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Supreme Court of Canada

Alexis Nihon Compagnie v. Dupuis, [1960] S.C.R. 53

Date: 1959-11-30

Alexis Nihon Compagnie Limitée (Defendant) Appellant;

and

Arthem Dupuis (Plaintiff) Respondent.

Contracts—Agency—Subsequent clause added to contract making basic change in relationship—Seller and buyer—Oral testimony—Art. 1234 of the Civil Code.

By a written contract, establishing an agency relationship between the plaintiff and the defendant company, the latter was to receive a commission on the sale of lumber supplied by the plaintiff. Subsequently a clause was added to the contract whereby the defendant agreed to pay the plaintiff for the lumber covered by the contract and its additions "f.o.b. St. Paulin" the prices set out in a schedule. From that

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time on, the defendant treated the transactions as sales. The plaintiff sued to recover the difference between the market price obtained by the defendant less the commission and the price paid to him according to the schedule, and asked for the cancellation of the contract. The trial judge maintained in part the action and held, inter alia, that the addition to the contract had not changed the agency relationship but had only established a floor price. This judgment was affirmed by the Court of Appeal.

Held: The action should be dismissed.

The addition to the contract changed the relationship of the parties from one of agency to one of sale, and the plaintiff had received all that he was legally entitled to receive. The conduct of the plaintiff, after the addition had been made, showed that he was aware that the contract had been basically altered. Oral testimony to the effect that the schedule merely fixed a floor price was not admissible.

APPEAL from a judgment of the Court of Queen's Bench, Appeal Side, Province of Quebec1, affirming a judgment of Lalonde J. Appeal allowed.

R. H. E. Walker, Q.C., for the defendant, appellant.

G. D. McKay, Q.C., for the plaintiff, respondent.

The judgment of the Court was delivered by

Taschereau J.:—Le demandeur-intimé a institué contre la défenderesse-appelante une action devant la Cour supérieure siégeant à Montréal, dans laquelle il réclame la résiliation d'un contrat intervenu entre les parties, l'annulation de nombreuses quittances qu'il aurait consenties, ainsi que la somme de $6,383.78. Cette action a été maintenue partiellement jusqu'à concurrence de $5,420.41 par l'honorable Juge Lalonde de la Cour supérieure qui a, en outre, déclaré nuls et non avenus, comme étant entachés de fraude et de dol, tous les règlements, reçus, quittances, donnés par le demandeur à la défenderesse, mais n'a pas résilié le contrat. La Cour du banc de la reine2, M. le Juge Montgomery dissident, a confirmé cette décision.

Le 5 novembre 1949, l'intimé a autorisé par contrat écrit la compagnie appelante à vendre sur le marché toute sa production de bois franc (merisier seulement), au prix courant du marché lors de la vente, sur une base de retenue de 15 pour cent sur le montant total de chaque vente, et d'un escompte de 2 pour cent si les paiements étaient effectués dans les dix jours. Les parties ont convenu de la

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façon dont le bois serait scié, où il serait empilé et de quelle manière on procéderait au mesurage et à l'inspection. En ce qui concerne le paiement, la compagnie appelante s'est obligée de payer à l'intimé Dupuis, dans les dix jours suivant l'arrivée des chars à destination, le montant du prix de la vente faite par l'appelante à ses propres clients, moins la retenue ci-dessus mentionnée.

Après la signature de ce contrat, plusieurs livraisons de bois ont été effectuées par l'intimé. Dans la suite, à maintes reprises depuis le 5 novembre 1949, l'appelante a fait des avances à l'intimé, entre autres, le 11 novembre 1949, le 23 décembre de la même année, le 16 janvier, le 7 février et le 15 mai 1950.

Chaque fois que l'une de ces avances était consentie par l'appelante à l'intimé, une "addition" au contrat original était faite et signée par les parties, et comme conséquence de ces additions, et particulièrement de celle du 16 janvier 1950, l'appelante prétend qu'elle est devenue l'acheteur du bois que lui livrait l'intimé, et qu'en conséquence, elle a assumé elle-même les risques des fluctuations du marché du bois. Il s'ensuivrait, toujours d'après l'appelante, que ce ne serait plus le premier contrat qui trouverait son application en ce qui concerne le prix à être payé, mais que les parties devaient être gouvernées par les termes mêmes de ces additions qui devaient dans l'avenir déterminer leurs relations juridiques.

Il est admis que le contrat original établissait une relation d'agence entre les parties, et que l'appelante devait vendre le bois de Dupuis l'intimé, au prix courant du marché lors de la vente, en remettre le produit à l'intimé et retenir, pour elle, la commission mentionnée précédemment.

Dans ces additions faites au contrat du 5 novembre 1949, nécessitées apparemment par le fait que la compagnie appelante faisait des avances à l'intimé supérieures à la quantité de bois livré, il est stipulé que l'appelante devenait propriétaire du bois expédié, afin qu'il lui soit permis de transporter cette marchandise aux banques, pour obtenir des emprunts sous l'empire de la s. 88 de la Loi des Banques. Mais l'addition du 16 janvier 1950, qui est la troisième à être faite, comporte à mon sens une portée beaucoup plus

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considérable que les autres. Cette addition renferme la clause habituelle des autres additions, et une autre qui se lit ainsi:

Comme suite au contrat susmentionné et aux additions audit contrat, il est par la présente consenti que Alexis Nihon Cie Ltée paiera à Arthem Dupuis pour le bois couvert par le contrat et ses additions, les prix suivants f.a.b. chars St-Paulin, Qué., moins 15% de retenue et 2% d'escompte pour paiement dans les dix jours.

Les prix indiqués dans cette entente intervenue entre les parties sont les suivants:

 

5/4

6/4

8/4

10/4

12/4

F.A.S ………………….

160.00

165.00

175.00

180.00

190.00

SELECT ………………

135.00

140.00

145.00

150.00

160.00

NO. 1 COMMUN …….

95.00

105.00

110.00

115.00

120.00

Le prix du 4/4 a déjà été établi par entente précédente.

Cette convention, par conséquent, ne fixe pas seulement le prix du bois à être livré après la date où elle a été signée, soit le 16 janvier 1950, mais également le prix de celui livré avant et qui n'a pas encore été payé, car on y trouve les mots suivants: "paiera à Arthem Dupuis pour le bois couvert par le contrat et ses additions".

Le juge de première instance a conclu que cette addition au contrat faite le 16 janvier 1950, n'a pas changé la nature des liens juridiques qui pouvaient exister entre les parties, c'est-à-dire une relation de principal et d'agent, mais n'a fait qu'établir un "plancher" au prix du bois que livrait le demandeur-intimé. Il a également conclu que le contrat d'agence à commission continuait de subsister et que l'appelante devait remettre à l'intimé le montant total du prix reçu de ses propres acheteurs, toujours en retenant la commission de 15 pour cent plus 2 pour cent d'escompte. Il a été d'opinion que pour rendre compte à l'intimé, l'appelante s'est basée frauduleusement sur les prix mentionnés au contrat du 16 janvier 1950, au lieu de se baser sur les montants réellement perçus des débiteurs. Parce que l'appelante n'a payé que le montant mentionné au contrat du 16 janvier 1950, au lieu de rendre compte du prix auquel le bois a été réellement vendu, il en vient à la conclusion qu'il y a eu fraude de la part de l'appelante.

Mais ce raisonnement du juge au procès ne peut révéler la fraude de l'appelante que si l'addition du 16 janvier 1950 a réellement fixé un "plancher", obligeant tout de même

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l'appelante à payer à l'intimé tous les montants que les débiteurs pourraient verser à l'appelante, au dessus de ce plancher établi.

Il est bon de noter que, par le jugement qu'il a rendu, M. le Juge Lalonde n'annule pas la convention ou l'addition faite au contrat original le 16 janvier 1950, qui continuait en conséquence à lier les parties. Le juge au procès base particulièrement son jugement sur le fait que par les termes mêmes de cette addition, le demandeur aurait dû recevoir tous les montants supérieurs à ce plancher que les débiteurs de l'appelante payaient. C'est précisément parce que l'appelante n'a pas donné effet à cette interprétation faite par M. le Juge Lalonde et qu'un montant moindre a été remis, que l'on prétend que l'appelante s'est rendue coupable de manœuvres frauduleuses en laissant croire à l'intimé que ses prix mentionnés à l'"addition" étaient véritablement les prix perçus par l'appelante.

M. le Juge Casey, qui a écrit le jugement majoritaire de la Cour du banc de la reine3, exprime à peu près la même opinion. Il soutient que ce document du 16 janvier 1950 n'établit pas de changement dans les relations juridiques des parties, mais comme M. le Juge Lalonde, il croit que son effet a été d'établir un "plancher" pour le prix du bois, et que l'intimé avait droit de percevoir l'excédent du prix, fixé au plancher, s'il en existait un.

Je suis d'opinion que les termes de ce document du 16 janvier 1950 ne présentent pas d'ambiguïté. Ce dernier est en effet bien différent du premier contrat qui en était un d'agence, tandis que le second a fait disparaître cette relation juridique. Les termes employés d'où découle pour les parties une nouvelle relation d'acheteur à vendeur sont complets et non équivoques. Ils altèrent fondamentalement ce qui caractérisait la première convention. En effet, ils stipulent qu'"Alexis Nihon Cie Ltée paiera à Arthem Dupuis pour le bois convert par le contrat et ses additions, les prix suivants f.a.b. chars St-Paulin, moins 15% de retenue et 2% d'escompte pour paiement dans les dix jours." Le mot "paiera" détermine nécessairement un prix fixé à l'avance f.a.b. chars St-Paulin. Si le prix à être payé est f.a.b. chars St-Paulin, il ne peut pas être le prix obtenu à

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Montréal par l'appelante pour le bois qu'elle vend à ses clients. Il s'agit d'un prix déterminé et non d'un prix susceptible de fluctuations.

Si, comme je le crois, les relations entre les parties ont été changées radicalement à partir du 16 janvier, et si l'intimé est devenu le vendeur et l'appelante l'acheteuse, le premier a en conséquence reçu tout ce qu'il pouvait exiger légalement. En effet, à la date du 16 janvier 1950, il avait reçu un excédent sur les quantités de bois livré, et depuis cette date, il a été payé suivant les termes de la nouvelle entente. L'appelante n'avait pas l'obligation de lui dévoiler, comme antérieurement, les prix auxquels elle vendait son bois à, Montréal ou ailleurs. C'était là "res inter alios acta". L'intimé devait se contenter des prix stipulés f.a.b. St-Paulin, et il les a perçus.

L'erreur des tribunaux inférieurs a été de ne pas con sidérer l'addition au contrat principal comme une altération fondamentale à la première entente, et de voir dans ses termes simplement l'établissement d'un prix de "plancher". Avec ce départ que je crois erroné, on avait raison de dire que l'appelante devait dévoiler à l'intimé les prix qu'elle recevait pour le bois, et payer en conséquence. Mais, à mon sens, tel n'est pas le cas qui se présente.

L'intimé a prétendu, malgré l'objection du procureur de l'appelante, ajouter par une preuve testimoniale des clauses qui ne se trouvent pas au contrat. Ces clauses auraient pour effet d'établir que, malgré "l'addition" de janvier 1950, les termes du premier contrat subsistaient, et que les prix nouvellement fixés n'établissaient qu'un "plancher", un minimum, qui ne privait pas l'intimé de percevoir l'excédent s'il y en avait.

Je crois que cette preuve qu'on a tenté de faire est inadmissible vu les termes précis de l'art. 1234 C.C. qui stipule que dans aucun cas la preuve testimoniale ne peut être admise pour contredire ou changer les termes d'un écrit valablement fait. Dans le cas présent, l'écrit du 16 janvier 1950 est un écrit valablement fait, qui est complet par lui-même. Quand les termes d'un contrat sont clairs et non ambigus, aucune preuve testimoniale ne peut être reçue

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pour interpréter le document, ou pour déterminer ce que les parties avaient l'intention de dire mais que, malheureusement, elles n'ont pas consigné dans cet écrit.

Même si cette preuve était admissible, ce que je ne crois pas, je suis d'opinion que la preuve tentée par l'intimé pour modifier les termes du contrat écrit est insuffisante. Au cours de l'examen de ce dossier, je me suis demandé, à maintes reprises, pourquoi l'appelante qui, le 16 janvier, était créancière de l'intimé, aurait ainsi établi ce plancher, que d'ailleurs "l'addition" ne révèle pas. Elle empirait évidemment, par cet acte, sa situation en consentant à payer à l'intimé un prix supérieur à celui qu'elle pouvait elle-même recevoir, et s'exposait gravement à ne pas pouvoir percevoir le surplus d'avances au montant de $5,188.41 consenties jusqu'à la date du 16 janvier 1950. Prévoyant sans doute une hausse dans les prix du marché du bois, elle a voulu se protéger aux fins de percevoir ce remboursement des avances qu'elle avait consenties.

Quand l'intimé a signé les quittances et états de compte en janvier, février, mars, avril, mai, juin et juillet 1950, et quand il a accepté en juillet 1950 le chèque endossé "en règlement final", je suis persuadé, malgré ses délégations, qu'il savait bien qu'il avait cessé d'être le principal à un contrat d'agence, pour devenir simplement le vendeur de son bois à un prix déterminé d'avance f.a.b. St-Paulin.

C'est un nommé McMaster, ancien employé congédié par l'appelante, qui s'est rendu à St-Paulin à deux reprises pour rencontrer l'intimé et qui, en outre, l'a invité à sa maison sur la rue Atwater, à Montréal, pour l'informer qu'il était payé au prix du "plancher", et que le bois avait été vendu à un prix supérieur. C'est ce M. McMaster qui, suivant son propre témoignage, a quitté l'emploi de l'appelante "in anger" et qui a convenu avec l'intimé de recevoir 50 pour cent des bénéfices éventuels du procès à être intenté. Comme M. le Juge Montgomery, je crois que ce témoignage de McMaster doit être reçu avec une extrême réserve, et j'ajoute s'il ne doit pas être totalement ignoré. N'est-ce pas là, comme conséquence de ces conversations avec McMaster, personnage financièrement intéressé à l'issue du procès, qu'il faut chercher la cause déterminante de la réclamation de l'intimé.

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Malgré qu'il fût mis au courant par McMaster, l'intimé a signé quand même les onze règlements bi-mensuels où apparaissent les prix déterminés à l'addition de janvier 1950, et il endosse, le 21 juillet de la même année, le chèque en règlement final. Je crois que l'intimé est mal venu de se présenter devant les tribunaux pour dire qu'on lui a représenté que l'état de choses original n'avait pas été changé. Les nombreuses signatures qu'il donne, les règlements qu'il consent, tous conformes à "l'addition" de janvier 1950, contredisent les prétentions qu'il a voulu soutenir devant la Cour. Je suis porté à penser que l'intimé, qui est un homme d'affaires, a plus d'intelligence qu'il ne semble vouloir en manifester. La conclusion qui s'impose est que l'écrit du 16 janvier 1950 est un amendement fondamental au contrat original; qu'il a établi depuis cette date des relations d'acheteur et de vendeur entre les parties et que rien n'indique qu'à l'addition de janvier 1950 un prix minimum a été fixé; que l'intimé a reçu tous les montants auxquels il pouvait prétendre et qu'il n'a pas le droit d'exiger les prix pour lesquels le bois a été vendu à des tiers par l'appelante.

Pour ces raisons, et pour celles données par M. le Juge Montgomery, je suis d'opinion que l'appel doit être maintenu et l'action rejetée avec dépens de toutes les Cours.

Appeal allowed with costs.

Attorneys for the defendant, appellant: Walker, Chauvin, Walker, Allison & Beaulieu, Montreal.

Attorney for the plaintiff, respondent: H. Baker, Montreal.



1 [1958] Que. Q.B. 789.

2 [1958] Que. Q.B. 789.

3 [1958] Que. Q.B. 789.

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