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Supreme Court of Canada

Contract—Lease or hire of personal services—Engagement at so much per year—Whether yearly or for an unlimited term—Dismissal—Claim for full year salary—Tacit renewal—Arts. 1642, 1667, 1668, 1670 C.C.

The respondent alleged a verbal contract of lease or hire of his services as Assistant Manager of the appellant company “at an annual salary of $6,000 per annum dating from 1st of May, 1927, payable $500 a month” with the free use and occupancy of a dwelling house belonging to the company; and he further alleged that this oral agreement had been confirmed by a letter from the president of the company, dated 5th May, 1927, as follows: “Mr. Cook has agreed to join us on the conditions mentioned at $6,000 per annum, and use of Penhale’s house.” The appellant company alleged the oral agreement was for hire from month to month; but the only evidence tendered on either side was the letter of the 5th of May. The respondent continued in the discharge of his duties until the 31st August, 1929, when he was dismissed and paid $1,875, being his salary to that date plus three months’ pay in lieu of notice. The respondent then brought an action claiming the balance of his salary up to the 1st of May, 1930, on the ground that he was entitled to his salary up to the end of the current year.

Held, Anglin C.J.C. and Cannon J., dissenting, that the respondent was not entitled to the surplus of salary claimed by him.

Held, also, that the respective claims of the parties must be determined by the terms of the letter, as no other evidence had been adduced. According to its literal meaning, a contract of lease or hire of personal services at so much per year or month is not a contract for a fixed term but one for an indeterminate period; and there is no provision in the Civil Code to the effect that a contract of hire of personal services, whose duration has not been agreed upon, will be deemed to have been made for one year when the salary has been fixed at so much per year. Article 1642 of the Civil Code, relating to the lease or hire of houses, is not applicable to lease or hire of personal services.

Anglin C.J.C. (dissenting) was of the opinion that, under the circumstances of the case, a new trial should be ordered.

Per Cannon J. dissenting.—According to the terms of the letter coupled with the circumstances of the case fully detailed in the reasons for judgment, the engagement of the respondent’s services by the appellant company was for a term of one year; and such contract had been continued from year to year by tacit renewal.

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APPEAL from the decision of the Court of King’s Bench, appeal side, province of Quebec, affirming the judgment of the Superior Court, Duclos J., and maintaining the respondent’s action for salary.

The material facts of the case and questions at issue are stated in the above head-note and in the judgments now reported.

J. L. Ralston K.C. and J. D. Kearney K.C. for the appellant.

E. Languedoc K.C. for the respondent.

The judgment of the majority of the court (Duff, Rinfret and Smith JJ.) was delivered by

Rinfret, J.—L’intimé était demandeur devant la Cour Supérieure. Il avait été à l’emploi de l’appelante, et il l’a poursuivie en réclamation de dommages-intérêts sous prétexte de renvoi sans cause et sans avis de congé suffisant. Il a allégué un engagement verbal

at an annual salary of $6,000 per annum dating from the 1st of May 1927, payable $500 a month,

avec, en plus, le droit d’habiter gratuitement une maison appartenant à la compagnie, pendant la durée de son engagement. Il a ajouté que le contrat d’engagement verbal avait été confirmé par une lettre, en date du 5 mai 1927, dans les termes suivants:

Mr Cook has agreed to join us on the conditions mentioned, $6,000 per annum and use of Penhale’s house.

Or, le 29 août 1929, l’intimé a reçu avis de congé avec trois mois d’indemnité. Il a alors fait valoir que l’engagement qui, d’après lui, était pour une année se terminant le 1er mai 1928 avait été renouvelé par tacite reconduction jusqu’au 1er mai 1929, puis, de nouveau, jusqu’au 1er mai 1930, et qu’il ne pouvait être congédié avant cette date; ou, à tout événement, qu’il avait droit à son salaire et à une compensation pour l’occupation de la maison jusqu’à cette date.

Dans son plaidoyer, la compagnie a admis la lettre: mais elle a allégué que le contrat était pour un engagement “from month to month”; et, en outre, elle a invoqué justification pour le renvoi.

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A l’ouverture de l’enquête, le procureur de la compagnie fit la déclaration suivante:

Defendant declares it has no proof to offer in support of the allegation that the dismissal was for cause, and the issue is, therefore, limited to the question of law as to whether there was an annual engagement expiring on May 1st, 1930.

Dans ses termes, cette déclaration écartait la question de renvoi pour cause, mais elle laissait subsister les deux autres questions débattues jusque-là entre les parties: la durée de l’engagement et la durée de son renouvellement, s’il y avait eu tacite reconduction. Je ne crois pas que l’on puisse dire que le débat a été autrement limité pour se borner à l’unique question de la tacite reconduction. Cela ne ressort pas du texte de la déclaration faite par le procureur de la compagnie; et si les parties l’eussent interprétée dans ce sens restreint le juge de première instance n’aurait pas manqué de le consigner dans son jugement. Or, on n’y trouve aucune trace de cette restriction, non plus d’ailleurs que dans les notes des juges de la Cour du Banc du Roi. En l’absence d’entente entre les procureurs des parties sur ce point, je ne vois pas comment on pourrait y donner effet. Voici d’ailleurs comment l’intimé lui-même nous soumet le litige dans son factum:

Points in issue.

As has already been noted, the Appellant has abandoned all pretence of complaint against the Respondent as cause for his dismissal. We take it, therefore, that no question arises but this: Was the contract of engagement an annual one in the intention of the parties, or was it not?

A l’enquête devant la Cour Supérieure, malgré que les deux parties eussent invoqué un contrat verbal effectué entre le président de la compagnie et l’intimé, le 1er mai 1927, ni l’une, ni l’autre n’a tenté de faire la preuve de ce contrat. Il n’y a pas un mot au dossier de ce qui s’est passé ce jour-là entre le président de la compagnie et l’intimé.

Toute la preuve consiste dans un examen préalable (on discovery) où la lettre du 5 mai 1927 fut produite, mais qui, au surplus, porte exclusivement sur les allégations de renvoi pour cause. En outre, devant la Cour Supérieure, l’intimé s’est contenté de fournir des détails sur la maison qu’il avait dû louer à Montréal à la suite de son départ de Thetford-Mines, et de comparer cette maison avec celle que la compagnie avait mise à sa disposition. Il est évident qu’il a offert cette preuve dans le but d’établir sa réclamation pour

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la valeur d’occupation de cette maison pendant le reste du temps où, d’après lui, son emploi aurait dû continuer. Il dit bien qu’avant de se rendre à Thetford-Mines pour prendre charge de ses fonctions il habitait la ville de Westmount; mais il ne le dit que d’une façon incidente, au cours de la preuve relative à la valeur de l’occupation. Il ne dit pas que cette question a été discutée avec le président de la compagnie le 1er mai 1927, lorsque les conditions de son engagement furent arrêtées. Il ne dit pas non plus qu’il a dû résilier le bail de sa résidence à Westmount pour se rendre à Thetford-Mines, ou que ce changement de domicile lui ait causé le moindre inconvénient. Il suffit de lire son témoignage pour constater qu’il ne réfère à cet incident en aucune façon comme à une circonstance qui pouvait être de nature à affecter les conditions de son engagement. Il ne suggère même pas que l’obligation de transférer son domicile à Thetford-Mines a eu le moindre effet sur sa décision d’accepter l’engagement. Pour tout ce que l’on en sait: l’on était au 1er mai 1927; d’après la loi (Art. 1642 C.C.), en l’absence de convention contraire, dans la province de Québec, les baux finissent “le 1er jour de mai de chaque année”, et la présomption est plutôt que son bail à Westmount était terminé.

Si toutefois cette question peut avoir la moindre importance, il est exact de dire que, en l’espèce, l’on ignore absolument tout des circonstances où l’intimé se trouvait lorsqu’il a accepté le contrat d’engagement avec l’appelante. L’on ne sait même pas s’il avait un emploi au moment où il a fait ce contrat; et il est tout aussi vraisemblable de présumer qu’il a considéré cet engagement comme très avantageux et qu’il s’est empressé de l’accepter, que l’on est en droit de supposer le contraire.

Toujours est-il que les parties ont laissé la cour sans aucune preuve du contrat verbal qu’elles avaient allégué, et qu’elles semblent avoir été satisfaites de laisser décider la cause sur la lettre du 5 mai 1927. La situation ainsi créée par les parties s’est donc trouvée la suivante:

Le demandeur a invoqué un contrat verbal pour un an. La compagnie a prétendu que c’était un contrat verbal “from month to month”. Entre les deux, jusque-là, la question était une question de preuve, où les présomptions de fait sont admises comme tout autre élément de preuve.

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Après avoir entendu la version des deux côtés, le juge aurait décidé quels étaient les termes exacts du contrat, en tenant compte des présomptions de fait, et il aurait jugé en conséquence. Pour rendre son jugement, dans cette cause-ci comme dans toute autre cause, il aurait pu tirer des faits les présomptions qui en résultaient.

Mais il reste que, en l’espèce, la preuve des faits n’a pas été offerte. Le demandeur s’est contenté de la lettre du 5 mai et en est resté là. Les parties ont jugé à propos de soumettre leur cause sur cette lettre. La preuve du contrat se résume donc à cette lettre. Par suite de la façon dont les parties ont procédé, la cause se présente exactement comme s’il y avait un contrat d’engagement par écrit; et le résultat dépend de l’interprétation que l’on doit donner à cet écrit.

Nous comprenons parfaitement que si le juge de première instance s’était trouvé en présence d’une preuve verbale où le demandeur aurait affirmé qu’il avait été engagé pour un an et où les témoignages de la part de la compagnie défenderesse auraient prétendu le contraire, il aurait pu tirer du fait que le prix convenu était de $6,000 par année la présomption que l’engagement était pour un an, et, par conséquent, que la version du demandeur était la vraie. Mais ici, encore une fois, nous n’avons la version ni de l’une, ni de l’autre des parties contractantes. Elles nous soumettent seulement un écrit, la lettre du 5 mai 1927. Elles font reposer toute leur cause sur cet écrit et elles nous demandent de décider quel a été le contrat en vertu des termes de cet écrit. Nous ne voyons pas pourquoi nous procéderions autrement que dans toutes les autres causes qui dépendent de l’interprétation d’un écrit et nous nous inspirerions des circonstances qui ont entouré le contrat, excepté dans le cas où l’écrit serait ambigu. Il s’agit donc de décider quelle est la durée de l’engagement du demandeur d’après le texte de l’écrit qu’il a produit comme l’unique preuve de cet engagement.

L’on est convenu de considérer l’engagement du demandeur comme étant un louage d’ouvrage régi par les articles 1666 et suiv. du Code civil. Le chapitre du code qui traite de ce contrat, après avoir défini “les principales espèces d’ouvrages qui peuvent être loués”, ne contient que trois articles qui peuvent s’appliquer au cas dont il s’agit: les articles 1667, 1668 et 1670. Ils sont à l’effet que le contrat

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de louage de services personnels ne peut être que pour un temps limité ou pour une entreprise déterminée. Il peut être continué par tacite reconduction. Il se termine par le décès de la partie engagée, ou lorsque, sans sa faute, elle devient incapable de remplir le service convenu. Il se termine aussi, en certains cas, par le décès du locataire, suivant les circonstances.

Les droits et obligations résultant du bail de services personnels sont assujettis aux règles communes aux contrats. Ils sont aussi, dans les campagnes, sous certains rapports, régis par une loi spéciale; et, dans les villes et villages, par les règlements municipaux.

On a interprété la règle qui veut que le louage de services personnels ne puisse être que pour un temps limité comme voulant dire qu’un contrat de ce genre ne peut être fait pour toute la vie du locateur, ou pour une période de temps qui équivaudrait à une location permanente. Mais la doctrine et la jurisprudence n’ont jamais compris qu’un louage de services personnels ne pouvait être fait pour un temps indéterminé. La seule conséquence d’un contrat de ce genre est que l’une des parties peut s’en libérer en donnant un avis de congé raisonnable.

D’après le sens littéral de l’expression, un contrat à tant par an ou à tant par mois n’est pas un contrat pour une période fixe, mais est un contrat pour une période de temps indéterminée.

Ce qui démontre clairement que c’est là à la fois le sens des mots et le sens dans lequel les codificateurs du code ont compris ces mots, c’est l’article 1642 C.C. Cet article traite un bail de maison dont “le loyer est de tant par an” ou “de tant par mois” ou de “tant par jour” comme un bail dont “la durée n’en est pas fixée”; et il pose la règle particulière qu’un bail de maison ainsi consenti sera “censé fait à l’année, finissant au premier jour de mai de chaque année, lorsque le loyer est de tant par an”, etc.

Cette exception fait bien comprendre que, tant d’après le sens des mots que dans l’esprit des codificateurs, le louage de services personnels à “tant par an” est un louage dont, pour me servir des expressions du code, “la durée n’est pas fixée”.

Or, il n’y a rien dans le Code civil à l’effet que le contrat de louage de services personnels dont la durée n’est pas

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fixée sera censé fait à l’année, lorsque le salaire est de tant par an, etc. L’article 1670 du Code civil, qui s’applique au contrat de louage de services personnels, ne réfère pas à l’article 1642; mais il dit que

les droits et obligations résultant du bail de services personnels sont assujettis -aux règles communes aux contrats.

L’article 1642 n’est pas une règle commune aux contrats; ce n’est même pas une règle commune à tous les contrats de louage des choses; c’est, comme le titre le dit et comme le texte l’indique, une règle particulière au bail de maison. Il n’y a pas d’analogie générale entre un contrat de louage de services personnels et un bail de maison. Je ne vois pas comment on pourrait dire qu’un louage de services personnels dont la durée n’est pas fixée serait censé finir “au premier jour de mai de chaque année”—ce qui serait la conséquence de l’application de l’article 1642; et, si le code avait entendu subordonner à cette règle le contrat de louage de services personnels, il est difficile de comprendre pourquoi il aurait spécialement déclaré que c’est une règle particulière au bail de maison et pourquoi, dans l’article 1670 C.C., il se serait contenté de référer “aux règles communes aux contrats”.

Si l’on examine la jurisprudence, l’on trouve deux décisions de la Cour Supérieure où un engagement à tant par année paraît avoir été interprété comme un engagement “à l’année” (Tardif v. Ville de Maisonneuve)[1], ou comme “a yearly engagement” (Silver v. Standard Gold Mines[2].

Il resterait naturellement à se demander si un engagement “à l’année” veut dire la même chose qu’un engagement pour un anet, de prime abord, il paraît certainement y avoir entre les deux une nuance importante.

Mais si l’on consulte les autres arrêts qui sont rapportés, l’on trouve d’abord, en 1853, le jugement dans Lennan v. The St. Lawrence and Atlantic Railroad Company (Day, Smith & Mondelet JJ.)[3], où il fut décidé que, dans un contrat de louage d’ouvrage, les mots “your remuneration will be at the rate of £300 per annum from the 1st May next” ne constituaient pas un engagement pour un an et

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qu’un contrat de cette espèce cesse au gré de l’une ou de l’autre des parties.

Dans cette cause, comme dans la présente, les termes de l’engagement étaient contenus dans une lettre. Monsieur le juge Day, qui a prononcé le jugement de la cour, a posé le principe suivant:

The general rule of law in this country is, that when parties engage in service, the contract is determinable at the option of either party. Pothier goes further, and says, at the option of the party who hires. It is true, the reference in the books is to domestiques, but the same rule applies here. If nothing is said as to time, the contract is determinable at the option of either party. If the engagement in this case had been specifically for a year, we should have no difficulty in saying there was a tacite reconduction for the second year; but the terms of the letter do not justify this opinion. It would be going a great way to say that because a salary is fixed at the rate of so much a year, the engagement is for a year (Troplong, Louage, No. 862, and Pothier, there quoted).

Cet arrêt paraît certainement être le jugement le plus important sur cette question qui ait été rendu avant le Code civil.

Après le code, nous trouvons les jugements de la Cour du Banc de la Reine dans les causes de: The City of Montreal v. Dugdale[4], et Commissaires des Chemins à Barrières de Montréal vs Rielle[5].

Ces jugements sont respectivement des années 1880 et 1890.

Dans la première de ces causes4, le rapport ne fait pas voir les conditions précises de l’engagement. Monsieur le juge Ramsay, qui faisait partie de la majorité, emploie, au cours de son jugement, les expressions suivantes (p. 153): “engaged them for the year 1870 at the rate of $500”, et (page 155):

A question has been raised whether his re-engagement by tacite reconduction gives him a right to his salary for his services for the period of a year, the original engagement being for that period.

De ce jugement, il résulterait que l’engagement du docteur Dugdale était originairement pour une période fixe d’un an.

L’arrêt dans la cause de Rielle5 paraît être à l’effet qu’un salaire de tant par année constitue un contrat de louage pour une année, sujet à tacite reconduction. Le jugement fut rendu, pour la cour, par monsieur le juge Bossé, qui fait allusion à la jurisprudence en France et à la

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Cour de cassation qui, jusqu’à 1859, déclarait que les engagements de cette nature étaient pour un temps indéterminé et, lorsqu’ils étaient rompus par le maître, qu’il y avait lieu contre lui aux dommages-intérêts.

Depuis 1859 (ajoute monsieur le juge Bossé) l’on trouve de cette même cour six arrêts différente qui jugent le contraire. Mais la doctrine semble condamner cette jurisprudence; et les auteurs les plus récents expriment tous le désir de voir la cour revenir à sa première opinion.

Puis, il cite: Laurent, vol. 25, nos 511 à 517; 4 Aubry & Rau, p. 514: Dalloz, vbo Louage d’ouvrage, n08 50 à 54.

Ces citations permettent de comprendre exactement le sens de cette partie du jugement. Tant avant qu’après 1859, la Cour de cassation et les auteurs cités considéraient les engagements de cette nature comme étant pour un temps indéterminé; et la discussion ne portait pas sur ce point, mais sur la question de savoir si le louage d’ouvrage ou de services fait pour un temps indéterminé peut prendre fin par la seule volonté des parties. Laurent (loc. cit.) dit ce qui suit:

Il s’ensuit que celui qui veut faire cesser la convention doit manifester sa volonté en donnant congé à. l’autre, et le congé implique un certain, délai dans l’intérêt de celui à qui il est donné; si le délai n’est pas suffisant, il y a lieu à dommages-intérêts. (Dalloz, 1876-2-72.)

Aucun des auteurs cités n’émet l’opinion qu’un contrat de louage de services à tant par année est un contrat pour un an. Ils prennent, au contraire, pour acquis que c’est un contrat fait pour un temps indéterminé et ils discutent la question de savoir de quelle façon les parties peuvent y mettre fin.

L’Honorable juge Bossé poursuit ensuite, en comparant l’arrêt de Lennan v. St. Lawrence and Atlantic Railroad Company[6] et celui de Corporation de Montréal v. Dugdale[7] dont il dit, à tort suivant nous, que la cour y aurait décidé qu’un engagement de cette nature était pour l’année(car nous croyons que le rapport ne fait pas voir cela mais que, comme nous avons tenté de le démontrer, le jugement de monsieur le juge Ramsay indiquerait que le contrat était pour une période fixe d’un an); et il adopte le point de vue que l’arrêt re Dugdale7 “est plus logique et plus conforme à nos mœurs”. Il ajoute:

Dans cette province un commis, employé dans une grande compagnie de chemin de fer ou autre, est, à moins de circonstances spéciales démontrant le contraire, engagé à l’année, il est censé ne pas avoir voulu s’exposer

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à un renvoi sans autre motif que le caprice ou l’intérêt du maître, et se trouver sans emploi à une saison de l’année où les engagements ne sont généralement pas faits. De son côté le maître ne peut être censé avoir voulu s’exposer à tous les inconvénients qui pourraient lui résulter de ce que, à un moment donné, un ou plusieurs de ses employés quitteraient ses bureaux.

Le passage qui précède démontrerait qu’il devait se trouver dans le dossier de la cause de Rielle[8] toute une preuve établissant, sous ce rapport, les mœurs de cette province, sans quoi nous ne nous expliquerions pas que le savant juge ait pu prendre connaissance d’office et son raisonnement manquerait de fondement juridique.

Aussi sommes-nous portés à nous ranger du côté de l’avis de la Cour du Banc du Roi dans Cité de Montréal v. Davis[9], où l’Honorable juge Lacoste, prononçant le jugement de la majorité de la cour, parle ainsi des deux causes auxquelles nous venons de référer précédemment (page 192):

On nous a cité les causes de Dugdale et La cité de Montréal[10] et de Les commissaires des chemins à barrières de Montréal et Rielle8, où l’on prétend que cette cour aurait décidé qu’un louage de services à tant par année était un engagement à l’année. Il est impossible de connaître par les rapports toutes les circonstances de ces actions. Dans Dugdale et La cité de Montréal10, les juges étaient partagés d’opinion. Dans Les commissaires des chemins à barrières de Montréal et Rielle8, les employés n’étaient pas renvoyés au bon plaisir des commissaires. Je ne crois pas que notre cour ait tiré de la fixation du salaire à l’année une présomption légale de la durée du contrat. Je ne connais aucun texte de loi qui crée une semblable présomption en matière de louage de services. C’est tout au plus une présomption de fait qui a plus ou moins de force suivant les circonstances. Dans l’espèce, l’engagement a été effectué le 1er août sans durée définie, conformément à l’usage suivi. Ce n’est que deux mois après que le salaire a été déterminé dans une résolution où il n’y a aucune référence à l’engagement, lequel n’a pas, en conséquence, été modifié dans sa durée laquelle est restée indéfinie.

Ce passage du jugement est important, d’abord pour indiquer l’interprétation que la Cour du Banc du Roi ellemême donnait, en 1897, aux arrêts de cette cour dans les causes de Dugdale10 et de Rielle8. Puis il définit bien clairement le principe:

Je ne crois pas que notre cour ait tiré de la fixation du salaire à l’année une présomption légale de la durée du contrat. Je ne connais aucun texte de loi qui crée une semblable présomption en matière de louage de services.

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Ce n’est pas là un principe posé spécialement pour les fins de la cause de Davis[11]; c’est l’énonciation d’un principe général. Il est vrai de dire que, dans cette cause de Davis11, le point principal était de décider si la Cité de Montréal avait le droit de renvoyer ses employés suivant “son bon plaisir” et “à sa discrétion”, sans congé préalable. Mais je ne vois pas comment on peut lire ce jugement sans comprendre qu’il a également une portée générale sur l’interprétation qu’il faut donner à un contrat de louage de services où le salaire est stipulé à tant par an.

Sir Alexandre Lacoste (page 191)11 dit:

La résolution du 1er août 1892 qui le nomme, ne détermine pas la durée de son engagement. Celle du 3 octobre fixe le salaire à tant par an, mais l’année ici n’est prise en considération, dans notre opinion, que pour la fixation du salaire. Pothier (Louage 176), Troplong (Louage 862) nous donnent des exemples de ce genre. Voy. Rolland de Villargues, vo. Bail d’ouvrage et d’industrie, nos 24, 25.

Puis, dans le jugement de la cour, on trouve le considérant suivant:

Considérant que l’intimé n’a pas prouvé qu’il ait été engagé pour une durée limitée et déterminée.

Ce considérant n’a évidemment rien à voir avec le pouvoir spécial de la cité de Montréal de démettre ses employés suivant son bon plaisir. C’est clairement l’interprétation du contrat de Davis, dont le salaire était fixé à tant par année.

Cette cause de Davis11 vint ensuite devant la Cour Suprême du Canada, où le jugement de la cour[12] fut prononcé par l’honorable juge Taschereau et où l’on trouve le passage suivant (page 544):

Chief Justice Sir Alexandre Lacoste’s reasoning for the Court, on both parts of the claim, seems to be unanswerable and I would dismiss the appeal with costs.

Le jugement de la Cour du Banc du Roi dans la cause de Davis11 fut rendu le 17 décembre 1896; celui de McGreevy v. Les Commissaires du havre de Québec, rendu par la même cour présidée par le même juge-en-chef, est en date du 9 novembre 1897. Il n’y est nullement référé à l’arrêt de Cité de Montréal v. Davis11. L’on ne peut supposer que cette cour aurait changé d’avis, ni surtout qu’elle eût voulu mettre de côté l’opinion qu’elle avait exprimée re Davis sans le déclarer formellement et sans

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même discuter l’arrêt antérieur. Aussi suffit-il de lire le jugement rendu par l’honorable juge Ouimet pour constater qu’il s’agit là d’un cas d’espèce qui semble avoir dépendu exclusivement des faits spéciaux de la cause. Il réfère, entre autres choses, à la prétention des Commissaires du havre que

ce nouvel engagement ne faisait que continuer l’appelant et ses collègues comme membres permanents du personnel des ingénieurs.

Nous pouvons passer rapidement sur la décision dans la cause de Charbonneau v. Publishers Press[13], où l’engagement était “par écrit pour le terme d’une année à partir du 5 juin 1911”; et nous arrivons à la décision de la Cour de Revision (Tellier, de Lorimier et Greenshields JJ.) dans Couture v. La cité de Montréal[14]. La résolution suivante avait été passée par la commission de la voirie:

Résolu que MM. (le demandeur et autres) soient nommés chaîneurs pour la cité à raison de $600 par année.

Il fut jugé que cette résolution devait être interprétée comme ne déterminant pas la durée de l’engagement du demandeur et que le mot “année” n’y était mentionné que pour la fixation du salaire du demandeur. On y ajouta que le contrat de louage de services personnels est régi par les dispositions contenues aux articles 1667 et suiv. et 1022 et suiv. du Code civil et que la durée des engagements est déterminée par la nature des conventions, par la nature des travaux et par l’usage des lieux.

Cela veut dire évidemment que la durée est d’abord déterminée par la convention, à laquelle, comme dans tout autre contrat, on doit suppléer les clauses d’usage, quoiqu’elles n’y soient pas exprimées (art. 1017 C.C.). Dans cette cause, la Cour Supérieure avait également décidé que “l’engagement du demandeur avait été fait pour une période indéterminée”.

Nous avons ensuite, en 1920, le jugement dans la cause de Bessette v. La Société Anonyme d’Imprimerie Le Pays[15], à laquelle l’intimée nous a référés, où le contrat d’engagement était par écrit, pour une période d’un an; puis celle de Iverson v. Chicoutimi Pulp Co.[16] citée par l’appelante, et où la résolution d’engagement comportait que

from January 1st 1922 to April 15th 1922, the salary of Mr. Iverson will be $6,000 per annum. After April 15th 1922, at the rate of $6,300.

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Il y fut jugé qu’il s’agissait d’un contrat pour une période indéterminée auquel la compagnie avait pu valablement mettre fin avec un avis de congé suffisant.

Dans la cause de Kidston v. Palmer[17], la Cour du Banc du Roi a unanimement décidé que les présomptions de l’article 1642 relatives au louage de maison ne s’appliquent pas rigoureusement dans le cas de louage d’ouvrage; et adopta l’opinion de Sir Alexandre Lacoste dans la cause de Davis[18], que la fixation du salaire constitue à l’égard du terme et de la durée de l’engagement une présomption de fait qui a plus ou moins de force, suivant les circonstances.

Les termes de l’engagement étaient contenus dans une lettre et exprimés ainsi: “the proposition of $4,800 per year”.

Dans cette cause, il y avait une preuve de part et d’autre sur les conditions de l’engagement dont la lettre n’était qu’un élément. L’Honorable juge Dorion, qui a rendu le principal jugement, a analysé la preuve testimoniale en détail; et, après avoir dit (p. 199):

Les mots “$4,800 per year” ne constituent pas nécessairement un engagement à l’année; les autorités citées par l’appelante le démontrent,

il en vint à la conclusion que la fixation du salaire à $4,800 par an constituait, dans cette preuve, une présomption de fait suffisante pour arriver à la conclusion que la version de l’employé à l’effet que l’engagement avait été fait pour un an était justifiée.

On peut compléter cette revue des arrêts par une référence à Gallagher v. Confer[19], où la mention du salaire était faite comme suit:

at a salary of $2,700 per annum to be paid in twelve regular monthlly instalments of $225 per month.

Il y avait là évidemment un engagement de faire douze paiements mensuels de $225, et l’on a interprété cette stipulation, avec raison suivant nous, comme liant le patron à l’employé au moins pour cette période de douze mois.

Dans Garon v. Security Life Insurance Company[20], l’engagement du gérant moyennant un salaire de “$200 par mois" fut considéré tant par la Cour Supérieure que par la Cour de Révision, non pas comme un engagement pour un mois seulement ; mais comme un engagement au mois pour une période indéterminée.

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Enfin, dans Lacasse v. Tucket Tobacco Company[21], il s’agissait d’un engagement d’un voyageur de commerce au salaire de $1,800 par année, payable mensuellement; et la Cour du Banc du Roi, comme la Cour Supérieure (Philippe Demers, J.), fut d’avis qu’un mois d’avis de congé était suffisant. La Cour du Banc du Roi considéra cependant que le contrat d’engagement, une fois le mois commencé, ne pouvait être résilié qu’à l’expiration du mois suivant et à la condition toutefois qu’avis ait été donné dans le mois précédent.

Voilà tous les arrêts que l’on nous a cités ou que nous avons pu trouver. L’on est loin de compte, par conséquent, lorsqu’on prétend que la jurisprudence de la province de Québec est à l’effet qu’un contrat de louage de services à tant par année constitue un contrat pour un an. Pour notre part, nous ne trouvons rien dans cette jurisprudence qui justifie d’appliquer par analogie, au louage de services personnels, l’article 1642 du Code civil, qui contient une règle particulière au bail de maison, ou de dire que l’on puisse, suivant l’expression de Sir Alexandre Lacoste, dans la cause de Davis[22].

tirer de la fixation du salaire à l’année une présomption légale de la durée du contrat.

Dans la cause actuelle, l’intimé n’a offert comme preuve de son contrat que la lettre du 5 mai 1927. Cette lettre n’a pas été produite seulement comme un des éléments de la preuve, mais elle constitue la seule et unique preuve, et toute la preuve, du contrat. C’est un texte écrit d’où il ressort que l’engagement a été pour une période indéfinie. Nous n’avons pas à nous demander si un engagement de ce genre est raisonnable ou déraisonnable. L’intimé nous soumet un écrit et nous n’avons qu’à l’interpréter, de la même façon que si les parties avaient rédigé un contrat dans les mêmes termes. Dans un contrat de ce genre, la loi le dit et le bon sens le veut, les parties ne sont pas liées au delà de leur volonté; et il leur est libre d’y mettre fin, suivant l’expression de Laurent, “en donnant congé à l’autre, et le congé implique un certain délai”. (Comparer: Planiol, Traité Elémentaire, 6e éd., Tome 2, p. 606, n° 1883). Si l’une des parties trouve le délai insuffisant, il reste au tribunal à apprécier les circonstances et à accorder des dommages-

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intérêts, s’il en arrive à la conclusion qu’en effet le délai n’a pas été suffisant. Et, sur ce point, l’article 1657 du Code pose une règle qui peut servir de guide.

Nous ne voyons rien de déraisonnable ou de surprenant dans un contrat de ce genre, où l’intimé savait qu’il ne pourrait se terminer que pour une cause suffisante, ou sur un avis raisonnable.

Et si le contrat était, comme nous le décidons, pour une période indéterminée, il ne pouvait être question de tacite reconduction. En effet, comme le fait remarquer Mignault, Droit civil canadien, vol. 7, p. 371:

Pour qu’il y ait lieu à tacite reconduction, il faut qu’il y ait un terme convenu ou présumé pour la durée du service.

La tacite reconduction n’a lieu que si les relations des parties persistent après l’expiration de la date fixée au bail de services; dans le cas d’un louage pour une période indéterminée, le cas ne saurait se présenter. Il convient, en effet, de faire remarquer que, pour établir son allégation de tacite reconduction, il ne suffisait pas au demandeur-intimé de prouver qu’il avait été engagé à l’année (ce qui comporte nécessairement quelque chose d’indéfini) ; mais il lui fallait prouver qu’il avait été engagé pour un an, c’est-à-dire pour une période fixe, à l’expiration de laquelle la tacite reconduction aurait pu commencer. Ici, l’appelante a mis fin à un contrat de louage pour une période de temps indéterminée, où le salaire était payable tant par mois, au moyen d’un avis de congé de trois mois; ou, si l’on veut, en remettant à l’intimé une indemnité de trois mois de salaire pour tenir lieu de congé. De prime abord, cet avis nous paraît suffisant et il n’y a au dossier aucune preuve d’usage ou d’autres circonstances pour nous justifier de décider le contraire. (Laçasse v. Tuckett Tobacco Company[23].

Il reste la possibilité que le procès ait été faussé par suite d’un malentendu entre les parties résultant d’une certaine ambiguïté dans la déclaration faite au début de l’enquête par les procureurs de l’appelante. En semblable cas, la cour essaie parfois d’apporter un remède en ordonnant un nouveau procès.

En l’espèce, cependant, ni l’une ni l’autre des parties ne l’a demandé; cette question n’a pas été discutée avec leurs procureurs lors de l’audition devant cette cour.

[Page 101]

Il ne paraît pas y avoir eu de méprise sur la nature des questions en contestation. L’appelante affirme dans son factum:

It urged both before the trial judge and before the Court of King’s Bench (appeal side) that, as a matter of law, the contract in question was neither a contract of a yearly duration, nor a contract of a monthly duration, but one for an indeterminate period.

D’autre part, nous l’avons vu, lorsque l’intimé en vient à définir les “points in issue”, il les établit comme suit:

We may take it, therefore, that no question arises but this: Was the contract of engagement an annual one in the intention of the parties, or was it not?

Et, comme nous l’avons déjà fait remarquer, le jugement de première instance et les notes des juges de la Cour du Banc du Roi ne se bornent pas à la question de tacite reconduction, mais discutent à la fois la nature et la durée de l’engagement, ainsi que ses conséquences sur la durée de la tacite reconduction.

Le nouveau procès ne saurait être accordé simplement pour permettre à l’appelante ou à l’intimé de développer davantage les arguments de droit. Il serait utile seulement s’il leur permettait de faire une preuve additionnelle qui aurait pour but d’élucider la situation. Sur ce point essentiel: la période de temps pour laquelle l’engagement a été fait, l’intimé se trouve lié par l’assertion contenue dans sa déclaration, que la lettre du 5 mai 1927 confirmait rengagement verbal. Par suite, les termes de cette lettre, et particulièrement les mots: “six thousand dollars per annum”, resteront, en définitive, la base du contrat qu’il s’agit d’interpréter. Le résultat du litige dépend du sens qu’il faut donner à cette stipulation. S’il y avait d’autres conditions se référant à cette question, l’intimé les aurait relatées dans la déclaration, ou il les aurait, au moins, mentionnées devant l’une des trois cours où il a comparu jusqu’ici.

Dans les circonstances, nous ne nous croirions pas justifiés d’ordonner un nouveau procès proprio motu, lorsque l’intimé ne le demande pas et n’a exposé aucune raison pour laquelle il pourrait l’obtenir, ni surtout lorsque l’appelant n’a pas eu l’opportunité de faire valoir les objections qui peuvent militer contre l’octroi de cette faveur à son adversaire.

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Pour ces raisons, nous sommes d’avis de faire droit à l’appel et de rejeter l’action avec dépens devant toutes les cours.

Anglin C.J.C. (dissenting).—The trial in this case was unsatisfactory. The parties appear not to have appreciated the issues involved. These were, (a) what, if any, was the duration of the original contract; (b) was there a reconduction; and, (c) if so, for what term?

In my opinion, a new trial is inevitable. I, therefore, refrain from any comment on the evidence.

Cannon, J. (dissenting).—Appel d’un jugement de la Cour du Banc du Roi de la province de Québec, du 26 novembre 1931, confirmant à l’unanimité celui de la Cour Supérieure (Duclos, J.) du district de Montréal, en date du 27 février 1931, condamnant l’appelante à payer à l’intimé $3,475 avec intérêts et dépens.

L’action allègue que le, ou vers le, 1er mai 1927, l’intimé fut engagé par le président de la compagnie appelante, monsieur W. G. Ross, comme assistant-gérant, à un salaire de $6,000.00, du 1er mai 1927, avec, en outre, l’usage gratuit d’une maison d’habitation à Thetford-Mines, et l’électricité sans frais. Ce contrat verbal aurait été confirmé par la lettre suivante, adressée le 5 mai 1927 par le président Ross au gérant de l’appelante à Thetford-Mines, monsieur R. P. Doucet:

Dear Mr. Doucet,

Mr. Cook has agreed to join us on the conditions mentioned, $6,000 per annum and use of Penhale’s house.

He will go down to Thetford either Sunday or Monday.

Yours very truly,

(Signed) W. G. Ross,

President and General Manager.

Le demandeur allègue qu’après son entrée en fonctions son salaire fut augmenté, en septembre 1927, à $7,500.00 par année, payable à raison de $625.00 par mois; que ce contrat aurait été renouvelé, par tacite reconduction, le 1er mai 1928, et, de nouveau, le 1er mai 1929, alors que les parties se seraient liées tacitement pour une autre année se terminant le 1er mai 1930.

Le demandeur se plaint d’avoir été renvoyé le 29 août 1929, sur paiement de trois mois de salaire jusqu’au 30

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novembre 1929, qu’il accepta sous protêt, sans préjudice a ses droits. Sa démission brusque lui a causé des dommages pour perte de salaire, location d’une nouvelle maison, compte d’électricité à Montréal et frais de déménagement, pour lesquels ils réclame $3,850.00.

La défenderesse, par son plaidoyer, prétend avoir engagé le demandeur au mois, comme tous ses autres employés qui n’étaient pas engagés en vertu d’une résolution du bureau de direction; et, en payant $1,875.00 à l’intimé, l’appelante aurait généreusement excédé son obligation stricte envers lui.

Remarquons que la défenderesse n’a nullement prétendu que le contrat était pour une période de temps indéterminée; au contraire, elle a plaidé, en fait, un engagement au mois. D’après la contestation liée, le contrat était limité à une période fixe; un mois ou une année. Ceci ressort clairement du plaidoyer alternatif au paragraphe 16, où l’appelante allègue que, même si Cook était engagé du 1er mai 1927 au 1er mai 1928, la tacite reconduction n’aurait pu avoir lieu que pour une période indéterminée qui pouvait être interrompue par l’appelante en donnant un avis raisonnable à l’intimé et en payant son salaire.

L’appelante prétendit, de plus, avoir renvoyé l’intimé pour bonne et suffisante cause; mais elle a renoncé à cette prétention.

Par l’application à ce plaidoyer des articles 110 et 339 du Code de Procédure civile, l’appelante ne peut pas nous soumettre, en la déguisant comme une question de droit, sa nouvelle prétention qu’en fait, l’engagement était pour une période indéterminée, surtout après avoir pratiquement exempté l’intimé de prouver le contrat pour un an en faisant, à d’ouverture de l’enquête, la déclaration suivante:

Defendant declares it has no proof to offer in support of the allegation that the dismissal was for cause, and the issue is, therefore, limited to the question of law as to whether there was an annual engagement expiring on May 1st, 1930.

Quelle est la portée de cette déclaration? Devons-nous la considérer comme limitant le litige à la seule question de droit mentionnée au paragraphe 16 du plaidoyer quant à la longueur du terme pour lequel le contrat aurait été renouvelé par tacite reconduction le 1er mai 1929? Dans l’affirmative, cela expliquerait suffisamment, vu le décès de l’ex-président W. G. Ross, pourquoi on n’a pas interrogé le demandeur

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Cook sur les circonstances qui ont précédé et accompagné son entrée à l’emploi de l’appelante. L’appelante n’a jamais plaidé, mais a prétendu, apparemment pour la première fois devant nous, que l’engagement initial était, ni pour un an, ni pour un mois, mais pour une durée indéterminée. Je ne crois pas qu’elle puisse le faire, vu notre loi de procédure et sa déclaration, peut-être ambiguë, mais qui semble renoncer à sa prétention d’un engagement au mois et nous laisser, d’après les plaidoiries, la seule alternative d’un engagement à l’année, tel qu’allégué par l’intimé. Cette déclaration élimine aussi l’idée d’une novation en septembre, lors de l’augmentation du salaire.

Quoiqu’il en soit, d’après la doctrine, la jurisprudence et la loi, même ce fait serait suffisamment établi au dossier.

L’on nous a cité, comme devant lier cette cour, la cause de Cité de Montréal v. Davis[24]. Je serais plutôt porté à considérer cet arrêt comme une décision d’espèce affirmant le pouvoir de la cité de Montréal, en vertu d’une disposition spéciale de sa charte, de renvoyer ses employés, à discrétion et suivant son bon plaisir. L’Honorable juge Rinfret, cependant, dans la cause de Iverson v. Chicoutimi Pulp Company[25], a cru nécessaire de suivre la doctrine exposée par Sir Alexandre Lacoste dans cette cause de La Cité de Montréal v. Davis[26] où l’ancien juge-en-chef affirme que la Cour du Banc du Roi, dans les causes de Dugdale v. La Cité de Montréal[27] et Les Commissaires des chemins à barrières de Montréal & Rielle[28] n’aurait pas tiré, de la fixation du salaire à l’année, une présomption légale de la durée du contrat.

Je ne connais aucun texte de loi, disait-il, qui crée une semblable présomption en matière de louage de services. C’est tout au plus une présomption de fait qui a plus ou moins de force suivant les circonstances.

Appliquant cette jurisprudence à la présente cause, il n’y a pas de doute que la lettre précitée, comme le dit l’honorable juge Bernier, serait presque suffisante, par elle-même, pour indiquer que l’engagement du demandeur était un engagement à l’année. L’article 1602 du Code civil définit le louage d’ouvrage: un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre, moyennant un

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prix. Quel est le prix fixé, d’après la lettre de W. G. Ross? $6,000. C’est un minimum. On ne dit pas: “payable monthly or semi-monthly”, ni “at the rate of $6,000 per annum”. Quelle chose Cook devait-il faire pour gagner cette rémunération de $6,000 et la jouissance d’une maison? Travailler comme assistant-gérant, pendant une année. La lettre nous donne clairement les obligations réciproques requises par l’article 1602. Outre cette lettre, le premier juge avait, pour décider en faveur de l’engagement à l’année et non au mois:

Le fait que lors de rengagement Cook demeurait à Westmount, ce qui nécessitait son déménagement à Thetford Mines;

La mise là sa disposition d’une maison à Thetford comme partie de sa rémunération;

L’impossibilité de penser qu’un homme de bon sens aurait déménagé pour occuper une position précaire qu’on aurait pu lui enlever chaque mois, sans raison, suivant le caprice de la compagnie;

Que cette dernière a plaidé qu’elle avait bonne et suffisante raison de renvoyer le défendeur; ce qui aurait été inutile s’il avait été engagé au mois;

Le fait que le nouveau président Massie a cru devoir, indirectement, demander la résignation du demandeur, ce qui est incompatible avec l’idée d’un engagement au mois.

Le juge de première instance, prenant en considération la lettre et les autres circonstances de la cause, a conclu en fait à l’existence d’un contrat annuel. Or, cette présomption de fait, mentionnée dans la cause de Cité de Montréal v. Davis[29], acceptée par le juge de première instance et par la Cour du Banc du Roi à l’unanimité, est, d’après les articles 1238 et 1242 du Code civil, abandonnée à la discrétion et au jugement du tribunal.

Pouvons-nous, même si la déclaration à l’enquête de la défense n’était pas une admission implicite de l’engagement à l’origine pour au moins une année entière, mettre de côté le jugement de première instance et celui des juges en appel et leur appréciation des circonstances qui, d’après l’un d’eux, crée une présomption de faits violente que les deux parties entendaient faire un engagement à l’année et non pas au mois? Il nous est impossible de déclarer que tous

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ces savants magistrats ont commis une erreur évidente; et, suivant la jurisprudence de cette cour, il n’y aurait donc pas lieu d’intervenir sur cette question de fait.

Reste la question de droit, qui est le seul et véritable litige entre les parties. La tacite reconduction qui, d’après l’admission de l’appelante, a eu lieu entre l’appelante et l’intimé le 1er mai 1929 est-elle un renouvellement pur et simple du contrat pour une autre année ou pour une période indéfinie?

Sur ce point, comme l’a exposé clairement monsieur le juge St-Germain dans ses notes, la doctrine française contemporaine ne saurait nous aider, vu les divergences capitales qui existent entre le Code Napoléon et le nôtre. L’article 1667 de notre Code civil dit que le contrat de louage de service personnel ne peut être que pour un temps limité, ou pour une entreprise déterminée, reproduisant pratiquement l’article 1780 du Code Napoléon. Nos codificateurs ont cependant ajouté un deuxième paragraphe qui ne se trouve pas au code français en disant que ce contrat de louage de service “peut être continué par tacite reconduction”.

L’honorable juge Dorion dit fort bien dans ses notes que ce n’est pas un bail continué, mais un bail renouvelé. D’après Larousse, reconduction veut dire renouvellement. Je crois, comme l’honorable juge Ramsay dans la cause de City of Montreal v. Dugdale[30] que

If it be reconduction, the parties must be put in the same position in which they were before, else the law would presume a different bargain. This would be an illogical operation.

En France, l’article 1780, non seulement ne pourvoit pas expressément à la tacite reconduction du louage de service, mais la loi du 27 décembre 1890 dit que le louage de service, fait sans détermination de durée, peut toujours cesser par la volonté d’une des parties contractantes, sauf indemnité, qui doit être fixée en tenant compte de certains éléments énumérés dans l’article.

Nous sommes en présence d’une espèce toute particulière dans laquelle les parties ont conduit le procès et l’enquête de manière à restreindre les tribunaux à la décision d’une seule question : si l’engagement originaire a été fait pour un

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an, la tacite reconduction a-t-elle eu lieu pour une période indéterminée ou pour une année additionnelle?

S’il s’agissait, dans l’espèce, d’un contrat originaire pour une période de plus d’une année, et en conséquence d’une reconduction, d’un renouvellement possible, pour une nouvelle période dépassant une année, il nous faudrait examiner et décider l’application, par analogie ou autrement, de la règle de l’article 1609 à la tacite reconduction prévue par l’article 1667. Il n’est pas nécessaire de décider cette question dans la présente cause. Pour moi, il n’y a pas de doute que le renouvellement d’un contrat d’un an doit être pour une nouvelle année.

La tacite reconduction qui a eu lieu en mai 1929 a renouvelé les obligations des parties pour une nouvelle période d’un an. En France, on a été obligé de recourir, par analogie, aux articles. 1758, 1759 et 1760 du Code Napoléon, pour déterminer la durée du louage de services continus du consentement tacite des parties. Or, comme le fait remarquer monsieur le juge St-Germain, l’article 1738 du Code Napoléon, qui correspond à l’article 1609 de notre Code civil, contrairement à ce dernier, dit que si, à l’expiration des baux écrits, le preneur est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par l’article relatif aux locations faites sans écrit, c’est-à-dire, sans durée indiquée, et où l’une des parties ne peut donner congé à l’autre qu’en observant les délais fixés par l’usage des lieux. Notre code, au contraire, contient des règles précises quant à la durée de l’occupation, même sans bail, par simple tolérance du propriétaire, et quant aux effets de la tacite reconduction. Le Code Napoléon, de propos délibéré, vu la multitude des coutumes existant dans les différentes provinces de France, a simplement référé à l’usage des lieux. Vo. Motifs du Code civil, 1er vol. Page 636 (Paris 1855).

Il nous faut donc éviter l’application des commentateurs du Code Napoléon, et de la législation encore plus récente du travail en France, et nous en tenir au texte de notre code et à notre jurisprudence. Je crois appliquer l’un et l’autre en disant que le contrat annuel intervenu en mai 1927 s’est renouvelé en 1928 pour un an, et en 1929 pour une autre année expirant le 1er mai 1930.

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Reste la dernière question soulevée par l’appelante, à savoir que le jugement doit être réduit de $225.00, la différence entre le montant de son salaire avec l’appelante et celui qu’il recevait en avril 1930.

Je crois que, le 24 avril 1930, date de l’institution de l’action, la mesure des dommages qu’il réclamait était suffisamment établie, vu qu’il était employé pour jusqu’à la fin d’avril 1930 à un salaire moindre que celui qu’il aurait reçu s’il n’avait pas été congédié prématurément par l’appelante. Quand l’action fut prise, il endurait la réduction de salaire qu’il avait dû accepter pour tout le mois d’avril alors courant, sans remède possible. Il s’agit d’ailleurs de l’appréciation des dommages, et il n’y a pas lieu d’intervenir. Il ne s’agit pas d’une action pour salaire réclamé pour une période non expirée. Le demandeur a pu, quelque mois après son renvoi, obtenir un nouvel emploi et il avait droit, dès que sa situation s’était de nouveau stabilisée, de venir devant la cour pour démontrer les dommages dès lors assurément causés par la rupture du contrat. Il est évident que si l’on avait plaidé et prouvé qu’il aurait été physiquement incapable dans cette dernière semaine du mois d’avril 1930 de gagner aucun salaire, cette circonstance aurait pu être prise en considération par le premier juge. Mais en appliquant la règle: De minimis non curat prœtor, je ne crois pas qu’il y ait lieu de modifier le jugement pour cette raison, qui n’a pas, d’ailleurs, été spécialement plaidée.

Je suis donc d’avis que l’appel doit être renvoyé avec dépens.

Appeal allowed with costs.

Solicitors for the appellant: Mitchell, Ralston, Kearney & Duquet.

Solicitor for the respondent: E. Languedoc.



[1] (1918) Q.R. 58 S.C. 176.

[2] [1912] 3 D.L.R. 103.

[3] (1853) 5 L.C.R. 91.

[4] (1880) 25 L.C.J. 149.

[5] (1890) M.L.R. 6 Q.B. 53.

4 (1880) 25 L.C.J. 149.

5 (1890) M.L.R. 6 Q.B. 53.

[6] [1853] 4 L.C.R. 91.

[7] (1880) 25 L.C.J. 149.

7 (1880) 25 L.C.J. 149.

[8] (1890) M.L.R. 6 Q.B. 53.

[9] (1896) Q.R. 6 K.B. 177.

[10] (1880) 25 L.C.J. 149.

8 (1890) M.L.R. 6 Q.B. 53.

10 (1880) 25 L.C.J. 149.

8 (1890) M.L.R. 6 Q.B. 53.

10 (1880) 25 L.C.J. 149.

8 (1890) M.L.R. 6 Q.B. 53.

[11] [1896] Q.R. 6 K.B. 177.

11 [1896] Q.R. 6 K.B. 177.

11 [1896] Q.R. 6 K.B. 177.

11 [1896] Q.R. 6 K.B. 177.

[12] (1897) 27 Can. S.C.R. 539.

11 [1896] Q.R. 6 K.B. 177.

11 [1896] Q.R. 6 K.B. 177.

[13] (1912) 18 R.L.n.s. 410.

[14] (1913) 19 R. de J. 458.

[15] (1920) Q.R. 59 S.C. 9.

[16] (1924) 30 R.L.n.s. 460.

[17] (1925) Q.R. 40 K.B. 198.

[18] (1896) Q.R. 6 K.B. 177.

[19] (1915) Q.R. 48 S.C. 303.

[20] (1916) Q.R. 50 S.C. 294.

[21] (1924) Q.R. 36 K.B. 321.

[22] [1896] Q.R. 6 K.B. 177.

[23] (1924) Q.R. 36 K.B. 321.

[24] [1896] Q.R. 6 K.B. 177 at 192; [1897] 27 Can. S.C.R. 539.

[25] [1924] 30 R.L.N.S. 460.

[26] [1896] Q.R. 6 K.B. 177.

[27] [1880] 25 L.C.J. 149.

[28] [1890] 34 L.C.J. 107; M.L.R. 6 K.B. 53.

[29] [1896] Q.R. 6 K.B. 177.

[30] [1880] 25 L.C.J. 149, at 155.

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