Jugements de la Cour suprême

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Contenu de la décision

Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.-É.), [1998] 1 R.C.S. 3

 

DANS L’AFFAIRE du renvoi présenté par le lieutenant‑gouverneur en conseil, en vertu de l’article 18 de la Supreme Court Act, R.S.P.E.I. 1988, ch. S‑10, relativement à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l’Île‑du‑Prince‑Édouard et à la compétence de l’Assemblée législative à cet égard

 

et

 

DANS L’AFFAIRE du renvoi présenté par le lieutenant‑gouverneur en conseil, en vertu de l’article 18 de la Supreme Court Act, R.S.P.E.I. 1988, ch. S‑10, relativement à l’indépendance et à l’impartialité des juges de la Cour provinciale de l’Île‑du‑Prince‑Édouard

 

Merlin McDonald, Omer Pineau et Robert Christie                                     Appelants

 

c.

 

Le procureur général de l’Île‑du‑Prince‑Édouard                                                Intimé

 

et

 

Le procureur général du Canada,

le procureur général du Québec,

le procureur général du Manitoba,

le procureur général de la Saskatchewan,

le procureur général de l’Alberta,

l’Association canadienne des juges de cours provinciales,

la Conférence des juges du Québec,

la Saskatchewan Provincial Court Judges Association,

l’Alberta Provincial Judges’ Association,

l’Association du Barreau canadien et

la Fédération des professions juridiques du Canada                                 Intervenants

 


Répertorié:  Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l’Île‑du‑Prince‑Édouard; Renvoi relatif à l’indépendance et à l’impartialité des juges de la Cour provinciale de l’Île‑du‑Prince‑Édouard


Nos du greffe:  24508, 24778.

 

 

Sa Majesté la Reine                                                                                        Appelante

 

c.

 

Shawn Carl Campbell                                                                                            Intimé

 

et entre

 

Sa Majesté la Reine                                                                                        Appelante

 

c.

 

Ivica Ekmecic                                                                                                        Intimé

 

et entre

 

Sa Majesté la Reine                                                                                        Appelante

 

c.

 

Percy Dwight Wickman                                                                                         Intimé

 

et


Le procureur général du Canada,

le procureur général du Québec,

le procureur général du Manitoba,

le procureur général de l’Île‑du‑Prince‑Édouard,

le procureur général de la Saskatchewan,

l’Association canadienne des juges de cours provinciales,

la Conférence des juges du Québec,

la Saskatchewan Provincial Court Judges Association,

l’Alberta Provincial Judges’ Association,

l’Association du Barreau canadien et

la Fédération des professions juridiques du Canada                                 Intervenants

 

Répertorié:  R. c. Campbell; R. c. Ekmecic; R. c. Wickman

 

No du greffe:  24831.

 

 

Les juges de la Cour provinciale du Manitoba

représentés par la Manitoba Provincial

Judges Association, le juge Marvin Garfinkel,

le juge Philip Ashdown, le juge Arnold Conner,

le juge Linda Giesbrecht, le juge Ronald Myers,

le juge Susan Devine et le juge Wesley Swail,

et les juges de la Cour provinciale du Manitoba

représentés par les juges Marvin Garfinkel,

Philip Ashdown, Arnold Conner, Linda Giesbrecht,

Ronald Myers, Susan Devine et Wesley Swail                                             Appelants

 

c.

 

Sa Majesté la Reine du chef de la province

du Manitoba représentée par

Rosemary Vodrey, ministre de la Justice et

procureure générale du Manitoba, et

Darren Praznik, ministre du Travail

en qualité de ministre responsable de la

Loi sur la réduction de la semaine de travail et

la gestion des salaires dans le secteur public                                                     Intimée

 


et

 

Le procureur général du Canada,

le procureur général du Québec,

le procureur général de l’Île‑du‑Prince‑Édouard,

le procureur général de la Saskatchewan,

le procureur général de l’Alberta,

la Conférence canadienne des juges,

l’Association canadienne des juges de cours provinciales,

la Conférence des juges du Québec,

la Saskatchewan Provincial Court Judges Association,

l’Alberta Provincial Judges’ Association,

l’Association du Barreau canadien et

la Fédération des professions juridiques du Canada                                 Intervenants

 

Répertorié:  Manitoba Provincial Judges Assn. c. Manitoba (Ministre de la Justice)

 

No du greffe:  24846.

 

1998:  19 janvier; 1998:  10 février.

 

Présents:  Le juge en chef Lamer et les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier, Cory et Iacobucci.

 

nouvelle audition

 

Tribunaux ‑‑ Indépendance de la magistrature ‑‑ Cours provinciales ‑‑ Jugement initial de la Cour suprême du Canada concluant à l’absence d’indépendance des juges des cours provinciales de l’Alberta, du Manitoba et de l’Île-du-Prince-Édouard ‑‑ Demandes présentées durant la nouvelle audition en vue de faire déclarer valides les décisions passées rendues par ces juges ‑‑ Doctrine de la nécessité.

 


Tribunaux ‑‑ Indépendance de la magistrature ‑‑ Cours provinciales ‑‑ Jugement initial de la Cour suprême du Canada concluant à l’absence d’indépendance des juges de la Cour provinciale de l’Alberta ‑‑ Précisions apportées aux déclarations portant invalidation de textes de loi ‑‑ Provincial Court Judges Act, S.A. 1981, ch. P‑20.1, art. 17(1) ‑‑ Payment to Provincial Judges Amendment Regulation, Alta. Reg. 116/94.

 

Tribunaux ‑‑ Indépendance de la magistrature ‑‑ Cours provinciales ‑‑ Rémunération des juges ‑‑ Exigence relative au mécanisme indépendant, objectif et efficace de détermination de la rémunération des juges suspendue pour un an à compter de la date du jugement initial.

 

Dans un jugement rendu le 18 septembre 1997, la Cour suprême du Canada a statué que les juges des cours provinciales de l’Alberta, du Manitoba et de l’Î.-P.-É. ne jouissaient pas de l’indépendance requise par le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867  et par l’al. 11 d )  de la Charte canadienne des droits et libertés .  À la nouvelle audience, les procureurs généraux des trois provinces ont demandé que soient déclarées valides les décisions passées rendues par les juges de ces cours, malgré l’absence d’indépendance des tribunaux en question.

 

Arrêt:  Les déclarations demandées sont refusées.

 


Malgré la règle générale selon laquelle un juge qui n’est pas impartial est inhabile à entendre une affaire, la doctrine de la nécessité -- qui constitue une exception à cette règle générale -- permet dans certaines circonstances à un juge, qui serait par ailleurs inhabile à connaître d’un litige, d’entendre cette affaire s’il n’y a pas de juge impartial en mesure de le remplacer.  Le droit reconnaît que, dans certaines situations, il est préférable d’avoir un juge qui n’est ni indépendant ni impartial plutôt que de ne pas avoir de juge du tout.  La doctrine de la nécessité tient compte de l’importance des notions de finalité et de continuité dans l’administration de la justice et autorise un degré limité d’iniquité envers un accusé.  Compte tenu de cet effet préjudiciable, cette exception ne devrait être appliquée que rarement et avec énormément de circonspection.  Comme cette exception s’applique en l’espèce, en l’absence de preuve d’une injustice concrète et substantielle dans les circonstances particulières d’un cas donné, la doctrine de la nécessité aura pour effet d’empêcher le réexamen des décisions passées des cours provinciales de l’Alberta, du Manitoba et de l’Î.-P.-É. du seul fait que ces tribunaux ne sont pas indépendants.  Qui plus est, dans le cas de l’Î.-P.-É., la Cour a été saisie de la question de l’indépendance des juges de la Cour provinciale dans le cadre de deux renvois.  Par conséquent, la Cour n’a pas compétence pour accorder le redressement demandé.

 

Dans le cas de l’Alberta, le jugement du 18 septembre 1997 est modifié afin de préciser les ordonnances rendues après l’audience initiale.  Le paragraphe 17(1) de la Provincial Court Judges Act est déclaré inconstitutionnel.  Toutefois, vu le fardeau institutionnel auquel doit faire face l’Alberta, cette déclaration d’invalidité est suspendue pour une période d’un an à compter de la date du jugement initial.  Le Payment to Provincial Judges Amendment Regulation, Alta. Reg. 116/94, est également déclaré inopérant, et cette déclaration produit ses effets rétroactivement depuis le 18 septembre 1997.

 


Afin de permettre aux gouvernements concernés de se conformer aux exigences constitutionnelles prescrites par le jugement du 18 septembre 1997 et de faire en sorte que la bonne administration de la justice ne soit pas perturbée dans l’intervalle, l’application de tous les aspects de l’exigence concernant le mécanisme indépendant, objectif et efficace de détermination de la rémunération des juges, y compris tout remboursement pour réduction antérieure de traitement, est suspendue pour un an à compter de la date du jugement initial.  Le 18 septembre 1998, l’exigence relative à la commission de rémunération des juges s’appliquera pour l’avenir.  La période de transition s’applique dans l’ensemble du Canada.

 

Jurisprudence

 

Distinction d’avec l’arrêt:  Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, [1985] 1 R.C.S. 721; arrêts mentionnés:  Air Canada c. Colombie‑Britannique, [1989] 1 R.C.S. 1161; Dimes c. Grand Junction Canal (Proprietors of) (1852), 3 H.L.C. 759, 10 E.R. 301; Laws c. Australian Broadcasting Tribunal (1990), 93 A.L.R. 435; United States c. Will, 449 U.S. 200 (1980); Beauregard c. Canada, [1986] 2 R.C.S. 56; Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man.), art. 79(3), (4) et (7), [1993] 1 R.C.S. 839; Attorney‑General for Ontario c. Attorney-General for Canada, [1912] A.C. 571; R. c. Brydges, [1990] 1 R.C.S. 190; R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 117; Year Book, 8 Hen. 6, 19b.

 

Lois et règlements cités

 

Charte canadienne des droits et libertés , art. 11 ( d ) .

 

Code criminel , L.R.C. (1985), ch. C‑46 , art. 553  [abr. & rempl. ch. 27 (1er suppl.), art. 104; mod. 1992, ch. 1, art. 58(1) (ann. I, art. 11); mod. 1994, ch. 44, art. 57; mod. 1995, ch. 22, art. 2; mod. 1996, ch. 19, art. 72; mod. 1997, ch. 18, art. 66], 554(1) [mod. ch. 27 (1er suppl.), art. 203].

 

Loi sur la réduction de la semaine de travail et la gestion des salaires dans le secteur public, L.M. 1993, ch. 21.

 

Payment to Provincial Judges Amendment Regulation, Alta. Reg. 116/94.

 


Payment to Provincial Judges Amendment Regulation, Alta. Reg. 171/91.

 

Payment to Provincial Judges Regulation, Alta. Reg. 27/80.

 

Provincial Court Judges Act, S.A. 1981, ch. P‑20.1, art. 17(1).

 

Provincial Judges and Masters in Chambers Pension Plan Amendment Regulation, Alta. Reg. 29/92.

 

Provincial Judges and Masters in Chambers Pension Plan Regulation, Alta. Reg. 265/88.

 

 

Doctrine citée

 

de Smith, Stanley A. Judicial Review of Administrative Action, 5th ed. By Lord Woolf and Jeffrey Jowell. London:  Sweet & Maxwell, 1995.

 

Halsbury’s Laws of England, vol. 1(1), 4th ed. (reissue). By Lord Hailsham of St. Marylebone.  London:  Butterworths, 1989.

 

Rolle’s Abridgment, vol. 2, 1668.

 

Tracey, R. R. S. «Disqualified Adjudicators:  The Doctrine of Necessity in Public Law», [1982] Public Law 628.

 

NOUVELLE AUDITION des pourvois relatifs à l’indépendance des juges des cours provinciales de l’Île-du-Prince-Édouard, du Manitoba et de l’Alberta, [1997] 3 R.C.S. 3.

 

Peter C. Ghiz, pour les appelants dans les renvois de l’Île-du-Prince-Édouard.

 

Gordon L. Campbell et Tracey Clements, pour l’intimé dans les renvois de l’Île-du-Prince-Édouard.

 

Richard F. Taylor, pour l’appelante Sa Majesté la Reine.

 


John A. Legge, pour les intimés Campbell, Ekmecic et Wickman.

 

Robb Tonn et Colin S. Robinson, pour les appelants les juges de la Cour provinciale du Manitoba.

 

E. W. Olson, c.r., pour l’intimée Sa Majesté la Reine du chef du Manitoba.

 

Edward R. Sojonky, c.r., et Jon Brongers, pour l’intervenant le procureur général du Canada.

 

Robb Tonn et Colin S. Robinson, pour l’intervenante l’Association canadienne des juges de cours provinciales.

 

L. Yves Fortier, c.r., et Leigh D. Crestohl, pour l’intervenante la Conférence canadienne des juges.

 

Raynold Langlois, c.r., pour l’intervenante la Conférence des juges du Québec.

 

D. O. Sabey, c.r., et Scott H. D. Bower, pour l’intervenante l’Alberta Provincial Judges’ Association.

 

//Le Juge en chef//

 

Version française du jugement de la Cour rendu par

 


1                             Le Juge en chef ‑‑ Le 18 septembre 1997, notre Cour a rendu un arrêt traitant de l’inconstitutionnalité de certaines mesures qui avaient été prises par les gouvernements des provinces de l’Alberta, du Manitoba et de l’Île‑du‑Prince‑Édouard et qui portaient atteinte à l’indépendance des juges de leur cour provinciale respective ([1997] 3 R.C.S. 3 (l’«Affaire des juges des cours provinciales»)).  La Cour a prononcé plusieurs déclarations invalidant des lois ou condamnant des actes qui portaient atteinte à l’inamovibilité, ainsi qu’à la sécurité financière ou à l’indépendance administrative -- ou aux deux -- des juges de la Cour provinciale de l’Alberta et de celle du Manitoba.  Nous avons également rendu un avis consultatif en réponse aux questions posées sur les mêmes sujets dans les renvois concernant la Cour provinciale de l’Île‑du‑Prince‑Édouard.  Les déclarations invalidant les dispositions attentatoires des textes législatifs et réglementaires provinciaux ont annulé ces dispositions rétroactivement.  Toutefois, ces déclarations ne «corrigent» pas tous les effets inconstitutionnels que produisaient ces dispositions pendant qu’elles étaient en vigueur:  Air Canada c. Colombie‑Britannique, [1989] 1 R.C.S. 1161, à la p. 1195.

 


2                             Un des effets de ces dispositions législatives portant atteinte à la sécurité financière des juges de cours provinciales avait été de rendre ces tribunaux dépendants.  L’annulation rétroactive des réductions de traitement par notre Cour ne change rien au fait que les juges des cours provinciales n’étaient pas indépendants durant la période où ces réductions leur étaient imposées.  L’alinéa 11 d )  de la Charte canadienne des droits et libertés  garantit à tout inculpé le droit «d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable» (je souligne).  L’arrêt de notre Cour a eu pour résultat que toute personne déclarée coupable d’une infraction par la cour provinciale de l’Alberta, du Manitoba ou de l’Île‑du‑Prince‑Édouard pendant que ces textes de loi inconstitutionnels étaient appliqués a été privée des droits qui lui sont garantis par l’al. 11d).  Toutefois, ces violations ne sont pas «censées» n’avoir jamais eu lieu du fait de l’annulation rétroactive des textes de loi les ayant causées.

 

3                             Les procureurs généraux de l’Alberta, du Manitoba et de l’Île‑du‑Prince‑Édouard sont revenus devant notre Cour pour demander principalement des déclarations portant que les décisions passées des juges des cours provinciales sont censées valides.  Les raisons pour lesquelles une telle réparation n’est pas nécessaire ainsi que la décision de la Cour au sujet de l’autre réparation demandée par chacune de ces provinces sont exposées plus loin.  J’expliquerai également notre décision de suspendre temporairement l’application de l’exigence relative au mécanisme indépendant, objectif et efficace de détermination de la rémunération des juges.

 

A.  La doctrine de la nécessité

 


4                             Les procureurs généraux des trois provinces sont revenus devant notre Cour principalement pour solliciter des mesures supplémentaires afin que l’Affaire des juges des cours provinciales n’ait pas pour effet d’exposer toutes les décisions rendues par leur cour provinciale respective à des contestations fondées sur l’al. 11d).  Ces trois provinces ont demandé des déclarations portant que les actes et les décisions passés des juges de leurs cours provinciales sont censés valides, malgré l’absence d’indépendance de ces tribunaux.  Il n’est pas nécessaire que notre Cour prononce de telles déclarations.  Les décisions passées des cours provinciales de l’Alberta, du Manitoba et de l’Île‑du‑Prince‑Édouard ne peuvent être réexaminées sur le fondement des lacunes constitutionnelles de ces tribunaux qui ont été étudiées dans les motifs de notre Cour dans l’Affaire des juges des cours provinciales.  La règle générale selon laquelle un juge qui n’est pas impartial est inhabile à entendre une affaire connaît une exception.  Cette exception permet à un juge qui, sans elle, serait inhabile à connaître d’un litige d’entendre quand même cette affaire dans les cas où il n’y a pas de juge impartial en mesure de le remplacer.  En effet, le droit reconnaît que, dans certaines situations, il est préférable d’avoir un juge qui n’est ni indépendant ni impartial plutôt que de ne pas avoir de juge du tout.

 

5                             Cette exception, habituellement appelée «doctrine de la nécessité» ou «règle de la nécessité», s’est développée parallèlement à la règle générale de l’inhabilité.  La première décision publiée dans laquelle ce principe a été appliqué semble être une affaire décidée en 1430, dans laquelle on a statué que les juges des plaids communs n’étaient pas inhabiles à juger une action intentée contre l’ensemble de ces juges, puisqu’il n’y avait pas d’autre tribunal pouvant être saisi de l’affaire:  Year Book, 8 Hen. 6, 19b; 2 Rolle’s Abridgment (1668), à la p. 93.  Cette règle a été appliquée par les plus hauts tribunaux de plusieurs pays de common law; voir, par exemple, Dimes c. Grand Junction Canal (Proprietors of) (1852), 3 H.L.C. 759, 10 E.R. 301; Laws c. Australian Broadcasting Tribunal (1990), 93 A.L.R. 435 (H.C.); et United States c. Will, 449 U.S. 200 (1980).  Notre Cour s’est fondée implicitement sur cette règle dans l’arrêt Beauregard c. Canada, [1986] 2 R.C.S. 56, où nous avons examiné la constitutionnalité de dispositions exigeant que les juges nommés par le gouvernement fédéral, y compris les juges de notre Cour, contribuent une partie de leur traitement au paiement du coût des pensions.

 

6                             Voici comment cette doctrine est expliquée dans Halsbury’s Laws of England (4e éd. 1989), vol. 1(1), au par. 93:

 

[traduction] Si tous les juges du seul tribunal compétent pour trancher une affaire sont susceptibles d’être frappés d’inhabilité, ils peuvent néanmoins être autorisés à entendre et à trancher cette affaire -- et même contraints de le faire -- par l’application de la doctrine de la nécessité qui existe en common law.


Tout comme la variante plus générale de cette doctrine qui a été examinée dans le Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, [1985] 1 R.C.S. 721, cette exception trouve sa source dans le principe de la primauté du droit.  Comme l’ont souligné de Smith, Woolf et Jowell dans Judicial Review of Administrative Action (5e éd. 1995), à la p. 544:

 

[traduction] Une personne susceptible d’être frappée d’inhabilité [pour cause de partialité] en common law peut néanmoins être tenue de trancher l’affaire s’il n’y a pas d’autre tribunal compétent ou si le quorum ne peut être atteint sans elle.  Dans un tel cas, la doctrine de la nécessité s’applique pour éviter qu’il y ait absence de justice.

 

Au terme d’une analyse exhaustive des affaires où l’exception fondée sur la nécessité a été appliquée à des cas d’inhabilité en matière judiciaire, R. R. S. Tracey décrit ainsi la portée de la règle («Disqualified Adjudicators:  The Doctrine of Necessity in Public Law», [1982] Public Law 628, à la p. 641):

 

[traduction] La doctrine s’appliquera lorsque le seul juge à avoir compétence est inhabile ou, dans le cas des tribunaux constitués de plusieurs membres, lorsque le quorum ne peut pas être atteint pour raison d’inhabilité, pourvu que la cause de cette inhabilité soit involontaire.  Elle ne s’appliquera pas lorsque la cause de l’inhabilité est volontaire, sauf dans les rares cas où le juge inhabile est la seule personne ayant le pouvoir d’accomplir un acte officiel qui doit être accompli pour que la justice suive son cours.

 

7                             Nous sommes d’avis d’ajouter à cette définition les deux réserves mentionnées par la Haute Cour d’Australie dans l’arrêt Laws c. Australian Broadcasting Tribunal, précité, à la p. 454:

 


[traduction] . . . dans les cas qui s’y prêtent, la règle de la nécessité s’applique tout autant aux tribunaux administratifs créés par la loi qu’aux cours de justice, en vue d’éviter qu’une absence de justice se produise ou que l’application de dispositions législatives soit contrecarrée.  Cette règle s’applique pour atténuer l’effet d’une situation qui, autrement, constituerait une partialité réelle ou apparente entraînant l’inhabilité, de façon à permettre l’exécution de fonctions publiques dans des circonstances où, si ce n’était son application, l’exécution de ces fonctions serait contrecarrée, au détriment d’intérêts publics ou privés.  Toutefois, cette règle est assortie de deux réserves prima facie.  Premièrement, la règle ne s’applique pas dans les cas où elle entraînerait une injustice concrète et substantielle, puisqu’on ne saurait présumer que le législateur ou le droit entendent que la règle de la nécessité serve d’instrument d’injustice.  Deuxièmement, lorsque la règle est effectivement appliquée, elle ne l’est que dans la mesure justifiée par la nécessité.  [Je souligne.]

 

Ces deux limitations indiquent clairement que la doctrine ne devrait pas être appliquée machinalement.  Le faire porterait gravement atteinte au droit d’être jugé par un tribunal impartial et indépendant que garantit l’al. 11 d )  de la Charte .  La doctrine de la nécessité est injuste de la même manière que le principe de l’autorité de la chose jugée cause de l’injustice; les deux maintiennent les effets de règles de droit inconstitutionnelles.  Bien que la Charte  ait beaucoup contribué à renforcer l’équité dans l’administration du droit criminel, elle ne peut garantir l’équité totale en toutes matières et à n’importe quel prix.  Tout comme le principe de l’autorité de la chose jugée, la doctrine de la nécessité tient compte de l’importance des notions de finalité et de continuité dans l’administration de la justice et autorise un degré limité d’iniquité envers les accusés.  Compte tenu de cet effet préjudiciable, elle ne devrait être appliquée que rarement et avec énormément de circonspection.

 


8                             Comme cette règle s’applique à la situation en litige, en l’absence de démonstration d’une injustice concrète et substantielle dans les circonstances particulières d’un cas donné, la doctrine de la nécessité aura pour effet d’empêcher le réexamen des décisions passées des cours provinciales de l’Alberta, du Manitoba et de l’Île‑du‑Prince‑Édouard sur le seul fondement de l’absence d’indépendance de ces tribunaux qu’a constatée notre Cour dans son jugement du 18 septembre 1997.  Les juges qui ont entendu les affaires concernées étaient tenus de le faire, soit parce que les accusations relevaient de la compétence absolue de la cour provinciale en vertu de l’art. 553  du Code criminel , L.R.C. (1985), ch. C-46 , soit parce que les accusés avaient choisi d’être jugés par un juge de cour provinciale en vertu du par. 554(1), choix qui appartient à l’accusé et non au juge.  Il a été jugé que tous les juges des cours provinciales, sans aucune faute de leur part, avaient perdu leur indépendance par suite des mesures prises par leur gouvernement respectif.  Il aurait été contraire à l’intérêt public de refuser d’entendre des affaires criminelles dans ces circonstances.  Par conséquent, la doctrine de la nécessité s’applique et valide leurs décisions, et il n’est pas nécessaire d’accorder le jugement déclaratoire demandé par les procureurs généraux de l’Alberta, du Manitoba et de l’Île‑du‑Prince‑Édouard.

 

B.   Île‑du‑Prince‑Édouard: le caractère consultatif des réponses aux questions posées dans les renvois

 

9                             Dans le cas de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, il y a une raison supplémentaire de refuser le jugement déclaratoire ainsi que toutes les autres ordonnances demandées par le procureur général de cette province lors de la nouvelle audition. Notre Cour a été saisie de la question de l’indépendance des juges de la Cour provinciale de l’Île‑du‑Prince‑Édouard dans le cadre de deux renvois.  Dans ce contexte, elle n’a pas  compétence pour rendre les ordonnances demandées.  Mes motifs du 18 septembre 1997 ont exposé les réponses de la majorité de la Cour aux questions posées dans deux renvois qui ont été présentés à la Section d’appel de la Cour suprême de l’Île‑du‑Prince‑Édouard et portés en appel devant notre Cour.  Ces réponses constituent un avis consultatif et non un jugement.  Comme je l’ai dit dans le Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man.), art. 79(3), (4) et (7), [1993] 1 R.C.S. 839, à la p. 863:

 


Bien que toutes les parties soient d’avis que la Loi sur les écoles publiques viole l’art. 23  de la Charte , le présent pourvoi nous a été soumis sous forme de renvoi constitutionnel.  Notre Cour a en conséquence le pouvoir de répondre aux questions soumises, mais non de déclarer la loi attaquée inopérante en vertu du par. 52(1)  de la Loi constitutionnelle de 1982 .

 

Voir également l’arrêt Attorney‑General for Ontario c. Attorney-General for Canada, [1912] A.C. 571 (C.P.).

 

10                           La seule affaire dans laquelle notre Cour a prononcé une déclaration contraignante en réponse à un renvoi a été le Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, précité.  Les circonstances de cette affaire étaient exceptionnelles et ne présentent aucune analogie avec les renvois en cause. Dans les renvois de l’Île-du-Prince-Édouard, le fait que l’avis de notre Cour ait uniquement un caractère consultatif ne laisse toutefois pas les parties sans recours.  En effet, elles peuvent demander une déclaration à la Cour suprême de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, et l’avis de notre Cour aura une valeur éminemment persuasive.  À l’opposé, dans le Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, il existait un risque qu’aucun autre tribunal valablement constitué ne soit en mesure de prononcer une déclaration de validité temporaire.  L’arrêt de notre Cour déclarant inconstitutionnelles toutes les lois unilingues de l’Assemblée législative du Manitoba -- qui comprenaient pratiquement toutes les lois adoptées depuis 1890 -- avait eu pour effet de créer un vide juridique potentiel.  Tout tribunal dont la loi constitutive avait été adoptée en anglais seulement était aboli.  La composition même de l’Assemblée législative du Manitoba était également potentiellement invalide.  Le principe de la primauté du droit conférait à notre Cour le pouvoir constitutionnel d’accorder une réparation contraignante dans cette situation exceptionnelle.  Rien dans la présente affaire ne crée une telle nécessité.

 


11                           Par conséquent, notre Cour ne peut pas accorder la réparation précise demandée.  Cependant, la décision de notre Cour sur les questions de droit qui se sont soulevées au cours de l’audition initiale des pourvois du Manitoba et de l’Alberta ainsi qu’au cours de la nouvelle audition (par exemple l’application de la doctrine de la nécessité) lie les tribunaux de l’Île‑du‑Prince‑Édouard et, de fait, tous les autres tribunaux du Canada.  De plus, comme je l’expliquerai plus loin, la période de transition ordonnée par notre Cour s’appliquera partout au Canada.

 

C.  La demande présentée par les appelants dans l’affaire du Manitoba: les dépens

 

12                           Les appelants ont demandé que l’ordonnance relative aux dépens soit modifiée, de sorte que des dépens soient accordés aux appelants sur la base procureur‑ client.  Cette requête est rejetée.

 

D.  Les ordonnances supplémentaires demandées par l’Alberta

 

13                           En plus de demander une déclaration validant les décisions passées de la Cour provinciale, le procureur général de l’Alberta a sollicité deux ordonnances supplémentaires au cours de la nouvelle audition:

 

1.                 Une ordonnance déclarant que les niveaux de traitement des juges de la Cour provinciale de l’Alberta sont ceux fixés:

 

a) dans le Payment to Provincial Judges Amendment Regulation, Alta. Reg. 171/91; ou

 

b) dans le Payment to Provincial Judges Amendment Regulation, Alta. Reg. 116/94.

 


2.                 a) Une ordonnance déclarant que le par. 17(1) de la Provincial Court Judges Act, S.A. 1981, ch. P‑20.1, et ses règlements d’application, c’est-à-dire:

 

(i) le Payment to Provincial Judges Regulation, Alta. Reg. 27/80, et ses modifications, y compris:

 

(A) le Payment to Provincial Judges Amendment Regulation, Alta. Reg. 171/91, ou

 

(B) le Payment to Provincial Judges Amendment Regulation, Alta. Reg. 116/94,

 

                                                                    et

 

(ii) le Provincial Judges and Masters in Chambers Pension Plan Regulation, Alta. Reg. 265/88, et ses modifications, y compris le règlement Alta. Reg. 29/92,

 

disposition et règlements qui seraient actuellement en vigueur si ce n’était la lacune constitutionnelle dont ils souffrent, sont censés être temporairement valides et opérants pendant une période d’un an à compter de la date du jugement.

 

                                                                  OU

 

b) Une ordonnance:

 


(i) portant suspension la déclaration d’invalidité du par. 17(1), ou

 

(ii) portant que cette disposition est censée temporairement valide

 

                                                                    et

 

que la Cour provinciale de l’Alberta et ses juges sont censés former un tribunal indépendant au sens de la Constitution, même si la rémunération des juges a été fixée sans recourir à un comité chargé de la rémunération des juges, pendant une période d’un an.

 

14                           Il n’est pas nécessaire d’accorder la première ordonnance demandée.  La décision de la Cour selon laquelle le Payment to Provincial Judges Amendment Regulation, Alta. Reg. 116/94, est inconstitutionnel a pour effet de faire revivre l’ancien règlement sur la rémunération, le Payment to Provincial Judges Amendment Regulation, Alta. Reg. 171/91.  Cependant, ce rétablissement, par voie de conséquence, de l’Alta. Reg. 171/91 ne devrait pas être considéré comme une décision de notre Cour que cet ancien règlement était valide.  La constitutionnalité de ce règlement n’était pas en litige dans l’Affaire des juges des cours provinciales.  Par conséquent, nous préférons aborder la question de savoir quel est le règlement actuellement en vigueur en Alberta dans notre décision concernant la deuxième ordonnance demandée.

 


15                           La deuxième ordonnance demandée, dont le texte a été reproduit précédemment, a été sollicitée pour deux raisons.  La première raison était de faire préciser les ordonnances rendues après l’audition initiale de l’affaire.  Il régnait une certaine confusion relativement à la question de savoir si la suspension ordonnée dans le jugement initial visait la déclaration d’invalidité du par. 17(1) de la Provincial Court Judges Act ou la déclaration d’invalidité du règlement Alta. Reg. 116/94.  Notre intention était de suspendre la déclaration d’invalidité visant le par. 17(1) de la Loi, et non la déclaration visant le règlement inconstitutionnel.  Par conséquent, le jugement du 18 septembre 1997 est modifié de manière à refléter cette intention.  Notre Cour déclare inconstitutionnel le par. 17(1) de la Provincial Court Judges Act.  Toutefois, compte tenu du fardeau institutionnel auquel doit faire face l’Alberta, nous suspendons pour un an cette déclaration d’invalidité.  Le Payment to Provincial Judges Amendment Regulation, Alta. Reg. 116/94, est également inopérant, et cette déclaration produit ses effets rétroactivement depuis le 18 septembre 1997.

 

16                           La seconde raison invoquée par l’Alberta pour solliciter la deuxième ordonnance demandée, dont le texte est lui aussi reproduit précédemment, était de faire en sorte que la Cour provinciale puisse continuer à fonctionner pendant que le gouvernement s’affaire au processus d’examen de la rémunération des juges requis par le jugement initial.  La suspension de l’exigence relative au recours à un processus indépendant, objectif et efficace en cas de modification ou de blocage de la rémunération des juges, processus décrit ci‑dessous, permettra de répondre à cette préoccupation.  Il n’est donc pas nécessaire d’accorder la réparation demandée.

 

E.  La période de transition

 


17                           Les procureurs généraux de l’Alberta et de l’Île‑du‑Prince‑Édouard ainsi que plusieurs des intervenants ont demandé une réparation supplémentaire pour faire en sorte que les tribunaux qui ne sont pas indépendants actuellement puissent continuer de fonctionner pendant que les gouvernements s’affairent au processus d’examen de la rémunération des juges requis par le jugement rendu par notre Cour le 18 septembre 1997.  En raison de la nature même de ce processus, il faudra un temps considérable pour le compléter.  Comme certaines provinces, telles l’Alberta et l’Île‑du‑Prince‑Édouard, n’ont jamais eu de commission chargée de la rémunération des juges, elles ont besoin de temps pour constituer une telle commission.  En outre, même si cela n’est pas requis par l’al. 11d), nous avons recommandé que l’organisme indépendant chargé de fixer ou de recommander le niveau de la rémunération des juges s’assure qu’il est bien informé avant de tenir ses délibérations et de faire ses recommandations (l’Affaire des juges des cours provinciales, précitée, au par. 173).  Les assemblées législatives auront également besoin de temps pour répondre aux recommandations de la commission.

 

18                           En conséquence, afin de donner aux gouvernements le temps de se conformer aux exigences constitutionnelles prescrites par notre jugement du 18 septembre 1997 et de faire en sorte que la bonne administration de la justice ne soit pas perturbée dans l’intervalle, la Cour a décidé de suspendre tous les aspects de l’exigence concernant le processus indépendant, objectif et efficace de détermination de la rémunération des juges, y compris tout remboursement pour réduction antérieure de traitement, pendant une année à compter de la date du jugement initial.  Autrement dit, il y aura une période de transition d’un an avant l’entrée en vigueur de cette exigence.  Le 18 septembre 1998, l’exigence relative à la commission de la rémunération des juges s’appliquera pour l’avenir.

 


19                           Dans les provinces où il faudra moins d’un an pour appliquer le processus d’examen de la rémunération des juges prescrit par l’al. 11d), cette suspension ne devrait pas être considérée comme une autorisation de retarder l’observation des impératifs constitutionnels exposés dans l’Affaire des juges des cours provinciales.  La suspension est accordée pour le bénéfice des provinces qui n’ont pas encore eu suffisamment de temps pour corriger les lacunes constitutionnelles de leurs textes de loi ayant une incidence sur l’indépendance de la magistrature.  Quant aux provinces qui respectaient déjà le droit d’être jugé par un tribunal indépendant garanti à l’al. 11 d )  de la Charte  et à celles qui ont agi promptement pour corriger les lacunes révélées par les précisions données par notre Cour au sujet du contenu de la garantie prévue à l’al. 11d), il convient de les féliciter.

 

20                           Je souligne que le caractère prospectif de l’exigence relative à la rémunération des juges ne modifie pas la rétroactivité des déclarations d’invalidité prononcées dans la présente affaire (par exemple les déclarations concernant l’Alta. Reg. 116/94 et le projet de loi 22 du Manitoba (Loi sur la réduction de la semaine de travail et la gestion des salaires dans le secteur public, L.M. 1993, ch. 21)).  Dans les  rares cas où notre Cour a rendu une décision applicable pour l’avenir, elle a toujours permis à la partie qui a porté l’affaire devant le tribunal de profiter de la conclusion d’inconstitutionnalité:  voir, par exemple, R. c. Brydges, [1990] 1 R.C.S. 190; R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 117.

 

21                           La Cour restera saisie de l’affaire jusqu’à la fin de la période de suspension, et, au besoin, les parties et tout intervenant pourront demander à la Cour des directives supplémentaires pendant cette période.

 

Jugement en conséquence.

 

Procureur des appelants dans les renvois de l’Île-du-Prince-Édouard:  Peter C. Ghiz, Charlottetown.

 

Procureurs de l’intimé dans les renvois de l’Île-du-Prince-Édouard:  Stewart McKelvey Stirling, Charlottetown.


Procureur de l’appelante Sa Majesté la Reine:  Le ministère de la Justice, Edmonton.

 

Procureurs des intimés Campbell et Ekmecic:  Legge & Muszynski, Calgary.

 

Procureurs de l’intimé Wickman:  Gunn & Prithipaul, Edmonton.

 

Procureurs des appelants les juges de la Cour provinciale du Manitoba:  Myers Weinberg Kussin Weinstein Bryk, Winnipeg.

 

Procureurs de l’intimée Sa Majesté la Reine du chef du Manitoba:  Thompson Dorfman Sweatman, Winnipeg.

 

Procureur de l’intervenant le procureur général du Canada:  George Thomson, Ottawa.

 

Procureurs de l’intervenante l’Association canadienne des juges de cours provinciales:  Myers Weinberg Kussin Weinstein Bryk, Winnipeg.

 

Procureurs de l’intervenante la Conférence canadienne des juges:  Ogilvy Renault, Montréal.

 

Procureurs de l’intervenante la Conférence des juges du Québec:  Langlois Gaudreau, Montréal.

 

Procureurs de l’intervenante l’Alberta Provincial Judges’ Association:  Bennett Jones Verchere, Calgary.

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