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Supreme Court of Canada

Perreault et al. v. Poirier et al., [1959] S.C.R. 843

Date: 1959-11-02

Lionel Perrault and Others (Plaintiffs) Appellants;

and

Charles Emile Poirier (Defendant) Respondent;

and

Local 205 And Local 262, I.L.G.W.U Mises-En-Cause.

Labour—Trade union funds—Monies stolen from association holding same for union—Association having no juridical existence—Whether members of association can sue—Trusteeship—Deposit—Mandate—Article 81 of the Code of Civil Procedure.

The plaintiffs, constituting an association called Montreal Joint Board, were the administrators of the affairs of two locals of an international union, and as such held monies placed with them by these locals. The defendant, a bookkeeper employed by the Board, stole some of these monies. As neither the Board nor the two locals had, as a group or association, any juridical existence to be a party to an action, the plaintiffs purporting to act as administrators and trustees of the two locals sued the defendant for the return of the monies. The action was dismissed by the trial judge on the ground, inter alia, that the plaintiffs had no legal capacity to sue. This judgment was affirmed by a majority in the Court of Appeal.

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Held: The action should be dismissed.

The plaintiffs have failed to discharge the onus placed upon them under art. 81 of the Code of Civil Procedure of establishing that they had the legal capacity, to bring this action. The monies did not belong to them. They were at the most agents or mandataries of the locals and have failed to establish that they were trustees. Even if they had the obligation to account as business managers of the locals, that did not give them the right to sue in the name of the locals. This was not a case of a deposit, for the principal aim of the handing over of the object deposited must be solely the keeping of that object.

Assuming that the plaintiffs were responsible for the loss resulting from the delict of their employee and could be sued by the locals or the international union, it is personally and not as administrators and trustees, as was done in this case, that the plaintiffs could sue the defendant.

The fact that the plaintiffs constituted all the members of the Board and as such could be considered as one person having full capacity to be a party to an action, had no bearing on the question.

APPEAL from a judgment of the Court of Queen's Bench, Appeal Side, Province of Quebec1, affirming a judgment of Ouimet J. Appeal dismissed.

J. J. Spector, Q.C., for the plaintiffs, appellants.

J. Ste. Marie, Q.C., for the defendant, respondent.

B. Schecter, for the mises-en-cause.

The judgment of Kerwin C.J. and of Taschereau, Fauteux and Abbott JJ. was delivered by

Fauteux J.:—Les demandeurs-appelants, constituant, sous le nom de Montreal Joint Board, un groupe de vingt-deux personnes, chargé des affaires de deux associations ouvrières de Montréal, soit le Local 205 et le Local 262 de l'International Ladies' Garment Workers' Union, se sont joints comme demandeurs pour obtenir un jugement condamnant le défendeur-intimé à leur payer la somme de $14,193.34. Le Montreal Joint Board, le Local 205 et le Local 262, n'ont, comme groupe ou associations, aucune existence juridique leur permettant d'ester en justice. Et, tel qu'il appert au bref d'assignation, les demandeurs agissent, en l'espèce, non personnellement mais en qualité d'administrateurs et fiduciaires de ces deux associations qu'ils ont mises en cause sous leur nom collectif.

Dans la déclaration, ils allèguent en substance qu'ils sont administrateurs du Local 205 et du Local 262, gardiens et fiduciaires des fonds de ces deux associations, que le

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défendeur-intimé, alors employé comme teneur de livres du Montreal Joint Board, a frauduleusement converti à son usage partie de ces fonds, soit certaines débentures au porteur et sommes d'argent, qu'il leur a fait une restitution partielle, mais qu'il reste une balance non remboursée de $14,193.34. Ajoutant que le défendeur s'est engagé à leur payer cette somme de $14,193.34 et qu'eux-mêmes ont, à l'endroit des deux associations, l'obligation de rendre compte de leurs fonds, ils concluent qu'ils ont le droit d'obtenir et demandent un jugement condamnant le défendeur à leur payer cette somme. Ils demandent également à ce que les mises-en-cause soient assignées pour prendre connaissance de l'action et adopter toutes mesures jugées utiles à la protection de leurs droits.

Le défendeur a comparu et produit comme défense une dénégation générale. De la part des mises-en-cause, on a, le jour du procès, produit une déclaration signée par procureur en laquelle on allègue, en substance, supporter les allégations de la déclaration et consentir au jugement recherché.

La preuve a consisté uniquement dans celle qui a été soumise en demande lors du procès; le défendeur étant alors lui-même absent et non représenté, et la déclaration produite de la part des mises-en-cause ne constituant elle-même aucune preuve des faits qui y sont relatés.

Considérant la preuve au dossier, les juges des deux Cours inférieures n'ont éprouvé aucune difficulté à conclure que Poirier, l'intimé, avait, dans les deux dernières années de son emploi au Montreal Joint Board, frauduleusement converti à son usage certaines débentures au porteur et certains argents représentant en tout une somme de $18,926.57, dont il a remboursé $4,733.23, laissant une balance égale au montant réclamé par l'action. Mais le juge au procès, comme ceux de la majorité en Cour d'Appel, ont, pour diverses raisons, exprimé l'avis que les demandeurs n'avaient pas le droit de prendre eux-mêmes cette action contre le défendeur. Pour ces motifs, l'action fut rejetée par le jugement de la Cour supérieure dont le dispositif fut confirmé en Cour d'Appel, De là le pourvoi à cette Cour.

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Pour ainsi rejeter cette action, on s'est appuyé particulièrement sur les dispositions de l'art. 81 du Code de procédure civile, lequel édicté:

81. Personne ne peut plaider avec le nom d'autrui si ce n'est le souverain par ses officiers reconnus.

Les tuteurs, curateurs et autres, représentant ceux qui n'ont pas le libre exercice de leurs droits, plaident en leur propre nom en leur qualité respective. Les corporations plaident en leur nom corporatif.

Les dispositions de cet article qui, sous l'ancien Code de procédure civile était l'art. 19, ont été considérées par le Comité Judiciaire du Conseil Privé dans Porteous v. Reynar2. Les faits de cette cause, comme d'ailleurs ceux des autres causes auxquelles réfère cette décision du Comité Judiciaire, diffèrent évidemment de ceux de la cause qui nous occupe. Mais, interprétant ces dispositions, Lord Fitzgerald déclare ce qui suit, à la page 131 :

Their Lordships entertain the view that art. 19 is applicable to mere agents or mandatories who are authorized to act for another or others, and who have no estate or interest in the subject of the trusts, but is not applicable to trustees in whom the subject of the trust has been vested in property and in possession for the benefit of third parties, and who have duties to perform in the protection or realization of the trust estate.

La prohibition édictée par l'art. 81 en est une d'ordre public et il appartient au plaideur qui prétend avoir qualité pour y faire exception, d'établir cette qualité. Excipiendo reus fit actor. De cette qualité, il doit fournir la meilleure preuve, à laquelle il ne peut suppléer par la preuve secondaire que lorsque l'impossibilité de fournir la meilleure a elle-même été établie. Le fait que le défendeur était absent et non représenté au procès n'atténue aucunement cette obligation qu'avaient les demandeurs. S. Chalifoux Limitée v. Côté3.

La preuve établit que les biens dont s'est frauduleusement approprié le défendeur n'appartenaient pas aux demandeurs.

Il semble également que ces biens n'étaient pas non plus, comme allégué en la déclaration, la propriété des deux associations ouvrières mises-en-cause, le Local 205 et le Local 262, mais celle de l'International Ladies' Garment Workers' Union, dont le bureau-chef est dans l'État de New-York. A la vérité, c'est cette Union qui déléguait,

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chaque année, l'un de ses comptables agréés pour faire la vérification des livres du Montreal Joint Board. La preuve démontre bien que les demandeurs avaient une certaine gestion des affaires du Local 205 et du Local 262, mais rien ne permet d'affirmer qu'ils étaient plus que des agents ou mandataires des personnes constituant le Local 205 et le Local 262. Sans doute, et par une simple réponse affirmative à des questions suggestives, les témoins Manel et Nebel ont-ils déclaré que le Montreal Joint Board était fiduciaire (trustee) et qu'il détenait les fonds du Local 205 et du Local 262 comme fiduciaire (trustee) pour l'International Ladies' Garment Workers' Union. Mais, comme le signale M. le Juge Martineau, le mot fiduciaire (trustee) est susceptible de plusieurs sens dont chacun peut impliquer juridiquement, pour la personne désignée sous ce nom, des obligations et des droits différents.

Sous le droit civil de la province de Québec, les mots "fiducie" (trust) et "fiduciaire" (trustee) sont propres à ces actes de libéralité comportant transport de biens à des fiduciaires pour le bénéfice de personnes bénéficiant de la libéralité. Sous d'autres juridictions, on utilise aussi le terme "fiduciaire" (trustee) dans le cas du dépôt, de la consignation, du mandat ou certains autres contrats impliquant une administration. De toutes façons, la question de savoir si, dans un cas non déjà réglé par la loi, il y a fiducie, implique une question de droit qui ne peut être résolue par la simple affirmation d'un témoin qu'il y a fiducie, mais par la preuve légale d'une convention permettant aux tribunaux de décider si, en droit, il y a fiducie, et de déterminer les droits et obligations en résultant pour les parties. Ces précisions n'étant pas au dossier, les appelants ne peuvent prétendre avoir établi qu'ils étaient fiduciaires.

Pour justifier de leur qualité à intenter l'action, les appelants ajoutent qu'ils ont l'obligation de rendre compte de leur gestion et de remettre les biens réclamés qu'ils ont reçus comme gérants des affaires du Local 205 et du Local 262. Mais cette obligation de rendre compte et de remettre est également celle du simple mandataire lequel, suivant les dispositions de l'art. 1713 C.C. est tenu de rendre compte de sa gestion et de remettre et payer au mandant tout ce

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qu'il a reçu sous l'autorité de son mandat. Cette obligation, cependant, ne qualifie pas le mandataire pour plaider au nom du mandant.

On a soumis que les appelants étaient dépositaires des biens frauduleusement convertis par le défendeur et qu'ils avaient, en cette qualité, le droit de revendiquer en leur nom. Il ne s'agit pas ici d'une action en revendication mais d'une action en dommages. Pour qu'il y ait contrat de dépôt, il ne suffit pas qu'il intervienne une tradition de la chose déposée, mais il faut également que la principale fin de la tradition soit uniquement que celui à qui la tradition est faite, soit chargé de la garde de la chose. Cette fin fait le caractère essentiel du contrat de dépôt qui le distingue des autres contrats. Pothier, 3e éd., Bugnet, t. 5, pp. 125 et seq.

Et Pothier ajoute :

Si la tradition est faite pour transférer à celui à qui elle est faite, la propriété de la chose, c'est une donation, ou une vente, ou un échange, ou quelque autre contrat semblable. Si c'est pour lui en accorder seulement l'usage pour son utilité, c'est un prêt ou un louage. Si c'est afin de faire quelque chose pour l'utilité de celui qui en fait la tradition, c'est, ou un louage, si celui à qui la tradition est faite, reçoit pour cela une rétribution; ou un mandat, s'il s'en charge gratuitement.

Les appelants ont aussi prétendu qu'ils étaient responsables de la perte résultant du délit de leur employé Poirier et exposés, pour cette raison, à être poursuivis par les mises-en-cause ou l'union elle-même; ils en concluent que ceci leur donne le droit de poursuivre le défendeur, en anticipation du recours dont ils peuvent être l'objet. Assumant que cette prétention soit fondée en droit et en fait, c'est personnellement, et non agissant comme administrateurs et fiduciaires du Local 205 et du Local 262, comme ils l'ont fait en cette cause, que les appelants pourraient poursuivre le défendeur.

Ils ont allégué, enfin, dans la déclaration, que le défendeur s'était engagé à leur payer la somme de $14,193.34. De cet engagement, il n'y a aucune preuve.

A l'issue de l'audition devant cette Cour, le procureur des appelants a demandé de remettre au régistraire un livret intitulé "Constitution and By-Laws of the International Ladies' Garment Workers' Union", ce que la Cour a permis sans décider particulièrement de l'admissibilité et de la

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pertinence' de ce document. La simple remise de ce livret ne fait pas la preuve de son contenu et ne saurait affecter la question ici considérée.

Je crois que c'est avec raison qu'on a jugé que les demandeurs n'avaient pas justifié leur droit d'intenter au défendeur la présente action et cette conclusion me dispense de considérer les autres raisons motivant cette décision.

Il se peut qu'en raison de cette disposition de l'appel, le défendeur échappe aux conséquences civiles de ses actes. On peut regretter ce résultat. Mais les associations ou unions ouvrières qui refusent de prendre avantage de la législation spéciale leur permettant d'obtenir, comme groupe, une existence juridique et de faire valoir, comme tel, leurs droits en justice, doivent accepter les conséquences de leur attitude. En toute déférence, le fait que les demandeurs-appelants soient tous et les seuls membres formant le Montreal Joint Board et qu'ils puissent être considérés et tenus comme s'ils étaient une seule personne en pleine capacité d'ester en justice est, je crois, étranger à la question ci-haut considérée; car ce fait n'autorise pas les demandeurs-appelants à ester en justice pour faire valoir le droit d'autrui en réclamant, en qualité de mandataires, la compensation qui est due à leurs mandants.

Je renverrais l'appel mais sans frais.

Cartwright J.:—While sharing the regret indicated in the reasons of my brother Fauteux, I find myself compelled to concur in the disposition of the appeal proposed by him.

Appeal dismissed without costs.

Attorney for the plaintiffs, appellants: J. J. Spector, Montreal.

Attorneys for the defendant, respondent: Beaulieu & Cimon, Montreal.

Attorney for the mises-en-cause: B. Schecter, Montreal.



1 [1949] Que. Q.B. 447.

2 (1888), 13 App. Cas. 120, (1890), 16 Q.L.R. 37.

3 [1944] Que. K.B. 82.

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