Supreme Court Judgments

Decision Information

Decision Content

Supreme Court of Canada

Municipal corporation—Annexation—Condition—Construction of aqueduct—Discretion—Mandamus.

By an Act of the legislature (7 Geo. V, c. 85), the municipality of Notre Dame de la Victoire was annexed to the city of Lévis; and it was stipulated that the city, within two years from the date of the annexation, should provide systems of aqueduct and drainage for the annexed municipality. The city of Lévis introduced these systems into the populated part of the annexed territory, but did not extend them as far as the appellant’s property, which was the most distant lot built upon and was situated at a considerable distance from the nearest house. The appellant, by way of mandamus, prayed for an order from the court to compel the city respondent to supply his house with the water and drainage systems.

[Page 66]

Held that this special Act did not impose upon the city of Lévis the obligation to establish systems of aqueduct and drainage indiscriminately throughout the whole annexed territory, and had not deprived the council of the city of its discretion in exceptional cases. The respondent could not compel it to supply him by way of mandamus; the city of Lévis, in refusing to do so, having exercised, in good faith and without discrimination, the discretion conferred upon it by the general law as contained in the Cities and Towns Act and by its own charter.

Judgment of the Court of King’s Bench (Q.R. 39 K.B. 545) reversed

APPEAL from the decision of the Court of King’s Bench, appeal side, province of Quebec[1], reversing the judgment of the Superior Court and dismissing the respondent’s action.

The material facts of the case and the questions at issue are fully stated in the above head-note and in the judgments now reported.

De Billy K.C. for the appellant.

Bélanger for the respondent.

The judgment of the court was delivered by

Rinfret J.—M. Arthur Bégin, qui est propriétaire dans le quartier Villemay de la cité de Lévis, demande par voie de mandamus que la cité soit contrainte à faire faire les travaux nécessaires pour lui procurer le service de l’aqueduc et des égouts, tel que, suivant lui, elle y est obligée par le statut de Québec, 7 Geo. V, c. 85.

Ce statut a annexé le territoire de la municipalité de Notre-Dame-de-la-Victoire à celui de la cité de Lévis. Cette municipalité est par là devenue un quartier de la cité désigné sous le nom de quartier Villemay. Le préambule de cette loi d’annexion énonce

que le conseil supérieur d’hygiène de la province de Québec recommande que la dite municipalité soit annexée à la cité de Lévis, dans le but de la pourvoir d’un aqueduc et d’un réseau d’égouts.

C’est ce qui a donné lieu à l’insertion dans la loi de la disposition sur laquelle s’appuie M. Bégin et dont la partie essentielle à la décision de cette cause se lit comme suit:

La cité de Lévis introduira, dans les deux ans de ladite date de l’annexion, l’eau de l’aqueduc et construira des canaux d’égouts pour le drainage et posera des bornes-fontaines dans les rues et avenues du nouveau quartier.

[Page 67]

Toutes les rues et avenues du nouveau quartier seront aussi bien éclairées que celles des autres quartiers de la cité.

Dans Tannée qui suivra l’annexion, ladite cité de Lévis établira dane ledit nouveau quartier un poste de police et de pompiers pour la protection dudit quartier.

La cité se défend en alléguant que les travaux d’un système municipal d’aqueduc et d’égouts sont toujours subordonnés à la discrétion du conseil, qui juge de leur nécessité, et qui doit tenir compte des difficultés particulières de la construction et des dépenses que ces travaux entraîneront en proportion des revenus qui en proviendront. Elle explique pourquoi, alors qu’elle a procuré ce service au quartier Villemay en général, elle a dû en omettre le requérant à cause de circonstances spéciales qu’il n’est pas nécessaire d’énumérer ici parce qu’elles relèvent de questions d’administration.

Elle prétend que la loi annexant la municipalité de Notre-Dame-de-la-Victoire ne la contraint pas à donner le service de l’eau et des égouts à toutes les maisons du nouveau quartier.

La Cour Supérieure a débouté M. Bégin des fins de sa requête. La Cour du Banc du Roi, composée de trois juges[2], a ordonné l’émission du bref péremptoire; mais l’honorable juge Rivard était dissident, étant d’avis que le jugement a quo devait être confirmé avec dépens.

Il en résulte que cette cause nous est maintenant soumise après un partage égal d’opinion entre les savants juges qui l’ont entendue dans la province de Québec. Cette divergence de vues n’existe cependant qu’à l’égard de l’interprétation qu’il faut donner à la disposition du statut d’annexion.

Il est reconnu que ni la Loi des Cités et Villes, à laquelle Lévis est subordonée, ni la charte de la cité, ne l’obligent à fournir le service d’aqueduc et de drainage à chacune des maisons ou dans chaque portion de son territoire, mais que le conseil a là-dessus une discrétion à exercer qui dépend de l’opportunité et des circonstances. Thémens v. Cité de Montréal[3]. Nous avons d’ailleurs l’avantage de trouver dans la jurisprudence de la province de Québec deux arrêts qui se sont prononcés sur ce point dans des cas où il s’agissait précisément de définir les devoirs statutaires de la cité

[Page 68]

de Lévis: Juneau v. La Corporation de la Ville de Lévis[4],où il a été jugé que:

Une corporation municipale autorisée par sa charte à faire des travaux d’utilité publique (dans l’espèce établir un système d’égouts), peut y procéder pour le tout à la fois, ou par parties, et dans les subdivisions de son territoire qu’elle juge convenable, le mode à suivre étant laissé à sa discrétion. Est partant valable, un règlement de la ville de Lévis pour établir un système d’égouts dans la ville, excepté dans un de ses quartiers.

Minister of Justice for the Dominion of Canada v. City of Levis[5], où lord Parmoor, prononçant le jugement du Conseil Privé, dit (p. 511):

There is no article which in terms imposes upon the respondents an obligation to give a water supply to any of the houses or other buildings within the area of supply and there is an absence of any general provision either as to the method or system of supply or as to the quality of the water.

Après avoir ainsi interprété les lois qui régissent la cité de Lévis, il en arrive à la conclusion que cette dernière ne pourrait refuser le service de l’eau aux propriétaires et occupants de maisons situées sur le parcours de l’aqueduc; mais il répète jusqu’à satiété que ce devoir se limite aux constructions “within the area of supply”.

Sans doute, les motifs de la décision du conseil doivent être sages, inspirés par la bonne foi et justifiés par les conditions particulières. Il ne saurait agir avec partialité. Il doit traiter sur un pied d’égalité tous les contribuables qui se trouvent placés dans une situation semblable. Il ne pourrait accorder le service aux uns et le refuser aux autres, si cette distinction entre les contribuables n’était pas basée sur de justes raisons. Dillon, Municipal Corporations, 5th ed., vol. 3, par. 1317.

Mais là s’arrètent les obligations du conseil en vertu de la loi générale. Si aucune injustice n’a été commise, si aucun droit n’a été violé, les tribunaux ne doivent pas intervenir dans l’exercice de la discrétion des autorités municipales, ni mettre de côté la décision qui en a été la conséquence. Mayor, etc., of Westminster v. London and North Western Ry. Co.[6].

Ces principes, qui sont de jurisprudence constante, ont toujours été admis pour arrêter l’action des tribunaux dans l’emploi de leur juridiction ordinaire; à plus forte raison, doivent-ils recevoir leur application lorsqu’il s’agit d’une

[Page 69]

procédure par voie de mandamus, qui est un bref de prérogative auquel le code de procédure civile (art. 992) permet de recourir seulement

lorsqu’il n’y a pas d’autre remède également approprié, avantageux et efficace.

En effet, l’octroi de ce bref dépend essentiellement de l’omission, de la négligence ou du refus par une corporation “d’accomplir un devoir que la loi lui impose ou un acte auquel la loi l’oblige”. Il ne saurait jamais être accordé lorsque la loi laisse la décision à la discrétion du corps public. High, Extraordinary Legal Remedies, 3ème éd., par. 24, 325, 418, 419; Dillon, Municipal Corporations, 5ème éd., vol. 4, par. 1489 à 1494; Tiedman, Municipal Corporations, par. 362; Laberge v. Cité de Montréal[7]; Pagé v. La Ville de Longueuil[8]; Carrier v. Corporation de la paroisse de Saint-Henri[9]; Gourdeau v. Cité de Québec[10]; Villeneuve v. Corporation of the Parish of Saint-Alexandre[11]; Trudeau v. Labelle[12]; Marsil v. Lanctôt[13].

Or, il n’est pas nié que, si la décision de ne pas prolonger le système d’égouts et d’aqueduc jusqu’à la résidence de M. Bégin est discrétionnaire, le conseil de la cité de Lévis, en l’espèce, a agi avec sagesse.

Voici comment la Cour Supérieure apprécie les circonstances spéciales de cette cause:

Il appert que la propriété du requérant est située sur la route de St-Henri et elle se trouve à l’extrémité de la ville sur cette route, savoir qu’elle est à environ 1886 pieds de la rue St-Georges; et il appert que les services d’eau et d’égout sont installés sur la route St-Henri seulement jusqu’à chez un nommé P. Carrier, savoir: une distance d’environ 830 pieds de la rue St-Georges et que chez Carrier les tuyaux sont à environ 4 pieds de la surface; que la propriété du requérant est située à environ 1050 pieds plus loin que chez Carrier et qu’il ne serait guère possible étant donné que le terrain du requérant est moins élevé que celui chez Carrier, de prolonger le tuyau d’égout actuel; que le coût d’installer les services jusqu’à chez le requérant serait de pas moins de $3,000 d’après les preuves ou requérant et de pas moins de $7,000 d’après les preuves le l’intimée; que la seule propriété à desservir au delà de chez Carrier serait la propriété du requérant dont la contribution serait environ $30 par année, que ce sont ces circonstances qui ont déterminé l’intimée de ne pas se rendre aux demandes du requérant;

Le juge de première instance ajoute ensuite

[Page 70]

que la décision adoptée par (la cité) est une décision juste, adoptée de bonne foi, et que cette cour Saurait aucune justification pour la.mettre de côté à moins que le statut d’annexion ne l’y contraigne.

Il est confirmé en cela par le juge dissident en appel; et les deux juges qui ont formé la majorité dans cette dernière cour n’ont pas exprimé d’opinion contraire: leur conclusion quant au résultat du procès leur a été dictée par des raisons de droit. Ainsi posé, le problème se réduit donc à une simple question d’interprétation.

Nous ne croyons pas que la loi 7 Geo. V, c. 85, s. 6, ait voulu imposer à la cité de Lévis l’obligation d’installer le système d’aqueduc et d’égouts absolument partout dans le nouveau quartier de Villemay et qu’il ait donné au requérant un droit absolu de le demander. Sur ce point, nous partageons l’avis de la Cour Supérieure et de l’honorable juge Rivard, qui a exprimé son dissentiment en Cour du Banc du Roi. Nous ne pensons pas que cette clause exige que les tuyaux de l’aqueduc et des égouts soient construits dans tout le territoire du nouveau quartier.

La règle d’interprétation nous paraît être posée par Maxwell, On the Interpretation of Statutes (6th ed., pp. 148 and 149) d’une façon lumineuse:

There are certain objects which the legislature is presumed not to intend. * * * One of these presumptions is that the legislature does not intend to make any substantial alteration in the law beyond what it explicitly declares, either in express terms or by clear implication; or, in other words, beyond the immediate scope and object of the statute. In all general matters beyond, the law remains undisturbed. It is in the last degree improbable that the legislature would overthrow fundamental principles, infringe rights, or depart from the general system of law, without expressing its intention with irresistible clearness; and to give any such, effect to general word’s, simply because they have that meaning when used either in their widest, their usual or their natural sense, would be to give them a meaning other than that which was actually intended. General words and phrases, therefore, however wide and comprehensive they may be in their literal sense, must, usually, be construed as being limited to the actual objects of the Act, and as not altering the law beyond.

L’on est d’accord pour dire, qu’en vertu de la loi générale des cités et villes et de la loi spéciale de Lévis, cette cité avait une discrétion absolue pour décider où les canaux d’égouts et d’aqueduc seraient construits, et qu’il ne lui incombait en aucune façon de fournir le service d’eau et d’égouts à toutes les parties du territoire ou également à toutes les parties d’un même quartier.

La loi d’annexion oblige la cité de Lévis à introduire l’eau de l’aqueduc, à construire des canaux d’égouts pour le

[Page 71]

drainage et à placer des bornes-fontaines dans les rues et avenues du quartier Villemay. Dans ce sens, elle a supprimé la discrétion que la ville possédait en vertu de la loi générale et de sa charte; et elle a imposé à la ville une obligation à laquelle cette dernière n’aurait pas autrement été soumise. La ville était donc forcée d’accomplir son devoir, selon l’expression de Dillon,

without discrimination between persons similarly situated and under circumstances substantially the same. (Dillon, loc. cit.).

Or, sous ce rapport, la cité de Lévis s’est conformée à l’injonction de la législature; elle a fait ce que la clause d’annexion lui ordonnait. Mais cette clause ne va pas au delà. Elle n’a pas enlevé la discrétion municipale quant aux cas particuliers et exceptionnels, comme celui de Bégin. Il s’agit ici d’une cause d’espèce, qui est différente de celle que les tribunaux ont eue à considérer dans l’affaire de Mountain Sites, Ltd., v. Cité de Montréal[14]. Dans cette cause, la loi déclarait que la corporation municipale devait ouvrir une rue, en indiquant le point de départ et le point d’arrivée de la rue. Le choix du parcours était laissé à la cité. La Cour de Revision a été d’avis que cela ne rendait pas la loi tellement vague qu’elle ne pût être exécutée, et qu’on ne pouvait admettre qu’une corporation municipale pût se libérer d’une obligation statutaire en prétextant qu’elle n’avait pas les moyens suffisants pour s’y conformer, lorsqu’il était prouvé qu’elle avait volontairement employé son argent à d’autres fins. Dans ce cas, les expressions étaient claires: la législature avait ordonné l’ouverture de la rue. On a décidé que la cité de Montréal n’avait plus de discrétion et ne pouvait pas se demander si cette rue était nécessaire dans l’intérêt public et s’il était opportun de dépenser à cette fin une somme considérable alors que, par là, beaucoup d’autres travaux impérieux seraient forcément retardés. La législature seule pouvait changer sa décision sous ce rapport.

Mais, dans le cas qui nous occupe, la législature n’a rien dit qui soit de nature à faire disparaître la discrétion particulière en ce qui regarde les circonstances exceptionnelles. Il n’entrait pas dans son intention de priver la cité de Lévis du droit qui l’autorisait, en vertu de sa charte et de la loi générale, à éliminer de son service les maisons qui se trouvaient

[Page 72]

dans des cas distincts et différents des contribuables du quartier Villemay en général. Nous ne pouvons présumer que le législateur ait voulu enlever à la cité de Lévis ce pouvoir discrétionnaire; et, en l’absence d’une disposition claire et expresse, nous ne croyons pas, en l’espèce, devoir intervenir, surtout par le bref de mandamus, où

the duties sought to be coerced must be of so plain and unmistakable a nature as to leave no room for doubt.

High, Extraordinary Legal Remedies, 3e éd., par. 423; State v. Supervisor of Washington County (1); Carrier v. Corporation de Saint-Henri (2).

Pour ces raisons, nous croyons devoir maintenir l’appel avec dépens et rétablir le jugement de la Cour Supérieure.

Appeal allowed with costs.

Solicitors for the appellant: Bernier, De Billy & Dorion.

Solicitor for the respondent: Arthur Bélanger.



[1] [1925] Q.R. 39 K.B. 545.

[2] Q.R. 30 K.B. 545.

[3] [1922] Q.R. 61 S.C. 411.

[4] [1905] Q.R. 14 K.B. 104.

[5] [1919] A.C. 505.

[6] [1905] A.C. 426.

[7] 9 R. de J. 31.

[8] [1897] Q.R. 7 K.B. 262.

[9] [1906] Q.R. 30 S.C. 45.

[10] [1911] Q.R. 40 S.C. 388.

[11] [1912] Q.R. 42 S.C. 487.

[12] [1907] Q.R. 32 S.C. 42.

[13] [1914] 20 R.L. nos. 237.

[14] [1917] Q.R. 52 S.C. 174.

 You are being directed to the most recent version of the statute which may not be the version considered at the time of the judgment.