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Supreme Court of Canada

Municipal corporation—Resolution adopted by council—Action attacking its legality—Judgment—Res judicata as to all other ratepayers—Art. 1241 C.C.—Arts. 4, 5, 430 M.C.

A judgment rendered upon an action brought by a ratepayer of a municipality in which it was alleged that a resolution adopted by

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a municipal council was illegal, constitutes res judicata as to all other ratepayers of that municipality; and such judgment can be invoked as such in a subsequent action where the legality of the same resolution is challenged. Municipal corporations represent before the courts all the ratepayers, and a judgment rendered in favour of the corporation or against it in an action brought by a ratepayer can be opposed to any other ratepayer. Stevenson v. La cité de Montréal (Q.R. 6 Q.B. 107; 27 Can. S.C.R. 593) app.

APPEAL from a judgment of the Court of King’s Bench, appeal side, province of Quebec, reversing the judgment of the Superior Court, Trahan J. and dismissing the appellant’s action for taxes.

The material facts of the case and the questions at issue are fully stated in the above head-note and in the judgment now reported.

J. W. Ste-Marie K.C. and J. N. Beauchamp K.C. for appellant.

Redmond Quain K.C. and J. T. Wilson for respondent.

The judgment of the Court was delivered by

Cannon, J.—Appel d’un jugement de la Cour du Banc du Roi renversant le jugement de la cour de première instance, avec le dissentiment de l’honorable juge-en-chef et de l’honorable juge Walsh.

La municipalité appelante ayant réclamé de l’intimé $2,682.83 pour taxes municipales imposées sur l’immeuble formant partie du lot 15A du premier rang du canton de Hull pour l’année commençant le 1er octobre 1931, alors qu’il était en possession à titre de propriétaire enregistré, et ayant mis en cause les détenteurs actuels de cet immeuble affecté par privilège au paiement de ces taxes, l’intimé a contesté cette action en alléguant que l’immeuble en question était exempt de taxes en vertu d’un règlement adopté en 1918 en faveur de la British American Nickel Corporation. Ce règlement, spécialement ratifié par la législature, dont la validité n’est pas contestable, assurait cette exemption à tous les ayants droit de la compagnie pour une période de vingt ans. Bien que la compagnie exemptée eût cessé d’exploiter son industrie depuis plusieurs années, l’appelante avait toujours considéré la propriété comme jouissant de cette exemption jusqu’à ce que, en 1931, on imposa pour la première fois sur l’immeuble les taxes réclamées par l’action.

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Le défendeur-intimé attaquait aussi la régularité des procédures et ajoutait que l’évaluation au montant de $268,283 était vexatoire, injuste, oppressive et d’une nullité radicale.

Cette première contestation fut liée entre les parties en février 1933 et la cause resta en suspens jusqu’à janvier 1934, alors qu’un plaidoyer puis darrein continuans fut produit alléguant qu’aux termes d’une résolution adoptée par l’appelante le 9 mars 1933 une entente était intervenue entre les parties suivant laquelle en considération d’une somme de $500, dont $250 payable dans les trente jours et la balance le 1er mai 1933, la corporation s’était engagée à déclarer la présente action réglée hors de cour, chaque partie payant ses frais. Vu le paiement de cette somme de $500 à l’appelante, l’action aurait été éteinte et devait être renvoyée.

En réponse à ce plaidoyer supplémentaire, l’appelante a allégué:

Qu’au commencement du mois de mars 1933, le mis-en-cause Betcherman a rencontré le maire et les conseillers de la demanderesse-intimée et leur a représenté qu’une compagnie nouvelle connue sous le nom de Canadian Gold Seal Electrical Corporation Limited se proposait d’occuper une partie des immeubles sur lesquels les taxes municipales étaient réclamées par la présente action, ajoutant que ladite compagnie y construirait une industrie qui emploierait un grand nombre de personnes, ce qui serait un grand avantage au progrès et développement du village de Deschênes; que ces représentations ont été faites par le mis-en-cause Betcherman alors qu’il était accompagné d’un nommé Klein, organisateur ou promoteur de l’industrie susmentionnée; que ledit mis-en-cause a alors offert de négocier pour et au nom de la corporation pour amener ladite industrie à Deschênes, à condition que le montant des taxes qui étaient dues par lui sur les propriétés qu’il occupait et qui sont réclamées par la présente action, seraient réduites à la somme de $500; que ces offres de service dudit Betcherman ont été soumises au conseil de la corporation-intimée, et que c’est alors, le 9 mars 1933, à une assemblée dudit conseil, que la résolution ci-dessus a été adoptée.

Et elle ajoute:

Que lesdites représentations n’ont jamais eu de suite et que ladite compagnie Canadian Gold Seal Electrical Corporation Limited n’a jamais, avant le mois de mai ou en aucun temps, fait aucune construction ou installé aucune industrie dans le village de Deschênes; et que n’y aurait-il que ces faits, ladite résolution n’aurait aucune force et effet, les conditions n’ayant pas été remplies;

Que ladite résolution est en outre illégale et nulle, le conseil ayant dans les circonstances excédé ses pouvoirs et ne pouvant de par la loi faire remise de taxes sur lesdites propriétés par une résolution et ladite résolution étant contraire aux dispositions du Code Municipal qui régit la corporation demanderesse;

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Que sur les $500 que devait payer le mis-en-cause Betcherman, $250 ont été encaissés et appliqués en acompte sur les taxes; mais ajoute qu’elle n’a jamais déposé le chèque du mis-en-cause pour le paiement de balance, afin que l’acceptation dudit chèque ne soit pas interprétée comme étant en paiement entier du montant de toutes les taxes dues sur lesdites propriétés; et elle conclut

Que ladite résolution du conseil du 9 mars 1933 soit déclarée irrégulière, nulle et de nul effet et à ce que le plaidoyer puis d’arrein continuance soit renvoyé avec dépens.

L’intimé, dans sa réponse, a allégué, entre autres choses, que la légalité de la résolution, base du plaidoyer supplémentaire, a fait l’objet d’une contestation devant la Cour du Magistrat de Hull, dans une cause intentée par une électrice de la corporation contre elle et le mis-en-cause Betcherman et que, par le jugement rendu par la Cour du Magistrat, la résolution a été déclarée légale et dans les limites des attributions de l’appelante et que partant il y a chose jugée entre les parties quant à la validité de ladite résolution.

Ces deux plaidoyers ont été rejetés par la cour de première instance, qui a maintenu l’action de l’appelante pour $2,183.83, donnant crédit à l’intimé pour $500 que ce dernier avait payés pour se conformer à l’entente du 9 mars 1933.

La majorité de la Cour du Banc du Roi a jugé que le premier juge avait à tort rejeté la résolution du 9 mars et a maintenu le plaidoyer puis d’arrein continuance.

Le différend entre les deux cours porte sur l’interprétation et la portée de la résolution du 9 mars et sur sa légalité. Les éminents magistrats qui ont étudié la cause se sont également divisés sur l’effet qu’il faut donner au jugement de la Cour du Magistrat déclarant légale et intra vires la résolution du conseil municipal de l’appelante.

Pour bien réaliser les circonstances qui ont amené les parties à transiger, il est bon de rappeler que, non seulement la municipalité, mais aussi la commission scolaire de Deschênes, étaient intéressées dans le recouvrement des taxes qu’on avait imposées sur l’immeuble en question. Or, il appert que la commission scolaire avait été poursuivie par Betcherman et autres pour l’annulation des rôles d’évaluation en vigueur dans le village de Deschênes; que cette cause avait été entendue au mérite en janvier 1933 et était en délibéré le 28 février 1933 devant l’honorable juge Coderre. Il appert à cette même résolution que Betcherman

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a offert de consentir à ce que cette action soit renvoyée sans frais et a aussi offert d’user de son influence pour obtenir l’établissement dans le village de Deschênes et le fonctionnement, avant le 1er juillet 1933, d’une manufacture de la Canadian Seal Electrical Corporation Limited. Il a, de plus, offert de payer la somme de $3,000 en règlement de toutes taxes scolaires et autres dues et qui pourraient être dues par lui et ses auteurs et ses successeurs jusqu’à la fin de l’année fiscale 1932-1933. La commission scolaire considéra avantageux d’accepter ces propositons, en vue de la crise qui existait et du besoin urgent de la commission scolaire pour le maintien de ses écoles et des difficultés que la commisson scolaire pourrait avoir à percevoir les taxes qu’elle réclamait dudit Betcherman.

Quelques jours après, le 9 mars 1933, la municipalité, à son tour, passa la résolution suivante, qui fut acceptée par Betcherman comme garant de l’intimé Loveys, envers qui il s’était rendu responsable du paiement des arrérages de taxes:

Whereas William Betcherman and others are owners of land and buildings in the village of Deschênes, viz: Part of lot 15A in the first range of the township of Hull, and have been assessed by this corporation, and suit has been entered into by the said council to recover the sum of $2,683 for taxes which suit is pending to be heard at the present moment;

Whereas the said William Betcherman and others are at present negotiating an agreement with the Canadian Gold Seal Electrical Corporation Limited for locating this important industry in Deschênes thereby rendering a considerable service to the population of the village of Deschênes, and the said Wm. Betcherman and others have offered to settle with the council all existing difficulties with regard to above taxes by paying to the said council the sum of five hundred dollars in full settlement of all taxes up to and including 1932-1933;

It is in consequence resolved that in consideration of the sum of five hundred dollars payable $250 within thirty days and the balance before the first of May, 1933, to the said council by Mr. Wm. Betcherman and others, and paying all their own costs, the council will cause to have above action declared settled out of court and pay their costs, the council will assess the Canadian Gold Seal Electrical Corporation Limited for the year 1933-34 as mutually agreed upon between the company and the council and will assess Wm. Betcherman and others for the balance of their property; Mr. Wm. Betcherman to employ for construction work, people from Deschênes, preferably and if possible.

Le procureur de la municipalité, par une lettre du 15 avril 1933, disait:

The secretary-treasurer has given me a copy of the resolution adopted by the council on the ninth of March last.

I give to the resolution the interpretation that upon payment of the sum of $500 the case actually pending before the court, shall be declared settled out of court and that the council is paying its own costs

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We do not intend to proceed with the case during the next term but as soon as we are informed that the payment has been made, we are ready to put before the court, a document with a certified copy of the resolution of the council that the case has been settled out of court. Judgment may be entered then according to the resolution of the council which has been accepted by Mr. Betcherman.

Le 3 mai 1933, un M. Klein, représentant de la firme qui devait s’établir à Deschênes, comparut devant le conseil de l’appelante et obtint, pour commencer ses travaux, une extension de délai jusqu’au 17 mai. Dans l’intervalle, Betcherman avait payé à l’appelante un premier chèque de $250 qui fut présenté à la banque et payé le 21 avril.

Le 17 juillet, le secrétaire-trésorier écrivit au mis-en-cause Betcherman au sujet de la réception par l’appelante du second versement de $250, disant que le conseil ne pouvait l’accepter parce qu’une action avait été prise contre la municipalité, demandant l’annulation de la résolution qui acceptait ces cinq cents dollars en règlement des taxes réclamées par la présente action.

On remarquera que, par cette lettre, la municipalité ne mentionne aucune condition affectant la résolution et ne se plaint pas à Betcherman du retard de la Gold Seal Corporation à commencer les travaux proposés. Ce second versement fut encaissé par l’appelante qui en donne crédit aux défendeur et mis-en-cause.

L’action mentionnée par l’appelante dans cette lettre fut jugée par la Cour du Magistrat. L’appelante s’en étant rapportée à justice, c’est le mis-en-cause Betcherman qui contesta cette action. Voici les principaux considérants de ce jugement qui intéressent la présente cause:

Considérant que le 11 avril 1932, la corporation défenderesse dans cette cause a institué devant la Cour Supérieure de ce district, une action portant le n° 3933 contre un nommé George Loveys, défendeur, et Wm. Betcherman et al., mis-en-cause;

Considérant que Wm. Betcherman mentionné comme mis-en-cause à l’action citée plus haut est le même Wm. Betcherman, mis-en-cause dans la présente instance;

Considérant que ladite cause n° 3933 ci-dessus mentionnée a été dûment inscrite pour preuve et audition le 6 février 1933;

Considérant qu’en date du 9 mars 1933 la corporation défenderesse a adopté une résolution en vertu de laquelle elle acceptait la somme de $500 en règlement d’une réclamation de $2,683 qu’elle avait contre ledit Geo. Lovey et Wm. Betcherman, mis-en-cause et autres personnes pour taxes municipales, et réglait par le fait même sadite action n° 3933 pendante devant la Cour Supérieure comme susdit;

Considérant que par son action, la demanderesse en cette cause, demande la nullité de ladite résolution de la défenderesse, en date du

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9 mars 1933, comme étant illégale et nulle, parce que cette résolution aurait été adoptée à l’encontre des articles 684 et 687 du Code Municipal, et du chapitre 116 des S.R.Q. 1925 qui, entre autre chose, défend à toute municipalité de venir en aide soit directement ou indirectement à un établissement industriel ou commercial en lui accordant une exemption de taxes;

Considérant qu’il ne s’agit pas dans la présente instance d’une remise d’intérêt sur des arrérages de taxes ou d’une exemption de taxes à un établissement commercial ou industriel, mais bien plutôt d’une transaction entre la corporation-défenderesse et le mis-en-cause, par laquelle on réglait le procès existant entre eux, la corporation-défenderesse décidant à tort ou à raison qu’il valait mieux régler que de plaider ledit procès;

Considérant que ce règlement semble avoir été l’aboutissement et la conclusion de pourparlers entre lesdites parties intéressées, et paraît avoir été fait de bonne foi de part et d’autre; la corporation-défenderesse croyant préférable d’accepter $500 en règlement de sa réclamation pour un montant plus élevé, plutôt que de courir le risque d’un procès qu’elle pouvait perdre sans compter les frais qu’elle aurait eus à payer en plus advenant ce résultat.

Considérant qu’une corporation municipale a le pouvoir de transiger plutôt que de continuer un procès qu’elle pourrait perdre, et que hors le cas de fraude, il n’appartient pas aux tribunaux de reviser les décisions adoptées par les conseils municipaux dans l’exercice de leum pouvoirs administratifs, même si des décisions sont apparemment inopportunes et désavantageuses pour la corporation: Gravel v. La corporation de la paroisse de Dolbeau, mise-en-cause[1].

* * *

Considérant que la demanderesse n’a pas établi les allégués essentiels de sa déclaration, et que le mis-en-cause a établi la partie essentielle de sa défense;

La Cour, pour les raisons contenues dans la première partie de ce jugement, rejette l’action de la demanderesse avec dépens.

Les procureurs de l’appelante ne donnent aucune raison à l’appui de la prétention que la Cour Supérieure, non plus que la Cour du Banc du Roi, ne peuvent considérer comme décisif un jugement de la Cour de Magistrat ayant acquis entre les parties force de chose jugée. La présomption juris et de jure en résultant doit être respectée par la Cour Supérieure et la Cour du Banc du Roi, même si elle résulte d’un jugement rendu par une cour inférieure, mais compétente. Je suis d’avis que ce moyen invoqué par l’appelante est mal fondé en droit.

La contestation liée entre les parties est-elle suffisamment sérieuse pour pouvoir servir de base à une transaction valide?

Dans Gravel & al v. La Corporation de la Paroisse de Dolbeau1, la Cour du Banc du Roi a jugé qu’une corporation

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municipale a le pouvoir de transiger plutôt que de s’engager dans un procès et que, hors le cas de fraude, il n’appartient pas aux tribunaux de reviser les décisions adoptées par les conseils municipaux dans l’exercice de leurs pouvoirs administratifs, même si ces décisions sont inopportunes et désavantageuses pour la corporation.

Le tribunal était composé du juge-en-chef LaFontaine et des honorables juges Dorion, Tellier, Bernier et Gali-peault.

L’honorable juge Tellier disait:

L’arrangement pouvait n’être pas avantageux; il est assez probable qu’il ne Tétait pas; mais il paraît avoir été fait de bonne foi; et le conseil avait le pouvoir de le faire.

C’est véritablement une transaction que l’on a faite. * * * De part et d’autre, on redoutait le procès; et, pour le prévenir, on a fait des concessions réciproques. * * * A tort ou à raison, le conseil a cru qu’il valait mieu régler que plaider. C’était son affaire. Du moment qu’il n’a pas outrepassé ses pouvoirs, qu’aucune fraude n’est établie, et qu’il a procédé légalement, la Cour n’a pas à intervenir; elle n’en a pas le droit.

C’est sur ce jugement que monsieur le magistrat de district a basé sa décision; et une étude attentive m’a convaincu que, dans les circonstances dévoilées au dossier, l’acte des corporations scolaire et municipale, en transigeant avec Betcherman pour obtenir immédiatement le paiement de trois mille dollars ($3,000) n’était pas un acte de mauvaise administration et ne constituait pas, non plus, une dérogation à la prohibition de venir en aide à un établissement industriel ou commercial en lui accordant une exemption de taxes. C’était, de la part du conseil municipal, une première tentative de déroger à la loi spéciale qui avait accordé spécifiquement au terrain en question une exemption de taxes pour une période de vingt ans, à la condition que l’on y construirait une usine et que cette usine emploierait un certain nombre d’ouvriers “when in operation,” “as the requirements of the British American Nickel Corporation, Limited, may require.” Bien que les portes de cette usine eussent été fermées depuis 1920, l’on avait tout de même interprété la loi en faveur des détenteurs du site et la taxe n’avait pas été imposée. Ce n’est qu’en 1931 que l’on décida de s’attaquer aux défendeurs et aux mis-en-cause. On évalua cette usine abandonnée à au delà d’un quart de million et l’on imposa les taxes réclamées par la présente action.

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Le plaidoyer faisant valoir l’exemption, l’illégalité de la confection du rôle et l’exagération presque frauduleuse de l’évaluation municipale n’était pas, à sa face même, futile, ni de mauvaise foi. Les négociations entre les parties prouvent que l’on était, de part et d’autre, de bonne foi et que l’on croyait sincèrement, dans le meilleur intérêt de la municipalité appelante et de ses contribuables, devoir mettre fin au procès. Betcherman offrit $3,000 en règlement des taxes sur ce terrain pour les années 1931, 1932 et 1933; et, suivant l’entente intervenue entre les commissaires d’écoles et les conseillers municipaux, dont plusieurs membres siégeaient dans les deux bureaux, l’on accorda $2,500 aux écoles et $500 à la municipalité.

Après avoir accepté cet argent, l’appelante a refusé de remplir la promesse faite par la résolution, suivant l’interprétation de son propre procureur, et a contesté le plaidoyer puis darrein continuans en voulant ajouter à cette résolution une condition qui ne s’y trouve pas, savoir: que si la nouvelle usine n’était pas établie avant le 1er mai 1933, la transaction serait nulle et de nul effet. La preuve verbale que l’on a tenté de faire à ce sujet et qui a été admise par le premier juge, même si elle pouvait être considérée comme légale, ne serait pas suffisante. Il est prouvé clairement par le témoignage de M. Fournier, Conseil du Roi et député du comté, que cette condition, qui avait d’abord été proposée, a été refusée par Betcherman, sur son avis.

Nous restons donc purement et simplement avec cette partie de la résolution qui dit que, sur paiement de $500, la présente action devra être retirée, chaque partie payant ses frais. Nous n’avons pas, pour le moment, à approuver la commutation de taxes pour 1932 et 1933, ni ce qui concerne l’évaluation future du terrain suivant entente à intervenir entre l’appelante et la Gold Seal Electrical Corporation. Nous n’avons à considérer cette résolution qu’en autant qu’elle prouve la transaction alléguée comme mettant fin à la poursuite. Elle a certainement cette portée et à la seule condition du paiement des $500.

Reste la question de la légalité de la résolution et de la transaction qu’elle autorise. Devons-nous appliquer, en faveur de l’intimé, l’autorité de la chose jugée, qu’il invoque?

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L’article 1241. L’autorité de la chose jugée (res judicata) est une présomption juris et de jure; elle n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet du jugement, et lorsque la demande est fondée sur la même cause, est entre les mêmes parties agissant dans les mêmes qualités et pour la même chose que dans l’instance jugée.

Le premier juge a refusé de se considérer lié par le jugement de la Cour de Magistrat qui d’ailleurs, d’après lui, ne constituait pas chose jugée entre les parties; et l’honorable juge-en-chef Tellier a considéré que le défendeur dans la présente cause était un tiers qui n’était pas partie dans la cause jugée par la Cour de Magistrat. Le savant juge-en-chef dit:

Il est vrai que l’action en cassation qui fut intentée devant ladite Cour de Magistrat en vertu de l’article 430 du Code municipal, était une action publique, mis à la disposition de tout électeur municipal et de tout intéressé; mais l’exercice de cette action, par un électeur ou un intéressé, ne pouvait affecter en rien, soit favorablement, soit défavorablement, au moins en cas d’insuccès, les droits, obligations ou recours de droit commun de la corporation à l’égard des tiers, ou de ces derniers envers elle.

On ajoute que le jugement rendu n’était pas entre les mêmes parties. Or, il a été décidé dans une cause de Stevenson v. La Cité de Montréal[2],

Les corporations municipales représentent en justice leurs contribuables et un jugement rendu en faveur d’une telle corporation ou contre elle, peut, lorsqu’il y a identité d’objet et de cause, être opposé à tout autre contribuable.

Notons, en passant, que ce jugement a été confirmé par cette Cour[3]. L’article 4 du Code municipal dit:

Les habitants et les contribuables de chaque municipalité * * * de village forment une corporation ou corps politique.

connu, dans notre cas, sous le nom de “La Corporation du Village de Deschênes”; et, d’après l’article 5, “toute corporation peut transiger dans les limites de ses attributions”. Loveys et tous les autres habitants et contribuables étaient représentés devant le magistrat par la corporation appelante dont ils forment partie comme tels.

Voir à ce sujet les autorités citées par feu le juge Blan-chet dans Stevenson v. La Cité de Montréal[4],

Betcherman, mis en cause devant le magistrat, est le même William Betcherman qui est présentement mis en cause par l’appelante. Loveys, le défendeur-intimé, ne fut pas nommément partie au procès institué devant la Cour

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de Magistrat: il y était comme contribuable de l’appelante qui était défenderesse.

De plus, et d’abondant, il était suffisamment représenté par Betcherman pour pouvoir invoquer le jugement rendu en faveur de ce dernier. Quelles étaient les relations juridiques entre eux?

En octobre 1931, lors de l’imposition des taxes réclamées dans la présente cause, Loveys apparaissait au bureau d’enregistrement comme le propriétaire de l’immeuble affecté au paiement de ces taxes. Il faut cependant admettre que, dès décembre 1930, l’intimé avait vendu cet immeuble à M. Gordon Adams, avec obligation pour l’acheteur de payer les taxes qui seraient imposées à l’avenir sur l’immeuble. Quelques jours après, Adams avait transporté tous ses droits dans cet immeuble à Betcheman qui, naturellement, assuma toutes les obligations de son vendeur envers Loveys. Il résulte de ce fait que Betcherman, lors de l’institution de la présente action, était le véritable débiteur des taxes en question, que Loveys poursuivi aurait pu appeler en garantie son acquéreur Adams qui, à son tour, aurait pu appeler en sous-garantie William Betcherman. Ce dernier, d’ailleurs, a été mis en cause par la corporation appelante et les conclusions de délaissement ont été prises contre lui à titre de propriétaire enregistré de l’immeuble affecté par les taxes réclamées; et c’est pourquoi Betcherman, détenteur de l’immeuble et garant des taxes vis-à-vis du défendeur Loveys, a conclu directement avec l’appelante l’arrangement qui a fait l’objet du litige devant la Cour de Magistrat et qui fait encore l’objet de la présente contestation.

Il faut partager l’opinion de la majorité de la Cour du Banc du Roi que William Betcherman, lorsqu’il a transigé avec la corporation, agissait tant en son nom personnel qu’au nom de ses auteurs et à leur décharge: et de même que, lors du procès devant la Cour de Magistrat où il était mis en cause, il a contesté l’action de la demanderesse Ayotte qui concluait à la nullité de la résolution tant pour lui-même que pour ses auteurs dont il était le garant. Or, je crois que la doctrine et la jurisprudence sont à l’effet que le garanti, dans l’espèce, Loveys, a droit d’invoquer le jugement qui a été rendu en faveur de son garant,

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Nous avons donc identité d’objet, identité de cause et identité de parties, relativement à l’un des deux moyens invoqués par l’appelante pour l’annulation de la résolution du 9 mars, savoir: le défaut de capacité de la corporation intimée. C’est ce même moyen d’excès de pouvoir qui a servi de base au jugement de première instance; et nous croyons que, sur ce point, la Cour du Banc du Roi a eu raison d’appliquer l’autorité de la chose jugée.

Cette autorité de la chose jugée ne s’applique pas cependant à l’autre moyen invoqué par le premier juge, savoir: que le règlement intervenu entre les parties était subordonné à l’exploitation de la nouvelle compagnie dès le 1er mai.

Même si cette condition avait été suffisamment alléguée, il faut, je crois, en venir à la conclusion que la preuve orale et les circonstances qui ont précédé et suivi l’adoption de cette résolution par Betcherman démontrent que le règlement n’était nullement subordonné à l’éventualité du succès ou de l’insuccès des efforts de Betcherman pour persuader Klein et la Canadian Gold Seal Electrical Corporation de s’établir sur son terrain et introduire une nouvelle industrie dans Deschênes. D’ailleurs, malgré les efforts de l’appelante, Betcherman a carrément refusé de garantir l’établissement de cette industrie comme condition du compromis, et la résolution, amputée de cette clause, a été adoptée. L’article 1234 C.C. s’applique et la preuve testimoniale doit être rejetée si elle tend à contredire la résolution ou à en changer les termes.

Je renverrais l’appel avec dépens.

Appeal dismissed with costs.

Solicitors for the appellant: Ste-Marie & Ste-Marie.

Solicitor for the respondent: Redmond Quain.



[1] (1931) Q.R. 51 K.B. 491.

1 (1931) Q.R. 51 K.B. 491.

[2] (1896) Q.R. 6 Q.B. 107.

[3] (1897) 27 Can. S.C.R. 593.

[4] (1896) Q.R. 6 Q.B. 107, at 114, 115.

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