Supreme Court Judgments

Decision Information

Decision Content

Supreme Court of Canada

Promissory note—Signed by two or more persons—Payment in full by one of them—Action by the latter against co-debtors to recover their share of the debt—Nature of the claim—Whether commercial matter—Prescription of the action—Whether by five or thirty years—Articles 1117, 1118, 1156, 2242, 2260(4) C.C.—Bills of Exchange Act, s. 139.

When a promissory note signed by two or more persons has been paid in full by one of them, an action by the latter to recover from any of the co-debtors the share or portion due by him is subject to the prescription of five years provided by Article 2260 (4) C.C.

The claim of the holder against the signers. based upon a promissory note, is, at its origin, of the nature of a commercial matter; and the co-debtor who has paid it in full, having thus been subrogated in the rights of the creditor by operation of the law as to the share or portion of the note due by any of his co-debtors, has therefore acquired himself a claim of the nature of a commercial matter against such co-debtor.

[Page 535]

APPEAL from the judgment of the Court of King's Bench, appeal side, province of Quebec, affirming the judgment of the Superior Court, Prévost J. and dismissing the appellant's action.

The appellant and the respondent, both directors of a limited company in insolvency, signed a promissory note in favour of a bank for a sum of $4,639.17 in payment of a debt due by the company to the bank. The appellant paid in full the amount of the note when due and brought an action against his co-debtor, the respondent, for $2,569.49 representing the latter's share or portion of the total amount paid to the bank for capital and interest. The last instalment paid by the appellant to the bank was in. 1927, and the writ was served upon the respondent in 1938. The respondent pleaded that the appellant's claim was subject to the prescription of five years provided by paragraph 4 of article 2260 C.C.; while the appellant contended that the rights of the parties were governed by the terms of article 2242 C.C., on the ground that any claim under the promissory note had been extinguished by the payment of the note which no more existed and that a new debt not commercial in its nature has been created by articles 1117 and 1118 C.C.[1].

Aimé Geoffrion K.C. for the appellant.

J. A. Dion for the respondent.

The judgment of the Court was delivered by

Taschereau J.—L'appelant, demandeur en cour inférieure, et l'intimé étaient tous deux directeurs de la Cie de Canots de Roberval Ltée. Cette compagnie était incapable de rencontrer ses obligations, et les parties en cette cause ont alors signé en faveur de la Banque Canadienne Nationale un billet promissoire au montant de $4,639.17. L'appelant a payé seul la totalité du billet ainsi que les intérêts, moins ce qui a été réalisé par la vente de certaines garanties, et il a institué contre le défendeur une action pour la somme de $2,569.48, représentant la part de responsabilité de son codébiteur.

[Page 536]

L'action a été signifiée le 4 mars 1938, et le dernier paiement à la Banque fait par le demandeur Ta été le 27 septembre 1927. Le défendeur a invoqué le plaidoyer de prescription, et la Cour Supérieure et la Cour du Banc du Roi lui donnant raison ont rejeté la demande.

Devant cette Cour se soulève en outre la question de juridiction et il importe en premier lieu de la décider. Selon l'intimé, l'appelant aurait payé $2,888.00 de capital et $368.00 d'intérêt, formant un total de $3,256.00. On a produit à l'enquête un état démontrant en capital et intérêt déboursés, $4,256.00, mais ce chiffre comporte une erreur manifeste de $1,000.00. Cependant, à cette somme de $3,256.00 il faut ajouter les intérêts se chiffrant à $810.00, soit 5% sur $3,256.00 durant 5 ans, ce qui donne un montant global de $4,066.00. Comme l'appelant ne réclame que la moitié de cette somme, son action serait donc réduite à $2,033.00, et ce montant serait suffisant pour donner juridiction à cette Cour.

L'intimé prétend cependant que l'appelant ne peut pas réclamer d'intérêt sur l'item de $368.00 car, dans l'affirmative, il obtiendrait l'intérêt sur l'intérêt, ce qui est contraire aux dispositions du Code Civil. Je ne puis admettre cette prétention de l'intimé, car il ne s'agit pas de réclamer l'intérêt sur de l'intérêt, mais bien l'intérêt sur des déboursés faits par l'appelant. Le montant en jeu est donc de $2,033.00 et il est, en conséquence, suffisant pour donner juridiction à cette Cour.

La question la plus importante qui se pose est de savoir si le plaidoyer de prescription de l'intimé est bien fondé, comme l'ont décidé et la Cour Supérieure et la Cour du Banc du Roi. Il s'est évidemment écoulé entre la date du dernier paiement et la date de l'institution de l'action une periode de temps suffisante pour que la demande soit prescrite, si la prescription de 5 ans doit s'appliquer, mais si la prescription trentenaire doit régler les droits des parties, la situation sera bien différente.

L'appelant base ses prétentions sur les articles 1117 et 1118 du Code Civil qui se lisent de la façon suivante:

1117. L'obligation contractée solidairement envers le créancier, se divise de plein droit entre les codébiteurs qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part.

1118. Le codébiteur d'une dette solidaire qui l'a payée en entier, ne peut répéter contre les autres que les parts et portions de chacun d'eux, encore qu'il soit spécialement subrogé aux droits du créancier.

[Page 537]

Lorsque le billet a été payé, nous dit l'appelant, il a été libéré en vertu des dispositions de l'article 139 de la Loi des Lettres de Change, qui dit:

139. Une lettre de change est acquittée par paiement régulier fait par le tiré ou accepteur ou pour lui.

* * *

Toujours d'après l'appelant, cet effet commercial étant disparu ne peut servir de base à l'action, mais celle-ci trouve son fondement sur les articles 1117 et 1118 C.C. qui donnent à celui qui a payé le droit de réclamer la moitié de ses déboursés en capital et intérêt. Il s'agirait, en conséquence, d'une créance nouvelle qui n'est pas assujettie à la prescription de 5 ans prévue au paragraphe 4 de l'article 2260 C.C. D'autre part, l'intimé soutient que l'appelant ayant payé la totalité du billet est subrogé dans les droits de la Banque Canadienne Nationale et a un recours contre son codébiteur pour la moitié de ses déboursés, non pas en vertu de 1117 et 1118 C.C. mais bien en vertu du paragraphe 3 de l'article 1156 C.C. qui se lit ainsi:

1156. La subrogation a lieu par le seul effet de la loi et sans demande:

* * *

(3) Au profit de celui qui paye une dette à laquelle il est tenu avec d'autres ou pour d'autres, et qu'il a intérêt d'acquitter.

Il n'y a pas de doute que l'appelant et l'intimé étaient conjointement et solidairement responsables vis-à-vis la Banque pour le montant total apparaissant au billet promissoire. L'un n'était pas la caution de l'autre mais ils étaient bien tous deux responsables solidairement pour la totalité de la créance, et la Banque pouvait exercer son recours contre l'un ou contre l'autre.

M. Bergeron, le demandeur appelant, nous explique de la façon suivante comment cette dette a été créée vis-à-vis la Banque:

M. Lindsay et moi avions avancé pas mal d'argent à la compagnie, et le seul moyen que nous avions d'espérer un remboursement partiel c'était de conserver les immeubles qui restaient à la compagnie. Nous avions un double intérêt à la conservation de ces immeubles. D'abord, nous voulions en empêcher la vente judiciaire. Nous n'avions pas les moyens dans le temps de racheter pour nous protéger, et une vente judiciaire provoquait immédiatement la demande d'une obligation de $10,000 en faveur de l'abbé Joseph Savard, que nous avions cautionnée, M. Lindsay et M. Armand Lévesque et moi, solidairement, par un billet. Alors une vente par le shérif nous mettait cette dette sur les épaules et nous enlevait toute protection possible pour notre remboursement.

[Page 538]

Les parties étaient donc toutes deux responsables vis-à-vis la Banque, et celui qui payait la totalité de cette créance payait une dette à laquelle il était tenu avec l'autre, et qu'il avait manifestement intérêt d'acquitter, pour éviter des procédures légales et une exécution possible. La question ne manque pas d'intérêt, et pour la résoudre, il faut d'abord examiner la nature de la subrogation légale. Pothier la définissait de la façon suivante:

C'est une fiction de droit par laquelle le créancier est censé céder ses droits, actions, hypothèque et privilège à celui de qui il reçoit son dû.

Mourlon nous dit que

c'est la substitution plus ou moins complète d'une tierce personne dans les droits du créancier qui a été payée par elle.

Ainsi donc, l'on voit par ces définitions que non seulement les garanties sont transportées au subrogé, mais également les droits et actions, et cela par l'opération de la loi sans qu'il soit nécessaire d'avoir recours à aucune formalité.

La créance elle-même est transportée au subrogé, et c'est ce qu'enseignent Planiol et Ripert, Traité Elémentaire de Droit Civil, Vol. 2, page 179, où, traitant de l'effet translatif de la subrogation, ils s'expriment de la façon suivante:

Dans son ensemble l'opération est une transmission de créance. Le débiteur a maintenant un créancier nouveau, le subrogé, à la place de l'ancien.

La subrogation fait acquérir au subrogé tous les droits du créancier payé, non pas seulement les droits accessoires (privilège, hypothèque, cautionnement, etc.) mais la créance elle-même, le droit principal auquel ces diverses garanties sont attachées.

Ceci semblerait venir en conflit avec les dispositions de l'article 139 de la Loi des Lettres de Change cité plus haut, mais je crois qu'une distinction s'impose. L'article 139 libère sans doute la lettre de change qui est payée, mais l'obligation n'est éteinte par ce paiement qu'à l'égard du créancier et elle ne l'est certainement pas à l'égard du débiteur. La Banque Canadienne Nationale, évidemment, ayant reçu son paiement, ne peut plus exercer aucun recours, mais le nouveau créancier, l'appelant, subrogé par une fiction de la loi pour une partie de sa créance, peut sans doute exercer les droits que la Banque aurait pu exercer contre l'intimé.

[Page 539]

Pothier, cité par Mourlon, "Subrogations Personnelles", page 12, dit ce qui suit, en traitant du paiement avec subrogation:

C'est, dit-il, un vrai paiement, car ce n'est que par une fiction de droit que le subrogé est censé avoir plutôt racheté la créance que l'avoir payée, "magis emisse nomen quam solvisse intelligitur". Mais cette fiction ne doit profiter qu'à lui.

Un autre auteur, Bigot de Préameneu s'exprime ainsi:

Une obligation peut être éteinte à l'égard du créancier par le paiement que lui fait un tiers subrogé dans ses droits, sans que cette obligation soit également éteinte, à l'égard du débiteur.

Mourlon au même traité nous dit à la page 10:—

Mais, dit-on, là où il y a paiement il y a extinction de la dette; donc la subrogation ne peut pas transporter la créance elle-même. Pour vouloir trop prouver, ce raisonnement ne prouve rien; car s'il est vrai qu'il est de l'essence d'un paiement d'éteindre la dette, s'il est vrai que la subrogation qui l'accompagne ne l'empêche pas de produire ses effets ordinaires, comment se fait-il que les accessoires de la dette lui survivent? Quoi! la créance est éteinte et ses garanties subsistent encore?

Il s'ensuit donc que l'effet de la subrogation légale prévue au paragraphe 3 de l'article 1156 est de transporter la créance elle-même avec tous ses accessoires. Pendant longtemps, la transmission de la créance a été contestée en France parce que l'on a prétendu que la subrogation avait seulement pour but de transmettre au subrogé les garanties accessoires qui appartenaient à l'ancien créancier. Planiol et Ripert, Traité Elémentaire de Droit Civil, vol. 2, page 179, nous disent que cette opinion est aujourd'hui entièrement abandonnée parce qu'elle est contraire à la tradition et surtout au texte du code qui dit que le subrogé acquiert tous les droits du créancier. S'il acquiert tous les droits, il acquiert évidemment la créance qui est le plus essentiel des droits et sans lequel les garanties ne pourraient pas subsister. A la même page de l'ouvrage déjà cité, le même auteur s'exprime de la façon suivante:

Si le subrogé acquiert la créance elle-même, et non pas seulement ses accessoires, il pourra profiter de certains avantages attachés à cette créance et distincts de ses garanties. Ainsi, si la dette payée était commerciale, il pourra poursuivre le débiteur devant les tribunaux de commerce, etc. etc.

Cette dernière citation démontre bien que lorsque la dette payée était une dette commerciale, la créance de celui qui effectue le paiement contre son codébiteur a aussi le caractère d'une réclamation commerciale.

[Page 540]

Il importe maintenant de considérer la nature de la créance originaire de la Banque Canadienne Nationale contre les signataires du billet. Il ne peut faire de doute que cette créance basée sur un billet promissoire était une créance commerciale, et que l'appelant ayant été subrogé par l'opération de la loi contre l'intimé pour une partie de cette créance, a à son tour une réclamation d'une nature commerciale à exercer contre l'intimé, et que la prescription de 5 ans doit nécessairement trouver son application, en vertu du paragraphe 4 de l'article 2260 C.C.

Les articles 1117 et 1118 C.C. ne viennent pas en conflit avec cette théorie. Il importe en effet, une fois que sont connus les droits du subrogé, de déterminer quelle sera l'étendue de ces droits. Or, c'est ici qu'interviennent ces deux articles du Code Civil et qu'ils nous disent que lorsqu'une obligation est contractée solidairement, le codébiteur qui a payé ne peut répéter des autres que les parts et portions de chacun d'eux. Dans le cas qui nous occupe, ils ne font que limiter les droits du subrogé.

J'en viens donc à la conclusion que la réclamation de l'appelant contre l'intimé est d'une nature commerciale, qu'elle est, en conséquence, prescrite et que les jugements de la Cour Supérieure et de la Cour du Banc du Roi sont bien fondés.

L'appel doit être rejeté avec dépens.

Appeal dismissed with costs.

Solicitor for the appellant: Roland Bergeron.

Solicitor for the respondent: J. Alf. Dion.



[1] Reporter's Note: The Court of King's Bench has rendered a previous decision on similar questions of law in Lévesque v. Bergeron (1939) Q.R. 66 K.B. 213.

 You are being directed to the most recent version of the statute which may not be the version considered at the time of the judgment.