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Supreme Court of Canada

Husband and wife—Marriage contract—Universal community as to property—Matrimonial agreements—Nullity of one clause—Whether whole contract null—Whether obligation imposed by such clause is null—Arts. 818, 819, 820, 1018, 1018, 1292 et seq. C.C.

The terms “tous les biens qu’il possèdera alors” contained in a clause of a marriage contract reading as follows: “Advenant la mort du “futur époux avant la future épouse sans laisser d’enfants du dit

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“futur mariage, tous les biens qu’il possèdera alors appartiendront à “ses enfants du premier lit, mais ils seront obligés de payer à la dite future épouse une somme de deux mille piastres qu’elle gardera en pleine propriété à toujours, à moins qu’elle ne convole en secondes noces; car dans ce cas, elle ne garderait en pleine propriété que cinq cents piastres et le reste retournerait aux dits enfants du premier lit”—means “tous les biens dont il sera propriétaire alors”; and in that sentence the word “alors” relates to the date of “la mort du futur époux.” In the language customarily used in the province of Quebec, the terms “tous les biens qu’il possèdera alors” are not intended to apply to possession in the legal sense of the word, but they refer to ownership. Consequently, when a marriage contract stipulates a universal community of property between the husband-to-be and the wife-to-be, those terms (“tous les biens qu’il possèdera alors”) will not lump together all the goods which formed the universal community provided in the marriage covenant: they include only the share of the husband in the community.

Moreover, in the present case, that stipulation which constitutes a donation made in contemplation of death is not authorized by law although included in a marriage contract, because it was not made in favour of the children to be born of the future marriage as required by the law, but was a stipulation in favour of children born from a first marriage and therefore illegal.

On the other hand, the nullity of such a stipulation does not involve the nullity of the whole contract. The material agreement of the marriage contract was the stipulation that a universal community of property would exist between the parties. The stipulation as to the property of which the husband would be the owner at his death relates solely to the succession of the deceased husband. Therefore there is not, between the whole of the marriage contract and the special clause above quoted, such dependency that the nullity of that last clause should involve the nullity of the marriage contract itself. The intentions of the contracting parties would be violated if, because the stipulation as to the succession of the husband is illegal, the agreement as to a universal community of property would consequently cease to exist. These are two distinct covenants, and the existence of one is not dependent upon the existence of the other. The marriage contract remains valid as to the remainder.

But the same cannot be said as to the obligation imposed upon the children born from the first marriage to pay to the surviving wife “une somme de deux mille piastres qu’elle gardera en pleine propriété à toujours * * *.” This obligation is included in a clause of which the main object is to give over to the children born from the first marriage the property of which the husband would be the owner at his death. It constitutes, properly speaking, a charge in connection with the disposition made in favour of the children born from the first marriage; and it follows that the illegality of the stipulation in favour of these children involves as a consequence the nullity of the obligation imposed upon them by reason of such stipulation.

APPEAL from a judgment of the Court of King’s Bench, appeal side, province of Quebec, affirming a judgment of the Superior Court, Fortier J. and maintaining the respondent’s action and ordering a partition between the appellants

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and the respondent of the universal community of property alleged to have existed between the respondent and her deceased husband.

The question at issue is the proper construction and application of the ante-nuptial marriage agreement entered into between the respondent and her late husband Anthime Comeau. The respondent had an inventory made of her late husband’s property where she contended that all the property formed part of the community which she alleged existed between herself and her late husband. The appellants concurred in this inventory but expressly stated in signing it that in so doing they were not in any way admitting that the said community had ever existed. The respondent then renounced her share in her late husband’s intestate succession. By virtue of this renunciation the deceased’s four children became his sole heirs at law and, two of them having renounced their share, the present appellants became Anthime Comeau’s sole heirs at law. None of these children were born of Anthime Comeau’s marriage with respondent; they were all born from a previous marriage. In her action the respondent alleged that the marriage contract created a conventional universal community of property between herself and her late husband, or, in other words, that by virtue of this contract, all her late husband’s property, moveable and immoveable, acquired before or after the marriage, became common to the two consorts. She contended that by reason of the death of her husband she became entitled to half of that community of property and prayed that the appellants as sole heirs at law of her husband, be obliged to divide with her all the property, moveable and immoveable, of Anthime Comeau. The appellants contested the action contending that under the marriage contract they were entitled to all the estate of their late father and that the respondent was only entitled to receive a sum of $2,000, her personal effects and “préciput” together with the right to reside in the family’s home. They alleged that this is what the marriage contract provided in the event of the husband dying first without issue from his marriage with the respondent.

Ls. St. Laurent K.C. for the appellants.

Gustave Poisson and Hamilton Heaton for the respondent.

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The judgment of the court was delivered by

Rinfret J.L’intimée, qui est la veuve de Anthime Comeau, autrefois de la paroisse de Bécancour, a poursuivi les appelants en compte et partage de la communauté de biens qui a existé entre elle et son défunt mari.

Les appelants sont les fils de Anthime Comeau par un premier mariage, et ils sont ses seuls héritiers légaux.

L’action de l’intimée s’appuie sur un contrat de mariage établissant entre elle et son mari une communauté universelle de tous les biens qu’ils possédaient lors de leur mariage, ou qui devaient leur écheoir à quelque titre que ce soit pendant le mariage.

A ce contrat, il était stipulé que

Advenant la dissolution de la communauté, soit par la mort ou autrement, il sera permis à la future épouse et aux enfants qui naîtront du présent mariage de l’accepter ou d’y renoncer.

En cas de renonciation, l’intimée avait droit de remportertout ce qu’elle justifierait avoir apporté à la communauté, ainsi que ses douaire et préciput. Puis viennent les clauses du contrat sur lesquelles porte le litige et qu’il vaut mieux citer textuellement:

Il est convenu que si le futur époux meurt le premier, sa succession sera partagée entre tous ses enfants tant du premier mariage que du dernier mariage.

Advenant la mort du futur époux, avant la future épouse, sans laisser d’enfants du dit futur mariage, tous les biens qu’il possèdera alors appartiendront à ses enfants du premier lit, mais ils seront obligés de payer à la dite épouse une somme de deux mille piastres qu’elle gardera en pleine propriété à toujours à moins qu’elle ne convole en secondes noces, car dans ce cas elle ne garderait en pleine propriété que cinq cents piastres et le reste retournerait aux dits enfants du premier lit.

En ce cas du prédécès du dit futur époux, la future épouse aura droit de reprendre en outre tout ce qu’elle aura emporté en mariage et tout ce qui lui sera échu par succession, donation, legs ou autrement et de continuer à habiter dans la maison de la famille tant qu’elle voudra.

Et si c’est la future épouse qui décède la première sans qu’elle laisse d’enfant de ce mariage ses parents de son côté estoc & ligne pourront réclamer ses hardes & linge de corps, et tout le reste des biens de la dite communauté sera la propriété des dits enfants du dit futur époux.

La future épouse s’engage à prendre le soin de la maison du futur époux et de ses biens et d’élever leurs enfants tant du premier mariage que du second mariage.

Voici maintenant quelles sont les prétentions des appelants:

Le contrat de mariage stipule une communauté de biens universelle entre les époux.

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Le mari est mort le premier. Il n’y a pas eu d’enfants de son mariage avec l’intimée. Il en résulte que la femme a le droit de reprendre tout ce qu’elle a “emporté en mariageet tout ce qui lui est échu pendant le mariage, par succession, donation, legs ou autrement. Elle a, en outre, le droit de continuer à habiter dans la maison de la famille tant qu’elle voudra. Les enfants du premier litde son mari défunt seront obligés de payer à l’intimée “une “somme de deux mille piastres qu’elle gardera en pleine “propriété à toujours” (sauf le cas de son convoi en secondes noces, pour lequel une stipulation spéciale est faite). Mais c’est tout ce que l’intimée a droit d’avoir. Tous les autres biens de la communauté appartiennent aux enfants du premier mariage. Ces mots: “enfants du premier mariage,” sont employés dans le contrat de mariage dans le sens “d’héritiers légaux” du mari; et, par suite, il n’y a pas lieu au partage entre les appelants et l’intimée.

La Cour Supérieure et la Cour du Banc du Roi ont toutes deux donné tort aux appelants; et, après avoir accordé l’attention la plus minutieuse à l’argumentation du savant et habile avocat des appelants, nous sommes d’avis que les jugements de ces deux cours doivent être confirmés.

Il convient premièrement de bien établir le sens des clauses du contrat de mariage qui sont en discussion.

Il est clair, tout d’abord, que les époux ont stipulé une communauté de biens universelle. C’est là la base de leur contrat. Les clauses relatives au douaire et au préciput ne sont que subsidiaires et sans importance, au moins pour les questions que nous avons à décider.

Dans la clause qui pourvoit à la distribution des biens au cas où le mari décéderait avant l’intimée et sans laisser d’enfants du futur mariage, la phrase dont il est essentiel de pénétrer le sens est: “tous les biens qu’il possédera alors appartiendront à ses enfants du premier lit.”

Les appelants, qui sont les personnes visées par cette disposition, prétendent que, par là, les époux ont entendu déclarer que tous les biens faisant l’objet de la communauté universelle appartiendraient aux enfants du premier lit. Pour appuyer cette prétention, ils font remarquer que, dans la communauté de biens, le mari administre seul et il peut disposer des biens sans le concours de sa femme. Les actions relatives au patrimoine de la communauté sont exercées en

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son nom; et il en est de même des actions mobilières et possessoires qui appartiennent à sa femme (art. 1292 et suiv. C.C.). Il est donc bien le seul et véritable possesseur des biens de la communauté; et lorsque le contrat de mariage emploie l’expression: “tous les biens qu’il possédera”, il entend englober absolument tous les biens de la communauté universelle, sauf ceux qui, dans cette clause, sont spécialement attribués à l’épouse intimée.

Tous les juges appelés jusqu’ici à décider cette question ont repoussé l’interprétation soumise par les appelants; et nous n’avons aucune hésitation à concourir dans leur opinion.

Pour rechercher l’intention des parties dans un contrat, la règle primordiale est de s’attacher d’abord au sens littéral des termes du contrat” (art. 1013 C.C.); et c’est ce que fait observer le Conseil Privé dans la cause de Lampson v. City of Quebec[1]:

The intention by which the deed is to be construed is that of the parties as revealed by the language they have chosen to use in the deed itself.

Quand une convention est exprimée en termes clairs et précis, il n’est pas permis au juge de la modifier en supposant aux parties une intention contraire au sens littéral de la clause.

Or, l’expression dont il s’agit ici ne nous paraît pas entachée d’ambiguité. Dans le langage usuel et courant de la province de Québec, l’expression: “Tous les biens qu’il possèdera”, n’entend pas s’adresser à la possession dans le sens légal du mot. Cette expression se réfère à la propriété. Elle veut dire: Tous les biens dont il sera propriétaire alors; et ici le mot “alors” a trait à la date de “la mort du futur époux”.

Cette expression ne prend pas un autre sens lorsqu’elle concerne une communauté de biens. En vertu de ce régime, dans la province de Québec, il y a vraiment trois patrimoines: le patrimoine personnel du mari; le patrimoine personnel de la femme; et le patrimoine de la communauté. On n’a jamais songé à désigner le patrimoine de la communauté par l’expression: “Les biens que le mari possèdera à sa mort”; et personne, suivant le sens usuel des mots, ne comprendrait que, par là, on a voulu entendre les biens de la communauté.

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Suivant leur sens usuel, les termes de cette clause signifient donc que, advenant la mort du mari avant celle de l’intimée et sans qu’il y ait d’enfants de leur mariage, les biens du mari défunt appartiendront “à ses enfants du premier lit”. Par cette stipulation, les époux n’ont pas voulu déroger au partage des biens de la communauté en la façon dont la loi y pourvoit. Ils paraissent, au contraire, avoir voulu se conformer à l’article 1293 C.C., en vertu duquel

L’un des époux ne peut, au préjudice de l’autre, léguer plus que sa part dans la communauté.

Cette interprétation qui ressort du sens usuel des mots et des expressions employées par les parties est d’ailleurs corroborée par les autres clauses du contrat (art. 1018 C.C.).

Il convient de remarquer que la clause qui contient l’expression: “Tous les biens qu’il possèdera”, vient immédiatement à la suite de celle où il est convenu que si le futur époux meurt le premier

sa succession sera partagée entre tous ses enfants tant du premier mariage que du dernier mariage.

Si l’on rapproche de cette clause celle qui fait l’objet de la discussion en ce moment, l’on voit que la première dispose des biens du mari en pourvoyant au cas où il aurait des enfants tant du premier que du second mariage; tandis que la seconde clause dispose de ses biens en pourvoyant au cas où il n’y aurait pas d’enfants du second mariage. On y voit que l’intention a été de pourvoir à tous les enfants du mari. S’il y a des enfants des deux mariages, ils doivent recevoir, en termes bien précis, seulement les biens de “sa succession”. Il est logique que, dans la seconde clause, lorsqu’il ne s’agit plus que des enfants du premier mariage, l’intention soit de leur laisser les mêmes biens et que l’expression: “tous les biens qu’il possèdera”, soit employée dans le même sens que les mots: “sa succession”.

Au contraire, lorsque, dans une clause suivante, l’intention a été d’englober tous les biens de la communauté, les parties n’ont pas été en peine pour l’exprimer; et ils l’ont indiquée par les mots: “tout le reste des biens de la dite communauté”stipulation qui prévoit le cas où la future épouse décèderait avant le mari.

Mais il reste une considération qui nous paraît plus décisive encore que cette comparaison entre les expressions contenues dans les clauses relatives à la distribution des biens après la mort de l’un des époux.

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Si l’on devait donner à l’expression: tous les biens qu’il possèdera alors”, le sens que soumettent les appelants, la conséquence serait que la communauté universelle de biens n’aurait subsisté que pendant la vie commune des époux, ou la durée du mariage lui-même. Elle cesserait dès la dissolution du mariage par la mort de l’un des époux. En effet, d’après les appelants, dès la mort du mari, tous les biens de la communauté seraient allés aux enfants; et la femme n’aurait reçu que les dons spécialement mentionnés en sa faveur, annulant ainsi et par anticipation tous les résultats du partage de la communauté. Or, cette conséquence ne paraît ni logique, ni vraisemblable; car il est difficile de voir l’intérêt que peuvent avoir des époux à se mettre sous le régime de la communauté de biens pour la durée du mariage seulement et à faire cesser ce régime juste au moment où, le mariage étant dissous, le régime de la communauté apporte ses véritables avantages sous forme de l’attribution à l’époux survivant et aux ayants-droit de l’époux décédé de la moitié de la propriété des biens qui composent ce patrimoine commun.

On peut tirer, par ailleurs, d’une autre clause du contrat de mariage, et à l’encontre des prétentions des appelants, un argument auquel ces derniers n’ont pu trouver de réponse satisfaisante. Le contrat stipule que

Advenant la dissolution de la communauté, soit par la mort ou autrement, il sera permis à la future épouse et aux enfants qui naîtront du, présent mariage de l’accepter ou d’y renoncer, * * *

On ne voit pas très bien la raison de cette clause s’il était: vrai que, par suite de la mort du mari, tous les biens de la communauté devraient appartenir aux enfants du premier mariage. La clause serait parfaitement inutile, puisque l’épouse survivante n’aurait rien à accepter de la communauté ou rien à y renoncer.

Nous sommes donc d’accord avec les jugements dont appel pour considérer l’expression: “tous les biens qu’il possèdera alorscomme signifiant: les biens faisant partie de la succession du mari, et pas autre chose.

Cette conclusion adoptée, il en résulterait que la clause où se trouve l’expression que nous avons discutée aurait pour effet d’attribuer aux appelants la moitié des biens de la communauté universelle qui a existé entre l’intimée et son défunt mari, puisque tous les biens qu’il possèdera, alorscomprennent cette moitié; et, en plus, les appelants

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seraient obligés de payer à l’intimée une somme de deux mille piastres qu’elle garderait en pleine propriété à toujours, à moins qu’elle ne convole en secondes noces (ce dont nous n’avons pas à nous occuper pour le moment). L’intimée reprendrait, en outre, ce qu’elle a apporté au mariage, tout ce qui lui est échu par succession, donation, legs ou autrement; et elle continuerait à habiter dans la maison de la famille tant qu’elle voudra.

Mais les appelants soulèvent alors une autre question. Ils disent que la disposition en vertu de laquelle tous les biens (que le mari) possèdera alors appartiendront à ses enfants du premier litconstitue une donation à cause de mort qui, à vraiment parler, bien qu’elle se trouve dans un contrat de mariage, n’est pas autorisée par la loi, parce que la stipulation n’est pas en faveur des enfants à naître du futur mariage, ainsi que la loi l’exige (arts. 818 et 819 C.C.), mais qu’elle est une stipulation en faveur des enfants du premier lit; et que le futur époux n’avait pas le droit d’ainsi disposer à cause de mort. Seuls, en vertu de l’article 820 C.C., les ascendants d’un futur époux peuvent faire, dans un contrat de mariage, des donations à cause de mort aux frères et soeurs de ce futur époux qui est aussi avantagé par la disposition. Les autres donations à cause de mort faites en faveur des tiers sont nulles. Tel a été l’avis du savant juge de la Cour Supérieure et également celui de tous les juges de la Cour du Banc du Roi; et nous partageons cet avis. (Baudry-Lacantinerie, Des donations entre vifs et des testaments, 3e éd. t. 2, nos. 3879 et 3892).

Du point de vue pratique, l’illégalité de cette disposition entraîne des conséquences qu’il s’agit maintenant d’envisager.

Les appelants sont à présent les seules personnes en faveur de qui a été faite la stipulation; et ils sont également les seuls héritiers légaux du mari défunt de l’intimée.

Comme, ainsi que nous le décidons, “tous les biens qu’il possèdera alorsveulent dire: la succession du mari défunt, il s’ensuit que, soit en vertu de la clause (si elle est légale), soit par l’opération de la loi en matière de successions (si la clause est illégale), ce sont toujours les appelants qui sont devenus propriétaires des biens de leur père, à la mort de ce dernier.

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Mais, d’autre part, il existe une différence si la clause est illégale, parce que, dans ce cas, il peut en résulter que le don de $2,000 en faveur de la future épouse disparaît avec la clause; et les appelants prétendent même que la conséquence est encore plus générale et que l’illégalité de la clause entraîne la nullité de tout le contrat de mariage.

A ce sujet, nous voudrions citer Baudry-Lacantinerie 3e éd. Du contrat de mariage, t. 1, no. 205, pp. 215 et 216:

On peut prétendre, il est vrai, et Pon a soutenu, que les conventions matrimoniales forment un ensemble toujours indivisible. Mais on a beaucoup abusé de l’idée d’indivisibilité en ces matières. Assurément il n’est pas rare que le contrat de mariage forme un tout, dont aucune partie ne puisse être supprimée, sans qu’on coure le risque, en voulant maintenir le surplus, de violer les intentions des parties contractantes. Dès lors, toutes les fois qu’il paraîtra en être ainsi, le contrat violé dans une de ses parties doit périr en entier. Mais d’autres fois, le juge peut très bien constater l’indépendance de certaines stipulations, par exemple de certaines libéralités. Pourquoi donc leur annulation entraînerait-elle la chute totale du contrat de mariage? On ne le voit pas. Les meilleurs auteurs et la jurisprudence semblent se fixer en ce sens.

Et l’auteur cite à l’appui Aubry et Rau, Guillouard et différents arrêts.

Dans le cas actuel, nous ne croyons pas que la nullité de la clause que nous avons examinée entraîne la nullité du contrat tout entier. Comme nous l’avons dit, la base de la convention des époux a été la stipulation d’un régime de communauté de biens universelle. Et les parties ont clairement indiqué leur intention dans ce sens.

D’autre part, la clause qui pourvoit au cas de survie de la future épouse, sans qu’il y ait d’enfants du futur mariage, envisagée comme nous l’avons interprétée, n’est plus une stipulation relative aux biens de la communauté; elle est uniquement une stipulation concernant la succession du mari défunt. Il ne nous paraît donc pas y avoir entre l’ensemble du contrat de mariage et la clause particulière en question la dépendance dont parle Baudry-Lacantinerie, ainsi que les autres auteurs et les arrêts sur lesquels il s’appuie, pour arriver à la conclusion que le tout forme un ensemble indivisible. Ce ne serait pas violer les intentions des parties contractantes” que de déclarer que la communauté de biens universelle est maintenue entre l’intimée et les ayants-droit de son défunt mari, bien que la clause en vertu de laquelle ce dernier déclarait céder à ses enfants du premier lit tous les biens qu’il possèderait lors de sa mort soit retranchée du contrat de mariage comme illégale et nulle.

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Nous croyons, au contraire, que nous violerions les intentions des parties contractantes si, sous prétexte que la stipulation relative à la succession du mari est nulle, nous déclarions que cette nullité entraîne également la disparition de la convention de communauté universelle.

La communauté universelle et la disposition de la succession du mari sont deux conventions distinctes; et l’annulation de la dernière n’affecte pas l’existence de la première. Le contrat de mariage reste valable pour le surplus (Mignault, Droit Civil Canadien, vol. VI, p. 141). C’est, d’ailleurs, la conclusion à laquelle en sont venus le juge de la Cour Supérieure et quatre des juges de la Cour du Banc du Roi.

Quant à la question de savoir si, malgré la nullité de la donation à cause de mort en faveur des enfants du premier mariage, qui sont maintenant les appelants, l’obligation demeure pour eux de payer à l’intimée une somme de $2,000 qu’elle gardera en pleine propriété, nous sommes d’avis, comme la majorité de la Cour du Banc du Roi, que cette obligation a été imposée aux enfants en considération de la donation à cause de mort qui leur était faite par la clause elle-même, et que, la donation étant nulle, la nullité de l’obligation de payer $2,000 en résulte nécessairement.

Les appelants ont demandé que, à tout événement, les frais du présent appel soient chargés contre la masse de la communauté, sous prétexte qu’il s’agit ici d’une interprétation du contrat dont toutes les parties sont appelées à bénéficier. Les appelants, lorsqu’ils ont décidé de porter la présente cause devant cette Cour, avaient déjà à l’encontre de leurs prétentions, les jugements de la Cour Supérieure et de la Cour du Banc du Roi; et, dans les circonstances, nous n’aurions pas de justification pour adjuger les frais ainsi que les appelants le demandent.

L’appel sera donc rejeté avec dépens.

Appeal dismissed with costs.

Solicitors for the appellants: St-Laurent, Gagné, Devlin & Taschereau.

Solicitors for the respondent: Bourgeois, Poisson & Heaton.



[1] [1921] 1 A.C. 294, at 301.

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