COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43, [2016] 2 R.C.S. 204 |
Appel entendu : 31 mars 2016 Jugement rendu : 21 octobre 2016 Dossier : 36410 |
Entre :
Matthew John Anthony-Cook
Appelant
et
Sa Majesté la Reine
Intimée
- et -
Directeur des poursuites pénales du Canada,
procureur général de l’Ontario,
Criminal Lawyers’ Association (Ontario),
Association des avocats de la défense de Montréal et
Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique
Intervenants
Traduction française officielle
Coram : Les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon, Côté et Brown
Motifs de jugement : (par. 1 à 67) |
Le juge Moldaver (avec l’accord des juges Abella, Karakatsanis, Wagner, Gascon, Côté et Brown) |
R. c. Anthony‑Cook, 2016 CSC 43, [2016] 2 R.C.S. 204
Matthew John Anthony‑Cook Appelant
c.
Sa Majesté la Reine Intimée
et
Directeur des poursuites pénales du Canada,
procureur général de l’Ontario,
Criminal Lawyers’ Association (Ontario),
Association des avocats de la défense de Montréal et
Association des libertés civiles de la Colombie‑Britannique Intervenants
Répertorié : R. c. Anthony‑Cook
2016 CSC 43
No du greffe : 36410.
2016 : 31 mars; 2016 : 21 octobre.
Présents : Les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon, Côté et Brown.
en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique
Droit criminel — Détermination de la peine — Procédure de détermination de la peine — Plaidoyer de culpabilité — Recommandation conjointe relative à la peine présentée par les avocats du ministère public et de la défense — Le juge du procès a‑t‑il commis une erreur en écartant la recommandation conjointe? — Critère juridique que les juges du procès devraient appliquer pour décider s’il est approprié, dans une affaire donnée, d’écarter une recommandation conjointe.
A‑C fréquentait une halte‑accueil offrant de l’aide aux personnes qui ont des problèmes de santé mentale et de dépendance. Il présentait depuis longtemps des troubles mentaux et des problèmes d’alcoolisme et de toxicomanie. Le 9 février 2013, A‑C a frappé un bénévole de la halte‑accueil, G, qui a fait une chute et est mort lorsque sa tête a heurté la chaussée. A‑C était âgé de 28 ans et avait un casier judiciaire. À la suite de son arrestation, on l’a amené dans un établissement psychiatrique. Après sa libération, A‑C a enfreint les conditions de sa libération sous caution et il a par la suite été détenu sur une période d’environ 11 mois, jusqu’à son audience de détermination de la peine. Après plusieurs jours de procès, il s’est reconnu coupable d’homicide involontaire coupable pour sa participation au décès de G. Le ministère public et la défense ont présenté une recommandation conjointe relative à la peine prévoyant une période de 18 mois de détention additionnels sans période de probation par la suite. Le juge du procès a appliqué un « critère de la justesse » pour rejeter la recommandation conjointe. Il a conclu qu’une peine de détention de deux ans moins un jour était appropriée, déduction faite de la période de détention présentencielle, et il a ajouté une ordonnance de probation pour une période de trois ans. La Cour d’appel a unanimement rejeté l’appel de A‑C à l’encontre de la peine imposée puisque celle‑ci était juste dans les circonstances.
Arrêt : Le pourvoi est accueilli et la peine est modifiée pour qu’elle soit conforme à la recommandation conjointe.
Les recommandations conjointes relatives à la peine — lorsque les avocats du ministère public et de la défense recommandent au juge du procès une peine en particulier en échange d’un plaidoyer de culpabilité de la part de l’accusé — sont essentielles au bon fonctionnement du système de justice pénale et du système de justice en général. Habituellement, de telles ententes n’ont rien d’exceptionnel, et les juges du procès les acceptent d’emblée. À l’occasion cependant, une recommandation conjointe peut sembler trop clémente, ou peut‑être trop sévère, et le juge du procès n’est pas tenu de l’accepter (Code criminel, sous‑al. 606(1.1)b)(iii)).
Il n’y a pas de consensus au sujet du critère juridique que les juges du procès devraient appliquer pour décider s’il y a lieu d’écarter une recommandation conjointe dans un cas donné. Quatre critères peuvent être appliqués : celui de la justesse, celui de la peine manifestement non indiquée, celui de l’intérêt public, et celui pour lequel on considère que le critère de la justesse et celui de l’intérêt public sont essentiellement le même. Le critère de l’intérêt public est celui que les juges du procès devraient appliquer. Selon ce critère, un juge du procès ne devrait pas écarter une recommandation conjointe relative à la peine, à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit par ailleurs contraire à l’intérêt public. La présentation de recommandations conjointes ne reste possible que si les parties sont très confiantes qu’elles seront acceptées. Le critère de l’intérêt public est plus rigoureux que les autres critères proposés et il reflète le mieux les nombreux avantages que les recommandations conjointes apportent au système de justice pénale ainsi que le besoin correspondant d’un degré de certitude élevé que ces recommandations seront acceptées.
Les avocats du ministère public et de la défense sont bien placés pour en arriver à une recommandation conjointe qui favorise tant les intérêts du public que ceux de l’accusé. Les juges du procès ne devraient pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe; ils ne devraient le faire que lorsque des personnes renseignées et raisonnables estimeraient que la peine proposée fait échec au bon fonctionnement du système de justice. Un seuil moins élevé que celui‑ci jetterait trop d’incertitude sur l’efficacité des ententes de règlement.
Il y a lieu d’appliquer les procédures suivantes lorsque la recommandation conjointe est controversée et soulève des préoccupations pour le juge du procès. Premièrement, les juges du procès devraient aborder la recommandation conjointe telle qu’elle leur est présentée. Deuxièmement, le juge du procès doit appliquer le critère de l’intérêt public lorsqu’il envisage d’infliger une peine plus lourde ou plus clémente que celle recommandée conjointement, bien que les considérations qui sous-tendent l’intérêt public puissent être différentes selon le contexte. Troisièmement, le juge du procès peut s’informer des circonstances à l’origine de la recommandation conjointe, en particulier tous les avantages obtenus par le ministère public ou toutes les concessions faites par l’accusé. Quatrièmement, le juge du procès devrait faire part aux avocats de ses préoccupations et les inviter à y répondre, en leur indiquant notamment la possibilité de permettre à l’accusé de retirer son plaidoyer de culpabilité. Cinquièmement, si les préoccupations du juge du procès ne sont pas atténuées, le juge peut permettre à l’accusé de retirer son plaidoyer de culpabilité. Enfin, si le juge du procès n’est pas convaincu par les observations des avocats, il devrait énoncer des motifs clairs et convaincants à l’appui de sa décision d’écarter la recommandation conjointe.
En l’espèce, le juge du procès a appliqué le critère de la justesse, un critère moins rigoureux que celui qu’il aurait dû appliquer et, ce faisant, il a commis une erreur de principe. En raison de l’erreur du juge du procès, il n’y a pas lieu de faire montre de déférence. En appliquant le critère juridique approprié — le critère de l’intérêt public, — la peine proposée par les parties ne justifiait pas, dans les circonstances, un rejet de la recommandation conjointe. En fait, elle s’approchait de la fourchette de peines indiquée par le juge du procès. De plus, A‑C a renoncé à son droit à un procès et à tout argument relatif à la légitime défense qu’il aurait pu invoquer. En fin de compte, en dérogeant — de seulement six mois — à la peine de détention recommandée, c’est tout juste si le juge ne l’a pas simplement remaniée. En outre, l’ordonnance de probation n’aurait pas dû être prononcée. L’opinion des avocats, selon laquelle l’ordonnance de probation était redondante et n’était donc pas nécessaire pour assurer la protection du public, était raisonnable dans les circonstances.
Jurisprudence
Arrêt non suivi : R. c. Douglas (2002), 162 C.C.C. (3d) 37; arrêts mentionnés : R. c. Nixon, 2011 CSC 34, [2011] 2 R.C.S. 566; R. c. G.W.C., 2000 ABCA 333, 277 A.R. 20; R. c. Bezdan, 2001 BCCA 215, 154 B.C.A.C. 122; R. c. MacIvor, 2003 NSCA 60, 215 N.S.R. (2d) 344; R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, [2015] 3 R.C.S. 1089; R. c. Dorsey (1999), 123 O.A.C. 342; R. c. Druken, 2006 NLCA 67, 261 Nfld. & P.E.I.R. 271; R. c. Nome, 2002 BCCA 468, 172 B.C.A.C. 183; R. c. Cerasuolo (2001), 151 C.C.C. (3d) 445; R. c. Dion, 2015 QCCA 1826; R. c. Dumont, 2013 QCCA 576; R. c. Mailhot, 2013 QCCA 870; R. c. B.O.2, 2010 NLCA 19; R. c. Edgar, 2010 ONCA 529, 101 O.R. (3d) 161; R. c. DeSousa, 2012 ONCA 254, 109 O.R. (3d) 792; R. c. Power, [1994] 1 R.C.S. 601; R. c. Oxford, 2010 NLCA 45, 299 Nfld. & P.E.I.R. 327; R. c. Sinclair, 2004 MBCA 48, 185 C.C.C. (3d) 569; R. c. Tkachuk, 2001 ABCA 243, 293 A.R. 171.
Lois et règlements cités
Code criminel, L.R.C. 1985, c. C‑46, art. 606(1.1)b)(iii).
Mental Health Act, R.S.B.C. 1996, c. 288.
Doctrine et autres documents cités
Law Society of British Columbia. Code of Professional Conduct for British Columbia (online : www.lawsociety.bc.ca/docs/publications/mm/BC-Code_2016-06.pdf).
Layton, David, and Michel Proulx. Ethics and Criminal Law, 2nd ed., Toronto, Irwin Law, 2015.
Ontario. Report of the Attorney General’s Advisory Committee on Charge Screening, Disclosure, and Resolution Discussions, Toronto, The Committee, 1993.
Ruby, Clayton C., Gerald J. Chan and Nader R. Hasan. Sentencing, 8th ed., Markham (Ont.), LexisNexis, 2012.
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (les juges Neilson, Bennett et Garson), 2015 BCCA 22, 367 B.C.A.C. 96, 631 W.A.C. 96, [2015] B.C.J. No. 63 (QL), 2015 CarswellBC 79 (WL Can.), qui a confirmé une décision du juge Ehrcke relative à la détermination de la peine, 2014 BCSC 1503, [2014] B.C.J. No. 2055 (QL), 2014 CarswellBC 2353 (WL Can.). Pourvoi accueilli.
Micah B. Rankin, Michael Sobkin et Jeremy G. Jensen, pour l’appelant.
Mary T. Ainslie, c.r., et Megan A. Street, pour l’intimée.
David W. Schermbrucker et Monica McQueen, pour l’intervenant le directeur des poursuites pénales du Canada.
Elise Nakelsky, pour l’intervenant le procureur général de l’Ontario.
Joseph Di Luca et Erin Dann, pour l’intervenante Criminal Lawyers’ Association (Ontario).
Nicholas St‑Jacques, Lida Sara Nouraie et Walid Hijazi, pour l’intervenante l’Association des avocats de la défense de Montréal.
Emily Lapper et Ryan D. W. Dalziel, pour l’intervenante l’Association des libertés civiles de la Colombie‑Britannique.
Version française du jugement de la Cour rendu par
[1] Le juge Moldaver — Les discussions que tiennent les avocats du ministère public et ceux de la défense en vue d’un règlement sont non seulement courantes dans le système de justice pénale, elles sont essentielles. Menées correctement, elles permettent un fonctionnement en douceur et efficace du système.
[2] Les recommandations conjointes relatives à la peine — c’est‑à‑dire lorsque les avocats du ministère public et de la défense conviennent de recommander au juge une peine en particulier, en échange d’un plaidoyer de culpabilité de la part de l’accusé — font partie des discussions en vue d’un règlement[1]. Elles constituent un moyen à la fois accepté et acceptable d’arriver à une entente sur le plaidoyer. On en voit tous les jours dans les salles d’audience partout au pays, et elles sont essentielles au bon fonctionnement du système de justice pénale. Comme l’a dit notre Cour dans R. c. Nixon, 2011 CSC 34, [2011] 2 R.C.S. 566, ces recommandations conjointes contribuent non seulement à ce « que l’on règle la grande majorité des affaires pénales au Canada », mais « elles contribuent donc à rendre le système de justice pénale équitable et efficace » (par. 47).
[3] Toutefois, les recommandations conjointes relatives à la peine ne sont pas sacro‑saintes. Les juges du procès peuvent les écarter. Ce fut le cas dans la présente affaire. L’appelant, M. Anthony‑Cook, a enregistré un plaidoyer de culpabilité pour homicide involontaire coupable en se fondant sur une recommandation conjointe relative à la peine. Le juge du procès a rejeté la recommandation conjointe et a imposé une peine de détention plus longue que celle que proposaient les avocats du ministère public et de la défense. Il a aussi prononcé une ordonnance de probation de trois ans, même si la recommandation conjointe ne prévoyait pas de période de probation.
[4] La question précise dont nous sommes saisis est de savoir si le juge du procès a commis une erreur en écartant la recommandation conjointe des parties. La question plus générale concerne le critère juridique que les juges du procès devraient appliquer pour décider s’il est approprié, dans une affaire donnée, d’écarter une recommandation conjointe.
[5] Pour les motifs qui suivent, et avec égards, je suis d’avis que le juge du procès en l’espèce a appliqué un critère moins rigoureux que celui qu’il aurait dû appliquer lorsqu’il a choisi d’écarter la recommandation conjointe — et, ce faisant, il a commis une erreur de principe. Il a appliqué un critère relatif à la « justesse de la peine ». Le critère qu’il aurait dû appliquer était de savoir si la peine proposée serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, ou serait par ailleurs contraire à l’intérêt public.
[6] En raison de l’erreur du juge du procès, il n’y a pas lieu de faire montre de déférence, et nous pouvons examiner l’affaire à nouveau, en utilisant le bon critère pour déterminer si la recommandation conjointe relative à la peine aurait dû être acceptée. En appliquant ce critère, je suis convaincu que, dans les circonstances, la peine proposée par les parties ne justifiait pas un rejet de la recommandation conjointe. Par conséquent, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi et de modifier la peine pour qu’elle soit conforme à la recommandation conjointe.
I. Les faits
[7] Le 16 juin 2014, l’appelant a enregistré un plaidoyer de culpabilité pour homicide involontaire coupable relativement à son rôle dans la mort de Michael Gregory. Les faits à l’origine de son plaidoyer sont aussi simples qu’ils sont tragiques.
[8] La société Kettle Friendship Society (la « Société ») de Vancouver, en Colombie‑Britannique, dispense des services aux personnes qui ont des problèmes de santé mentale et de dépendance. L’appelant présente ces problèmes depuis longtemps et, de temps à autre, il se rendait à la halte‑accueil de la Société pour obtenir de l’aide. C’est également ce que faisait M. Gregory qui, en plus de recevoir de l’aide, agissait à titre de bénévole.
[9] Le 9 février 2013, M. Gregory s’est rendu à la halte le matin, mais il a quitté vers 10 h 30 parce qu’il ne se sentait pas bien. L’appelant se trouvait dans la salle des ordinateurs de la halte à peu près au même moment. Une des autres personnes présentes s’est plainte du fait que l’appelant dérangeait. Des membres du personnel ont trouvé ce dernier alors qu’il blasphémait et frappait sur un tableau situé près d’un ordinateur. Ils lui ont dit de quitter les lieux, ce qu’il a fait. En sortant, il a crié en direction du personnel; il semblait en colère et perturbé.
[10] Comme l’appelant quittait la halte‑accueil, il a vu M. Gregory qui traversait la rue, s’éloignant de lui. L’appelant a interpellé M. Gregory, lui criant des propos selon lesquels il allait lui [traduction] « botter la tête ».
[11] Monsieur Gregory a répliqué en criant à l’appelant de [traduction] « se déniaiser » ou de « se taire ». Il a alors changé de direction et, après avoir rattrapé l’appelant, il l’a saisi par l’épaule et a commencé à le pousser. Les deux hommes se sont poussés l’un l’autre. Monsieur Gregory a continué à crier, et l’appelant lui a envoyé trois ou quatre coups de poing, mais aucun d’eux n’a porté.
[12] Monsieur Gregory s’est alors éloigné de l’appelant, en reculant les mains en l’air. L’appelant s’est avancé et a donné deux autres coups de poing, frappant M. Gregory dans la région de la tête et du cou. Le premier coup a étourdi M. Gregory, et le second lui a fait perdre connaissance. Monsieur Gregory est tombé à la renverse. Son crâne s’est fracturé en heurtant la chaussée. Il n’a jamais repris conscience, et son décès a été constaté à l’hôpital. Tous les coups de poing ont été assénés en 10 à 20 secondes.
[13] Après la chute de M. Gregory, l’appelant a pris la fuite. La police l’a trouvé et l’a arrêté environ cinq heures plus tard. Il a été libéré sans accusation le jour suivant, mais il a été détenu dans un établissement psychiatrique, conformément à un mandat du directeur décerné sous le régime de la Mental Health Act, R.S.B.C. 1996, c. 288. Il a été détenu en établissement psychiatrique pendant environ deux mois, jusqu’au 4 avril 2013, lorsqu’il a été confié à la garde de la police et a été accusé d’homicide involontaire coupable.
[14] Quatre jours plus tard, l’appelant a obtenu une libération sous caution assortie de certaines conditions. Il devait notamment demeurer dans un établissement psychiatrique, à moins de recevoir congé de ses médecins. Au début de juillet 2013, après qu’il eût passé trois mois dans un établissement, les médecins de l’appelant l’ont remis en liberté dans la collectivité. Toutefois, le 19 juillet 2013, il a été arrêté pour bris de la condition de couvre‑feu de son ordonnance de cautionnement, et sa libération a été révoquée. Il a par la suite été détenu sur une période d’environ 11 mois, jusqu’à son audience de détermination de la peine en juin 2014.
[15] Initialement, l’appelant avait enregistré un plaidoyer de non‑culpabilité à l’accusation d’homicide involontaire coupable. Après plusieurs jours de procès, il a changé de plaidoyer. Il a plaidé coupable lorsqu’une entente de règlement a été conclue avec le ministère public; cette entente prévoyait que l’appelant purgerait 18 mois de détention additionnels — en plus de la période d’environ un an qu’il avait passée en détention préventive — sans période de probation par la suite. En échange, l’appelant enregistrerait un plaidoyer de culpabilité pour homicide involontaire coupable, abandonnant ainsi son droit à un procès et, de ce fait, à la possibilité d’invoquer la légitime défense.
[16] L’appelant était âgé de 28 ans lorsqu’il a enregistré son plaidoyer. Son casier judiciaire remonte à 2007. Il comporte des déclarations de culpabilité pour introduction par effraction, vol, méfait, et défaut de se conformer à des ordonnances de probation. Son casier judiciaire ne révèle pas d’antécédents de violence, à l’exception d’une déclaration de culpabilité concernant une voie de fait mineure. L’appelant présente depuis longtemps des problèmes de santé mentale et de consommation de drogue. Il souffre d’un trouble psychotique réfractaire (trouble schizoaffectif). Si rien ne laisse croire que la consommation de drogue a joué un rôle dans l’infraction en cause dans la présente affaire, elle constituait un facteur dans certaines des infractions commises par l’appelant auparavant.
[17] À l’audience de détermination de la peine, le juge du procès a avisé les avocats du ministère public et de la défense qu’il avait de sérieuses réserves au sujet de la recommandation conjointe. Il a demandé qu’on lui présente des observations additionnelles. Il a également invité l’appelant à présenter une demande en vue de retirer son plaidoyer de culpabilité, s’il désirait le faire. L’appelant a décliné l’invitation du juge.
[18] Le juge du procès a exprimé deux préoccupations au sujet de la recommandation conjointe. Il a d’abord fait remarquer que les avocats avaient erronément surestimé de quelque six mois le crédit auquel l’appelant avait droit pour le temps passé en détention présentencielle. L’avocat du ministère public a reconnu l’erreur, mais a déclaré qu’elle ne modifiait pas sa position sur la recommandation conjointe, et il a continué à solliciter une peine de détention additionnelle de 18 mois.
[19] En second lieu, le juge du procès craignait que, sans une ordonnance de probation, la peine ne protégerait pas adéquatement le public. En particulier, il estimait important que l’appelant s’abstienne de consommer des drogues non prescrites par un médecin. Les avocats ont informé le juge qu’une ordonnance de probation ne serait pas appropriée pour deux raisons. Premièrement, elle serait redondante, parce que l’appelant demeurait sous le coup d’un certificat d’admission sous le régime de la Mental Health Act, et qu’il serait surveillé par son équipe médicale pendant qu’il vivrait dans la collectivité. En cas d’aggravation de sa psychose ou de défaut de sa part de prendre ses médicaments, un mandat pourrait être décerné, exigeant son retour à l’hôpital, où il demeurerait jusqu’à ce que son équipe médicale estime qu’il conviendrait de lui donner congé. Deuxièmement, les avocats ont maintenu qu’une ordonnance de probation serait vouée à l’échec, parce que, dans le passé, l’appelant avait, du fait de sa maladie mentale, éprouvé de la difficulté à respecter de multiples obligations de se présenter à un agent de probation.
II. Décisions des juridictions inférieures
A. Cour suprême de la Colombie‑Britannique (le juge Ehrcke), 2014 BCSC 1503
[20] Le juge du procès a rejeté la recommandation conjointe. Après l’avoir [traduction] « examinée très minutieusement », il a conclu qu’elle « n’accorderait pas l’importance qu’il faut accorder aux principes de dénonciation, de dissuasion et de protection du public » (par. 68 (CanLII)). Plutôt que de condamner l’appelant à une peine de 18 mois de détention additionnels, selon ce qui lui avait été demandé, il lui a imposé une peine de détention de deux ans moins un jour (en tenant compte de la période de détention présentencielle) — une différence de six mois. De plus, il a prononcé à l’encontre de l’appelant une ordonnance de probation pour une période de trois ans.
[21] En écartant la recommandation conjointe, le juge du procès a pris en considération la situation de l’appelant et les circonstances de l’infraction, de même que les divers précédents en matière de détermination de la peine cités par les avocats. Selon lui, la peine de trois ans était une juste peine (avant le crédit pour la détention présentencielle), et toute peine moins sévère [traduction] « ne serait pas une juste peine » (par. 43). Ayant conclu que l’appelant avait droit, pour le temps passé en détention présentencielle, à un crédit moindre que ce qu’avaient recommandé les avocats, il a accru de six mois la peine de détention proposée, afin d’arriver à la peine de trois ans qu’il estimait être « juste ».
[22] Le juge du procès a aussi rejeté la recommandation conjointe dans la mesure où elle ne comportait pas une ordonnance de probation. Selon lui, une telle ordonnance était nécessaire pour assurer la protection du public, parce que l’équipe médicale ne pourrait pas contrôler la consommation, par l’appelant, de drogues illicites. Par conséquent, il a imposé une ordonnance de probation de trois ans, assortie d’une interdiction, pour l’appelant, de posséder ou de consommer des drogues non prescrites à des fins médicales.
B. Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (les juges Neilson, Bennett et Garson), 2015 BCCA 22, 367 B.C.A.C. 96
[23] Les juges de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique ont unanimement rejeté l’appel interjeté par l’appelant à l’encontre de la peine. Au nom de la cour, la juge Garson a conclu que la peine imposée était [traduction] « juste dans les circonstances » (par. 1).
[24] La cour a accepté la position du ministère public selon laquelle il n’était pas nécessaire de décider du critère auquel il faut satisfaire pour écarter une recommandation conjointe. Selon la cour, le juge du procès n’avait pas commis d’erreur dans son appréciation de la fourchette des peines appropriée, et il pouvait refuser d’accorder à l’appelant un crédit pour le temps passé dans un établissement psychiatrique. Il ressort clairement des motifs du juge du procès dans leur ensemble qu’il estimait qu’il ne serait ni juste, ni dans l’intérêt public, qu’il impose la peine recommandée, eu égard au risque que l’appelant posait pour le public s’il consommait des drogues illicites et ne respectait pas son régime de traitement. Bref, la cour n’a constaté aucune erreur dans le raisonnement du juge du procès ou dans la peine qu’il avait imposée.
III. Analyse
[25] Le fait, pour les avocats du ministère public et de la défense, de convenir d’une recommandation conjointe relative à la peine en échange d’un plaidoyer de culpabilité constitue une pratique acceptée et tout à fait souhaitable. Les ententes de cette nature sont monnaie courante, et elles sont essentielles au bon fonctionnement de notre système de justice pénale et de notre système de justice en général. Habituellement, de telles ententes n’ont rien d’exceptionnel, et les juges du procès les acceptent d’emblée. À l’occasion cependant, une recommandation conjointe peut sembler trop clémente, ou peut‑être trop sévère, et le juge du procès n’est pas tenu de l’accepter (Code criminel, L.R.C. 1985, c. C‑46, sous‑al. 606(1.1)b)(iii)). Dans de tels cas, les juges ont besoin d’un critère pour apprécier le caractère acceptable de la recommandation conjointe. La question se pose alors : quel critère appliquer?
[26] La réponse à cette question est controversée, et ce n’est guère surprenant. Les cours d’appel provinciales à travers le pays ne s’entendent pas sur un critère uniforme, les parties ainsi que les divers intervenants qui ont comparu devant nous non plus. Hormis quelques variations mineures, quatre critères ou approches possibles émergent des observations qui nous ont été présentées.
[27] Le premier de ces critères est celui de la « justesse ». Selon ce critère, les juges du procès devraient examiner sérieusement les recommandations conjointes, mais ils peuvent les écarter si, eu égard aux circonstances de l’affaire et aux principes applicables en matière de détermination de la peine, ils concluent que la peine proposée n’est pas « juste ». Certaines cours d’appel provinciales emploient ce critère, plus communément dans les provinces de l’Ouest (voir, par exemple, R. c. G.W.C., 2000 ABCA 333, 277 A.R. 20, par. 17‑18; R. c. Bezdan, 2001 BCCA 215, 154 B.C.A.C. 122, par. 15; R. c. MacIvor, 2003 NSCA 60, 215 N.S.R. (2d) 344, par. 31). L’avocat de l’intimée nous a recommandé avec insistance d’adopter ce critère, en faisant valoir qu’il reflète mieux le devoir du juge du procès de rendre une décision indépendante concernant la peine appropriée.
[28] Le deuxième critère est également un critère de « justesse », bien que d’un genre différent. Il ressemble à la norme de contrôle que les cours d’appel appliquent dans le cadre d’appels en matière de détermination de la peine, dans les cas où il faut faire montre de retenue à l’égard de la peine imposée par le juge du procès. Selon ce critère, le juge du procès ne devrait écarter une recommandation conjointe que s’il arrive à la conclusion que la peine proposée est « manifestement non indiquée » (R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, [2015] 3 R.C.S. 1089, par. 11). Il s’agit clairement d’un critère plus rigoureux que celui de la simple « justesse ». Toutefois, les parties ne nous ont signalé aucune décision d’appel l’ayant adopté, et je n’en connais aucune.
[29] Le troisième critère, appelé communément le critère de l’« intérêt public », a été élaboré dans un rapport ontarien intitulé Report of the Attorney General’s Advisory Committee on Charge Screening, Disclosure, and Resolution Discussions (1993), (le « rapport du comité Martin »)[2]. Selon ce critère, le juge du procès [traduction] « ne devrait écarter une recommandation conjointe que si la peine proposée est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou si elle n’est pas par ailleurs dans l’intérêt public » (p. 327 (italique omis)). Un certain nombre de cours d’appel provinciales ont aussi adopté ce critère (voir, par exemple, R. c. Dorsey (1999), 123 O.A.C. 342, par. 11; R. c. Druken, 2006 NLCA 67, 261 Nfld. & P.E.I.R. 271, par. 29; R. c. Nome, 2002 BCCA 468, 172 B.C.A.C. 183, par. 13‑14). L’appelant appuie ce critère, en raison principalement du fait qu’il prévoit [traduction] « un seuil élevé et vise à inspirer, chez l’accusé qui a renoncé à son droit à un procès, la confiance que la recommandation conjointe qu’il a obtenue en retour d’un plaidoyer de culpabilité sera respectée par le juge chargé de la détermination de la peine » (R. c. Cerasuolo (2001), 151 C.C.C. (3d) 445 (C.A. Ont.), par. 8).
[30] Enfin, certains tribunaux, notamment au Québec, estiment que le critère de la justesse et celui de l’intérêt public sont essentiellement le même et emploient leur formulation de manière interchangeable (bien qu’au Québec, le critère du « caractère raisonnable » soit utilisé au lieu de celui de la « justesse » : voir, par exemple, R. c. Douglas (2002), 162 C.C.C. (3d) 37 (C.A.), par. 51; R. c. Dion, 2015 QCCA 1826, par. 14 (CanLII); R. c. Dumont, 2013 QCCA 576, par. 12 (CanLII); R. c. Mailhot, 2013 QCCA 870, par. 7 (CanLII)). Le meilleur exemple peut‑être de ce double emploi se trouve dans Douglas, un arrêt maintes fois cité de la Cour d’appel du Québec où le juge Fish (plus tard juge de notre Cour) a affirmé ce qui suit :
[traduction] À mon avis, on ne saurait dire qu’une recommandation conjointe raisonnable « déconsidère l’administration de la justice ». Par contre, une recommandation conjointe déraisonnable est sûrement « contraire à l’intérêt public ». En conséquence, bien qu’il soit formulé à dessein en termes frappants et évocateurs, je ne crois pas que le [critère de l’intérêt public] s’écarte considérablement de celui du caractère raisonnable énoncé par d’autres cours, dont la nôtre. Selon leur assise conceptuelle commune, l’acceptation d’une recommandation conjointe relative à la peine qui s’accompagne d’un plaidoyer de culpabilité négocié sert bien l’intérêt de la justice — pourvu, bien sûr, que la peine recommandée conjointement se situe à l’intérieur des limites acceptables et que le plaidoyer soit justifié par les faits admis. [Note en fin d’ouvrage omise; par. 51.]
[31] Après avoir examiné les diverses possibilités, je crois que le critère de l’intérêt public, tel qu’il est développé dans les présents motifs, est celui qui s’impose. Il est plus rigoureux que les autres critères proposés et il reflète le mieux les nombreux avantages que les recommandations conjointes apportent au système de justice pénale ainsi que le besoin correspondant d’un degré de certitude élevé que ces recommandations seront acceptées. De plus, il diffère des critères de « justesse » employés par les juges du procès et les cours d’appel dans les audiences classiques en matière de détermination de la peine et, en ce sens, il aide les juges du procès à se concentrer sur les considérations particulières qui s’appliquent lors de l’appréciation du caractère acceptable d’une recommandation conjointe. Dans la mesure où l’arrêt Douglas prescrit le contraire, j’estime avec égards qu’il est mal fondé et qu’il ne devrait pas être suivi.
A. Le critère approprié
[32] Selon le critère de l’intérêt public, un juge du procès ne devrait pas écarter une recommandation conjointe relative à la peine, à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit par ailleurs contraire à l’intérêt public. Mais que signifie ce seuil? Deux arrêts de la Cour d’appel de Terre‑Neuve‑et‑Labrador sont utiles à cet égard.
[33] Dans Druken, par. 29, la cour a jugé qu’une recommandation conjointe déconsidérera l’administration de la justice ou sera contraire à l’intérêt public si, malgré les considérations d’intérêt public qui appuient l’imposition de la peine recommandée, elle [traduction] « correspond si peu aux attentes des personnes raisonnables instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice pénale ». Et, comme l’a déclaré la même cour dans R. c. B.O.2, 2010 NLCA 19, par. 56 (CanLII), lorsqu’ils examinent une recommandation conjointe, les juges du procès devraient [traduction] « éviter de rendre une décision qui fait perdre au public renseigné et raisonnable sa confiance dans l’institution des tribunaux ».
[34] À mon avis, ces déclarations fermes traduisent l’essence du critère de l’intérêt public élaboré par le comité Martin. Elles soulignent qu’il ne faudrait pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe, une conclusion à laquelle je souscris. Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice avait cessé de bien fonctionner. Il s’agit indéniablement d’un seuil élevé — et à juste titre, comme je l’explique ci‑après.
B. Motifs à l’appui d’un critère rigoureux
[35] Les plaidoyers de culpabilité consentis en échange de recommandations conjointes relatives à la peine constituent une [traduction] « partie appropriée et nécessaire de l’administration de la justice criminelle » (rapport du comité Martin, p. 290). Lorsque les ententes sur le plaidoyer sont « menées correctement, [elles] sont bénéfiques non seulement pour les accusés, mais aussi pour les victimes, les témoins, les avocats et l’administration de la justice en général » (ibid., p. 281 (italique omis)).
[36] Les personnes accusées tirent un avantage à plaider coupable en échange d’une recommandation conjointe relative à la peine (voir D. Layton et M. Proulx, Ethics and Criminal Law (2e éd. 2015), p. 436). L’avantage le plus évident est le fait que le ministère public accepte de recommander une peine que l’accusé est disposé à accepter. Cette recommandation est susceptible d’être plus clémente que ce à quoi l’accusé pourrait s’attendre à l’issue d’un procès ou d’une audience de détermination de la peine contestée. Les personnes accusées qui plaident coupables rapidement sont en mesure de minimiser le stress et les frais liés aux procès. De plus, pour ceux qui éprouvent des remords sincères, un plaidoyer de culpabilité offre une occasion de commencer à reconnaître leurs torts. Pour de nombreux accusés, il est crucial de favoriser au plus haut point la certitude quant au résultat — et une recommandation conjointe, même si elle n’est pas inviolable, offre à cet égard une assurance considérable.
[37] C’est ce que le comité Martin a reconnu. Comme on le fait remarquer à la p. 328 de son rapport, le facteur le plus important dans la [traduction] « possibilité de conclure des ententes de règlement, en tirant ainsi les avantages qu’offrent de telles ententes, est celui de la certitude ». De façon générale, les personnes accusées ne renonceront pas à leur droit à un procès sur le fond, et à toutes les garanties procédurales que suppose celui‑ci, à moins qu’elles aient [traduction] « une certaine assurance que [les juges du procès] honoreront, dans la plupart des cas, les ententes conclues par le ministère public » (Cerasuolo, par. 9).
[38] Le ministère public s’appuie également sur la certitude qu’offrent les recommandations conjointes. Les ententes qui ont un caractère de certitude sont attrayantes pour le ministère public [traduction] « parce qu’il y a moins de risques que soit rejeté ce que l’avocat du ministère public estime être un règlement approprié de l’affaire dans l’intérêt public » (rapport du comité Martin, p. 328).
[39] Du point de vue du ministère public, l’acceptation certaine, ou presque certaine, de recommandations conjointes relatives à la peine offre plusieurs avantages potentiels. Premièrement, la garantie d’une déclaration de culpabilité qui accompagne un plaidoyer de culpabilité rend le règlement souhaitable (rapport du comité Martin, p. 285‑286). Il peut y avoir des failles dans le dossier du ministère public, comme un témoin réticent, un témoin de valeur douteuse ou un élément de preuve potentiellement inadmissible — des problèmes pouvant mener à un acquittement. En convenant d’une recommandation conjointe en échange d’un plaidoyer de culpabilité, le ministère public évite ce risque. Deuxièmement, l’accusé peut avoir des renseignements ou un témoignage à offrir au ministère public pouvant s’avérer inestimable dans le cadre d’autres enquêtes ou poursuites. Ces renseignements peuvent cependant ne pas être communiqués s’il n’y a pas d’entente sur une recommandation conjointe. Troisièmement, le ministère public peut considérer qu’il vaut mieux régler un dossier donné dans l’intérêt des victimes ou des témoins. Lorsqu’un accusé plaide coupable en échange d’une recommandation conjointe relative à la peine, on épargne aux victimes et aux témoins [traduction] « le coût, au plan émotionnel, d’un procès » (R. c. Edgar, 2010 ONCA 529, 101 O.R. (3d) 161, par. 111). De plus, les victimes peuvent trouver du réconfort dans un plaidoyer de culpabilité, étant donné que cela « indique que l’accusé reconnaît sa responsabilité et peut équivaloir à une expression de remords » (ibid.).
[40] En plus des nombreux avantages que les recommandations conjointes offrent aux participants dans le système de justice pénale, elles jouent un rôle vital en contribuant à l’administration de la justice en général. La perspective d’une recommandation conjointe qui comporte un degré de certitude élevé encourage les personnes accusées à enregistrer un plaidoyer de culpabilité. Et les plaidoyers de culpabilité font économiser au système de justice des ressources et un temps précieux qui peuvent être alloués à d’autres affaires. Il ne s’agit pas là d’un léger avantage. Dans la mesure où elles font éviter des procès, les recommandations conjointes relatives à la peine permettent à notre système de justice de fonctionner plus efficacement. Je dirais en fait qu’elles lui permettent de fonctionner. Sans elles, notre système de justice serait mis à genoux, et s’effondrerait finalement sous son propre poids.
[41] Cependant, comme je l’ai mentionné, la présentation de recommandations conjointes ne reste possible que si les parties sont très confiantes qu’elles seront acceptées. Si elles doutent trop, les parties peuvent plutôt choisir d’accepter les risques d’un procès ou d’une audience de détermination de la peine contestée. Si les recommandations conjointes en viennent à être considérées comme des solutions de rechange insuffisamment sûres, l’accusé en particulier hésitera à renoncer à un procès et à ses garanties concomitantes, notamment la faculté cruciale de mettre à l’épreuve la solidité de la preuve du ministère public.
[42] D’où l’importance, pour les juges du procès, de faire montre de retenue et de ne rejeter les recommandations conjointes que lorsque des personnes renseignées et raisonnables estimeraient que la peine proposée fait échec au bon fonctionnement du système de justice. Un seuil moins élevé que celui‑ci jetterait trop d’incertitude sur l’efficacité des ententes de règlement. Le critère de l’intérêt public garantit que ces ententes de règlement jouissent d’un degré de certitude élevé.
[43] En même temps, ce critère reconnaît également que la certitude quant au résultat n’est pas [traduction] « l’objectif ultime du processus de détermination de la peine. La certitude doit céder le pas lorsque le préjudice qu’entraîne l’acceptation de la recommandation conjointe est plus important que les avantages que procure la promotion de la certitude quant au résultat » (R. c. DeSousa, 2012 ONCA 254, 109 O.R. (3d) 792, le juge Doherty, par. 22).
[44] Enfin, je fais remarquer qu’un seuil élevé pour écarter des recommandations conjointes est non seulement nécessaire, mais également approprié, afin que l’on retire tous les avantages des recommandations conjointes. Les avocats du ministère public et de la défense sont bien placés pour en arriver à une recommandation conjointe qui reflète tant les intérêts du public que ceux de l’accusé (rapport du comité Martin, p. 287). En principe, ils connaîtront très bien la situation du contrevenant et les circonstances de l’infraction, ainsi que les forces et les faiblesses de leurs positions respectives. Le ministère public est chargé de représenter l’intérêt de la collectivité à faire en sorte que justice soit rendue (R. c. Power, [1994] 1 R.C.S. 601, p. 616). On exige de l’avocat de la défense qu’il agisse dans l’intérêt supérieur de l’accusé, et il doit notamment s’assurer que le plaidoyer de celui‑ci soit donné de façon volontaire et éclairée (voir, par exemple, Law Society of British Columbia, Code of Professional Conduct for British Columbia (en ligne), règle 5.1‑8). Et les deux avocats sont tenus, sur le plan professionnel et éthique, de ne pas induire le tribunal en erreur (ibid., règle 2.1‑2(c)). Bref, ils sont entièrement capables d’arriver à des règlements équitables et conformes à l’intérêt public (rapport du comité Martin, p. 287).
[45] Gardant à l’esprit ces avantages, de même que le besoin de certitude, j’aborde maintenant les autres critères que proposent le ministère public intimé et certains des intervenants.
C. Les critères de la justesse de la peine et de la peine manifestement non indiquée devraient être rejetés
[46] J’ai déjà indiqué que, selon la position de l’intimée, les juges du procès devraient examiner avec soin les recommandations conjointes, mais ces dernières peuvent être rejetées suivant le simple critère de la « justesse ». Avec égards, ce critère n’est pas assez rigoureux. Suivant ce critère, le juge du procès doit se demander ce que serait une juste peine ou une peine appropriée, au lieu de se demander si des personnes renseignées et raisonnables estimeraient que la peine proposée fait échec au bon fonctionnement du système de justice. Bref, le critère de la « justesse » de la peine n’enjoint pas au juge du procès d’approcher avec retenue les recommandations conjointes. Il envoie plutôt un signal différent et, à mon avis, erroné : le juge peut intervenir s’il diffère d’opinion quant à ce que serait une « juste » peine. Si le juge du procès avait la liberté d’intervenir sur ce fondement, il en résulterait une [traduction] « suppression du recours à la négociation de plaidoyers dans le cadre du processus de poursuite criminelle » (R. c. Oxford, 2010 NLCA 45, 299 Nfld. & P.E.I.R. 327, par. 55).
[47] Bien que le critère de la peine « manifestement non indiquée » appliqué par les cours d’appel soit indubitablement un seuil plus élevé que le simple critère de la « justesse » de la peine, dans de rares cas, ce seuil peut ne pas être suffisamment souple dans le cadre de la recommandation conjointe. Je n’écarterais pas la possibilité qu’une peine, qui serait par ailleurs considérée comme manifestement non indiquée en l’absence d’une recommandation conjointe, puisse néanmoins être acceptable lorsqu’elle est recommandée. Par exemple, prenons le cas d’un accusé impliqué dans un crime très grave dont la preuve peut s’avérer difficile pour le ministère public en raison de lacunes dans son dossier. L’accusé accepte de plaider coupable et d’aider le ministère public dans la poursuite contre ses coconspirateurs pour cette infraction et d’autres encore plus graves. Le ministère public pourrait raisonnablement conclure qu’il est dans l’intérêt public de donner son adhésion, au moyen d’une recommandation conjointe, à une peine très clémente, dans le but d’obtenir le plaidoyer de culpabilité de l’accusé ainsi que son assistance. En résumé, une peine très clémente, même si elle est « manifestement non indiquée », peut, dans une affaire donnée, servir le bien commun.
[48] En outre, le critère de la justesse ainsi que celui de la peine « manifestement non indiquée » appliqué en cour d’appel comportent tous deux une faille semblable : ils sont conçus pour des contextes différents. Il existe donc un risque appréciable que les méthodes appliquées lors des audiences ou des appels classiques en matière de détermination de la peine soient confondues avec celle qu’il faut appliquer dans le cas d’une recommandation conjointe. Dans le cadre des audiences classiques de détermination de la peine, les juges du procès examinent la situation du contrevenant et les circonstances de l’infraction, de même que les principes applicables à la détermination de la peine. Il ne leur est pas demandé de tenir compte de l’avantage, crucial pour le système, qui découle des recommandations conjointes, à savoir la capacité du système de justice de fonctionner équitablement et efficacement. De même, les cours d’appel n’ont pas l’obligation de prendre en considération cet avantage systémique dans le cadre d’un appel classique en matière de détermination de la peine. Le critère de l’intérêt public permet d’éviter ces pièges.
D. Indications à l’intention des juges du procès
[49] Enfin, voici à l’intention des juges du procès quelques indications sur l’approche qu’ils devraient suivre lorsqu’une recommandation conjointe relative à la peine les préoccupe.
[50] Dans l’ensemble, les tribunaux de partout au pays s’entendent sur la procédure qu’un juge devrait suivre quand il est enclin à écarter une recommandation conjointe (voir, par exemple, B.O.2, par. 74‑82; R. c. Sinclair, 2004 MBCA 48, 185 C.C.C. (3d) 569, par. 17; G.W.C., par. 26). Les parties et les intervenants insistent sur l’importance de la procédure. Elle fait en sorte que le juge tiendra compte des recommandations conjointes, et que les personnes accusées — qui ont déjà enregistré un plaidoyer de culpabilité — soient traitées avec équité. La procédure qui suit reflète la sagesse pratique que nos tribunaux de première instance et d’appel ont acquise par l’expérience. Elle n’est censée s’appliquer qu’aux affaires dans lesquelles la recommandation conjointe est controversée et soulève des préoccupations pour le juge du procès. Comme je l’ai déjà mentionné, la plupart des recommandations conjointes n’ont rien d’exceptionnel et sont facilement approuvées d’emblée par les juges du procès[3].
[51] Premièrement, les juges du procès devraient aborder la recommandation conjointe telle qu’elle leur est présentée. Autrement dit, le critère de l’intérêt public s’applique, que le juge envisage de modifier la peine recommandée ou d’y ajouter quelque chose dont les parties n’ont pas fait mention, par exemple une ordonnance de probation. Si les parties n’ont pas sollicité une ordonnance en particulier, le juge devrait supposer qu’elle a été examinée et exclue de la recommandation conjointe. Toutefois, si les avocats ont omis d’inclure une ordonnance impérative, le juge ne devrait pas hésiter à les en informer. Le besoin de certitude dans le contexte des recommandations conjointes ne peut justifier l’omission d’imposer une ordonnance impérative.
[52] Deuxièmement, les juges du procès doivent appliquer le critère de l’intérêt public lorsqu’ils envisagent d’infliger une peine plus lourde ou plus clémente que celle recommandée conjointement (DeSousa, le juge Doherty). Cela ne veut pas dire pour autant que l’analyse sera la même dans les deux cas. Au contraire, du point de vue de l’accusé, l’infliction d’une peine plus clémente ne suscite pas chez lui de préoccupations relativement au droit à un procès équitable, ni ne mine sa confiance envers la certitude des négociations sur le plaidoyer. De plus, quand il se demande si la sévérité d’une peine recommandée conjointement irait à l’encontre de l’intérêt public, le juge du procès doit être conscient de l’inégalité du rapport de force qu’il peut y avoir entre le ministère public et la défense, surtout lorsque l’accusé n’est pas représenté par avocat ou est détenu au moment de la détermination de la peine. Ces facteurs peuvent atténuer l’intérêt qu’a le public dans la certitude et justifier l’imposition d’une peine plus clémente dans des circonstances limitées. Par contre, lorsque le juge du procès envisage d’infliger une peine plus clémente, il doit se rappeler que la confiance de la société envers l’administration de la justice risque d’en souffrir si un accusé profite des avantages d’une recommandation conjointe sans avoir à purger la peine convenue (voir DeSousa, par. 23‑24).
[53] Troisièmement, en présence d’une recommandation conjointe controversée, le juge du procès voudra sans aucun doute connaître les circonstances à l’origine de la recommandation conjointe, en particulier tous les avantages obtenus par le ministère public ou toutes les concessions faites par l’accusé. Plus les avantages obtenus par le ministère public sont grands, et plus l’accusé fait de concessions, plus il est probable que le juge du procès doive accepter la recommandation conjointe, même si celle‑ci peut paraître trop clémente. Par exemple, si la recommandation conjointe est le fruit d’une entente par laquelle l’accusé s’engage à prêter main‑forte au ministère public ou à la police, ou si elle reflète une faille dans la preuve du ministère public, une peine très clémente peut ne pas être contraire à l’intérêt public. Par contre, si la recommandation conjointe ne découlait que du constat de l’accusé qu’une déclaration de culpabilité était inévitable, la même peine pourrait faire perdre au public la confiance que lui inspire le système de justice pénale.
[54] Les avocats doivent évidemment donner au tribunal un compte rendu complet de la situation du contrevenant, des circonstances de l’infraction ainsi que de la recommandation conjointe sans attendre que le juge du procès le demande explicitement. Puisque les juges du procès sont tenus de ne s’écarter que rarement des recommandations conjointes, [traduction] « les avocats ont l’obligation corollaire » de s’assurer qu’ils « justifient amplement leur position en fonction des faits de la cause, tels qu’ils ont été présentés en audience publique » (rapport du comité Martin, p. 329). La détermination de la peine — y compris celle fondée sur une recommandation conjointe — ne peut se faire à l’aveuglette. Le ministère public et la défense doivent [traduction] « présenter au juge du procès non seulement la peine recommandée, mais aussi une description complète des faits pertinents à l’égard du contrevenant et de l’infraction », dans le but de donner au juge « un fondement convenable lui permettant de décider si [la recommandation conjointe] devrait être acceptée » (DeSousa, par. 15; voir aussi Sinclair, par. 14).
[55] Cela ne veut pas dire que les avocats doivent informer le juge du procès [traduction] « des positions qu’ils ont adoptées lors des négociations ou du contenu de leurs discussions ayant mené à l’entente » (R. c. Tkachuk, 2001 ABCA 243, 293 A.R. 171, par. 34). Les avocats doivent cependant être en mesure d’expliquer au juge pourquoi la peine qu’ils recommandent n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou n’est pas par ailleurs contraire à l’intérêt public. S’ils ne le font pas, ils courent le risque de voir le juge du procès rejeter la recommandation conjointe.
[56] Certes, dans certains cas, il ne sera pas possible de consigner au dossier les principales considérations sous‑tendant une recommandation conjointe, en raison de préoccupations quant à la sécurité ou la vie privée, ou du risque de mettre en péril des enquêtes criminelles en cours (voir le rapport du comité Martin, p. 317). Dans de tels cas, les avocats doivent trouver d’autres moyens de communiquer ces considérations au juge du procès, et ce, dans le but de s’assurer que le juge est au fait des facteurs pertinents et qu’un dossier adéquat est créé pour les besoins d’un appel éventuel.
[57] Une justification exhaustive de la recommandation conjointe comporte également un élément important relatif à la perception du public. À moins que les avocats consignent au dossier les considérations sous‑tendant la recommandation conjointe, [traduction] « la justice peut être rendue, mais elle peut paraître ne pas l’être; le public peut soupçonner, à tort ou à raison, qu’elle est entachée d’une irrégularité » (C. C. Ruby, G. J. Chan et N. R. Hasan, Sentencing (8e éd. 2012), p. 73).
[58] Quatrièmement, si le juge du procès n’est pas satisfait de la peine recommandée par les avocats, [traduction] « l’équité fondamentale exige que soit offerte aux avocats la possibilité de présenter des observations additionnelles en vue de tenter de répondre aux préoccupations du juge [. . .] avant qu’il impose la peine » (G.W.C., par. 26). Le juge devrait faire part aux avocats de ses préoccupations, et les inviter à y répondre, en leur indiquant notamment la possibilité de permettre à l’accusé de retirer son plaidoyer de culpabilité, comme l’a fait le juge du procès en l’espèce.
[59] Cinquièmement, si les préoccupations que le juge du procès a soulevées au sujet de la recommandation conjointe ne sont pas atténuées, le juge peut permettre à l’accusé de demander le retrait de son plaidoyer de culpabilité. Il n’est pas nécessaire d’établir, dans les présents motifs, les circonstances dans lesquelles un plaidoyer peut être retiré. Toutefois, à titre d’exemple, le retrait peut être autorisé lorsque les avocats ont commis une erreur fondamentale quant à la légalité de la recommandation conjointe, par exemple si une peine d’emprisonnement avec sursis a été recommandée mais ne peut être imposée.
[60] Enfin, le juge du procès qui n’est toujours pas convaincu par les observations des avocats devrait énoncer des motifs clairs et convaincants à l’appui de sa décision d’écarter la recommandation conjointe. Ces motifs permettront d’expliquer aux parties pourquoi la peine recommandée n’était pas acceptable, et pourront leur être utiles pour le règlement d’affaires ultérieures. Les motifs faciliteront aussi l’examen en appel.
IV. Application
[61] Le ministère public soutient que, peu importe le critère, il était loisible au juge du procès d’écarter la recommandation conjointe. Soit dit en tout respect, je ne peux être d’accord. Hormis le fait que le juge du procès n’a pas appliqué le critère approprié — il s’est seulement demandé si la recommandation conjointe prévoyait une juste peine — il a omis de prendre en compte les avantages systémiques importants des recommandations conjointes, de même que la nécessité correspondante qu’elles soient raisonnablement certaines.
[62] En ce qui a trait à la peine de détention, il semble que le juge du procès ait traité la recommandation conjointe comme s’il s’agissait d’une audience classique de détermination de la peine. En toute déférence, il a ainsi commis une erreur. Les parties ont formulé une recommandation claire et ferme quant à la peine appropriée. Il est important de souligner que le ministère public ne s’est pas désisté de la recommandation conjointe, mais a maintenu sa position selon laquelle il sollicitait une période de détention additionnelle de 18 mois, même après avoir été informé de l’erreur de calcul.
[63] À mon avis, le juge du procès n’avait aucune raison de substituer son opinion à l’entente examinée avec soin par les avocats. La peine de détention proposée, bien que légère, ne l’était pas au point de déconsidérer l’administration de la justice ou d’être contraire à l’intérêt public. Elle s’approchait de la fourchette de peines indiquée par le juge du procès, et, comme je l’ai mentionné, les recommandations conjointes favorisent un fonctionnement en douceur du système de justice pénale. L’appelant a renoncé à son droit à un procès et à tout argument relatif à la légitime défense qu’il aurait pu invoquer. En fin de compte, en dérogeant — de seulement six mois — à la peine de détention recommandée, c’est tout juste si le juge ne l’a pas simplement remaniée.
[64] L’ordonnance de probation soulève des questions plus difficiles, mais, à mon avis, elle n’aurait pas dû être prononcée. Le juge du procès avait raison de se préoccuper de la façon dont l’appelant se comporterait dans la collectivité, mais les avocats lui avaient fourni des explications à ce sujet (voir par. 19 ci‑dessus).
[65] Normalement, une ordonnance de probation interdisant à l’accusé de consommer des drogues non prescrites par un médecin serait assurément justifiée, voire essentielle, lorsqu’il est démontré que la dépendance de l’accusé aux drogues l’a mené à commettre son infraction. L’omission de rendre pareille ordonnance à la suite d’une recommandation conjointe n’est toutefois pas nécessairement fatale, surtout dans un cas comme celui qui nous occupe, où le mandat du directeur et la probabilité que l’ordonnance s’avère vaine font perdre à celle‑ci quelque peu de sa raison d’être.
[66] Après avoir tenu compte de l’intérêt public, le ministère public a de toute évidence estimé que la société serait suffisamment protégée en l’absence d’une ordonnance de probation. L’opinion des avocats, selon laquelle l’ordonnance de probation était redondante et n’était donc pas nécessaire pour assurer la protection du public, était raisonnable dans les circonstances. En fait, les avocats semblent en être venus à une décision pratique quant à la meilleure façon de favoriser la réadaptation de l’appelant tout en assurant la protection du public.
V. Conclusion
[67] Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi et de modifier la peine de l’appelant pour qu’elle soit conforme à la recommandation conjointe, à savoir que l’appelant purge une peine de détention additionnelle de 18 mois, sans période de probation par la suite. La peine recommandée conjointement par le ministère public et la défense n’était pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice et n’était pas par ailleurs contraire à l’intérêt public.
Pourvoi accueilli.
Procureurs de l’appelant : Jensen Law Corporation, Kamloops; Michael Sobkin, Ottawa.
Procureur de l’intimée : Procureur général de la Colombie‑Britannique, Vancouver.
Procureur de l’intervenant le directeur des poursuites pénales du Canada : Service des poursuites pénales du Canada, Halifax.
Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Ontario : Procureur général de l’Ontario, Toronto.
Procureurs de l’intervenante Criminal Lawyers’ Association (Ontario) : Di Luca Barristers, Toronto.
Procureurs de l’intervenante l’Association des avocats de la défense de Montréal : Desrosiers, Joncas, Nouraie, Massicotte, Montréal; Association des avocats de la défense de Montréal, Montréal.
Procureurs de l’intervenante l’Association des libertés civiles de la Colombie‑Britannique : Bull, Housser & Tupper, Vancouver.
[1] Les présents motifs ne traitent pas de la peine qui découle d’une entente sur le plaidoyer où les parties ne sont pas entièrement d’accord au sujet de la peine appropriée.
[2] En 1991, l’hon. Howard Hampton, procureur général de l’Ontario, a chargé le comité d’étudier les premiers stades du processus criminel, à savoir le filtrage des accusations, la communication de la preuve ainsi que les discussions en vue d’un règlement ou d’un plaidoyer. Le comité était composé de membres éminents du barreau spécialisés en droit criminel, y compris des avocats du ministère public et de la défense, des agents de police supérieurs et d’autres membres de la collectivité. Il était notamment présidé par l’hon. G. Arthur Martin, un des criminalistes les plus éminents dans l’histoire du pays.
[3] J’ai déjà indiqué que les présents motifs ne traitent pas de la peine qui découle d’une entente sur le plaidoyer où les parties ne sont pas entièrement d’accord au sujet de la peine appropriée. Dans d’autres cas, le ministère public et l’accusé peuvent négocier des avis en matière de détermination de la peine qui traduisent un accord partiel ou une fourchette de peines convenue. De tels arrangements peuvent comporter une contrepartie analogue. Dans une telle situation, des considérations semblables peuvent s’appliquer lorsque le juge du procès est, par exemple, enclin à infliger une peine plus lourde que la peine maximale proposée par le ministère public, mais nous reportons à plus tard l’examen de cette question.