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Supreme Court of Canada

Lizotte v. The Queen, [1953] 1 S.C.R. 411

Date: 1953-04-15

Roger Lizotte Appellant;

and

Her Majesty The Queen Respondent.

Criminal law—Murder—Charge of trial judge—Whether defence theory adequately put to jury—Reduction from murder to manslaughter—Criminal Code, s. 1024(1).

At his second trial for murder, ordered by this Court ([1951] S.C.R. 115), the appellant was again found guilty. The crime was committed in June 1947. The deceased was returning home from the City of Quebec in a taxicab driven by the appellant. He was in the back seat with two other passengers, one Vallières and one Légaré. Another passenger was in the front seat. There was some beer drinking during the ride and at one time the deceased, who had become noisy and quarrelsome, threatened to strike Légaré with a bottle. The car was stopped; the appellant and the three rear passengers got out; the deceased was then hit with a bottle by both Vallières and Légaré and when he was on the ground and unconscious, the appellant struck him with his fists and feet. He was then put on the floor of the car where he remained without making a sound, except for one prolonged sigh, until the appellant, with or without the help of Vallières and Légaré, is alleged to have thrown him in a river. The theory of the Crown was that the deceased died as a result of the blows struck during the fighting and not by drowning. The appellant's conviction was affirmed by a majority in the Court of Appeal for Quebec.

Held: The trial judge, by omitting to review that part of the evidence which showed that the deceased could have died before he was thrown in the river, left the jury with the impression that the deceased died by drowning rather than as the result of the blows. The theory of the defence was, therefore, not adequately put to the jury, and the conviction should be quashed.

Held further: Under the exceptional circumstances of this case, and specially in view of the theory on which the case for the Crown was based, a verdict of manslaughter should be substituted for the jury's verdict.

APPEAL from the judgment of the Court of Queen's Bench, appeal side, province of Quebec 1, affirming, Pratte and Hyde JJ.A. dissenting, the appellant's conviction upon a charge of murder. Vallières and Légaré, who were alleged to have participated with the appellant in the commission of the crime, pleaded guilty to a charge of manslaughter after a verdict of murder, pronounced against Légaré, had been quashed by the Court of Appeal for Quebec.

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A. Chevalier Q.C. for the appellant.

N. Dorion Q.C. and P. Flynn for the respondent.

The judgment of the Court was delivered by

Taschereau, J.:—L'appelant Roger Lizotte a été accusé d'avoir assassiné Gérard Beaumont dans la nuit du 14 au 15 juin 1947. Le crime aurait été commis au cours d'un voyage entre Québec et St. Gérard de Magella, conjointement avec Maurice Légaré et Auguste Vallières. Des plaidoyers de "coupables de manslaughter" de la part de Légaré et Vallières ont été acceptés par la Couronne après qu'un verdict de meurtre, prononcé contre Légaré, eût été cassé par la Cour du Banc de la Reine. Tous deux ont été respectivement condamnés à huit années de pénitencier. Quant à l'appelant, qui a été également une première fois trouvé coupable de meurtre, il a aussi obtenu un nouveau procès par jugement de cette Cour 2, puis condamné une seconde fois. Il appelle maintenant du jugement de la Cour du Banc de la Reine 3 qui a refusé son pourvoi, MM. les Juges Pratte et Hyde dissidents.

Le soir du 14 juin 1947, l'appelant, domicilié à Val St. Michel, et qui est conducteur de taxi, est descendu à Québec en compagnie de Maurice Légaré, Auguste Vallières et Armand Demers, trois bûcherons employés à la Rivière aux Pins, près du Lac St-Joseph. Après qu'ils eussent bu chacun quelques bouteilles de bière dans une taverne locale, les compagnons se sont séparés, pour se retrouver vers 11 heures P.M. à un endroit convenu sur la rue St-Roch. A ce lieu de rendez-vous, il y avait cependant une cinquième personne, Gérard Beaumont, qui devait être la victime de cette malheureuse tragédie. La preuve ne révèle pas clairement si Beaumont est monté volontairement dans la voiture de Lizotte, ou s'il a été contraint par force de le faire. Mais à tout événement, les cinq voyageurs sont repartis vers 11 heures P.M. se dirigeant vers le chemin de Valcartier, pour apparemment gagner leurs domiciles respectifs.

En route, il y eut de nouvelles consommations de bière, et Beaumont, sans doute excité par les liqueurs alcooliques, était tapageur et chantait. Au lieu de se calmer à la demande des autres passagers, il menaça de frapper Légaré

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d'une bouteille, et ce n'est que grâce à l'intervention de Vallières qu'il ne donna pas suite à son projet. Il semble que d'un commun accord, Lizotte, Légaré et Vallières ont voulu faire un mauvais parti à Beaumont, car Lizotte a arrêté sa voiture, il en est descendu, de même que Légaré et Vallières. On en fit sortir Beaumont, et là sur le bord du chemin conduisant à St-Gérard, Vallières et Légaré ont tous deux frappé Beaumont d'un coup de bouteille sur la tête. Alors qu'il gisait à terre, sans connaissance, Lizotte lui appliqua des coups de poing dans le visage ainsi que des coups de pied sur le corps et dans la région de la gorge. On le plaça ensuite sur le plancher dans la partie arrière de la voiture, où il demeura immobile, et sans murmurer une seule parole. Lizotte se rendit à St-Gérard prendre de l'essence. En arrivant sur une route boisée de chaque côté, Lizotte arrêta la voiture, et avec l'aide de Légaré et Vallières, descendit Beaumont, lui enleva une partie de ses vêtements, et on lui enleva la somme de $38 qu'il portait sur lui. Les vêtements furent jetés dans le fossé, et retrouvés plus tard. Quelque temps avant d'arriver à St-Gérard, Beaumont, qui dans le fond de la voiture était toujours demeuré immobile, rendit un soupir prolongé.

On revint ensuite dans la direction de Québec, et à un endroit du côté Nord de la Rivière St-Charles, non loin de la ville, "Le Remous des Hirondelles", Lizotte arrêta de nouveau, et seul, ou avec l'aide de Légaré et Vallières, (la preuve est contradictoire sur ce point) et sous prétexte de "laver" Beaumont, le transporta vers le bord escarpé de la rivière, et en revint sans la victime environ dix minutes plus tard. Il recommanda aux autres "de ne pas parler", et que "l'affaire finirait là". Huit jours plus tard, on retrouva le corps de Beaumont dans les eaux de la Rivière, près de la ville de Québec. Ce n'est qu'un an plus tard, quand les vêtements de Beaumont furent retrouvés dans le bois, que l'on commença l'enquête sur cette mort mystérieuse, qu'à l'origine on avait crue accidentelle.

J'ai cru nécessaire de faire ce résumé des faits, afin de bien faire saisir la conclusion à laquelle je suis arrivé.

Les principaux griefs d'appel de Lizotte sont les suivants :

1) Dans son adresse aux jurés, le juge présidant au procès aurait omis de leur signaler, comme il aurait dû le faire, certains éléments de preuve tendant à démontrer le moment où Beaumont est mort.

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2) Ce n'est pas le paragraphe D de l'article 259 (Code Cr.) qui s'applique, mais bien le paragraphe B, sur lequel les jurés n'ont pas été légalement instruits.

3) A défaut d'acquittement, seul un verdict de "manslaughter" pouvait être rendu par un jury correctement informé.

Le premier grief, s'il est fondé, est celui qui à notre sens doit déterminer le sort de cet appel. En effet, si Beaumont est mort parce qu'il aurait été jeté dans la rivière par Lizotte, ce dernier serait indiscutablement coupable de meurtre. Au cours de sa charge aux jurés, le juge présidant au procès, après avoir récité certains faits saillants de cette triste aventure, semble avoir omis quelques éléments de preuve, essentiels pour arriver à une juste conclusion. Sans doute, il n'est pas impératif que le juge décrive en détail toutes et chacune des circonstances qui ont entouré un crime, mais encore faut-il qu'il place devant le jury tout ce qui est révélé par les témoignages, soit de la Couronne ou de la défense, qui peut être un moyen sérieux de disculper l'accusé. (Le Roi v. Azoulay 4) ; (Le Roi v. Kelsey 5) ; (Vide Lord Goddard in Dereck Clayton-Wright 6).

Avec déférence, nous ne croyons pas que ces exigences de la loi aient été observées, et que la théorie de la défense ait été soumise aux jurés, comme elle aurait dû l'être. Il semble incontestable que la prépondérance de la preuve démontre que Beaumont est mort bien avant qu'il ne soit jeté dans la Rivière St-Charles. Légaré, Vallières, Demers, témoignent tous que Beaumont, après les coups qui lui furent portés, gisait immobile dans le fond de la voiture et qu'il ne prononçait aucune parole. On n'entendait pas sa respiration, sauf le long soupir qu'il rendit en arrivant à St-Gérard, et qui fut probablemet son dernier. Aucune apparence de vie ne s'est manifestée, lorsque le corps inerte a été replacé dans la voiture après l'assaut dont il fut la victime, pas plus que quand on l'a sorti de nouveau pour le dévaliser, ou pour plus tard le jeter dans la rivière. C'est bien Lizotte qui, réalisant ce qui était arrivé à Beaumont, dit à Demers, avant de se diriger vers la Rivière St-Charles, "Tu vas nous aider Ti-blond, ou bien tu vas mourir toi aussi."

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La preuve médicale semble être au même effet. Le Docteur Fontaine qui a examiné la victime, n'a pas constaté de fracture du crâne comme résultat des coups de bouteille, mais paraît être d'opinion qu'il est possible que la mort soit la conséquence d'une hémorragie interne, qui aurait provoqué un étouffement. D'ailleurs, la Couronne n'a pas prétendu que Beaumont était mort noyé. Au contraire, elle a prétendu qu'il était mort des coups qu'il avait reçus, et que ce n'est qu'un cadavre qui a été jeté à la rivière.

Ce point de vue n'a pas été soumis aux jurés. A sa lecture, l'ensemble de la charge ignore entièrement le témoignage du Docteur Fontaine, et ne met pas en relief le fait de la mort probable avant que Beaumont ne soit jeté dans la rivière. L'impression laissée aux jurés a sans doute été que la victime est morte noyée par l'acte volontaire et prémédité de Lizotte, et non comme résultat de la querelle qui a originé dans le taxi sur la route de St-Gérard. Nous croyons que cette insuffisance d'instruction aux jurés, a contribué dans une large mesure à la sévérité du verdict qui a été prononcé.

Il ne nous paraît pas nécessaire de déterminer si, comme les parties l'ont contradictoirement prétendu, c'est le paragraphe (B) sur lequel les jurés n'ont pas été instruits, ou le paragraphe (D) de l'article 259 (C. Cr.), qui doit trouver son application. Que ce soit l'une ou l'autre de ces dispositions qui régisse le présent cas, nous croyons que le verdict ne peut être maintenu et doit être cassé.

Nous sommes d'avis, en tenant compte des faits particuliers de ce procès, et spécialement de la théorie sur laquelle la Couronne a basé sa cause, que les fins de la justice seront bien servies, si cette Cour, en vertu de l'autorité qui lui est conférée par l'article 1024(1) du Code Criminel, rend une ordonnance substituant un verdict de "manslaughter" à celui de meurtre qui a été prononcé. (Vide: Manchuk v. Le Roi 7) ; (Lizotte et Savard v. Le Roi 8).

L'appelant, Légaré et Vallières ont été arrêtés au mois d'août 1948, et détenus en prison. Légaré et Vallières ont été tous deux condamnés pour "manslaughter" à 8 ans de pénitencier au mois de mars 1952. Il s'ensuit que l'appelant est incarcéré depuis près de 5 ans, et nous croyons en conséquence, étant donné les diverses circonstances de cette

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cause, et vu le sort qui a été réservé aux autres qui ont participé à ce crime, qu'une sentence de 8 années de pénitencier, à compter du présent jugement, serait juste et adéquate.

Nous sommes d'opinion de maintenir l'appel, de casser le verdict de meurtre qui a été rendu, d'y substituer celui de "manslaughter", et de condamner l'appelant à huit années de pénitencier, à compter de la date du présent jugement.

Appeal allowed; judgment of the Court of Appeal set aside; direction that the verdict of murder be quashed and a verdict of manslaughter entered; appellant sentenced to imprisonment for eight years from the date of the present judgment.

Solicitor for the appellant: Alexandre Chevalier.

Solicitor for the respondent: Noël Dorion.



1 Q.R. [1952] K.B. 326.

2 [1951] S.C.R. 115.

3 Q.R. [1952] K.B. 326.

4 [1952] 2 S.C.R. 495.

5 [1953] 1 S.C.R. 220.

6 (1948) 33 C.A.R. 22 at 29.

7 [1938] S.C.R. 341.

8 [1946] S.C.R. 20.

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