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R. c. Catcheway, [2000] 1 R.C.S. 838

 

Arthur David Gabriel, Percy Norbert Gabriel,

Vernon Conrad Gabriel, Garry Vernon Catcheway,

Wilfred Joseph Catcheway, Judy Ann Catcheway,

Warren Kenneth Catcheway, Vernon Cory Gabriel,

Robert Joseph Houle et Gordon Arnold Catcheway                       Appelants

 

c.

 

Sa Majesté la Reine                                                                          Intimée

 

et entre

 

Keith P. Catcheway                                                                           Appelant

 

c.

 

 Sa Majesté la Reine                                                                         Intimée

 

Répertorié:  R. c. Catcheway

 

Référence neutre:  2000 CSC 33.

 

No du greffe:  27161.

 

2000: 15 juin.

 


Présents: Le juge en chef McLachlin et les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier, Iacobucci, Major, Bastarache, Binnie, Arbour et LeBel.

 

en appel de la cour d’appel du manitoba

 

Droit criminel – Procès – Partialité – Membres d’une bande indienne déclarés coupables de méfait pour avoir établi un barrage sur une autoroute provinciale  -- Crainte raisonnable de partialité découlant des rapports professionnels du juge du procès avec certains membres de la bande ou groupes au sein de celle-ci pendant  qu’il exerçait le droit comme avocat – Déclarations de culpabilité annulées et nouveau procès devant un juge différent ordonné.

 

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Manitoba (1999), 134 Man. R. (2d) 129, 193 W.A.C. 129, [1999] M.J. No. 42 (QL), qui a  rejeté l’appel formé par les appelants contre leur déclaration de culpabilité pour méfait  relativement au barrage établi sur une autoroute provinciale.  Pourvoi accueilli, déclarations de culpabilité annulées et nouveau procès devant un juge différent ordonné.

 

Harvey J. Slobodzian et Paul E. Kammerloch, pour les appelants Gabriel et autres.

 

Personne n’a comparu pour l’appelant Keith P. Catcheway.

 

Gregg Lawlor, pour l’intimée.

 

Version française du jugement de la Cour rendu oralement par

 


1                                   Le juge IacobucciLe présent pourvoi découle dun litige opposant deux factions politiques au sein de la réserve indienne de Waterhen, près de Dauphin au Manitoba. Après avoir été incapable de sassurer le pouvoir politique, la faction connue sous le nom de «quorum» a dressé un barrage sur lautoroute provinciale menant à la réserve afin dinterdire laccès de celle-ci aux partisans de lautre faction, dirigée par le chef de la bande. Les appelants ont été accusés de méfait et dautres crimes, qui font lobjet du présent pourvoi.

 

2                                   Les appelants prétendent que la conduite du juge du procès, avant et pendant le procès, a fait naître une crainte raisonnable de partialité. Au soutien de cette prétention, ils demandent par voie de requête à déposer des éléments de preuve nouveaux, en loccurrence deux affidavits souscrits par lappelant Arthur David Gabriel. Le premier affidavit explique leur omission de déposer ces éléments de preuve devant les juridictions inférieures, tandis que le deuxième expose la preuve relative à la partialité. Essentiellement, cette preuve  révèle que, lorsque le juge du procès pratiquait le droit, le cabinet dont il faisait partie a représenté certains groupes au sein de la réserve. En outre, en tant quarbitre dans une affaire de congédiement injustifié, il a tranché en faveur de l’épouse de lun des appelants;  lors dune enquête sur cautionnement contestée, il a représenté lune des premières personnes qui a été accusée (mais qui nest pas appelante devant notre Cour) davoir participé aux événements de la barricade; et il a été consulté par les appelants au sujet des accusations portées contre eux.  Les appelants affirment également que la conduite du juge pendant le procès, savoir le rejet péremptoire par celui-ci de la requête en récusation déposée par lappelant non représenté Wilfred Catcheway, fait aussi naître une crainte raisonnable de partialité.

 


3                                   Les appelants plaident en outre que la Cour dappel du Manitoba a fait erreur en leur  refusant lajournement quils ont demandé, lorsquils n’étaient pas représentés, en vue de pouvoir consulter un avocat relativement à la possibilité de présenter une requête visant à faire admettre des éléments de preuve nouveaux. Leur demande a été rejetée sans motifs. Les appelants affirment que la raison du rejet de cette demande nest pas évidente et ils supposent que le rejet pourrait être imputable au fait que la Cour dappel estimait que la preuve étayant la déclaration de culpabilité de chaque appelant était accablante.

 

4                                   Essentiellement, le ministère public concède quil y avait une crainte raisonnable de partialité. Bien quil soutienne que la Cour dappel na commis aucune erreur en rejetant la requête demandant un ajournement en vue de consulter un avocat, le ministère public souligne que les documents déposés par les appelants [traduction] «démontrent clairement que le juge du procès a eu des rapports professionnels avec certains des appelants pendant quil exerçait encore le droit». Le ministère public mentionne également quil  [traduction] «est très préoccupant que, lorsquil pratiquait le droit, le juge du procès ait représenté le coaccusé (qui na pas subi son procès devant lui) dans le cadre dune demande de cautionnement, et quil ait apparemment eu accès à lensemble du rapport de police relatif à laccusé qui allait plus tard comparaître devant lui au procès». Le ministère public convient également avec les appelants que les éléments de preuve nouveaux devraient être admis.

 


5                                   Par conséquent, nous sommes tous davis que, eu égard aux circonstances particulières de la présente affaire, les éléments de preuve nouveaux doivent être admis. À la lumière de ces éléments, nous estimons que les activités antérieures du juge du procès ont fait naître une crainte raisonnable de partialité, conformément à la jurisprudence bien établie en la matière. Nous sommes donc davis daccueillir le pourvoi, dinfirmer larrêt de la Cour dappel du Manitoba, dannuler les déclarations de culpabilité des appelants et de renvoyer laffaire à la cour de première instance pour la tenue dun nouveau procès devant un juge différent.

 

Jugement en conséquence.

 

Procureurs des appelants Gabriel et autres:  Pullan Guld Kammerloch, Winnipeg.

 

Procureur de l’intimée:  Justice Manitoba, Winnipeg.

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