R. c. Guignard, [2002] 1 R.C.S. 472, 2002 CSC 14
Roger Guignard Appelant
c.
Ville de Saint-Hyacinthe Intimée
Répertorié : R. c. Guignard
Référence neutre : 2002 CSC 14.
No du greffe : 27704.
2001 : 3 octobre; 2002 : 21 février.
Présents : Le juge en chef McLachlin et les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier, Iacobucci, Major, Bastarache, Binnie, Arbour et LeBel.
en appel de la cour d’appel du québec
Droit constitutionnel – Charte des droits – Liberté d’expression – Affichage – Affiche posée par un citoyen sur un de ses immeubles pour démontrer son insatisfaction à l’égard des services de sa compagnie d’assurance – Citoyen condamné pour avoir enfreint un règlement municipal qui interdit l’installation d’enseignes publicitaires en dehors d’une zone industrielle – Le règlement porte-t-il atteinte à la liberté d’expression? – Dans l’affirmative, l’atteinte est-elle justifiable? – Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 2b) – Règlement d’urbanisme no 1200 de la Ville de Saint-Hyacinthe, art. 2.2.4 « enseigne », « enseigne publicitaire », 14.1.5p).
Droit municipal – Règlement – Validité – Affichage – Affiche posée par un citoyen sur un de ses immeubles pour démontrer son insatisfaction à l’égard des services de sa compagnie d’assurance – Citoyen condamné pour avoir enfreint un règlement municipal qui interdit l’installation d’enseignes publicitaires en dehors d’une zone industrielle – Le règlement porte-t-il atteinte à la liberté d’expression? – Dans l’affirmative, l’atteinte est-elle justifiable? – Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 2b) – Règlement d’urbanisme no 1200 de la Ville de Saint-Hyacinthe, art. 2.2.4 « enseigne », « enseigne publicitaire », 14.1.5p).
G installe sur une de ses propriétés une affiche faisant état de son insatisfaction à l’égard des services d’une compagnie d’assurance. Devant son refus de retirer l’affiche, la ville intimée l’accuse de contrevenir au par. 14.1.5p) du Règlement d’urbanisme no 1200 de la Ville de Saint-Hyacinthe qui interdit l’installation d’enseignes publicitaires en dehors d’une zone industrielle. La Cour municipale condamne G, concluant que le règlement interdit le type d’affiches posé par G et que cette interdiction, bien que portant atteinte à la liberté d’expression garantie par l’al. 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés, est sauvegardée par l’article premier de la Charte. La Cour supérieure et la Cour d’appel ont confirmé la constitutionnalité du règlement.
Arrêt : Le pourvoi est accueilli. Le paragraphe 14.1.5p) et la définition des mots « enseigne » et « enseigne publicitaire » de l’art. 2.2.4 du règlement sont déclarés invalides. La déclaration d’invalidité est suspendue pour une période de six mois.
La liberté d’expression est fondamentale pour la vie de chaque citoyen et joue un rôle critique dans le développement de notre société. Puisque l’expression commerciale est protégée par l’al. 2b) de la Charte, les entreprises ont le droit constitutionnel de se livrer à des activités d’information et de promotion par voie publicitaire. En contrepartie, les consommateurs jouissent aussi d’une liberté d’expression qui se manifeste parfois sous la forme d’une contre-publicité destinée à critiquer un produit ou à commenter de façon négative la prestation de services. À cet égard, les moyens d’expression simples, comme l’affichage, constituent pour ces consommateurs des modes privilégiés de communication. Vu l’importance majeure de l’activité économique dans notre société, la contre-publicité du consommateur contribue tout autant à l’échange d’information et à la protection d’intérêts sociétaux que la publicité ou certaines formes d’expression politique. Ce type de communication peut avoir une importance sociale considérable, au-delà même du domaine purement commercial. En restreignant à certains endroits désignés le droit d’utiliser ce mode privilégié d’expression, le règlement contesté porte directement atteinte à la liberté d’expression. Cette atteinte affecte particulièrement la liberté d’expression d’une personne qui ne dispose pas de moyens financiers importants. Même si les dispositions contestées du règlement n’ont sûrement pas été conçues dans le but d’empêcher un citoyen de faire de la contre-publicité, appliqué à la lettre, le règlement a pour effet de priver tout citoyen de la possibilité d’afficher pour dénoncer les pratiques, produits ou services d’une entreprise.
Le règlement contesté n’est pas justifiable en vertu de l’article premier de la Charte. Bien que la prévention de la pollution visuelle représente un objectif raisonnable, l’examen des effets pratiques du règlement démontre que la ville ne satisfait à aucun des critères du processus de justification. Le lien rationnel entre le règlement et l’objectif poursuivi n’a pas été démontré. Tel que rédigé, le règlement n’interdit dans les zones résidentielles que les affiches mentionnant expressément la raison sociale d’une entreprise commerciale. Bien qu’aussi polluantes au point de vue visuel, les autres types d’affiches à caractère plus générique échappent au règlement. Sur le plan de l’atteinte minimale, le règlement ne constitue pas une solution raisonnable parmi celles normalement laissées à la marge d’appréciation de l’administration publique. La réglementation restreint gravement la liberté de G d’exprimer publiquement son mécontentement vis-à-vis des pratiques de son assureur. Enfin, la réglementation a un impact disproportionné sur la liberté d’expression de G par rapport à tout avantage qu’elle confère à la municipalité.
Jurisprudence
Arrêts mentionnés : Groupe Commerce, cie d’assurances c. Guignard, [1998] A.Q. no 695 (QL); Nanaimo (Ville) c. Rascal Trucking Ltd., [2000] 1 R.C.S. 342, 2000 CSC 13; Montréal (Ville de) c. Arcade Amusements Inc., [1985] 1 R.C.S. 368; Produits Shell Canada Ltée c. Vancouver (Ville), [1994] 1 R.C.S. 231; 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d’arrosage) c. Hudson (Ville), [2001] 2 R.C.S. 241, 2001 CSC 40; R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45, 2001 CSC 2; Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927; Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur général), [1998] 1 R.C.S. 877; Ford c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 712; Rocket c. Collège royal des chirurgiens dentistes d’Ontario, [1990] 2 R.C.S. 232; RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199; Ramsden c. Peterborough (Ville), [1993] 2 R.C.S. 1084; Comité pour la République du Canada c. Canada, [1991] 1 R.C.S. 139; R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103; Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 2b).
Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., ch. C-12, art. 3.
Code de procédure pénale, L.R.Q., ch. C-25.1.
Règlement d’urbanisme no 1200 de la Ville de Saint-Hyacinthe, art. 2.2.4 « enseigne », « enseigne publicitaire », 14.1.5p).
Doctrine citée
Brun, Henri, et Guy Tremblay. Droit constitutionnel, 3e éd. Cowansville, Qué. : Yvon Blais, 1997.
Hogg, Peter W. Constitutional Law of Canada, vol. 2, loose-leaf ed. Scarborough,
Ont. : Carswell, 1997 (updated 2000, release 1).
Rothstein, M. « Section 1 : Justifying Breaches of Charter Rights and Freedoms »
(1999-2000), 27 Man. L.J. 171.
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec rendu le 17 novembre 1999, qui a rejeté l’appel de l’appelant contre un jugement de la Cour supérieure (chambre criminelle), [1997] A.Q. no 3213 (QL), qui avait rejeté l’appel de l’appelant contre une décision de la Cour municipale de Saint-Hyacinthe, [1997] J.Q. no 5016 (QL). Pourvoi accueilli.
Daniel Payette, pour l’appelant.
Stéphane Forest, pour l’intimée.
Le jugement de la Cour a été rendu par
Le juge LeBel –
I. Introduction
1 Ce pourvoi met en cause la conformité des dispositions réglementaires sur l’affichage de la Ville de Saint-Hyacinthe avec l’al. 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés. L’appelant, Roger Guignard, a été condamné en Cour municipale pour avoir installé sur une de ses propriétés une affiche faisant état de son insatisfaction à l’égard des services d’une société d’assurance.
2 Les tribunaux inférieurs ont conclu que la réglementation municipale interdisait le type d’affiche posé par M. Guignard et que cette prohibition, bien que portant atteinte à la liberté d’expression, était sauvegardée par l’article premier de la Charte. Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, de casser la condamnation de M. Guignard et de prononcer un acquittement à l’égard des infractions dont il a été accusé.
II. L’origine de l’affaire
3 En 1996, M. Guignard possède un immeuble dans le territoire de la Ville de Saint-Hyacinthe. Une police d’assurance émise par une société importante, le Groupe Commerce, assure les risques reliés à cette propriété. Un sinistre survient en mai 1996 et l’appelant réclame une indemnité de son assureur. Le paiement tarde et M. Guignard finit par s’impatienter. Il place sur un autre de ses immeubles une affiche qui exprime éloquemment son mécontentement. Le 8 août 1996, à la suite d’une plainte, un inspecteur municipal ordonne à l’appelant d’enlever l’affiche dans un délai de 24 heures. Selon l’inspecteur, l’affiche contrevient au règlement de zonage de la ville qui interdit l’installation d’enseignes publicitaires en dehors d’une zone industrielle (Règlement d’urbanisme no 1200 de la Ville de Saint-Hyacinthe, par. 14.1.5p)). L’affiche se lit comme suit :
DATE DE L’ÉVÉNEMENT 10-05-96
DATE DE RÉPARATIONS 10-13
DATE DE LA RÉCLAMATION 10-05-96
LORSQU’ON A UNE RÉCLAMATION
ON S’APERÇOIT DE LA PIÈTRE
QUALITÉ D’ASSURANCE
LE GROUPE COMMERCE
NE M’A PAS ENCORE INDEMNISÉ
LA COMPAGNIE D’ASSURANCE
INEFFICACE
4 Devant son refus d’obéir, la municipalité accuse M. Guignard de violation du règlement municipal. Cette plainte est régie par le Code de procédure pénale du Québec, L.R.Q., ch. C-25.1. L’inculpation est formulée dans ces termes :
Le ou vers le 25 septembre 1996, avoir procédé à l’installation d’une enseigne publicitaire dans une zone où ce type d’enseigne est interdit, contrairement à l’article 14.1.5p) du règlement de zonage de la Ville de Saint-Hyacinthe.
5 Parallèlement, l’assureur de M. Guignard s’adresse aux tribunaux civils afin d’obtenir une ordonnance d’injonction interlocutoire pour contraindre l’appelant à enlever son affiche. La Cour supérieure accueille cette demande et ordonne l’enlèvement. Ce jugement est cassé le 10 mars 1998 par la Cour d’appel du Québec qui retient que l’affiche n’a pas un caractère diffamatoire et que la liberté d’expression de M. Guignard doit prévaloir (Groupe Commerce, cie d’assurances c. Guignard, [1998] A.Q. no 695 (QL)). Pendant ce temps, l’affaire pénale suit son cours, M. Guignard contestant toujours la condamnation prononcée par la Cour municipale.
III. L’historique judiciaire
A. Cour municipale, [1997] J.Q. no 5016 (QL)
6 Devant la Cour municipale, M. Guignard présente plusieurs moyens de défense. En premier lieu, il soutient que les procédures entreprises constituent un abus de droit. Ensuite, il plaide que le règlement municipal ne s’applique pas à ce type de publicité. Enfin, il prétend que le règlement, tel qu’interprété par la municipalité, porte une atteinte injustifiée à sa liberté d’expression protégée par l’al. 2b) de la Charte.
7 Le juge Lalande rejette tous ces moyens de défense. D’abord, il conclut que l’existence de procédures civiles entre M. Guignard et son assureur ne justifie pas l’arrêt des procédures pénales, même si celles-ci sont basées sur les mêmes faits, puisque les conséquences civiles d’une situation de fait doivent être distinguées de ses aspects pénaux.
8 Ensuite, le juge Lalande conclut que l’affiche constitue un « panneau » ou une « enseigne publicitaire » au sens du règlement de zonage étant donné que celui-ci ne fait pas de distinction entre la publicité positive et la publicité négative. L’illégalité de l’affiche étant établie, le juge Lalande passe ensuite à l’examen du moyen fondé sur la liberté d’expression. Il reconnaît que l’affichage constitue une forme d’expression protégée par l’al. 2b), mais conclut que l’atteinte est justifiée en vertu de l’article premier de la Charte (aux par. 24-26) :
Dans le présent dossier, il est manifeste pour le tribunal que le premier critère est rencontré. En effet, il ne fait pas de doute à la lecture des dispositions du règlement de zonage de la plaignante concernant l’affichage qu’elles ont été édictées afin d’atteindre l’objectif de préserver un cadre agréable pour les citoyens en les protégeant contre la pollution visuelle.
Quant au second critère, celui de l’atteinte minimale, il apparaît également au tribunal qu’il est respecté. Le règlement ne prohibe pas toute forme d’affichage sur l’ensemble du territoire municipal. Il limite plutôt l’affichage aux seuls endroits où il est nécessaire, c’est-à-dire, là où une activité pouvant bénéficier de l’affichage est exercée. Par ailleurs, il permet même d’afficher dans les zones industrielles une activité exercée dans une autre zone.
Comme le règlement permet d’une part l’affichage sur les lieux où l’activité est exercée et d’autre part comme il permet au moins dans une zone d’afficher en dehors du site pour lequel la réclame est effectuée, le tribunal en vient donc à la conclusion qu’il existe une juste proportionnalité entre les mesures utilisées pour restreindre la liberté d’expression et l’objectif visé, soit éviter la pollution visuelle.
La Cour municipale écarte ainsi tous les moyens de défense de l’appelant et le déclare coupable de l’infraction reprochée.
B. Cour supérieure (chambre criminelle), [1997] A.Q. no 3213 (QL)
9 Conformément au Code de procédure pénale du Québec, l’appelant se pourvoit sans succès devant la Cour supérieure. Après un examen du règlement, le juge Downs conclut que la Cour municipale a interprété correctement les dispositions concernées et que celles-ci ne constituent pas une atteinte injustifiée à la garantie constitutionnelle de liberté d’expression.
C. Cour d’appel
10 Le 12 novembre 1997 le juge Forget accorde à M. Guignard la permission d’en appeler du jugement du juge Downs. Le 17 novembre 1999, statuant au fond, la Cour d’appel rejette le pourvoi sur le simple constat que les jugements antérieurs sont bien fondés. Monsieur Guignard obtient par la suite une autorisation d’interjeter appel devant notre Cour, [2000] 2 R.C.S. ix.
IV. Questions constitutionnelles
11 Le 19 janvier 2001, le Juge en chef formule les questions constitutionnelles suivantes :
1. L’article 14.1.5p) et la définition des expressions « enseigne » et « enseigne publicitaire » du Règlement d’urbanisme de la Ville de Saint-Hyacinthe limitent-ils le droit garanti par l’al. 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés?
2. Si la réponse à la première question est affirmative, la justification de ces limites peut-elle se démontrer conformément à l’article premier de la Charte?
V. Dispositions législatives
12 Charte canadienne des droits et libertés
1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.
2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :
. . .
b) liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;
Règlement d’urbanisme no 1200 de la Ville de Saint-Hyacinthe
2.2.4 Définitions
. . .
Enseigne:
tout écrit (lettres, mots, chiffres), toute représentation picturale (dessin, gravure, photo, illustration, image), tout emblème (devise, symbole, marque de commerce), tout drapeau (bannière, fanion, oriflamme, banderole), tout panneau-réclame ou tout autre objet ou moyen semblable qui :
est attaché, fait partie ou est posé sur ou à l’extérieur d’un bâtiment ou sur le terrain;
est utilisé pour avertir, informer, annoncer, faire de la publicité ou pour d’autres motifs semblables.
. . .
Enseigne publicitaire :
enseigne indiquant au moins une raison sociale et attirant l’attention sur une entreprise, un produit, un service ou un divertissement mené, vendu ou offert sur un autre terrain que celui où elle a été placée.
14.1.5 Affichage interdit
L’affichage suivant est interdit :
. . .
p) les enseignes publicitaires et les panneaux-réclames, sauf dans les zones industrielles.
VI. Analyse
A. Les questions en litige
13 Devant notre Cour, les parties ont uniquement débattu de la question constitutionnelle. Devant la Cour municipale, M. Guignard avait proposé une alternative à ce débat en suggérant une interprétation restrictive du règlement municipal. En principe, les tribunaux doivent s’assurer que les dispositions contestées d’une loi ou d’un règlement peuvent être interprétées de façon conforme aux garanties constitutionnelles avant de procéder à un examen constitutionnel. Ils doivent en effet se garder de passer prématurément à la mise en œuvre des dispositions de la Charte en vérifiant, au préalable, si les principes pertinents ne permettraient pas de trouver une autre solution adéquate. Ainsi, dans un débat judiciaire mettant en cause la validité constitutionnelle d’un règlement municipal, les tribunaux examineront d’abord sa conformité avec la législation qui l’habilite (voir Nanaimo (Ville) c. Rascal Trucking Ltd., [2000] 1 R.C.S. 342, 2000 CSC 13; Montréal (Ville de) c. Arcade Amusements Inc., [1985] 1 R.C.S. 368). Ensuite, ils vérifieront si ces pouvoirs municipaux ont été exercés de façon conforme aux principes généraux gouvernant la réglementation municipale. En dernière analyse, ils doivent se pencher sur le sens de la disposition réglementaire contestée et décider si elle peut être interprétée de façon à respecter la garantie constitutionnelle en jeu.
14 Dans le cas présent, il ne fait pas de doute que la législation municipale du Québec autorise le règlement de zonage de l’intimée. Les efforts déployés pour lui trouver un sens plus restreint qui en assurerait la conformité à la liberté d’expression n’ont eu aucun succès en Cour municipale et n’ont pas été repris. Une telle tentative serait de toute façon restée vaine vu le libellé du règlement. En effet, le terme « enseigne publicitaire » à l’art. 2.2.4 du Règlement d’urbanisme no 1200 de la Ville de Saint-Hyacinthe désigne toute enseigne qui comporte une raison sociale et attire l’attention de façon favorable ou négative sur une entreprise, un produit ou un service. L’affiche de l’appelant est incontestablement visée par cette définition. Le débat constitutionnel ne saurait alors être évité.
B. Prétentions des parties
15 L’appelant plaide que le règlement municipal viole l’al. 2b) de la Charte et n’est pas sauvegardé par l’article premier. Il allègue plus particulièrement que le par. 14.1.5 et les définitions des termes « enseigne » et « enseigne publicitaire » à l’art. 2.2.4 du règlement ont pour effet, à toutes fins pratiques, d’interdire l’affichage d’une opinion défavorable d’un consommateur à l’endroit d’une entreprise, d’un produit ou d’un service. Il prétend que les moyens choisis par l’intimée pour prévenir la pollution visuelle dans la municipalité sont disproportionnés et portent inutilement atteinte à la liberté d’expression. Toutefois, dans ses conclusions, tout en mettant en cause la validité du règlement municipal, M. Guignard semble demander une interprétation atténuée, sinon une exclusion ou exemption de l’application du règlement.
16 De son côté, l’intimée nie que son règlement viole la garantie de liberté d’expression. Elle reconnaît que l’affiche de l’appelant transmet une signification mais allègue que le règlement n’a ni pour objet ni pour effet de restreindre la liberté d’expression. Elle soutient que les dispositions attaquées visent à prévenir la pollution visuelle et la distraction des automobilistes. Enfin, selon l’intimée, le règlement ne violerait pas la liberté d’expression de l’appelant puisque le fait de donner de la publicité à un litige privé ne promeut aucune des trois valeurs sous-tendant la liberté d’expression. L’intimée identifie ces valeurs comme étant la recherche de la vérité, la participation à la prise de décisions d’intérêt social ou politique et la diversité des formes d’enrichissement et d’épanouissement personnels. Cette argumentation suggère que l’appelant n’aurait même pas établi l’existence d’une atteinte à la liberté d’expression, ce qui rendrait inutile la justification sous l’article premier de la Charte. Cependant, si notre Cour conclut que le règlement limite la liberté d’expression, l’intimée allègue que cette restriction est justifiée par l’application de l’article premier de la Charte. Cet exercice des pouvoirs municipaux serait donc valide et les jugements des tribunaux du Québec devraient être confirmés.
C. L’importance des administrations municipales
17 Notre Cour a fréquemment rappelé l’importance sociale et politique des administrations publiques locales. Elle a souligné que leurs pouvoirs devaient être interprétés généreusement parce que leurs relations de proximité avec les citoyens qui habitent ou travaillent sur leur territoire les rendent plus sensibles aux problèmes qu’ils connaissent (voir Produits Shell Canada Ltée c. Vancouver (Ville), [1994] 1 R.C.S. 231; Nanaimo (Ville) c. Rascal Trucking Ltd., précité; 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d’arrosage) c. Hudson (Ville), [2001] 2 R.C.S. 241, 2001 CSC 40). Au-delà du cadre législatif et des principes généraux de droit administratif qui les régissent, les pouvoirs municipaux doivent être exercés conformément aux principes de la Charte, tout comme l’ensemble des pouvoirs détenus par les administrations publiques.
18 Comme on se trouve devant une matière relevant de la compétence législative de l’Assemblée nationale du Québec, il convient de noter que M. Guignard aurait tout aussi bien pu contester les dispositions en cause sur la base de l’art. 3 de la Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., ch. C-12, qui protège expressément les libertés d’opinion et d’expression. En raison des positions adoptées par les parties, l’analyse du dossier se limitera toutefois à l’étude des dispositions pertinentes de la Charte canadienne des droits et libertés. J’examinerai d’abord l’existence d’une limitation à la liberté d’expression puis je passerai à l’étude du problème de la justification.
D. La liberté d’expression
19 Notre Cour attache une importance particulière à la liberté d’expression. Depuis l’entrée en vigueur de la Charte, elle a souligné à maintes reprises l’importance sociétale de la liberté d’expression et sa position privilégiée dans le droit constitutionnel canadien. Encore récemment, dans le contexte fort délicat de l’étude des dispositions du Code criminel sur la pornographie infantile, le juge en chef McLachlin rappelait l’importance fondamentale de la liberté d’expression pour la vie de chaque citoyen ainsi que pour la démocratie canadienne. Elle protège non seulement les opinions acceptées, mais aussi celles qui contestent et parfois dérangent (R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45, 2001 CSC 2, par. 21).
20 Cette liberté joue un rôle critique dans le développement de notre société. Elle confère à tous la possibilité de s’exprimer sur l’ensemble des sujets qui concernent la vie en société (voir Sharpe, précité, par. 23). Très large, son contenu incorpore des formes d’expression d’importance et de qualité variables. Certaines, comme le discours politique, se trouvent au cœur même de la liberté d’expression (voir Sharpe, par. 23; Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927, p. 976; Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur général), [1998] 1 R.C.S. 877).
21 Dans l’application de l’al. 2b) de la Charte, notre Cour a reconnu une valeur considérable à la liberté d’expression commerciale. La nécessité de cette dernière découle de la nature même de notre régime économique qui est fondé sur l’existence d’un libre marché. Or, le fonctionnement harmonieux de ce marché repose sur l’accès des entreprises et des consommateurs à une information abondante et diversifiée. Ainsi, dans l’arrêt Ford c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 712, p. 766-767, notre Cour a rejeté l’argument d’après lequel le discours commercial ne relevait pas de la garantie constitutionnelle
[é]tant donné que cette Cour a déjà affirmé à plusieurs reprises que les droits et libertés garantis par la Charte canadienne doivent recevoir une interprétation large et libérale, il n’y a aucune raison valable d’exclure l’expression commerciale de la protection de l’al. 2b) de la Charte.
22 De même, dans l’affaire Rocket c. Collège royal des chirurgiens dentistes d’Ontario, [1990] 2 R.C.S. 232, qui portait sur la constitutionnalité d’un règlement limitant le droit des dentistes de faire de la publicité, notre Cour a réitéré à la p. 241 que la publicité était une forme d’expression protégée par l’al. 2b) puisqu’elle favorisait des choix économiques éclairés :
La première question est de savoir si la protection accordée par l’al. 2b) s’applique au discours commercial comme la publicité. L’argument invoqué contre l’application de l’al. 2b) au discours commercial s’appuie sur la proposition selon laquelle la Charte n’était pas destinée à protéger des intérêts économiques. Notre Cour a rejeté cet argument pour le motif que la publicité englobe plus que les intérêts économiques. Dans l’arrêt Ford [. . .], la Cour a souligné la valeur intrinsèque de la publicité comme forme d’expression, la protection accordée aux personnes visées par la publicité de même qu’aux annonceurs et l’importance de favoriser des choix économiques éclairés pour l’autonomie et l’épanouissement personnels des particuliers.
Voir aussi RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199.
23 La jurisprudence de notre Cour reconnaît ainsi aux entreprises commerciales le droit constitutionnel de se livrer à des activités d’information et de promotion par voie publicitaire. Comme on le sait et comme on l’éprouve, parfois avec des sentiments divers, la publicité commerciale caractérise les sociétés occidentales par son omniprésence. Le plus souvent, elle tente de transmettre un message positif à des consommateurs potentiels. Toutefois, il arrive qu’elle soit comparative, sinon négative. En contrepartie, les consommateurs jouissent aussi d’une liberté d’expression. Elle se manifeste parfois sous la forme d’une contre-publicité destinée à critiquer un produit ou à commenter de façon négative la prestation de services. Dans des limites établies par les principes juridiques relatifs à la diffamation, ce droit appartient à chaque consommateur. Celui-ci peut exprimer sa frustration ou sa déception à l’égard d’un produit ou d’un service. Sa liberté d’expression n’est pas limitée à cet égard à une communication privée destinée au seul vendeur ou fournisseur de services. Il peut partager ses préoccupations, ses inquiétudes ou même sa colère avec les autres consommateurs et chercher à les mettre en garde contre les pratiques d’une entreprise. Vu l’importance majeure de l’activité économique dans notre société, la contre-publicité du consommateur contribue tout autant à l’échange d’information et à la protection d’intérêts sociétaux que la publicité ou certaines formes d’expression politique. Ce type de communication peut avoir une importance sociale considérable, au-delà même du domaine purement commercial.
24 En effet, elle ne se limite pas à une réaction au discours commercial et ne constitue pas une forme d’expression dérivée de celui-ci. Elle représente plutôt une forme d’expression d’opinion importante sur la vie sociale et économique de la société. Elle appartient non seulement au consommateur, mais aussi au citoyen.
25 À cet égard, les moyens d’expression simples, comme l’affichage ou la distribution de pamphlets ou de feuillets, ou déjà aujourd’hui, les messages sur Internet, constituent pour les consommateurs mécontents des modes privilégiés de communication. En effet, le recours aux médias reste souvent hors de leur portée en raison de leurs coûts. Dans Ramsden c. Peterborough (Ville), [1993] 2 R.C.S. 1084, notre Cour a rappelé l’importance de l’affichage comme moyen de communication efficace et peu coûteux pour les particuliers et les groupes dépourvus de ressources économiques suffisantes. Utilisées depuis des siècles pour communiquer des renseignements de nature politique, artistique ou économique, les affiches transmettent des messages parfois percutants. Sous des formes diverses, l’affichage constitue ainsi une forme d’activité expressive publique, accessible et efficace pour qui ne peut recourir aux campagnes médiatiques (voir Ramsden, p. 1096-1097; voir aussi Comité pour la République du Canada c. Canada, [1991] 1 R.C.S. 139, p. 198).
26 En restreignant à certains endroits désignés le droit d’utiliser ce mode privilégié d’expression, le règlement contesté porte directement atteinte à la liberté d’expression. Cette atteinte affecte particulièrement la liberté d’expression d’une personne qui ne dispose pas de moyens financiers importants. Une telle limitation peut en effet avoir pour conséquence de priver cette personne des seuls moyens d’expression qui lui sont réellement accessibles. Même d’apparence neutre, une disposition législative ou réglementaire peut avoir un impact majeur sur la possibilité d’expression d’une personne ou d’un groupe (voir Irwin Toy, p. 974-975).
E. L’impact du règlement municipal
27 Je concède volontiers que les dispositions contestées du règlement de zonage n’ont sûrement pas été conçues dans le but d’empêcher un consommateur ou un citoyen de faire de la contre-publicité. Cependant, le règlement interdit l’affichage publicitaire sauf en zone industrielle ou sur le lieu où est exercée l’activité commerciale (Règlement d’urbanisme no 1200 de la Ville de Saint-Hyacinthe, par. 14.1.5p)). La définition du terme « enseigne publicitaire » inclut tout type d’affiche désignant nominativement une entreprise particulière. La définition à cet égard est claire. L’article 2.2.4 définit une enseigne publicitaire comme une « enseigne indiquant au moins une raison sociale et attirant l’attention sur une entreprise, un produit, un service ou un divertissement mené, vendu ou offert sur un autre terrain que celui où elle a été placée ». Dès qu’une affiche comporte une raison sociale, le règlement interdit de la placer ailleurs qu’à l’endroit où se déroule l’activité commerciale ou en zone industrielle. Aucune distinction n’est faite à cet égard entre la promotion publicitaire favorable et la publicité négative. Appliqué à la lettre, ce règlement a pour effet de priver tout citoyen de la possibilité d’afficher pour dénoncer les pratiques, produits ou services d’une entreprise. Les deux options qui s’offrent à un citoyen consistent à obtenir l’autorisation préalable de l’entreprise afin de pouvoir installer l’affiche sur les lieux même de l’activité commerciale et à acheter ou louer un emplacement en zone industrielle. Alors que cette dernière option suppose la disponibilité de moyens financiers, la première relève manifestement du miracle. Le mode d’expression le plus accessible et efficace pour un citoyen comme M. Guignard est à toutes fins pratiques interdit. Monsieur Guignard a donc établi une atteinte à sa liberté d’expression. Il appartient maintenant à la municipalité d’établir le caractère raisonnable du règlement et d’en démontrer la conformité aux valeurs d’une société démocratique en vertu de l’article premier de la Charte.
F. La justification
28 Dans l’arrêt Sharpe, précité, le juge en chef McLachlin résumait ainsi le fardeau imposé à l’autorité publique par l’article premier de la Charte. Pour justifier une atteinte à la liberté d’expression, les pouvoirs publics doivent établir, au moyen d’une preuve complétée par le bon sens et le raisonnement par déduction, que la disposition attaquée satisfait aux critères énoncés dans l’arrêt R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, et précisés dans les arrêts Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835, et Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur général), précité. L’objectif poursuivi par la disposition attaquée doit être urgent et réel. La disposition doit être proportionnelle à l’objectif poursuivi, en ce sens qu’elle doit favoriser la réalisation de cet objectif, être soigneusement conçue pour éviter toute atteinte excessive au droit et produire des avantages qui l’emportent sur les effets négatifs de l’atteinte à la liberté d’expression (voir Sharpe, par. 78; P. W. Hogg, Constitutional Law of Canada (éd. feuilles mobiles), vol. 2, p. 35-16 et 35-17; H. Brun et G. Tremblay, Droit constitutionnel (3e éd. 1997), p. 930-936; M. Rothstein, « Section 1 : Justifying Breaches of Charter Rights and Freedoms » (1999-2000), 27 Man. L.J. 171).
29 En l’espèce, en plus de nier toute violation de la garantie constitutionnelle, l’intimée a plaidé subsidiairement que son règlement se justifiait par l’application de l’article premier de la Charte au motif qu’il visait à prévenir la pollution visuelle et la distraction des automobilistes. Or, le processus de justification ne se limite pas à la définition d’un objectif. Il faut encore que les autres critères soient respectés, notamment la démonstration d’un lien rationnel, d’une atteinte minimale et d’effets proportionnés. L’examen des effets pratiques du règlement démontre que l’intimée ne satisfait à aucun de ces critères du processus de justification. Certes, la prévention de la pollution visuelle représente un objectif raisonnable. La création de zones constitue un exercice approprié d’aménagement du territoire qui est autorisé par la loi et fort généralisé dans la plupart des municipalités. On conçoit bien les raisons qui incitent les municipalités à ne pas permettre toutes formes d’affiches en tous lieux et en tous temps. Il y va du maintien d’un milieu de vie agréable pour les citoyens. Cependant, tel que rédigé, le règlement de l’intimée n’interdit dans les zones résidentielles que les affiches mentionnant expressément la raison sociale d’une entreprise commerciale. Tous les autres types d’affiche à caractère plus générique échappent au règlement municipal. Ainsi, M. Guignard se serait-il contenté d’inscrire sur son affiche « méfiez-vous des assureurs » sans plus ou, « méfiez-vous de l’assureur situé à telle adresse », ou « assurez-vous ailleurs qu’à Saint-Hyacinthe », que son affiche aurait respecté le règlement municipal, bien qu’aussi polluante au point de vue visuel qu’un panneau portant la raison sociale de Groupe Commerce. Ces difficultés illustrent d’ailleurs le caractère arbitraire de l’interdiction et des distinctions dont elle dépend.
30 Sur le plan de l’atteinte minimale, le règlement en cause ne constitue pas une solution raisonnable parmi celles normalement laissées à la marge d’appréciation de l’administration publique. La réglementation restreint gravement la liberté de M. Guignard d’exprimer publiquement son mécontentement vis-à-vis les pratiques de son assureur. Elle l’oblige à recourir à des modes de publicité qui supposent la disponibilité de moyens financiers adéquats. Alternativement, elle le restreint à des communications privées ou presque, comme la distribution de quelques tracts dans le voisinage de son immeuble, sans doute beaucoup moins efficaces, pour transmettre au public son opinion sur la qualité des services de son assureur.
31 Enfin, la réglementation a un impact disproportionné sur la liberté d’expression de M. Guignard par rapport à tout avantage qu’elle confère à la municipalité. À cet égard, on a vu que l’affichage demeure un mode d’expression privilégié pour le particulier (voir Ramsden, p. 1102). En limitant celui-ci, le règlement municipal porte atteinte de façon grave et injustifiée à une forme d’expression en usage courant depuis longtemps et étroitement liée aux valeurs qui sous-tendent la protection de la liberté d’expression.
32 Le seul remède approprié en l’espèce est l’invalidation des dispositions du règlement municipal qu’attaque l’appelant. En raison de l’imbrication étroite des définitions et de la disposition prohibitive, la déclaration de nullité doit porter tant sur la définition que sur l’interdiction elle-même. Cette conclusion découle du type de contestation engagée. Une solution limitée à la seule personne de l’appelant ne réglerait pas de façon satisfaisante le problème juridique en cause. Cependant, compte tenu de l’importance du règlement de zonage dans l’aménagement du territoire municipal et du risque de création de droits acquis opposables à une réglementation ultérieure, pendant une période de vide juridique, cette conclusion doit être modulée par une suspension de l’invalidité pour une période de six mois afin de permettre à la municipalité de revoir son règlement. L’intimée aura sans doute avantage à repenser notamment la définition du mot « enseigne publicitaire » et à mieux identifier les objectifs réels des dispositions prohibitives. L’appelant doit alors être acquitté de l’accusation portée contre lui.
VII. Les dépens
33 L’appelant a droit à ses dépens devant notre Cour. Par ailleurs, pour les autres étapes du dossier, régies par le Code de procédure pénale du Québec, il est approprié d’accorder à l’appelant des dépens évalués forfaitairement à 2000 $ pour l’ensemble des procédures devant la Cour d’appel, la Cour supérieure et la Cour municipale, ainsi que les débours.
VIII. Conclusion
34 Pour ces motifs, le pourvoi est accueilli, la définition des mots « enseigne » et « enseigne publicitaire » à l’art. 2.2.4 du Règlement d’urbanisme no 1200 de la Ville de Saint-Hyacinthe et le par. 14.1.5p) de ce même règlement sont déclarés invalides. La déclaration d’invalidité est suspendue pour une période de six mois. Les jugements de la Cour d’appel du Québec, de la Cour supérieure et de la Cour municipale sont cassés et l’appelant est acquitté de l’accusation portée contre lui avec dépens devant notre Cour; il a droit à des dépens limités à 2000 $ au titre des honoraires et à ses débours devant la Cour d’appel du Québec, la Cour supérieure (chambre criminelle) et la Cour municipale de Saint-Hyacinthe.
35 Les questions constitutionnelles reçoivent les réponses suivantes :
1. L’article 14.1.5p) et la définition des expressions « enseigne » et « enseigne publicitaire » du Règlement d’urbanisme de la Ville de Saint-Hyacinthe limitent-ils le droit garanti par l’al. 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés?
Réponse: Oui.
2. Si la réponse à la première question est affirmative, la justification de ces limites peut-elle se démontrer conformément à la l’article premier de la Charte?
Réponse: Non.
Pourvoi accueilli avec dépens.
Procureurs de l’appelant : Boivin Payette, Montréal.
Procureurs de l’intimée : Forest Guilmain Arpin, Saint-Hyacinthe.