulu, c'est que la cité soit avisée; c'est là l'essence de la prescription. Et la disposition d'exception du troisième paragraphe, permettant aux victimes d'accidents d'échapper aux conséquences de l'inobservation de cette prescription dans des cas bien spécifiés, n'en saurait affecter l'interprétation. Accueillir la prétention de l'appelante serait, comme s'en exprime M. le Juge Pratte de la majorité en Cour d'Appel, restreindre le champ d'application de la règle en ramenant celle-ci à la dimension du cas où il est fait exception à son opération.

Comme seconde raison, on rappelle que l'appelante et son fils tiennent leur droit d'action de l'art. 1056 C.C. et non pas de la victime de l'accident, et on soumet qu'une telle action n'est pas, tel que prévu au premier paragraphe de l'art. 535, une action en dommages-intérêts résultant de blessures corporelles. Pour rejeter cette prétention, les

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juges de la majorité en Cour d'Appel se sont appuyés particulièrement sur les dispositions du deuxième paragraphe de l'art. 2262 C.C., tel qu'interprété par le Comité Judiciaire du Conseil Privé dans Regent Taxi and Transport, Ltd. v. Petits Frères de Marie4. La disposition pertinente de cet article se lit comme suit :

2262. L'action se prescrit par un an dans les cas suivants:

(1) ................................................................

(2) Pour lésions ou blessures corporelles sauf les dispositions spéciales contenues en l'article 1056 ; ..............................................

Et à la page 302 du rapport de cette cause, Lord Russell of Killowen déclare ce qui suit:

This reference to art. 1056 can only be made for the purpose of ensuring that the one year mentioned in art. 1056 shall prevail over the one year mentioned in art. 2262, thus showing that in the view of the framers of the Code the words 'actions for bodily injuries' in art. 2262 would, of their own force, include an action the plaintiff in which was not the person upon whom the bodily injuries had been inflicted.

Terminant sur ce point de la nécessité de l'avis en l'espèce, je dois dire en toute déférence qu'après anxieuse considération, il m'est impossible de concourir dans l'opinion exprimée par M. le Juge Martineau, dissident en Cour d'Appel. Cette opinion se fonde particulièrement sur une décision rendue par M. le Juge Martineau, dissident en Cour d'Appel. Cette il s'agissait d'interpréter, non pas les dispositions de l'art. 535 de la charte de la cité de Québec, mais les dispositions de l'art. 622 de la Loi des cités et villes, S.R.Q. 1941, c. 233. Comme il est noté aux raisons de cette décision et comme il est d'ailleurs admis dans celles données par la Cour d'Appel en la présente cause, le texte de l'art. 622 diffère de celui de l'art. 535 que nous devons appliquer ici.

Au soutien de la proposition subsidiaire, soumise par l'appelante devant cette Cour, et voulant que, assumant la nécessité de l'avis, il était suffisant de le donner dans les trente jours, comme ce fut le cas, on a soumis que l'accident en l'espèce ne constitue pas une chute sur la chaussée au sens de la disposition, celle-ci ne visant, dit-on, que la chute d'un piéton sur la chaussée. On a cité, à l'appui, la décision rendue par la Cour d'Appel dans Cité de Montréal

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et Les Héritiers Belland v. Busque5. A mon avis, cette décision ne supporte aucunement cette prétention de l'appelante. Il s'agissait là du renversement d'un piéton par une automobile appartenant à la cité de Montréal et conduite par son préposé. Précisant que la disposition de l'art. 536 de la charte de la cité de Montréal envisage deux hypothèses, soit celle d'une action pour dommages-intérêts résultant de blessures corporelles infligées par suite d'un accident ou pour dommages à la propriété mobilière ou immobilière, et l'hypothèse d'une action en dommages résultant d'une chute sur un trottoir ou sur la chaussée, on considéra évidemment qu'en raison des faits fondant la demande, celle-ci était de la première et non de la seconde catégorie.

Dans la présente cause où la chute de Rochette sur la chaussée a été exclusivement causée par la condition dangereuse de la chaussée,et c'est là le fondement de la demande contre la citéil ne peut être douteux, à mon avis, que le cas est de ceux visés par la deuxième catégorie de l'art. 535. Ce qu'on envisage en ces cas, c'est la responsabilité que la cité peut encourir lorsque, par suite de la condition dangereuse d'un trottoir ou d'une chaussée, une personne y fait une chute et se blesse. Sans doute et dans le cas d'une chute sur un trottoir, l'accidenté sera-t-il généralement un piéton. Dans le cas d'une chute sur la chaussée, où d'autres que les piétons ont droit de circuler, rien dans le texte de la disposition ne permet d'exclure le cas du cycliste qui, dans des circonstances similaires à celles de cette cause, perd l'équilibre, tombe et se blesse à cause de la condition dangereuse de la chaussée. La disposition réfère à "une chute sur un trottoir ou sur la chaussée" et non à la chute d'un piéton sur un trottoir ou sur la chaussée. Aussi bien, donnant aux mots de la disposition leur sens naturel et ordinaire, cette dernière prétention de l'appelante ne saurait être accueillie sans qualifier le texte en y ajoutant.

A la fin de l'audition, le procureur de l'appelante a demandé, au cas où cette Cour en viendrait à la conclusion qu'un avis de quinze jours était nécessaire, l'émission d'une ordonnance lui permettant d'établir des faits donnant ouverture au bénéfice de l'exception prévue au dernier

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paragraphe de l'art. 535. Assumant qu'en droit il soit possible d'accéder à cette requête, je ne crois pas qu'au stade et dans les conditions où elle est présentée, il y ait lieu d'y faire droit.

Dans les circonstances, je maintiendrais la décision de la Cour du banc de la reine et renverrais le présent appel, avec dépens.

Appeal dismissed with costs.

Attorney for the plaintiff, appellant: L. Corriveau, Quebec.

Attorneys for the defendant City, respondent : J. de Billy, B. Pelletier and A. Leclerc, Quebec.



1 [1959] Que. Q.B. 108.

2 [1951] S.C.R. 516.

3 [1934] S.C.R. 622, 4 D.L.R. 426.

4 [1932] A.C. 295, 53 Que. K.B. 157, 2 D.L.R. 70.

5 [1952] Que. Q.B. 585.

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