Supreme Court Judgments

Decision Information

Decision Content

Supreme Court of Canada

Langelier v. Dominique, [1959] S.C.R. 793

Date: 1959-10-06

Amedee Langelier (Plaintiff) Appellant;

and

Gérard Dominique and Camille Dominique (Defendants) Respondents.

Damages—Negligence—Dangerous premises—Garage—Customer falling in greasing pit—Customer aware of location of pit—Whether garage owner liable—Art. 1053 of the Civil Code.

The plaintiff brought his car to the defendants' garage for a minor repair. The defendant G drove the car into the garage and placed it with its front facing a greasing pit and about one foot short of it, so that 10 feet of the pit were left uncovered in front of the car. The defendant opened the hood of the car and made the repair while standing on the left of the pit. The plaintiff watched him for a while and then went outside for a few minutes. When he came back to the same side of the car, the defendant, having finished the repair, was at the counter situated on the other side of the pit. The plaintiff proceeded to go to the counter and instead of passing in back of the car, attempted to pass in front of it. He fell in the greasing pit and was injured. The trial judge dismissed the action, and this judgment was affirmed by a majority in the Court of Appeal.

Held: The accident was attributable exclusively to the fault of the plaintiff.

In the circumstances of this case, the careless mistake of the plaintiff was an inexcusable fault. The garage, the location of the pit and the pit itself had nothing unusual and did not constitute a danger which a reasonable man, taking the most ordinary precautions for his personal security, could not provide against. The absent-mindedness of the plaintiff, although a possibility, was not a probability, but an eventuality which the defendant, as a reasonably prudent man, was not obliged to foresee.

[Page 794]

APPEAL from a judgment of the Court of Queen's Bench, Appeal Side, Province of Quebec1, affirming a judgment of Edge J. Appeal dismissed.

J. Turgeon, Q.C. and R. Bélanger, for the plaintiff, appellant.

P. Langlois, Q.C, for the defendant, respondent.

The judgment of the Court was delivered by

Fauteux J.:—Dans l'avant-midi du 22 décembre 1954, l'appelant arrêta son automobile au garage des intimés pour en faire corriger le circuit d'éclairage. Gérard Dominique prit charge de l'affaire et, comme il commençait à pleuvoir, il entra la voiture dans le garage dont il convient de donner une description pour l'intelligence de l'accident qui s'y produisit et la question soulevée au litige en résultant.

Au centre de cet établissement mesurant 36 pieds en largeur et 70 pieds en profondeur se trouvait, dans le sens de la profondeur, une fosse, utilisée pour le graissage des voitures, ayant 12 pieds de longueur, presque 3 pieds de largeur et 4 ½ pieds de profondeur et dont l'extrémité antérieure était à 16 pieds des portes d'entrée. Parallèlement à cette fosse et à 8 pieds et quatre pouces à droite d'icelle, il y avait, en entrant, un comptoir long de 28 pieds où étaient exposés les articles mis en vente et où se faisait le règlement des comptes pour marchandises ou services. Telle que placée par Dominique, l'avant de la voiture de l'appelant se trouvait vis-à-vis et à environ un pied de l'extrémité antérieure de la fosse. A l'autre extrémité de celle-ci se trouvait une voiture empiétant de deux pieds sur la fosse; de sorte qu'entre ces deux voitures, il y avait un espace libre de 11 pieds dont 10 représentant la longueur de la partie non couverte et bien visible de la fosse.

Dominique ouvrit le capot du moteur et se tenant du côté du volant, soit du côté gauche de la fosse, procéda à la réparation. Placé tout près de lui, l'appelant le regarda travailler pendant environ cinq minutes, puis il sortit du garage pour aller parler à l'un de ses amis. Ayant terminé la réparation, Dominique sortit lui-même, alla servir deux clients puis entra dans le garage en passant à droite de la

[Page 795]

fosse pour se diriger au comptoir et y préparer ses factures. Il était à ce faire lorsque l'appelant revint au point même d'où il avait regardé travailler le garagiste et constatant que ce dernier était au comptoir, voulut s'y rendre pour le payer. Au lieu de passer à l'arrière de sa voiture, comme il aurait dû, n'eût-il été distrait, il passa à l'avant, mit le pied dans le vide, tomba dans la fosse et se blessa. C'est alors qu'il s'exclama en des termes indiquant clairement qu'il se blâmait lui-même pour cet accident résultant du fait qu'il avait, suivant la teneur même de son exclamation, stupidement oublié la présence de la fosse à cet endroit.

Dans l'action qu'il intentait quelque neuf mois plus tard aux intimés, il allégua en substance que ce puits de graissage constituait une installation désuète, offrant un danger imprévisible, que rien n'en indiquait la présence, dans la plancher de ce garage sombre, à un endroit où il devait normalement passer pour se rendre au comptoir, et concluant, pour ces raisons, à la responsabilité des défendeurs intimés, demanda à ce qu'ils soient condamnés conjointement et solidairement à lui payer la somme de $10,898.75 à titre de dommages-intérêts. En défense, les intimés, ayant nié ces allégations, plaidèrent particulièrement que cette fosse était normale, bien visible, que le demandeur en connaissait l'existence et l'emplacement, que n'eût-il été distrait et eût-il regardé où il marchait, il n'y serait pas tombé, ainsi qu'il en avait lui-même fait l'admission.

Appréciant la preuve soumise au procès, le juge de première instance rejeta les prétentions du demandeur pour accepter celles des défendeurs. Bref, il exprima l'avis que l'appelant connaissait bien le garage des intimés pour l'avoir plusieurs fois fréquenté, avant et même le jour précédant celui de l'accident, que les lieux étaient suffisamment éclairés, qu'il connaissait non seulement l'existence mais l'emplacement de la fosse, que quelques instants mêmes avant d'y tomber, il s'en était tenu à proximité alors que Dominique travaillait sous le capot du moteur. Aussi bien et décidant que l'accident lui était exclusivement imputable, il rejeta l'action avec dépens.

[Page 796]

Porté en appel, ce jugement fut confirmé par une décision majoritaire de la Cour du banc de la reine2. Tous les juges de cette Cour, cependant, acceptèrent, expressément ou implicitement, comme bien fondées, les constatations de faits du juge au procès. Tous ont retenu également la faute de l'appelant. Mais alors que MM. les Juges Pratte et Martineau, de la majorité, voient en cette faute la cause unique du fait dommageable, M. le Juge Taschereau, dissident, déclare qu'il était bien prévisible que des clients, tout naturellement préoccupés de leurs affaires, pourraient momentanément oublier la présence de la fosse et y faire une chute, que ce danger aurait pu être évité si cette fosse eût été placée au fond du garage à un endroit éloigné de celui où circulait le public, et, pour ces raisons, conclut que les intimés n'ont pas pris toutes les précautions possibles pour protéger le public, et qu'ils doivent, en conséquence, partager également avec la victime la responsabilité de cet accident.

A la lumière des faits révélés par la preuve, l'inattention momentanée de l'appelant constitue une faute certaine. Dans certains cas, illustrés par l'affaire Dumouchel v. La Cité de Verdun3, cause récemment décidée par cette Cour, il se peut que l'inattention momentanée de la victime d'un accident soit la conséquence normale, sinon inévitable, d'une situation ou d'un état de choses attribuables à autrui et que retenir, en pareils cas, cette inattention pour conclure, en droit, à la responsabilité de la victime soit exiger de celle-ci un degré de prudence supérieur à celui qu'on attend de l'homme raisonnablement prudent, placé et agissant dans les mêmes circonstances. Tel n'est pas le cas qui nous occupe. En l'espèce, la faute d'inattention de l'appelant constitue, suivant la teneur de l'aveu spontané qu'il en fit lui-même l'instant suivant la chute en résultant, une faute inexcusable. Le plan, les photographies et les témoignages au dossier démontrent que le garage des intimés, la fosse et son emplacement n'avaient rien d'inusité et n'offraient aucun danger contre lequel ne pouvait se prémunir un adulte normal ayant pour sa sécurité personnelle le soin le plus ordinaire.

[Page 797]

La distraction de l'appelant, comme l'indique M. le Juge Pratte en s'appuyant sur les commentaires de notre collègue, M. le Juge Taschereau, dans Ouellet v. Cloutier4, pour possible qu'elle était, n'était pas une chose probable, mais une éventualité que les intimés, tout comme tout homme normalement prudent et avisé, réglant sa conduite d'après le comportement ordinaire des humains, n'étaient pas tenus de faire entrer dans leurs prévisions parce qu'elle dépasse ce à quoi l'homme prudent et avisé peut raisonnablement s'attendre.

On a cité, de la part de l'appelant, les causes de Payette v. Duff5 et Saint-Amant et vir v. Choinière6. Les circonstances qui, dans ces causes, conduisirent MM. les Juges Archambault et Salvas, respectivement, à conclure à la responsabilité du garagiste pour la chute d'une personne dans le puits de graissage d'un garage, diffèrent essentiellement de celles qu'on trouve en la présente cause.

Partageant l'avis des deux Cours inférieures que ce malheureux accident est exclusivement attribuable à la faute de la victime, je renverrais l'appel avec dépens.

Appeal dismissed with costs.

Attorney for the plaintiff, appellant: R. Belanger.

Attorneys for the defendants, respondents: Raymond, Langlois, Bissonnet & DeGrandpré.



1 [1958] Que. Q.B. 744.

2 [1958] Que. Q.B. 744.

3 [1959] S.C.R. 668.

4 [1947] S.C.R. 521.

5 [1951] Que. S.C. 376.

6 [1957] Que. S.C. 236.

 You are being directed to the most recent version of the statute which may not be the version considered at the time of the judgment.