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Supreme Court of Canada

Will—Whole estate left by mother to children as universal legatees—Clause providing for the case of decease of legatee without children—Whether fiduciary or vulgar substitution created.—Arts 610, 868, 898, 900, 901, 904, 925, 926, C.C.

The mother of both appellant and respondent died on the 7th of December, 1912, leaving a will made in notarial form on the 13th of September, 1905, by which she left all her property, subject to certain conditions, to her six children therein named, as universal legatees, namely: Emma Bourgeau, Louisa Bourgeau, Rose de Lima Bourgeau, Lea Bourgeau, Joseph Bourgeau and Wilfrid Bourgeau. Emma (who was a sick person and could not have children) died unmarried, in 1930. Louisa died without children, in 1925, leaving all her property to her two sisters, Rose de Lima and Lea, with substitution as to the share of Lea in favour of Rose de Lima. Joseph also died in 1925, but his estate is not involved in the present case. Lea died unmarried in 1930, leaving all’ her property to Rose de Lima. The only children of the testatrix living at the time of the institution of this action were the appellant and the respondent. The latter claimed that, under the will, she was entitled to the whole of the

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interests of both Louisa and Lea in the estate of her mother, including what both had received from Emma’s share. The appellant, on the other hand, claimed that the will created a compendious substitution i.e., both vulgar and fiduciary (Arts. 925-926 C.C.) in favour of the surviving children of the testatrix when one of these children died after the testatrix, without leaving any children, and that accordingly he was entitled to share equally with the respondent in the shares of Louisa and Lea. The material clauses of the will are quoted in the judgment; but the clause, which is to be interpreted and upon which the appellant mainly relied, was in the following words: “dans le cas de décès sans enfants, la part du décédé accroîtra à mes autres légataires universels survivants” (in case of decease without children the share of the deceased will be added to the shares of my other universal legatees surviving). The respondent’s claim was maintained by the trial judge, whose judgment was unanimously affirmed by the appellate court.

Held: That the respondent, was alone entitled to the whole of the interests of her sisters Louisa and Lea in the estate of her mother, including what both had received from Emma’s share, thus affirming the decisions of the trial and the appellate courts, and that the above quoted clause did not create a fiduciary substitution as claimed by the appellant.

APPEAL from the judgment of the Court of King’s Bench, appeal side, province of Quebec, affirming the judgment of the Superior Court, P. Demers J. and maintaining the respondent’s action.

The material facts of the case and the questions at issue are fully stated in the above head-note and in the judgment now reported.

L. E. Beaulieu K.C. and J. Emile Billette K.C. for the appellant.

Aimé Geoffrion K.C. for the respondent.

The judgment of the Court was delivered by

Cannon, J.Appel ďun jugement de la Cour du Banc du Roi confirmant à l’unanimité celui rendu en Cour Supérieure par l’honorable juge Philippe Demers accueillant les conclusions de l’intimée et la déclarant propriétaire des parts de feu Louise Bourgeau et de feu Léa Bourgeau dans la succession de feu Sophie Noël, y compris ce qu’elles ont recueilli de la part d’Emma Bourgeau dans cette succession.

L’appelant, Wilfrid Bourgeau, nous demande de mettre de côté ces arrêts par une déclaration que les biens en question étaient substitués dans les circonstances et que, par

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conséquent, ils appartiennent pour moitié à l’intimée et pour moitié à l’appelant.

Le mémoire que les parties ont soumis conjointement à la Cour Supérieure, suivant les dispositions de l’article 509 du Code de Procédure Civile, est le suivant:

1° Dame Sophie Noël de la ville d’Aylmer, district de Hull, veuve de feil Alexandre Bourgeau, en son vivant bourgeois du même lieu, est morte le 7 novembre 1912, laissant un testament dont copie est produite au soutien des présentes et qui contient entre autres les clauses suivantes auxquelles cependant la cour n’est pas limitée pour décider des droits des parties:

“Je donne et lègue à mes enfants ci-après nommés, savoir: Emma Bourgeau, Louisa Bourgeau, Rose de Lima Bourgeau, Léa Bourgeau, Joseph Bourgeau et Wilfrid Bourgeau tous et chacun les biens meubles et immeubles que je délaisserai à mon décès, quelle qu’en, soit la désignation, la nature ou la valeur, sujets cependant aux legs ci-dessus, les instituant mes légataires universels.

“Le principe de la représentation de mes légataires universels décédés par leurs propres enfants, pour recueillir les legs à eux faits, sera reconnu ainsi que mon linge et hardes de corps. Mais tel enfant ou enfants ne pourront recevoir tel legs ou sa part de tel legs qu’à son âge de vingt-cinq ans. Sur les intérêts de tel legs ou part de legs respectivement, mes exécuteurs testamentaires paieront cependant à qui de droit, chaque année, une somme suffisante à l’entretien du ou des bénéficiaires de tel legs ou partie de legs. La balance restera entre les mains de mes exécuteurs s’augmentant des intérêts, pour lui être remis à son âge de vingt-cinq ans. Mais, dans le cas de décès sans enfants, la part du décédé accroîtra à mes autres légataires universels survivants.

“Dans le cas de décès avant d’avoir atteint l’âge de vingt-cinq ans sans enfants d’un de mes petite-enfants héritiers d’un legs ou de partie d’un legs par représentation de son père ou de sa mère décédé, sa part appartiendra à ses frères et sœurs par égale part. S’il n’a ni frère ni sœur, alors sa part appartiendra à mes légataires universels alors survivants. Aucun de mes biens n’entrera dans la communauté légale d’un de mes légataires et son conjoint mais restera propre à mon légataire, tant pour les meubles que les immeubles, les fruit et revenus.

“Je charge spécialement ma fille Léa Bourgeau du soin et de l’entretien de ma fille Emma sa vie durant, et de l’administration de ses biens, avec droit d’en disposer à titre onéreux comme bon lui semblera, sans autorisation de justice ou autrement, et la représenter en tous actes quelconques concernant directement ou indirectement les biens de ma succession, et à cet effet de prendre sur son legs à elle (Emma) tous les argents nécessaires pour tel soin et entretien; aussi tenir maison à ma résidence actuelle et pourvoir à son entretien sans être tenue de rendre aucun compite de sa gérance et administration, et au décès de ma fille ce qui restera de son legs et de tous accroissements par le décès d’autres légataires ou autrement, d’après les livres tenus par ladite Léa Bourgeau, sera parttagé également entre mes légataires universels survivants.”

Les six enfants de la testatrice lui ont survécu.

Emma est morte célibataire en 1913; Louise est morte sans enfants en 1925, léguant tous ses biens à ses sœurs Rose de Lima, et Léa, avec substitution quant à la part de Léa en faveur de Rose de Lima. Joseph

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est mort la même armée, mais sa succession n’est pas en question. Léa est morte célibataire en 1930, laissant tous ses biens à Rose de Lima.

Rose de Lima et Wilfrid, les parties à ce mémoire conjoint, seuls survivent.

Rose de Lima prétend qu’en vertu du testament ci-dessus, elle a droit à la totalité des intérêts dans la succession de Sophie Noël, et de Louise et de Léa, y compris ce qu’elles ont toutes deux recueilli de la part d’Emma.

6° Wilfrid Bourgeau, de son côté, prétend que le testament en question crée une substitution en faveur des survivants des enfants de la testatrice, Dame Sophie Noël, lorsqu’un de ces enfants meurt après la testatrice sans enfants et que, par conséquent, il a le droit de partager également avec Rose de Lima dans les parts de Louise et de Léa.

Les parties ont, de plus, admis qu’Emma Bourgeau était malade et ne devait pas avoir d’enfants.

Le juge de première instance et les parties ont cité, pour interpréter ce testament, une affaire célèbre. La Marquise de Pompadour fit son testament le 15 novembre 1757. Après différents legs particuliers, elle s’exprimait ainsi:

Quant au surplus de mes biens meubles et immeubles, de quelque nature et en quelque lieu qu’ils soient situés, je les donne et lègue à M. le Marquis de Marigny, mon frère, que je fais et institue mon légataire universel; et, en cas de décès de mon frère sans enfants, je mets en son lieu et place M. Poisson de Malvoisin, maréchal-des-logis de l’armée, et ses enfants.

Il fut décidé, le 2 juillet 1766, que ni le sieur de Malvoisin, ni ses enfants, n’étaient substitués fidéicommissairement, quoique la testatrice les eût mis à la place de son légataire universel, au cas de décès de celui-ci sans postérité. Merlin, Répertoire de jurisprudence, vo. Substitution fidéicommissaire, vol. 32, page 151, met en doute l’exactitude de cette décision. Il se demande s’il est bien vrai que les termes “au cas de décès”, joints à ceux-ci: “je mets à la place”, ne marquent pas le trait de temps, ou l’ordre successif, c’est-à-dire qu’ils appellent le substitué en second ordre et après que l’institué ou légataire immédiat aura recueilli. Ne peut-on pas aussi bien référer au cas de décès après avoir recueilli qu’au cas de décès sans avoir recueilli la condition éventuelle qu’ils expriment?

Thevenot d’Essaule, “Traité des substitutions”, chapitre XXIII, §4, ne pense pas autrement:

441. Ainsi, quoiqu’il y ait simplement, j’institue un tel, et à son décès, ou après sa mort, je substitue un tel il y a substitution compendieuse.

N on oportet, dit Pérégrinus, tempus mortis adjicere per distributivum quandocumque sed sufficiet conditionem mortis heredis gravati adscribere.

442. La raison en est claire. Les mots à son décès ou après sa mort, étant indéfinis, embrassent visiblement les deux cas de la vulgaire et de la fidéicommissaire.

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Le substituant n’ayant pas dit, en cas de mort sans avoir recueilli, et n’ayant pas dit non plus, en cas de mort après avoir recueilli, on ne peut pas limiter sa disposition à d’un des deux oas.

Quand il a dit généralement et indistinctement, à son décès ou après sa mort, c’est la même chose que s’il eût dit, en quelque temps qu’il décède.

C’est la judicieuse remarque de Pérégrinus: Quicumque mortis casus, comprehenditur sub verbis, et ex defuncţi voluntate est.

Merlin note que l’arrêt du 2 juillet 1766, qui était contraire à cette doctrine, a été mis de côté, sur requête civile, après la mort du Marquis de Marigny sans enfants en mai 1781. Un arrêt du 21 mars 1782, sur les conclusions de l’avocat général d’Aguesseau, a déclaré que la substitution était ouverte suivant les termes du testament en faveur des enfants du sieur de Malvoisin. Les héritiers du Marquis de Marigny avaient prétendu qu’il n’avait pas été grevé de substitution au profit de la famille de Malvoisin; que Mme de Pompadour n’avait appelé le sieur de Malvoisin et ne l’avait mis au lieu et place du Marquis de Marigny que dans le cas où il mourrait avant elle sans enfants; que sa volonté était de faire son frère légataire universel pur et simple, et qu’elle ne s’était occupée que d’avoir un autre légataire universel au cas que son frère mourrait avant elle; et l’on fondait ce système sur la nécessité où l’on était de supposer dans la disposition de Mme de Pompadour ces mots avant moi comme ajoutés à ceux-ci: “Au cas de décès de mon frère sans enfants”. Mais M. ľavocat général d’Aguesseau argua, et la Cour dit avec lui, qu’il n’est pas permis d’ajouter ainsi aux dispositions des testateurs; et celles de Mme de Pompadour, claires et absolues par elles-mêmes, n’ont besoin d’aucune interprétation forcée. Le cas de la mort du Marquis de Marigny sans enfants est la seule condition de la vocation de la famille de Malvoisin. Dans quelque temps que la condition arrive, le droit est assuré.

Il a été jugé bien clairement dans cet arrêt de 1782 que les termes “je mets à la place” forment un fidéicommis lorsqu’ils sont joints à “au cas de décès”. Mais, nous dit Merlin, s’ils étaient isolés, ils n’auraient pas le même effet parce que alors ils n’apporteraient pas le trait de temps. Et cet auteur ajoute:

Les termes, en cas de décès, ont-ils en cette matière, le même effet que ceux à son décès, c’est-à-dire, rendent-ils fidéicommissaire la substitution à laquelle ils se rapportent?

Il semblerait qu’il y eût entre les uns et les autres une certaine différence. Quand je dis, j’institue un tel, et à son décès je mets un tel à sa

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place, je suppose visiblement que l’institué recueillera ma succession et en jouira jusqu’à sa mort. Mais en disant j’institue un tel, et en cas de décès, je mets un tel à sa place, il semble que je ne prévois qu’im seul cas, celui où l’institué viendrait à mourir sans profiter de mon institution; et si cela est,, point de trait de temps, ni, par conséquent, de substitution fidéicommissaire.

Dans l’espèce qui nous est soumise, la testatrice, après deux legs particuliers, donne et lègue à ses enfants, qu’elle nomme ses légataires universels, tous et chacun les biens meubles et immeubles qu’elle délaissera à son décès, sans exception, sujet cependant aux legs ci-dessus. C’est la seule restriction imposée aux droits des légataires.

Pour cette institution d’héritiers, à sa mort, elle adopte, par la clause suivante, dans le cas des légataires universels décédés, le principe de la représentation par leurs propres enfants pour recueillir les legs à eux faits.

Mais

(dit-elle avant de finir cette clause)

dans le cas de décès sans enfants, la part du décédé accroîtra à mes autres légataires universels survivants.

L’appelant prétend que cette phrase contient une substitution compendieuse, c’est-à-dire à la fois la vulgaire et la fidéicommissaire. Art. 925-926 C.C.

L’appelant nous expose qu’en vertu de la loi, il peut y avoir accroissement, non seulement par la caducité d’un legs (art. 868 C.C.), ou si celui en faveur de qui la disposition est faite n’a pas survécu au testateur (art. 900 C.C.), ou si le légataire décède avant l’accomplissement de la condition (art. 901 C.C.), ou lorsque le légataire le répudie ou se trouve incapable de le recueillir (art. 904 C.C.), mais aussi pour des causes postérieures à la saisine légale ou après que le légataire a recueilli et possédé plus ou moins longtemps après le décès du de cujus et il cite à l’appui les articles 610 et suiv. et 893 C.C. Il n’y a rien dans la loi qui empêcherait l’accroissement si la testatrice avait disposé de cette façon. L’appelant a le fardeau de nous convaincre que la part de chacun des légataires ayant recueilli est grevée de cette condition résolutoire en faveur des colégataires. La disposition et l’institution d’héritier ne mentionnent que les enfants et n’expriment que les restrictions contenues dans les deux legs particuliers qui précèdent. C’est là une différence importante avec le testament de la Marquise de Pompadour. Puis vient la clause dont le dernier membre pourvoit en faveur des colégataires à

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accroissement de la part du légataire décédé sans enfants. La testatrice a-t-elle simplement répété la loi (art. 868 C.C.), ou y a-t-elle ajouté pour stipuler accroissement en cas de mort sans enfants après la mort de la testatrice?

D’après les autorités que j’ai citées plus haut, l’appelant pourrait mieux soutenir son interprétation si, au lieu d’employer les mots: dans le cas de décès sans enfants, on trouvait dans le testament les mots: à son décès sans enfants, avec l’autre élément requis, savoir: “Je substitue” ou “je mets à la place”. Là où elle se trouve, la clause telle que rédigée pourvoit au cas où un des institués viendrait à mourir, sans profiter de l’institution, avec ou sans enfants; et dans les deux alternatives, pas de trait de temps, et, par conséquent, substitution vulgaire.

L’on ne trouve pas ici de termes indiquant clairement l’intention de la testatrice de substituer ses autres légataires universels survivants à l’un d’eux qui décéderait sans enfants, après avoir, à la mort de la testatrice, reçu sa part. Il n’y aurait donc dans l’espèce qu’une substitution vulgaire et ‘Cette clause du testament, dans son ensemble, ne règle que les conditions requises pour recueillir à la mort de la testatrice, à l’ouverture de la succession. Le légataire universel décédé à cette date’ sera remplacé par ses propres enfants; mais à la même date, dans le cas de décès sans enfants, la part du décédé accroîtra aux légataires universels survivants. C’est là le sens naturel de la clause et l’ensemble de l’acte et l’intention qui s’y trouve suffisamment manifestée nous ont convaincus, comme tous les juges qui ont pesé les termes du testament, que la clause en question ne crée pas une substitution fidéicommissaire, c’est-à-dire que la testatrice n’a pas chargé celui de ses enfants qui aurait reçu à son décès de rendre la chose aux autres légataires, si lui-même mourait sans postérité. Comme on l’a fait remarquer, lorsqu’il s’est agi de créer une substitution fidéicommissaire au cas où l’un des petits-enfants, après avoir recueilli, mourrait avant d’avoir atteint l’âge de vingt-cinq ans, ou lorsqu’il s’est agi du résidu du legs d’Emma, la testatrice a bien su se servir des termes appropriés; et, par ailleurs, cette clause concernant le legs d’Emma aurait été inutile si une substitution avait déjà été créée dans le même testament sous condition de sa mort sans enfants après avoir recueilli. Les biens recueillis par Louise et Léa Bourgeau

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n’étaient donc pas grevés de substitution et elles avaient le droit d’en disposer comme elles l’ont fait, y compris ce qu’elles ont recueilli de la part d’Emma, en faveur de l’intimée.

Pour ces motifs, nous adoptons les conclusions des deux cours inférieures et renvoyons l’appel avec dépens.

Appeal dismissed with costs.

Solicitors for the appellant: Billette & Brodeur.

Solicitors for the respondent: Geoffrion & Pruď homme.

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