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COUR SUPRÊME DU CANADA

 

Référence : R. c. Vallières, 2022 CSC 10

 

 

Appel entendu : 12 novembre 2021

Jugement rendu : 31 mars 2022

Dossier : 39162

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

Appelante

 

et

 

Richard Vallières

Intimé

 

- et -

 

Procureur général de l’Ontario et Association québécoise des avocats et avocates de la défense

Intervenants

 

 

 

Coram : Le juge en chef Wagner et les juges Moldaver, Karakatsanis, Côté, Brown, Rowe, Martin, Kasirer et Jamal

 

Motifs de jugement :

(par. 1 à 68)

Le juge en chef Wagner (avec l’accord des juges Moldaver, Karakatsanis, Côté, Brown, Rowe, Martin, Kasirer et Jamal)

 

 

Note : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada.

 

 

 

 


 

Sa Majesté la Reine                                                                                       Appelante

c.

Richard Vallières                                                                                                 Intimé

et

Procureur général de l’Ontario et

Association québécoise des avocats et avocates de la défense                Intervenants

Répertorié : R. c. Vallières

2022 CSC 10

No du greffe : 39162.

2021 : 12 novembre; 2022 : 31 mars.

Présents : Le juge en chef Wagner et les juges Moldaver, Karakatsanis, Côté, Brown, Rowe, Martin, Kasirer et Jamal.

en appel de la cour d’appel du québec

                    Droit criminel Détermination de la peine Amende en remplacement d’une ordonnance de confiscation de biens qui constituent des produits de la criminalité Pouvoir discrétionnaire du tribunal Montant de l’amende Un tribunal possède‑t‑il la discrétion de limiter le montant d’une amende compensatoire aux seuls profits tirés par un contrevenant de ses activités criminelles? — La valeur du bien qui constitue un produit de la criminalité peut‑elle être répartie entre des coaccusés? Code criminel, L.R.C. 1985, c. C‑46, art. 462.37(3) .

                    En 2016, V est reconnu coupable d’infractions de fraude, de trafic et de vol en rapport avec du sirop d’érable. Le sirop d’érable volé, dont la valeur marchande dépasse 18 000 000 $, circule entre les mains de plusieurs individus jusqu’à sa revente par V, qui encaisse les revenus et paye ses différents complices. De l’aveu même de V, ce dernier aurait tiré 10 000 000 $ de revenus de la revente du sirop obtenu par vol ou par fraude, et réalisé un profit personnel de près de 1 000 000 $, moins certaines dépenses de transport.

                    En vertu du par. 462.37(3)  du Code criminel , le juge de première instance inflige à V une amende en remplacement d’une ordonnance de confiscation d’un bien qui constitue un produit de la criminalité (« amende compensatoire »). Étant d’avis qu’il n’a d’autre choix que d’infliger une amende dont le montant équivaut à la valeur du bien qui constitue un produit de la criminalité et dont V a eu la possession ou le contrôle, le juge de première instance lui impose une amende correspondant à la valeur de revente du sirop d’érable obtenu par vol ou par fraude, soit 10 000 000 $, moins le montant d’une ordonnance de restitution. La Cour d’appel réduit toutefois cette somme aux profits réalisés par V, soit 1 000 000 $, moins le montant de l’ordonnance de restitution. Selon elle, les tribunaux possèdent le pouvoir discrétionnaire d’infliger une amende qui reflète le profit tiré d’une activité criminelle, pourvu que cette sanction satisfasse au double objectif de privation du gain et de dissuasion. Elle est d’avis que l’amende infligée à V par le juge de première instance est manifestement disproportionnée par rapport aux objectifs visés par le régime gouvernant ce type d’amende et qu’elle crée une situation de double recouvrement, compte tenu des amendes infligées aux complices de V.

                    Arrêt : Le pourvoi est accueilli.

                    V doit être tenu au paiement d’une amende égale à la valeur du bien qui était en sa possession ou sous son contrôle, soit 10 000 000 $, tel que l’a conclu le juge de première instance. Ce montant s’impose à la lumière du régime sur la confiscation des produits de la criminalité, qui prescrit que l’amende doit en principe être équivalente à la valeur du bien qu’a possédé ou contrôlé le contrevenant à un quelconque moment. Puisqu’un tribunal ne possède pas la discrétion de limiter le montant d’une amende compensatoire aux seuls profits tirés par un contrevenant de ses activités criminelles, la Cour d’appel s’est arrogée un pouvoir discrétionnaire qu’elle ne possédait pas en réduisant l’amende de V. De plus, V n’a pas prouvé en première instance ni en appel qu’il existait un risque de double recouvrement à l’égard de la somme de 10 000 000 $.

                    L’amende compensatoire se distingue de la peine infligée pour la commission d’une infraction désignée en ce qu’elle a pour but de remplacer le produit de la criminalité plutôt que de punir le contrevenant. Elle tient donc de la nature d’une ordonnance de confiscation. L’infliction d’une amende compensatoire peut être envisagée lorsque la confiscation du bien qui constitue un produit de la criminalité est devenue irréalisable. Le tribunal peut alors, en remplacement de l’ordonnance de confiscation, infliger au contrevenant une amende égale à la valeur du bien, comme le prévoit le par. 462.37(3)  C. cr.

                    La présence du terme « peut » au par. 462.37(3)  C. cr. signale l’intention du législateur de conférer un certain pouvoir discrétionnaire aux tribunaux, mais ce pouvoir ne leur permet pas de limiter le montant de l’amende compensatoire aux profits tirés d’une activité criminelle. Ce pouvoir s’applique uniquement à la décision d’infliger ou non une amende, puis à la détermination de la valeur du bien.

                    D’abord, le texte du par. 462.37(3)  C. cr. est catégorique en ce qui concerne le montant de l’amende : il est égal à la valeur du bien qui constitue un produit de la criminalité. La définition du terme « biens » à l’art. 2 C. cr. est suffisamment large pour viser les revenus bruts tirés de la vente de biens obtenus criminellement. De plus, le tribunal qui limiterait la portée d’une amende aux profits tirés par un contrevenant de ses activités criminelles ferait fi de la nature de cette ordonnance, qui vaut à titre de substitution lorsque la confiscation du bien est devenue irréalisable. L’équivalence entre le montant de l’amende et la valeur du bien est inhérente à la notion de remplacement. Enfin, le fait de limiter une amende compensatoire aux profits du contrevenant sape et occulte l’intention du législateur. Cette ordonnance a comme double objectif de priver le contrevenant des produits de son crime et de le dissuader, ainsi que ses complices potentiels et les organisations criminelles, de récidiver. Par la sévérité des dispositions sur les produits de la criminalité, le législateur envoie le message clair que le crime ne paie pas et tente ainsi de décourager les individus de s’organiser et de commettre des crimes motivés par l’appât du gain. C’est donc à dessein que le législateur recourt à une mesure très sévère en prescrivant que l’amende doit correspondre à la valeur du bien.

                    À l’étape de la détermination de la valeur du bien, le fardeau qui incombe au ministère public se limite à démontrer que le contrevenant a possédé ou contrôlé un bien qui constitue un produit de la criminalité et à en établir la valeur. La détermination de la valeur du bien doit s’appuyer sur la preuve et non sur un calcul purement théorique. Dans une situation impliquant la revente d’un bien obtenu criminellement, le produit de la criminalité est, en principe, la somme obtenue en échange du bien originairement en la possession ou sous le contrôle du contrevenant, conformément à la définition du mot « biens » prévue à l’art. 2 C. cr. La capacité de payer du contrevenant ne doit pas être considérée dans la détermination du montant de l’amende compensatoire, pas plus qu’elle ne doit l’être dans le cadre de la décision d’infliger ou non une telle amende.

                    Dans les situations impliquant des coaccusés qui ont possédé ou contrôlé le même bien constituant un produit de la criminalité, les tribunaux peuvent diviser la valeur du bien entre ceux‑ci dès lors qu’il existe un risque de double recouvrement, qu’une demande en ce sens est formulée par le contrevenant et que la preuve permet d’en décider. Il incombe au contrevenant de demander et de convaincre le tribunal que la répartition de la valeur du bien entre des coaccusés est indiquée. L’exercice du pouvoir discrétionnaire de répartition du tribunal dépendra des circonstances de chaque affaire. Lorsque les conditions créant une possibilité de double recouvrement sont réunies, le tribunal doit procéder à la répartition de la valeur du bien entre les coaccusés afin de respecter la nature de l’amende compensatoire, laquelle remplace le bien non confiscable, ni plus ni moins. Le tribunal conserve cependant une certaine souplesse dans la manière de répartir la valeur du bien entre les coaccusés, vu le caractère approximatif de l’exercice.

                    Bien que le contrevenant ait le fardeau de soulever et d’établir que la répartition est indiquée, le ministère public devrait, dans la mesure du possible et lorsque la preuve à sa disposition le permet, mitiger le risque de double recouvrement en répartissant de son propre chef la valeur du bien qui constitue un produit de la criminalité entre les coaccusés. Le ministère public devrait s’acquitter de ce devoir en tout temps, mais à plus forte raison lorsque les coaccusés subissent des procès séparés, puisqu’il possède une vue d’ensemble des différentes instances et peut, en amont, limiter le montant qu’il réclame à titre d’amende compensatoire dans chacune des procédures, afin que le total des amendes infligées aux coaccusés corresponde à la valeur du bien qui constitue un produit de la criminalité.

Jurisprudence

                    Arrêt appliqué : R. c. Lavigne, 2006 CSC 10, [2006] 1 R.C.S. 392; arrêts examinés : R. c. Dieckmann, 2017 ONCA 575, 355 C.C.C. (3d) 216; R. c. Devloo and Ong, 2018 MBQB 140; arrêts mentionnés : R. c. Craig, 2009 CSC 23, [2009] 1 R.C.S. 762; R. c. Ouellette, 2009 CSC 24, [2009] 1 R.C.S. 818; R. c. Nguyen, 2009 CSC 25, [2009] 1 R.C.S. 826; R. c. Dwyer, 2013 ONCA 34, 296 C.C.C. (3d) 193; R. c. Rafilovich, 2019 CSC 51, [2019] 3 R.C.S. 838; R. c. Way, 2017 ONCA 754, 140 O.R. (3d) 309; R. c. Angelis, 2016 ONCA 675, 133 O.R. (3d) 575; R. c. Ford, 2013 NBCA 63, 412 R.N.‑B. (2e) 196; R. c. Devloo, 2020 MBCA 3, 384 C.C.C. (3d) 288; R. c. Banayos and Banayos, 2018 MBCA 86, 365 C.C.C. (3d) 528; Québec (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, [2002] 3 R.C.S. 708; R. c. Schoer, 2019 ONCA 105, 371 C.C.C. (3d) 292; R. c. Dritsas, 2015 MBCA 19, 315 Man. R. (2d) 205; R. c. Khatchatourov, 2014 ONCA 464, 313 C.C.C. (3d) 94; R. c. Piccinini, 2015 ONCA 446; R. c. Siddiqi, 2015 ONCA 374; R. c. Dow, 2014 NBCA 15, 418 R.N.‑B. (2e) 222; R. c. S. (A.), 2010 ONCA 441, 258 C.C.C. (3d) 13; R. c. Grenier, 2017 QCCA 57; R. c. Lawrence, 2018 ONCA 676; R. c. Lawlor, 2021 ONCA 692; R. c. Chung, 2021 ONCA 188, 402 C.C.C. (3d) 145; R. c. Sam (1998), 163 Sask. R. 314; R. c. Regan, 2002 CSC 12, [2002] 1 R.C.S. 297; R. c. Mian, 2014 CSC 54, [2014] 2 R.C.S. 689.

Lois et règlements cités

Code criminel, L.R.C. 1985, c. C‑46, art. 2  « biens », 121(1), 123(1), partie XII.2, 462.3(1) « infraction désignée », « produits de la criminalité », 462.37(3), 673 « peine ».

Doctrine et autres documents cités

German, Peter M. Proceeds of Crime and Money Laundering : Includes Analysis of Civil Forfeiture and Terrorist Financing Legislation, Toronto, Carswell, 2021 (loose‑leaf updated March 2022, release 1).

Hubbard, Robert W., et al. Money Laundering & Proceeds of Crime, Toronto, Irwin Law, 2004.

                    POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec (les juges Hilton, Bouchard et Beaupré), 2020 QCCA 372, [2020] AZ‑51674438, [2020] J.Q. no 1390 (QL), 2020 CarswellQue 1307 (WL Can.), qui a infirmé en partie une décision du juge Pronovost, 2017 QCCS 1687, [2017] AZ‑51387603, [2017] J.Q. no 4686 (QL), 2017 CarswellQue 3212 (WL Can.). Pourvoi accueilli.

                    Julien Beauchamp‑Laliberté et Éric Bernier, pour l’appelante.

                    Julie Giroux, pour l’intimé.

                    Melissa Adams et Vallery Bayly, pour l’intervenant le procureur général de l’Ontario.

                    Jessy Héroux, pour l’intervenante l’Association québécoise des avocats et avocates de la défense.

 

                    Le jugement de la Cour a été rendu par

                    Le juge en chef —

[1]                             Le présent pourvoi offre à notre Cour l’occasion de préciser l’étendue du pouvoir discrétionnaire dont disposent les tribunaux dans l’établissement du montant de l’amende qu’ils infligent à un contrevenant, en vertu du par. 462.37(3)  du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46  (« C. cr. »), en remplacement d’une ordonnance de confiscation d’un bien qui constitue un produit de la criminalité (« amende compensatoire »). En particulier, notre Cour doit déterminer si un tribunal possède la discrétion de limiter le montant d’une amende compensatoire aux seuls profits tirés par un contrevenant de ses activités criminelles, ainsi que les circonstances dans lesquelles un tribunal peut répartir entre des coaccusés la valeur du bien qui constitue un produit de la criminalité. Accessoirement, ce pourvoi permet à notre Cour de réaffirmer que l’amende compensatoire constitue une ordonnance de remplacement et non une sanction pour la commission d’une infraction, bien que l’amende s’inscrive dans le processus de détermination de la peine.

[2]                             La toile de fond de la présente affaire est un stratagème de grande envergure de vol et de fraude visant du sirop d’érable, stratagème dont l’intimé, Richard Vallières, était l’un des principaux protagonistes. Au terme de son procès, M. Vallières a été reconnu coupable d’infractions de fraude, de trafic et de vol en rapport avec du sirop d’érable appartenant à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec (« Fédération »). L’appel interjeté par le ministère public concerne uniquement l’amende compensatoire infligée à M. Vallières lors de la détermination de sa peine. Le premier juge a infligé une amende compensatoire correspondant à la valeur de revente du sirop d’érable obtenu par vol ou par fraude, alors que la Cour d’appel du Québec a réduit cette somme aux profits réalisés par M. Vallières, déduction faite dans les deux cas du montant de l’ordonnance de restitution. Pour les raisons qui suivent, je suis d’avis que la Cour d’appel a fait erreur.

I.               Le contexte

[3]                             En juin 2011, M. Vallières rencontre son principal complice, Avik Caron. Ensemble, ils planifient de dérober du sirop d’érable se trouvant dans l’un des entrepôts de la Fédération pour le revendre sur le marché noir.

[4]                             Pour l’essentiel, M. Caron se charge des opérations de vol du sirop d’érable à l’entrepôt de la Fédération situé dans la municipalité de Saint-Louis-de-Blandford. Monsieur Caron et ses complices s’emparent subrepticement de barils de sirop d’érable, qu’ils vident de leur contenu puis remplissent d’eau. Le sirop d’érable ainsi volé à la Fédération est ensuite transvidé dans d’autres barils ou dans des contenants en plastique, lesquels sont transportés dans des camions-remorques de 53 pieds. Les opérations de transport sont dirigées par un autre complice, Sébastien Jutras. Monsieur Vallières achète le sirop directement de M. Caron puis l’exporte à l’extérieur du Québec, dont au Nouveau-Brunswick, où son coaccusé Étienne St-Pierre exploite une entreprise.

[5]                             Le sirop d’érable volé circule donc entre les mains de plusieurs individus jusqu’à sa revente par M. Vallières, qui encaisse les revenus et paye ses différents complices. À ce propos, 6 des 16 complices de M. Vallières ont été condamnés au paiement d’une amende compensatoire, dont le montant respectif varie entre 9 840 $ et 1 200 000 $.

[6]                             Cette entreprise criminelle, qui s’est échelonnée sur une période d’environ un an, a donné lieu au plus grand déploiement de ressources de l’histoire de la Sûreté du Québec dans le cadre d’une enquête portant sur des biens tangibles volés. Cette vaste opération policière a permis de mettre en lumière un vol de 9 571 barils de sirop d’érable appartenant à la Fédération et dont la valeur marchande dépasse 18 000 000 $.

[7]                             En plus de se livrer au trafic du sirop volé, M. Vallières se procure également du sirop d’érable en fraude des droits de la Fédération, en passant directement par des producteurs acéricoles québécois sans être un acheteur autorisé ni acquitter la cotisation prévue dans la réglementation provinciale de mise en marché du sirop.

[8]                             De l’aveu même de M. Vallières, ce dernier aurait tiré 10 000 000 $ de revenus de la revente du sirop obtenu par vol ou par fraude, et réalisé un profit personnel de près de 1 000 000 $, moins certaines dépenses de transport. 

II.            Historique procédural

A.           Cour supérieure du Québec, 2017 QCCS 1687 (le juge Pronovost)

[9]                             En 2016, un jury déclare M. Vallières coupable d’infractions de vol, de fraude, ainsi que de trafic de biens obtenus criminellement, le tout en rapport avec des biens dont la valeur dépasse 5 000 $. Au stade de la détermination de la peine, le ministère public réclame notamment l’infliction d’une amende compensatoire de 9 393 498,44 $, payable dans un délai de 8 ans.

[10]                         Le juge de première instance se penche d’abord sur l’opportunité d’infliger une telle amende à M. Vallières. Estimant que ce dernier a profité des crimes qu’il a commis avec d’autres individus, crimes qui ont été perpétrés sur une longue période, il conclut en conséquence qu’une amende compensatoire doit lui être infligée. Même si la preuve établit que la Fédération a subi une perte financière dépassant 18 000 000 $, le juge détermine, en se fondant sur l’admission de M. Vallières, que celui-ci a eu en sa possession au moins 10 000 000 $ provenant de la revente du sirop obtenu par vol ou par fraude.

[11]                         En ce qui concerne la détermination du montant de l’amende compensatoire, le juge souligne que sa discrétion est limitée : l’amende doit être égale à la valeur du bien qui constitue un produit de la criminalité et dont M. Vallières a eu la possession ou le contrôle. La preuve révélant hors de tout doute raisonnable que M. Vallières a perçu 10 000 000 $ de ses infractions de vol, de fraude et de trafic, le juge estime n’avoir d’autre choix que d’ordonner le paiement de ce montant à titre d’amende compensatoire, duquel il déduit la somme de 606 501,56 $ faisant l’objet d’une ordonnance de restitution[1]. Monsieur Vallières s’expose à une peine d’emprisonnement de 6 ans en cas de défaut de payer l’amende compensatoire dans un délai de 10 ans. 

B.            Cour d’appel du Québec, 2020 QCCA 372 (les juges Hilton, Bouchard et Beaupré)

[12]                         En appel, M. Vallières reproche essentiellement au premier juge d’avoir mal exercé son pouvoir discrétionnaire en lui infligeant une amende compensatoire, dont les modalités et le montant ne sont nullement contestés.

[13]                         La Cour d’appel rejette la prétention de M. Vallières et maintient l’infliction de l’amende compensatoire ordonnée par le juge de première instance. De l’avis de la Cour d’appel, le sirop vendu par M. Vallières durant la période infractionnelle avait été soit volé à la Fédération, soit obtenu en fraude des droits de celle-ci, des infractions désignées dont il a été reconnu coupable. La totalité des revenus générés par M. Vallières durant cette période, c’est-à-dire la somme de 10 000 000 $, admise par ce dernier, constituait donc un produit de la criminalité.

[14]                         En dépit de cette conclusion, la Cour d’appel, sans requérir de plus amples arguments des parties, poursuit son analyse et intervient de son propre chef pour réduire le montant de l’amende compensatoire.

[15]                         S’appuyant sur son interprétation de l’arrêt R. c. Dieckmann, 2017 ONCA 575, 355 C.C.C. (3d) 216, la Cour d’appel conclut que les tribunaux possèdent le pouvoir discrétionnaire d’infliger une amende qui reflète le profit que le contrevenant a tiré de son activité criminelle, pourvu que cette sanction satisfasse au double objectif de privation du gain et de dissuasion. Le juge de première instance a donc fait erreur en estimant qu’il n’avait d’autre choix que d’infliger une amende compensatoire de 10 000 000 $, moins le montant de l’ordonnance de restitution.

[16]                         La Cour d’appel souligne par ailleurs que l’infliction de cette amende crée une situation claire de double recouvrement, compte tenu des amendes infligées aux complices de M. Vallières, lesquelles portent également sur des profits tirés de la revente du sirop par ce dernier.

[17]                         En l’espèce, selon la Cour d’appel, l’amende compensatoire de 10 000 000 $ est manifestement disproportionnée par rapport aux objectifs visés par le régime gouvernant ce type d’amende. L’infliction d’une amende reflétant la marge de profit de M. Vallières, en l’occurrence 1 000 000 $, s’accorde davantage avec l’objectif de privation du gain et avec la maxime selon laquelle « le crime ne paie pas ».

[18]                         En conséquence, la Cour d’appel accueille l’appel sur ce moyen et réduit le montant de l’amende compensatoire à 1 000 000 $, moins le montant de l’ordonnance de restitution (828 602,43 $ en devise canadienne), ce qui se traduit par une amende compensatoire totale de 171 397,57 $. En outre, la Cour d’appel réduit de six ans à trois ans la peine d’incarcération applicable en cas de défaut de paiement de l’amende.

III.         Questions en litige

[19]                         Les questions en litige que soulève le présent pourvoi sont les suivantes :

1.      La Cour d’appel du Québec a-t-elle fait erreur en réduisant le montant de l’amende compensatoire infligée à M. Vallières?

2.      La Cour d’appel a-t-elle commis une erreur en omettant de permettre aux parties de se faire entendre sur la modification du montant de l’amende compensatoire, alors que cette question n’était pas soulevée en appel?

[20]                         L’analyse de la première question en litige suffit pour trancher le présent pourvoi. En conséquence, je ne traiterai que très brièvement de la deuxième question en litige portant sur le droit du ministère public d’être entendu sur une question non débattue devant la Cour d’appel.

IV.         Prétentions des parties

[21]                         Le ministère public soutient que la Cour d’appel ne pouvait réduire le montant de l’amende compensatoire pour qu’elle corresponde aux profits tirés par M. Vallières de ses activités criminelles. Selon le ministère public, le montant de l’amende devait être égal à la valeur du bien qui constitue un produit de la criminalité, en l’occurrence la somme de 10 000 000 $ liée à la revente du sirop obtenu par vol ou par fraude. Accessoirement, le ministère public prétend que la Cour d’appel a fait erreur en modifiant le montant de l’amende compensatoire sans offrir aux parties l’occasion de débattre de cette question, laquelle n’a pas été soulevée par M. Vallières en appel.

[22]                         Monsieur Vallières plaide que l’intervention de la Cour d’appel était justifiée, puisque le premier juge a erronément exercé son pouvoir discrétionnaire en affirmant qu’il n’avait d’autre choix que d’imposer une amende compensatoire de 10 000 000 $, déduction faite du montant de l’ordonnance de restitution. Monsieur Vallières ajoute que la Cour d’appel n’avait pas l’obligation d’offrir aux parties l’occasion de présenter des observations sur le montant de l’amende, car ce point découlait nécessairement des questions en litige soumises par les parties. Au surplus, il avance que la Cour d’appel disposait de tous les éléments factuels nécessaires pour trancher cette question.

V.           Analyse

A.           La Cour d’appel du Québec a-t-elle fait erreur en réduisant le montant de l’amende compensatoire infligée à M. Vallières?

[23]                         Pour répondre à cette question, il faut d’abord décider si les tribunaux possèdent le pouvoir discrétionnaire de limiter le montant d’une amende compensatoire aux profits qui ont été tirés d’une activité criminelle, lorsque cette sanction permet de satisfaire au double objectif de privation du gain et de dissuasion. En outre, le présent pourvoi est l’occasion de préciser les circonstances dans lesquelles les tribunaux peuvent répartir entre des coaccusés la valeur d’un bien qui constitue un produit de la criminalité, lorsque ce même bien ou une partie de celui-ci a été en la possession ou sous le contrôle de ceux-ci.

(1)          La nature de l’amende compensatoire

[24]                         Avant de débuter l’analyse, il convient d’insister sur la nature particulière de l’amende compensatoire comme volet autonome de la détermination de la peine. Même si l’amende compensatoire fait techniquement partie de la peine en vertu de l’art. 673 C. cr., une telle ordonnance se distingue de la peine infligée pour la commission d’une infraction désignée en ce qu’elle a pour but de remplacer le produit de la criminalité plutôt que de punir le contrevenant (R. c. Lavigne, 2006 CSC 10, [2006] 1 R.C.S. 392, par. 25). L’amende compensatoire tient donc, d’abord et avant tout, de la nature d’une ordonnance de confiscation. Il est de jurisprudence constante que la confiscation fait l’objet d’une analyse qui est indépendante de l’examen plus large réalisé à l’égard de la question de la détermination de la peine, ainsi que des principes qui y sont associés (Lavigne, par. 25-26; R. c. Craig, 2009 CSC 23, [2009] 1 R.C.S. 762, par. 34-37; R. c. Ouellette, 2009 CSC 24, [2009] 1 R.C.S. 818, par. 2; R. c. Nguyen, 2009 CSC 25, [2009] 1 R.C.S. 826, par. 2). Pour cette raison, lors du calcul du montant de l’amende compensatoire, les tribunaux doivent impérativement mettre de côté les principes généraux en matière de détermination de la peine qui sont incompatibles avec la nature de cette ordonnance.

(2)          Le pouvoir discrétionnaire de limiter le montant d’une amende compensatoire aux profits tirés d’une activité criminelle

[25]                         Pour bien cerner la nature de l’amende compensatoire, il importe de la situer dans le contexte plus général de la partie XII.2 du Code criminel  intitulée « Produits de la criminalité ». Ce terme est défini largement (R. c. Dwyer, 2013 ONCA 34, 296 C.C.C. (3d) 193, par. 21). Il s’entend de tout « [b]ien, bénéfice ou avantage qui est obtenu ou qui provient [. . .], directement ou indirectement[,] de la perpétration d’une infraction désignée » (par. 462.3(1)  C. cr.). Constitue une « infraction désignée [. . .] toute infraction prévue par [le Code criminel ] ou une autre loi fédérale et pouvant être poursuivie par mise en accusation, à l’exception de tout acte criminel désigné par règlement » (par. 462.3(1)  C. cr.). Dans la présente affaire, les infractions désignées pour lesquelles M. Vallières a été reconnu coupable sont des chefs de vol, de fraude, ainsi que de trafic de biens obtenus criminellement, le tout en rapport avec des biens dont la valeur dépasse 5 000 $.

[26]                         L’infliction d’une amende compensatoire peut être envisagée lorsque la confiscation du bien qui constitue un produit de la criminalité est devenue irréalisable. Dans un tel cas, le tribunal peut, en remplacement de l’ordonnance de confiscation, infliger au contrevenant une amende égale à la valeur du bien (par. 462.37(3)  C. cr.). Même si la présence du terme « peut » signale l’intention du législateur de conférer un certain pouvoir discrétionnaire aux tribunaux, je suis d’avis que ce pouvoir ne leur permet pas pour autant de limiter le montant de l’amende compensatoire aux profits tirés d’une activité criminelle, même dans les cas où une telle limitation respecterait le double objectif de privation du gain et de dissuasion. Voici pourquoi.

[27]                         En premier lieu, le texte du par. 462.37(3)  C. cr. est catégorique en ce qui concerne le montant de l’amende. Comme l’indique notre Cour dans l’arrêt Lavigne, « [l]e texte est limpide. Le législateur a lui-même déterminé le montant de l’amende » (par. 34). L’amende est « égale à la valeur du bien » qui constitue un produit de la criminalité (par. 35; R. c. Rafilovich, 2019 CSC 51, [2019] 3 R.C.S. 838, par. 33).

[28]                         Il est vrai que le terme « produits de la criminalité » englobe non seulement les biens, mais aussi tout « bénéfice » ou « avantage » (par. 462.3(1) C. cr.). L’inclusion de ces termes dans la définition de « produits de la criminalité » s’explique par le fait que certaines infractions désignées, telles que la fraude envers le gouvernement (par. 121(1) C. cr.) ou les actes de corruption dans les affaires municipales (par. 123(1) C. cr.), visent notamment l’offre ou l’acceptation d’un « avantage » ou d’un « bénéfice ». Mais la disposition portant sur l’amende compensatoire se limite à la notion de « bien », la valeur du bien en question dictant le montant de l’amende.

[29]                         Le terme « biens », au sens du Code criminel , comprend les « biens originairement en la possession ou sous le contrôle d’une personne, et tous biens en lesquels ou contre lesquels ils ont été convertis ou échangés et tout ce qui a été acquis au moyen de cette conversion ou de cet échange » (art. 2  C. cr.). Cette définition est suffisamment large pour viser les revenus bruts tirés de la vente de biens obtenus criminellement (voir R. c. Way, 2017 ONCA 754, 140 O.R. (3d) 309, par. 4-7). Pour reprendre les termes des auteurs R. W. Hubbard et autres, [traduction] « [l]e concept devrait clairement comprendre tous les produits de la criminalité, et non pas seulement ceux qui restent après déduction des dépenses » (Money Laundering & Proceeds of Crime (2004), p. 442). Du reste, le fait de départager les revenus et les dépenses du contrevenant dans le but d’établir sa marge de profits reviendrait essentiellement à légitimer l’activité criminelle. Or, le législateur a justement adopté le par. 462.37(3)  C. cr. pour priver les contrevenants des fruits de leur crime et leur retirer toute motivation de poursuivre leurs desseins criminels.

[30]                         En deuxième lieu, le tribunal qui limiterait la portée d’une amende aux profits tirés par un contrevenant de ses activités criminelles ferait fi de la nature de cette ordonnance. En effet, c’est uniquement lorsque la confiscation du bien est irréalisable que l’amende peut être ordonnée à titre de sanction de substitution (R. c. Angelis, 2016 ONCA 675, 133 O.R. (3d) 575, par. 72; R. c. Ford, 2013 NBCA 63, 412 R.N.-B. (2e) 196, par. 5). L’équivalence entre le montant de l’amende et la valeur du bien est inhérente à la notion de remplacement (Lavigne, par. 35).

[31]                         En l’espèce, bien que du sirop d’érable soit en cause, la hiérarchie entre les différents complices n’est pas sans rappeler celle d’un réseau de trafiquants de drogues. Par analogie, dans l’affaire R. c. Devloo and Ong, 2018 MBQB 140, par. 49-51 (CanLII), le contrevenant a été condamné à payer une amende compensatoire de 212 000 $, montant qui correspondait aux sommes reçues en échange de stupéfiants. Les profits du contrevenant se limitaient à 4 000 $, le reste ayant été redistribué à d’autres membres de l’organisation criminelle. Le tribunal de première instance a néanmoins refusé de limiter à 4 000 $ le montant de l’amende en l’absence de preuve établissant un partage des profits entre le contrevenant et ses coaccusés, décision qu’a, à juste titre, confirmée la Cour d’appel du Manitoba (R. c. Devloo, 2020 MBCA 3, 384 C.C.C. (3d) 288, par. 92).

[32]                         À cet égard, l’auteur P. M. German souligne que [traduction] « [l]’arrestation d’un participant fait penser à une version du jeu “Fais tourner la bouteille” (“spin the bottle”) où la bouteille s’arrête devant une personne qui se retrouve en fin de compte responsable de la valeur brute des drogues, alors que d’autres personnes au sein de l’organisation, qui n’ont pas été arrêtées, n’assument aucune part de ce fardeau » (Proceeds of Crime and Money Laundering : Includes Analysis of Civil Forfeiture and Terrorist Financing Legislation (feuilles mobiles), § 15:28). Ce résultat en apparence sévère s’explique par la nature de l’amende compensatoire : si la drogue s’était retrouvée entre les mains du contrevenant, elle aurait été confisquée dans son entièreté (§ 15:28).

[33]                         En dernier lieu, le fait de limiter une amende compensatoire aux profits tirés par le contrevenant de ses activités criminelles sape et occulte l’intention du législateur (R. c. Banayos and Banayos, 2018 MBCA 86, 365 C.C.C. (3d) 528, par. 64). Comme l’a affirmé notre Cour dans l’arrêt Québec (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, [2002] 3 R.C.S. 708, « [l]’objectif législatif poursuivi par la partie XII.2 dépasse visiblement la simple punition du crime » (par. 25; voir aussi Lavigne, par. 25; Dieckmann, par. 88). L’amende ne fait pas partie de la peine globale infligée au contrevenant pour la commission de l’infraction désignée (Lavigne, par. 25-26; R. c. Schoer, 2019 ONCA 105, 371 C.C.C. (3d) 292, par. 93; Angelis, par. 44; R. c. Dritsas, 2015 MBCA 19, 315 Man. R. (2d) 205, par. 56; R. c. Khatchatourov, 2014 ONCA 464, 313 C.C.C. (3d) 94, par. 55). En ce sens, le montant de l’amende ne varie pas en fonction du degré de culpabilité morale du contrevenant ni des circonstances de l’infraction. L’amende a plutôt comme double objectif de priver le contrevenant des produits de son crime et de le dissuader de récidiver. Mais l’objectif de dissuasion ne vise pas que le contrevenant lui-même : il cible également ses complices potentiels et les organisations criminelles (Lavigne, par. 23).

[34]                         Par la sévérité des dispositions sur les produits de la criminalité, le législateur envoie le message clair que « le crime ne paie pas » et tente ainsi de décourager les individus de s’organiser et de commettre des crimes motivés par l’appât du gain. Dans l’arrêt Lavigne, la juge Deschamps souligne que « [l]’efficacité des moyens mis en œuvre dépend largement de la rigueur des nouvelles dispositions et de leur effet dissuasif » (par. 9). C’est donc à dessein que le législateur recourt à une mesure très sévère en prescrivant que l’amende doit correspondre à la valeur du bien. Réduire une amende aux seuls profits tirés par le contrevenant de ses activités criminelles irait clairement à l’encontre de cet objectif.

[35]                         En somme, le pouvoir discrétionnaire conféré aux tribunaux par le par. 462.37(3)  C. cr. ne leur permet pas de limiter le montant de l’amende compensatoire aux profits tirés de l’activité criminelle. Conformément aux enseignements de l’arrêt Lavigne, ce pouvoir discrétionnaire s’applique d’abord à la décision d’infliger ou non une amende, puis à la détermination de la valeur du bien (par. 35).

[36]                         À cette seconde étape, le fardeau qui incombe au ministère public se limite à démontrer que le contrevenant a possédé ou contrôlé un bien qui constitue un produit de la criminalité et à en établir la valeur (Angelis, par. 35; Dwyer, par. 24-27). Le ministère public n’a pas à prouver que le contrevenant a profité personnellement des produits de la criminalité (R. c. Piccinini, 2015 ONCA 446, par. 19 (CanLII); R. c. Siddiqi, 2015 ONCA 374, par. 6 (CanLII)). Le tribunal n’a pas non plus à s’interroger sur l’utilisation subséquente du bien par le contrevenant, par exemple la manière dont il a dépensé de l’argent liquide (Schoer, par. 105; R. c. Dow, 2014 NBCA 15, 418 R.N.‑B. (2e) 222, par. 37; R. c. S. (A.), 2010 ONCA 441, 258 C.C.C. (3d) 13, par. 14).

[37]                         La détermination de la valeur du bien doit s’appuyer sur la preuve et non sur « un calcul purement théorique qui ne correspond pas à la réalité » (R. c. Grenier, 2017 QCCA 57, par. 33 (CanLII)). Dans une situation impliquant la revente d’un bien obtenu criminellement, comme c’est le cas en l’espèce, le produit de la criminalité est, en principe, la somme obtenue en échange du bien originairement en la possession ou sous le contrôle du contrevenant, conformément à la définition du mot « biens » prévue à l’art. 2  C. cr., somme qui n’est pas nécessairement égale à la valeur marchande du bien vendu. Il faut garder à l’esprit que l’amende compensatoire vise à priver le contrevenant des produits de son crime et non à compenser la perte de la victime, ce qui est le propre d’une ordonnance de restitution (R. c. Lawrence, 2018 ONCA 676, par. 14-15 (CanLII)). Finalement, la capacité de payer du contrevenant ne doit pas être considérée dans la détermination du montant de l’amende compensatoire, pas plus qu’elle ne doit l’être dans le cadre de la décision d’infliger ou non une amende (Rafilovich, par. 32; Lavigne, par. 37).

(3)          Le pouvoir discrétionnaire de répartir la valeur du bien entre des coaccusés

[38]                         Les principes généraux sur la détermination du montant d’une amende compensatoire étant exposés, il convient maintenant de se pencher sur les situations impliquant des coaccusés, lesquelles soulèvent des enjeux particuliers. Notre Cour ne s’est pas encore prononcée sur la question de savoir si, exceptionnellement, un contrevenant peut être condamné à payer moins que la valeur totale du bien qui était en sa possession ou sous son contrôle, lorsque plusieurs coaccusés ont possédé ou contrôlé le même bien constituant un produit de la criminalité. Plus précisément, la présente affaire implique une possession successive d’un même bien, en l’occurrence la somme de 10 000 000 $ possédée et contrôlée par M. Vallières, dont il n’a en définitive conservé qu’une partie, après redistribution à ses complices.

[39]                         À mon avis, les tribunaux peuvent diviser la valeur du bien entre plusieurs coaccusés pour éviter un risque de double recouvrement. Ce risque se manifeste lorsque le ministère public réclame l’infliction d’amendes compensatoires contre plus d’un contrevenant à l’égard des mêmes produits de la criminalité. À l’étape de l’infliction de l’amende compensatoire, on ne peut qu’évoquer un « risque » de double recouvrement, parce qu’il se peut fort bien que ce scénario ne se concrétise jamais, dans la mesure où certains coaccusés pourraient se retrouver dans l’incapacité d’acquitter leur amende dans le délai imparti. Cependant, cette éventualité n’empêche pas le tribunal de répartir l’amende entre des coaccusés, dès lors qu’il existe un risque de double recouvrement, qu’une demande en ce sens est formulée par le contrevenant et que la preuve permet d’en décider.

[40]                         Il incombe au contrevenant de demander et de convaincre le tribunal que la répartition de la valeur du bien entre des coaccusés est indiquée, car il s’agit d’une exception au principe général selon lequel le montant de l’amende doit correspondre à la valeur du bien qui était en sa possession ou sous son contrôle.

[41]                         Ce pouvoir discrétionnaire de répartition, dont l’exercice est guidé par le principe directeur consistant à éviter un double recouvrement, est conforme à l’objectif du par. 462.37(3)  C. cr. et à la nature de l’ordonnance (Lavigne, par. 27).

[42]                         D’une part, la répartition de la valeur du bien entre des coaccusés respecte le double objectif de privation du gain et de dissuasion. Chacun des coaccusés est privé des fruits qu’il a tirés de l’activité criminelle et, du même coup, la valeur totale du bien demeure susceptible de recouvrement. D’autre part, cette répartition est conforme à la nature d’une ordonnance de substitution. L’infliction d’une ou de plusieurs amendes qui, ensemble, excèdent la valeur totale du bien est incompatible avec la notion de remplacement. En effet, si le bien avait été disponible, il n’aurait été confisqué qu’une seule fois.

a)             Les principes guidant l’exercice du pouvoir discrétionnaire de répartition

[43]                         L’exercice du pouvoir discrétionnaire du tribunal est limité par les circonstances dans lesquelles l’ordonnance doit être rendue (Lavigne, par. 27). Les conditions donnant ouverture au pouvoir discrétionnaire de répartition du tribunal sont les suivantes.

[44]                         Dans un premier temps, un contrevenant ne peut se contenter de plaider qu’il a transféré le bien à un tiers pour avoir droit à une répartition. Encore faut-il que ce tiers soit lui aussi inculpé pour que le contrevenant puisse invoquer un risque de double recouvrement (Siddiqi, par. 6). Il va de soi que le problème du double recouvrement ne se pose pas lorsque le contrevenant fait face seul à la justice (Schoer, par. 95, note 2).

[45]                         À cet égard, l’affaire Dieckmann représente un cas de figure particulier. Il ne pouvait exister un risque réel de double recouvrement en raison du décès des complices, mais la répartition du montant total de la fraude entre la contrevenante et ses complices décédés était néanmoins justifiée dans les circonstances. La preuve démontrait qu’il y avait eu partage des produits de la fraude, les complices décédés étaient clairement coupables de l’infraction reprochée, mais aussi, et surtout, le ministère public a concédé qu’il aurait réparti la valeur du bien entre les complices si leur procès avait eu lieu.

[46]                         Dans un deuxième temps, la preuve doit démontrer que plusieurs coaccusés ont possédé ou contrôlé un même bien ou une partie de celui-ci à un moment ou à un autre (R. c. Lawlor, 2021 ONCA 692, par. 27 (CanLII)). Dans l’arrêt Dieckmann, la Cour d’appel de l’Ontario énonce à bon droit que [traduction] « s’il y a devant le tribunal des éléments de preuve établissant l’existence d’une répartition des profits ou permettant de conclure en ce sens, il est loisible au tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire et d’ajuster le montant de l’amende en conséquence » (par. 100).

[47]                         Dans l’arrêt R. c. Chung, 2021 ONCA 188, 402 C.C.C. (3d) 145, la Cour d’appel de l’Ontario, interprétant sa propre décision dans Dieckmann, précise également ce qui suit :

[traduction] Toutefois, lorsqu’il y a de nombreux contrevenants devant le tribunal et qu’ils ont tous eu à tour de rôle le bien entre les mains sans que le premier contrevenant ne conserve la pleine valeur du bien en question, le juge chargé de la détermination de la peine peut assigner à celui-ci une portion de l’amende inférieure à la pleine valeur du bien qu’il a eu en sa possession et sous son contrôle, pour autant que le reste de la valeur totale des produits du crime soit réparti entre les autres contrevenants devant le tribunal . . . [Je souligne; par. 101.]

[48]                         Je souscris à cette affirmation. En principe, l’amende d’un contrevenant ne peut être réduite que proportionnellement au montant des amendes infligées à ses coaccusés qui reçoivent leur peine dans la même instance, afin que la valeur totale du bien demeure susceptible de recouvrement. Cette opération discrétionnaire présente un caractère approximatif et mérite déférence. À titre d’exemple, dans l’affaire R. c. Sam (1998), 163 Sask. R. 314, la Cour d’appel de la Saskatchewan a choisi d’assigner en parts égales la valeur totale de substances illicites entre deux coaccusés, lesquels dirigeaient ensemble une opération de trafic de drogues (par. 15-17).

[49]                         L’opération de répartition soulève des difficultés particulières lorsque les coaccusés du contrevenant sont jugés dans des instances distinctes. Dans un tel cas, il est loisible au tribunal de prendre en considération les amendes déjà infligées aux coaccusés, s’il est convaincu qu’elles créent un risque de double recouvrement du même bien. Cela dit, le fait que certains coaccusés n’aient pas encore subi leur procès au moment où un contrevenant reçoit sa peine ne devrait pas priver ce dernier du bénéfice de la répartition. Un tribunal ne peut prévoir si des amendes seront infligées ou non aux coaccusés du contrevenant dans les autres instances, ni leur montant. Pour parer à ce problème, il suffit au tribunal de conclure que la preuve dont il dispose lui aurait permis d’infliger une amende aux coaccusés, si ces derniers s’étaient retrouvés devant lui, justifiant ainsi une répartition fondée sur le risque de double recouvrement. En définitive, la manière d’exercer ce pouvoir discrétionnaire dépendra des circonstances de chaque affaire.

[50]                         Lorsque les conditions créant une possibilité de double recouvrement sont réunies, le tribunal doit procéder à la répartition de la valeur du bien entre les coaccusés afin d’éviter que ce risque ne se concrétise. Le tribunal n’a d’autre choix que de procéder ainsi, car l’exercice de son pouvoir discrétionnaire doit être conforme à la nature de l’amende compensatoire, laquelle remplace le bien non confiscable, ni plus ni moins. Le tribunal conserve cependant une certaine souplesse dans la manière de répartir la valeur du bien entre les coaccusés, vu le caractère approximatif de l’exercice.

b)             Le devoir qui incombe au ministère public

[51]                         Bien que le fardeau de soulever et d’établir que la répartition est indiquée incombe au contrevenant, le ministère public n’est pas pour autant déchargé de toute responsabilité à cet égard.

[52]                         Pour mitiger les risques de double recouvrement, le ministère public devrait, dans la mesure du possible, répartir de son propre chef entre les coaccusés la valeur du bien qui constitue un produit de la criminalité, lorsqu’il dispose d’une preuve indiquant que ce même bien ou une partie de celui-ci a été simultanément ou successivement en la possession ou sous le contrôle de ces derniers. Il s’agit d’un devoir qui incombe au ministère public dans le cadre de son rôle de « représentant de la justice », lequel exclut toute notion de gain ou de perte (R. c. Regan, 2002 CSC 12, [2002] 1 R.C.S. 297, par. 65).

[53]                         Le ministère public devrait s’acquitter de ce devoir en tout temps, mais à plus forte raison lorsque les coaccusés subissent des procès séparés. En effet, le ministère public possède une vue d’ensemble des différentes instances et il peut, en amont, limiter le montant qu’il réclame à titre d’amende compensatoire dans chacune des procédures, afin que le total des amendes infligées aux coaccusés corresponde à la valeur du bien qui constitue un produit de la criminalité.

[54]                         À titre d’illustration, si le ministère public détient la preuve qu’un contrevenant a eu sous son contrôle une somme totale de 100 000 $ provenant d’une fraude, et qu’il a ensuite distribué la somme de 50 000 $ à son coaccusé, le ministère public devrait limiter sa demande à 50 000 $ dans chacune des instances, plutôt que de créer délibérément un risque de double recouvrement en réclamant 100 000 $ au premier contrevenant.

[55]                         Bien entendu, le ministère public demeure libre de renoncer à réclamer une amende compensatoire ou d’en limiter le montant dans le cadre d’une suggestion commune sur la peine de l’un des coaccusés. Lorsque l’État renonce à réclamer une amende ou une partie de celle-ci, il n’existe évidemment aucune possibilité de double recouvrement en rapport avec la somme que le contrevenant est ainsi dispensé de payer. En conséquence, les coaccusés du contrevenant ne peuvent invoquer la somme faisant l’objet de la dispense pour limiter leur propre amende. Je le répète, seule la possibilité d’un double recouvrement donne ouverture à l’exercice du pouvoir discrétionnaire de répartition du tribunal, afin de respecter la nature substitutive de l’amende compensatoire. Le montant de l’amende est déterminé en fonction de la valeur du bien qui n’est plus confiscable et non des considérations relatives à l’équité ou à la capacité de payer du contrevenant.

c)             Conclusion

[56]                         En résumé, l’amende doit en principe être équivalente à la valeur du bien qu’a possédé ou contrôlé le contrevenant à un quelconque moment. L’exception à ce principe, suivant laquelle le contrevenant peut être condamné au paiement d’une somme inférieure à la valeur totale du bien en sa possession ou sous son contrôle, se justifie par le souci d’éviter qu’il y ait double recouvrement de la valeur d’un même bien auprès de plusieurs coaccusés.

(4)          Application aux faits de l’espèce

[57]                         En l’espèce, la Cour d’appel a réduit l’amende de M. Vallières au motif qu’un tribunal peut fixer une amende qui reflète la marge de profit du contrevenant, pourvu que cette sanction satisfasse au double objectif de privation du gain et de dissuasion (par. 245 (CanLII)). Ce faisant, la Cour d’appel s’est fondée sur une lecture erronée de l’arrêt Dieckmann, s’arrogeant par le fait même un pouvoir discrétionnaire qu’elle ne possédait pas.

[58]                         L’arrêt Dieckmann ne s’écarte pas du principe selon lequel l’amende doit être égale à la valeur du bien; cet arrêt énonce plutôt que la valeur du bien peut être répartie entre des coaccusés lorsque la preuve démontre que ces derniers ont possédé ou contrôlé ce même bien à un moment ou à un autre. Cette décision n’établit pas une nouvelle approche fondée sur les profits tirés par le contrevenant.

[59]                         En ce qui concerne le double objectif de privation du gain et de dissuasion, le législateur a clairement énoncé le moyen choisi pour parvenir à sa fin : l’amende doit être égale à la valeur du bien. Sur ce point, la Cour d’appel a eu tort d’affirmer que « [l]a peine d’emprisonnement de huit ans combinée à une amende compensatoire de 1 000 000 $ satisfait amplement à [l’objectif de dissuasion] » (par. 249). La peine d’emprisonnement de huit ans constitue le châtiment infligé à M. Vallières pour la commission des infractions désignées, tandis que l’amende vise à remplacer le bien dont la confiscation est devenue irréalisable. Cette dernière ordonnance n’a pas pour objet de punir le contrevenant pour la perpétration d’une infraction. Le caractère dissuasif global de l’amende et de la peine d’emprisonnement ne joue donc aucun rôle dans la détermination du montant approprié, lequel a été fixé par le législateur.

[60]                         De plus, contrairement à ce qu’a affirmé la Cour d’appel, l’arrêt Lavigne n’appuie pas la proposition voulant que l’amende compensatoire puisse se limiter aux profits tirés par le contrevenant de ses activités criminelles (par. 243-244). Cette décision indique clairement que l’amende doit correspondre à la valeur du bien (Lavigne, par. 35). Dans cette affaire, la Cour a condamné le contrevenant à l’amende compensatoire de 150 000 $ que réclamait le ministère public, étant donné que la preuve établissait hors de tout doute raisonnable que le contrevenant avait tiré au moins une telle somme du trafic de drogues. La valeur du bien ne pouvait être déterminée autrement.

[61]                         La Cour d’appel a également fait erreur en concluant que M. Vallières n’a jamais eu 10 000 000 $ en sa possession, tout en affirmant du même coup que l’argent en question avait servi d’intrants qui lui permettaient de se procurer davantage de sirop destiné à la revente (par. 250). De son propre aveu, M. Vallières a eu le contrôle sur cette somme, qui s’est retrouvée entre ses mains ou dans ses comptes de banque à un moment quelconque. Dès lors, les dispositions sur les produits de la criminalité trouvaient application. La manière dont M. Vallières a utilisé l’argent par la suite, en l’occurrence pour se procurer davantage de sirop d’érable, n’était pas pertinente pour les besoins de l’analyse.

[62]                         Par ailleurs, c’est devant notre Cour que M. Vallières se plaint pour la première fois du défaut du premier juge de répartir la somme de 10 000 000 $ entre ses coaccusés et lui. Il suffit de constater que M. Vallières n’a pas prouvé en première instance, ni en appel d’ailleurs, qu’il existait un risque de double recouvrement à l’égard de cette somme, de telle sorte que le juge de première instance n’avait effectivement d’autre choix que de lui infliger une amende à hauteur de ce montant.

[63]                         De surcroît, on ne saurait reprocher au ministère public d’avoir failli à son devoir en l’espèce. Au moment de l’audience en première instance, la thèse du ministère public était que M. Vallières payait uniquement ses coaccusés Sylvain Bourassa, Martin Vallières et Yves Lapierre, ses autres complices ayant possédé ou contrôlé des produits de la criminalité provenant d’autres sources. Selon le point de vue du ministère public, l’amende imposée à M. Vallières ne soulevait qu’une possibilité de double recouvrement en rapport avec les amendes infligées à Sylvain Bourassa, Martin Vallières et Yves Lapierre, lesquelles totalisent 204 400 $.

[64]                         Or, compte tenu de la preuve dont disposait le ministère public, cette possibilité de double recouvrement était inexistante. En effet, si l’on considère, à titre indicatif, que la valeur du sirop volé dépassait 18 000 000 $, le ministère public pouvait raisonnablement inférer que M. Vallières a contrôlé une somme bien supérieure à 10 204 400 $, vu sa position de tête dirigeante de l’opération. La preuve établit d’ailleurs que M. Vallières a eu sous son contrôle « au moins 10 000 000 $ » (motifs de la C.A., par. 176). Le ministère public pouvait donc légitimement réclamer une telle somme à M. Vallières, sans créer délibérément un risque de double recouvrement.

[65]                         Du reste, même en considérant toutes les amendes ultimement infligées aux coaccusés de M. Vallières en rapport avec l’entreprise criminelle de vol de sirop d’érable, amendes qui représentent environ 2 000 000 $, la possibilité de double recouvrement demeurait négligeable du point de vue du ministère public, dans la mesure où ce dernier pouvait raisonnablement présumer que M. Vallières avait, en réalité, exercé un contrôle sur une somme s’approchant de la valeur du sirop volé.

[66]                         En définitive, M. Vallières n’a pas satisfait au fardeau qui lui incombait et il doit, en conséquence, être tenu au paiement d’une amende égale à la valeur du bien qui était en sa possession ou sous son contrôle, soit 10 000 000 $. Bien que le montant de l’amende compensatoire puisse paraître élevé, il s’impose à la lumière du régime sur la confiscation des produits de la criminalité. 

B.            La Cour d’appel a-t-elle commis une erreur en omettant de permettre aux parties de se faire entendre sur la modification du montant de l’amende compensatoire, alors que cette question n’était pas soulevée en appel?

[67]                         Vu ma réponse à la première question, il n’est pas nécessaire de trancher la deuxième question en litige pour régler le sort du pourvoi. Qu’il suffise de rappeler que la détermination du montant d’une amende compensatoire implique des considérations juridiques et factuelles différentes de la question de savoir si une telle amende doit être infligée ou non à un contrevenant, comme en témoigne la présente affaire. En pareilles circonstances, un tribunal devrait offrir aux parties l’occasion de soumettre des observations avant de trancher une question sur laquelle les parties n’ont pas eu la chance de se prononcer (R. c. Mian, 2014 CSC 54, [2014] 2 R.C.S. 689).

VI.         Dispositif

[68]                         Pour ces motifs, l’appel est accueilli. L’amende infligée à M. Vallières est établie à 9 171 397,57 $, ce qui correspond au montant de 10 000 000 $ déduction faite de la somme de 828 602,43 $ faisant l’objet de l’ordonnance de restitution. Monsieur Vallières dispose d’un délai de 10 ans pour payer cette amende, à défaut de quoi il s’expose à un emprisonnement d’une durée de 6 ans consécutif à toute autre peine d’emprisonnement.

 

                    Pourvoi accueilli.

                    Procureur de l’appelante : Directeur des poursuites criminelles et pénales, Trois‑Rivières.

                    Procureurs de l’intimé : Labelle, Côté, Tabah & Associés, Saint‑Jérôme.

                    Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Ontario : Procureur général de l’Ontario, Toronto.

                    Procureurs de l’intervenante l’Association québécoise des avocats et avocates de la défense : Battista Turcot Israel, Montréal.



[1] Comme la somme de 606 501,56 $ était en devise américaine, elle aurait dû être convertie à 828 602,43 $ en devise canadienne, conformément au taux de conversion suggéré par le ministère public. Cette erreur a été corrigée en appel.

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