Auton (Tutrice à l’instance de) c. Colombie-Britannique (Procureur général), [2004] 3 R.C.S. 657, 2004 CSC 78
Procureur général de la Colombie-Britannique et
Medical Services Commission de la
Colombie-Britannique Appelants/Intimés au pourvoi incident
c.
Connor Auton, mineur, représenté par sa tutrice à l’instance,
Michelle Auton, Michelle Auton en sa qualité personnelle,
Michelle Tamir, mineure, représentée par sa tutrice à l’instance,
Sabrina Freeman, Sabrina Freeman en sa qualité personnelle,
Jordan Lefaivre, mineur, représenté par son tuteur à l’instance,
Leighton Lefaivre, Leighton Lefaivre en sa qualité personnelle,
Russell Gordon Pearce, mineur, représenté par sa tutrice à
l’instance, Janet Gordon Pearce, et Janet Gordon Pearce
en sa qualité personnelle Intimés/Appelants au pourvoi incident
et
Procureur général du Canada, procureur général de l’Ontario,
procureur général du Québec, procureur général de la
Nouvelle-Écosse, procureur général du Nouveau-Brunswick,
procureur général de l’Île-du-Prince-Édouard, procureur général
de l’Alberta, procureur général de Terre-Neuve-et-Labrador,
Association canadienne pour l’intégration communautaire et
Conseil des Canadiens avec déficiences, Fonds d’action et
d’éducation juridiques pour les femmes et Réseau d’action
des femmes handicapées du Canada, Société canadienne de
l’autisme, Michelle Dawson, Families for Effective Autism Treatment
of Alberta Foundation, Friends of Children with Autism et Families
for Early Autism Treatment of Ontario Intervenants
Répertorié : Auton (Tutrice à l’instance de) c. Colombie-Britannique (Procureur général)
Référence neutre : 2004 CSC 78.
No du greffe : 29508.
2004 : 9 juin; 2004 : 19 novembre.
Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Major, Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps et Fish.
en appel de la cour d’appel de la colombie-britannique
Droit constitutionnel — Charte des droits — Droits à l’égalité — Déficience mentale — Refus de la province de financer une thérapie comportementale pour enfants autistes d’âge préscolaire, offerte de façon intensive et sujette à controverse — Ce refus porte-t-il atteinte aux droits à l’égalité? — Charte canadienne des droits et libertés, art. 15(1) — Medicare Protection Act, R.S.B.C. 1996, ch. 286, art. 1 « benefits », « health care practitioner » — Medical and Health Care Services Regulation, B.C. Reg. 426/97, art. 17-29.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Droits à l’égalité — Groupe de comparaison approprié — Charte canadienne des droits et libertés, art. 15(1).
Droit constitutionnel — Charte des droits — Justice fondamentale — Refus de la province de financer une thérapie comportementale pour enfants autistes d’âge préscolaire, offerte de façon intensive et sujette à controverse — Ce refus porte-t-il atteinte à l’art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés? — Medicare Protection Act, R.S.B.C. 1996, ch. 286, art. 1 « benefits », « health care practitioner » — Medical and Health Care Services Regulation, B.C. Reg. 426/97, art. 17‑29.
Les enfants requérants souffrent d’autisme, un trouble neurocomportemental se caractérisant par une altération des interactions sociales et de la communication et un comportement répétitif. Ils ont poursuivi la province de la Colombie-Britannique, alléguant que son omission de financer la thérapie comportementale pour le traitement de l’autisme était contraire au par. 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés. Au cours des années ayant précédé l’audition de l’action, le gouvernement a reconnu l’importance, pour les enfants autistes, d’une intervention, d’un diagnostic et d’une évaluation précoces, tout en précisant que les services visant à répondre à leurs besoins devaient être mis en balance avec ceux offerts aux enfants ayant d’autres besoins spéciaux. Le gouvernement a financé un certain nombre de programmes destinés aux enfants autistes mais n’a pas établi le financement de la thérapie ABA/ICI pour tous les enfants autistes âgés de trois à six ans en raison notamment de compressions budgétaires et du caractère nouveau et controversé de cette thérapie. Lors du procès, le financement de la thérapie ABA/ICI destinée aux enfants autistes n’était pas universel et l’on commençait seulement à reconnaître son opportunité. La juge de première instance a conclu que le refus de financer cette thérapie portait atteinte aux droits à l’égalité des requérants; elle a enjoint à la province de financer la thérapie ABA/ICI précoce destinée aux enfants autistes et elle a accordé des dommages‑intérêts de 20 000 $ à chacun des requérants adultes. La Cour d’appel a confirmé le jugement et ordonné en outre le financement du traitement ABA/ICI sur recommandation médicale.
Arrêt : Le pourvoi est accueilli; le pourvoi incident est rejeté.
La personne qui allègue la violation du par. 15(1) de la Charte doit établir (1) une différence de traitement sous le régime de la loi, (2) qui est fondée sur un motif énuméré ou analogue et (3) qui est discriminatoire. Le rôle précis du par. 15(1) dans la poursuite de l’objectif d’égalité est de veiller à ce que le gouvernement qui décide d’accorder un avantage ou d’imposer une obligation le fasse de façon non discriminatoire. La demande fondée sur le par. 15(1) ne peut donc viser qu’un avantage ou une obligation prévus par la loi.
En l’espèce, la conduite du gouvernement n’a pas porté atteinte aux droits à l’égalité des requérants. L’avantage recherché — le financement de tous les services médicalement requis — n’est pas prévu par la loi. La Loi canadienne sur la santé et les dispositions provinciales pertinentes ne garantissent pas à tout Canadien le financement de tout traitement médicalement requis. Seuls sont prévus le financement des services essentiels fournis par un médecin et, au gré de la province, le financement total ou partiel des services non essentiels, soit, en Colombie‑Britannique, les services des « professionnels de la santé » énumérés dans la loi. Plus particulièrement, la loi ne prévoyait pas le financement de la thérapie ABA/ICI pour les enfants autistes. Au moment du procès, la province n’avait pas inclus cette thérapie dans les services d’un « professionnel de la santé » susceptibles d’être financés par le régime. Puisque le gouvernement n’avait pas inclus la thérapie ABA/ICI dans les services d’un « professionnel de la santé », l’organisme administratif chargé de l’administration de la loi provinciale n’avait pas le pouvoir d’ordonner son financement.
Le régime législatif n’est pas discriminatoire en soi parce qu’il assure le financement de services non essentiels destinés à certains groupes tout en refusant de supporter financièrement la thérapie ABA/ICI destinée aux enfants autistes. Il s’agit par définition d’un régime partiel de soins de santé dont l’objectif n’est pas de répondre à tous les besoins médicaux. L’exclusion d’un service non essentiel en particulier ne saurait donc constituer à elle seule une distinction préjudiciable fondée sur un motif énuméré. C’est au contraire une caractéristique prévisible du régime législatif. On ne peut donc conclure que l’exclusion de la thérapie ABA/ICI destinée aux enfants autistes des avantages non essentiels équivaut à une discrimination, y compris une discrimination résultant de l’effet de la loi.
Il n’a pas non plus été prouvé que le gouvernement a exclu les enfants autistes sur le fondement de leur déficience. Lorsque les critères pertinents sont appliqués, l’élément de comparaison approprié en l’espèce est la personne non handicapée ou celle atteinte d’une autre déficience que la déficience mentale sollicitant ou obtenant le financement d’une thérapie qui constitue un service non essentiel important pour sa santé actuelle et future, qui est nouvelle et qui n’est requise médicalement que depuis peu. Le demandeur ou le groupe demandeur n’a pas été privé d’un avantage offert au groupe de comparaison. Faute d’une preuve permettant de conclure que l’attitude du gouvernement vis-à-vis de la thérapie ABA/ICI était différente de celle qu’il avait à l’égard d’autres thérapies nouvelles comparables destinées aux personnes non handicapées ou à celles atteintes d’un type différent de déficience, l’on ne saurait conclure à la discrimination.
La conduite du gouvernement n’a pas porté atteinte aux droits que l’art. 7 de la Charte garantit aux requérants.
Jurisprudence
Arrêts appliqués : Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143; Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497; Hodge c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [2004] 3 R.C.S. 357, 2004 CSC 65; distinction d’avec l’arrêt : Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624; arrêts mentionnés : R. c. Turpin, [1989] 1 R.C.S. 1296; Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203; Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [2000] 1 R.C.S. 703, 2000 CSC 28; Nouvelle-Écosse (Procureur général) c. Walsh, [2002] 4 R.C.S. 325, 2002 CSC 83; Battlefords and District Co-operative Ltd. c. Gibbs, [1996] 3 R.C.S. 566; Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin, [2003] 2 R.C.S. 504, 2003 CSC 54; Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3; R. c. Malmo‑Levine, [2003] 3 R.C.S. 571, 2003 CSC 74; Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général), [2004] 1 R.C.S. 76, 2004 CSC 4.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 1, 7, 15, 24(1).
Interpretation Act, R.S.B.C. 1996, ch. 238, art. 29 « medical practitioner ».
Loi canadienne sur la santé, L.R.C. 1985, ch. C-6, art. 2 « hôpital », « médecin », « professionnel de la santé », « services de santé assurés », « services hospitaliers », « services médicaux », 3, 4 [rempl. 1995, ch. 17, art. 35], 7, 9, 10, 12(1).
Loi constitutionnelle de 1867.
Medical and Health Care Services Regulation, B.C. Reg. 426/97, art. 17, 22, 25.1.
Medicare Protection Act, R.S.B.C. 1996, ch. 286, préambule, art. 1 « beneficiary », « benefits », « commission », « health care practitioner », « medical practitioner », « practitioner », 2, 4(1), (2), (3), 5(1), (2), 26(1), (3), (4).
POURVOI et POURVOI INCIDENT contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique (2002), 220 D.L.R. (4th) 411, [2003] 1 W.W.R. 42, 173 B.C.A.C. 114, 283 W.A.C. 114, 6 B.C.L.R. (4th) 201, 99 C.R.R. (2d) 139, [2002] B.C.J. No. 2258 (QL), 2002 BCCA 538, qui a confirmé une décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, [2000] 8 W.W.R. 227, 78 B.C.L.R. (3d) 55, 77 C.R.R. (2d) 293, [2000] B.C.J. No. 1547 (QL), 2000 BCSC 1142, avec motifs supplémentaires (2001), 197 D.L.R. (4th) 165, [2001] 3 W.W.R. 447, 84 B.C.L.R. (3d) 259, 80 C.R.R. (2d) 233, [2001] B.C.J. No. 215 (QL), 2001 BCSC 220. Pourvoi accueilli et pourvoi incident rejeté.
D. Geoffrey G. Cowper, c.r., et Lisa J. Mrozinski, pour les appelants/intimés au pourvoi incident.
C. E. Hinkson, c.r., et Birgitta von Krosigk, pour les intimés/appelants au pourvoi incident.
Graham Garton, c.r., et Michael H. Morris, pour l’intervenant le procureur général du Canada.
Robert E. Charney et Sarah Kraicer, pour l’intervenant le procureur général de l’Ontario.
Isabelle Harnois, pour l’intervenant le procureur général du Québec.
Catherine J. Lunn, pour l’intervenant le procureur général de la Nouvelle‑Écosse.
Argumentation écrite seulement par Gaétan Migneault, pour l’intervenant le procureur général du Nouveau-Brunswick.
Ruth M. DeMone, pour l’intervenant le procureur général de l’Île‑du‑Prince-Édouard.
Margaret Unsworth, pour l’intervenant le procureur général de l’Alberta.
Donald H. Burrage, c.r., et Barbara Barrowman, pour l’intervenant le procureur général de Terre-Neuve-et-Labrador.
Elizabeth J. Shilton, Fay Faraday et Ena Chadha, pour les intervenants l’Association canadienne pour l’intégration communautaire et le Conseil des Canadiens avec déficiences.
Dianne Pothier et Fiona Sampson, pour les intervenants le Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes et le Réseau d’action des femmes handicapées du Canada.
Domenic A. Crolla et Meghan K. O’Brien, pour l’intervenante la Société canadienne de l’autisme.
Douglas C. Mitchell, pour l’intervenante Michelle Dawson.
Elizabeth M. (Ellie) Venhola, Janet L. Hutchison et Michael R. Loughlan, pour les intervenantes Families for Effective Autism Treatment of Alberta Foundation et Families for Early Autism Treatment of Ontario.
Mary Eberts et Jonathan Strug, pour l’intervenant Friends of Children with Autism.
Version française du jugement de la Cour rendu par
La Juge en chef —
I. Introduction
1 Le présent pourvoi soulève la question de savoir si le refus de la province de la Colombie-Britannique de financer un traitement destiné aux enfants autistes d’âge préscolaire porte atteinte au droit à l’égalité garanti par la Charte canadienne des droits et libertés. Les requérants, des enfants autistes et leurs parents, soutiennent que, en refusant de financer la thérapie comportementale pour le traitement de l’autisme, le gouvernement a établi une distinction injustifiée à leur égard. Se pose en toile de fond la question plus générale de savoir dans quel cas, s’il en est, le régime public de soins médicaux d’une province régi par la Loi canadienne sur la santé, L.R.C. 1985, ch. C-6 (« LCS »), doit offrir un traitement médical non compris dans les services « essentiels » dispensés par les médecins et les hôpitaux.
2 On comprend la situation des requérants et la décision des tribunaux inférieurs d’ordonner au régime public de soins de santé de payer leurs frais de thérapie. Cependant, la question dont nous sommes saisis n’est pas de savoir quels services devrait offrir le régime, car il appartient au Parlement et à la législature d’en décider. Notre Cour doit plutôt déterminer si le refus du gouvernement de la Colombie‑Britannique de supporter financièrement les services en cause dans le cadre du régime de soins de santé équivaut à un refus injuste et discriminatoire des avantages conférés par le régime, contrairement à l’art. 15 de la Charte. Malgré leur solide argumentation, les requérants n’ont pas établi que le refus des avantages contrevenait à la Charte.
3 Le gouvernement doit offrir de manière non discriminatoire les services autorisés par la loi. Or, en l’espèce, la discrimination n’a pas été établie. Premièrement, l’allégation se fonde sur l’hypothèse erronée que la LCS et les dispositions provinciales pertinentes prévoyaient la fourniture du service en cause. Deuxièmement, au vu des faits et compte tenu de l’élément de comparaison approprié, il n’est pas prouvé que le gouvernement a exclu les enfants autistes sur le fondement de leur déficience. Pour ces motifs, l’allégation est rejetée, et le pourvoi accueilli.
II. Historique de l’affaire
4 Les quatre enfants requérants souffrent d’autisme, un trouble neurocomportemental causé par un dysfonctionnement du système nerveux central et caractérisé par une altération des interactions sociales et de la communication et un comportement répétitif et stéréotypé. Les symptômes et les effets de l’autisme varient selon une échelle allant de modérés à sévères. Plus de 90 pour 100 des enfants autistes ne bénéficiant d’aucun traitement sont placés dans un foyer de groupe ou dans un établissement.
5 La cause de l’autisme et son traitement n’ont pas encore été découverts. Cependant, selon une étude publiée en 1987 par un chercheur du Texas, le Dr O. Ivar Lovaas, une thérapie comportementale fondée sur le recours répétitif à des stimuli et au renforcement positif pourrait aider certains enfants autistes âgés de trois à six ans. La thérapie est intensive et, de ce fait, coûteuse — de 45 000 $ à 60 000 $ par année. Elle n’est pas toujours efficace; la juge de première instance a conclu qu’elle pouvait donner des [traduction] « résultats notables » dans « certains cas » seulement ((2000), 78 B.C.L.R. (3d) 55, 2000 BCSC 1142, par. 51). Bien qu’elle compte de plus en plus d’adeptes, l’analyse behaviorale (ou comportementale) appliquée (« ABA ») ou l’intervention comportementale intensive (« ICI ») ne fait pas l’unanimité. On lui reproche non seulement l’utilisation, à ses débuts, de stimuli grossiers, voire douloureux, mais aussi son objectif de modifier le psychisme et la personnalité de l’enfant. D’ailleurs, l’une des parties intervenantes au présent pourvoi, qui souffre elle‑même d’autisme, la réprouve.
6 Les enfants requérants ont suivi la thérapie Lovaas. Leurs parents, les adultes requérants, en ont supporté le coût, mais la mère de Connor Auton n’a plus été en mesure de le faire à un moment donné. Jusqu’à ce que le gouvernement le leur interdise au motif que de nouvelles avenues étaient à l’étude, certaines familles ont bénéficié de fonds du ministère des Enfants et de la Famille destinés aux services d’aide pour acquitter en partie leurs frais de thérapie, et ce, avec l’appui tacite d’employés du ministère dans certaines régions. Pendant plusieurs années, les requérants et d’autres personnes ont exhorté en vain les ministres de la Santé et de l’Éducation, et celui des Enfants et de la Famille, à assurer le financement de la thérapie Lovaas. En 1995, les requérants ont intenté l’action qui est à l’origine du présent pourvoi.
7 Au cours des années ayant précédé l’audition de l’action en 2000, le gouvernement a subventionné un certain nombre de programmes destinés aux enfants autistes et à leurs familles. Il l’a fait par l’intermédiaire du ministère des Enfants et de la Famille qui, en 1997, s’était vu confier la responsabilité de la santé mentale des enfants et des adolescents. Les services offerts avaient trait au développement du jeune enfant, à l’aide aux services de garde, à la relève, y compris à domicile et à contrat, à l’ergothérapie, à la physiothérapie, à l’orthophonie, aux auxiliaires familiaux et aux aides à domicile, à l’audiologie, aux travailleurs en garderie et à la consultation comportementale pour autistes. Dans cette dernière catégorie, l’objectif de certains programmes était de traiter l’autisme comme tel. Le ministère a offert des services aux enfants autistes par l’entremise d’organismes contractuels dont certains avaient recours à des techniques d’analyse comportementale. Toutefois, l’accent était mis sur l’enseignement des techniques aux familles pour leur permettre de travailler elles‑mêmes avec les enfants.
8 Un programme ABA/ICI d’intervention précoce appelé LEAP a été mis sur pied à Ladner. Sous-financé, il ne pouvait accueillir que six enfants à la fois. D’autres centres ou groupes offraient des programmes ABA/ICI, mais au dire du témoin expert de la Couronne, le Dr Glen Davies, ces programmes n’étaient pas intensifs, n’intervenaient pas assez tôt dans le développement de l’enfant et duraient rarement assez longtemps pour maximiser le développement de l’enfant. Enfin, en mai 1999, le ministère a annoncé la création et la mise en oeuvre d’un plan d’action reconnaissant l’importance d’une intervention, d’un diagnostic et d’une évaluation précoces, mais en précisant que les services destinés aux enfants autistes devaient être mis en balance avec ceux offerts aux enfants ayant d’autres besoins spéciaux. En outre, le plan ne visait pas particulièrement la thérapie ABA/ICI. Le jour du procès, soit environ un an plus tard, le projet du ministère avait peu progressé. Nuls crédits supplémentaires n’avaient été débloqués et aucune mesure concrète n’avait été prise en vue d’un traitement intensif précoce.
9 En somme, au moment du procès, le gouvernement finançait un certain nombre de programmes destinés aux jeunes enfants autistes et semblait envisager le financement d’une quelconque forme d’intervention thérapeutique précoce. Il n’avait cependant pas établi le financement de la thérapie intensive ABA/ICI pour tous les enfants autistes âgés de trois à six ans.
10 Un certain nombre de facteurs semblent expliquer cette lenteur à agir. Le premier est la décision, prise en 1997, de retirer au ministère de la Santé la compétence en matière de santé mentale des enfants et des adolescents et de l’attribuer au ministère des Enfants et de la Famille, lequel a alors considéré le traitement d’un point de vue non médical. Deuxième facteur, les compressions budgétaires. En 1998, les sous‑ministres de la Santé et de l’Éducation, de même que celui des Enfants et de la Famille, ont annoncé aux familles que la [traduction] « situation financière » du gouvernement ne lui permettait pas d’offrir la thérapie ABA/ICI.
11 Un dernier facteur d’explication a pu être le caractère nouveau et quelque peu controversé de la thérapie ABA/ICI, même si, lors du procès en 2000, la preuve s’est révélée suffisante pour convaincre la juge qu’il s’agissait d’un traitement [traduction] « médicalement nécessaire » (par. 102). L’on commençait alors seulement à reconnaître l’opportunité de financer la thérapie ABA/ICI destinée aux enfants autistes et le financement était loin d’être universel. L’Alberta a offert la thérapie dès 1999, tout comme l’Ontario. Au moment du procès, l’Île‑du‑Prince‑Édouard offrait jusqu’à 20 heures de thérapie ABA/ICI par semaine et, en 1999, Terre‑Neuve et le Manitoba avaient lancé des projets pilotes. Aux États‑Unis, les programmes scolaires et Medicaid de plusieurs États englobaient la thérapie ABA/ICI; les lignes directrices du département d’État de New York et le rapport sur la santé mentale établi en 1999 par le directeur général de la santé publique des États‑Unis considéraient la thérapie ABA/ICI comme un traitement de choix (jugement de première instance, par. 82).
12 L’action intentée par les requérants en vue d’obtenir le financement de la thérapie Lovaas, un type particulier de thérapie ABA/ICI, visait les trois ministères. Or, la juge de première instance n’a considéré que la demande dirigée contre le ministère de la Santé puisque, selon elle, il s’agissait [traduction] « essentiellement d’une question de santé » (par. 88).
13 Après avoir ainsi restreint la portée de la demande, la juge de première instance a conclu que la thérapie comportementale était un service « médicalement nécessaire » pour les enfants autistes. Je remarque qu’elle a employé l’expression « médicalement nécessaire » au sens général d’essentiel à la santé et au traitement médical d’une personne. Elle a conclu que, en refusant un service « médicalement nécessaire » à un groupe défavorisé (les enfants autistes, un sous-groupe des personnes atteintes de déficience mentale) tout en offrant des services « médicalement nécessaires » aux autres enfants et aux adultes souffrant d’une déficience mentale, le gouvernement avait fait preuve de discrimination à l’endroit des enfants autistes, car [traduction] « [l]’absence de programmes thérapeutiques destinés aux enfants autistes repose sur le postulat, conscient ou non, que les enfants autistes ne peuvent pas véritablement être traités [. . .] ce qui est erroné » (par. 127). Elle a conclu (par. 139) :
[traduction] L’État n’a pas tenu compte de la situation défavorisée dans laquelle se trouvaient déjà les enfants requérants, ce qui a donné lieu à une différence de traitement. Fondée sur le motif énuméré de la déficience mentale, celle-ci est discriminatoire. En l’espèce, la seule mesure d’adaptation possible est le financement d’un traitement efficace.
14 La juge de première instance a conclu par ailleurs que la discrimination n’était pas justifiée au sens de l’article premier de la Charte. Elle a reconnu que la déférence judiciaire s’imposait à l’égard de la répartition, par le gouvernement, de ressources limitées entre les différents groupes vulnérables, mais que le refus de financer la thérapie ABA/ICI n’échappait pas pour autant à l’examen fondé sur la Charte, puisque l’exclusion de la thérapie ABA/ICI compromettait [traduction] « l’objectif fondamental » des dispositions sur l’assurance-maladie, savoir l’« universalité des soins de santé » (par. 151).
15 La juge de première instance a rendu un jugement (1) portant que le refus de financer la thérapie ABA/ICI portait atteinte à l’art. 15 de la Charte, (2) enjoignant à l’État de financer la thérapie comportementale intensive précoce destinée aux enfants autistes et (3) octroyant à chacun des requérants adultes, sur le fondement du par. 24(1) de la Charte, des dommages-intérêts [traduction] « symboliques » de 20 000 $ pour les préjudices financier et moral causés par le litige ((2001), 197 D.L.R. (4th) 165, 2001 BCSC 220, par. 64-65). Elle n’a pas ordonné le financement de la thérapie visée par l’action — celle fondée sur la méthode Lovaas —, ni le remboursement des frais engagés relativement à celle-ci, au motif qu’il appartenait au gouvernement, et non au tribunal, de déterminer, sur l’avis d’experts en la matière, la nature et la durée de la thérapie ABA/ICI offerte (par. 25).
16 La Cour d’appel a convenu avec la juge de première instance que le gouvernement avait fait preuve de discrimination contrairement à l’art. 15 de la Charte et que la distinction établie ne pouvait être justifiée au sens de l’article premier ((2002), 220 D.L.R. (4th) 411, 2002 BCCA 538). La discrimination résidait dans [traduction] « l’omission des administrateurs du régime de soins de santé de la province de tenir compte des besoins individuels des enfants plaignants en finançant le traitement » (par. 51). Pour elle, cela revenait à [traduction] « dire que parce qu’ils sont atteints de déficience mentale, ces enfants sont moins dignes d’aide que d’autres personnes ayant des problèmes de santé passagers » et à créer ainsi un [traduction] « handicap résultant d’une construction sociale » qui avait pour effet de détériorer la situation d’un groupe déjà défavorisé (par. 51).
17 Le gouvernement ne s’est pas acquitté du fardeau de justification que lui imposait l’article premier de la Charte. Il n’a pas prouvé l’existence d’un lien rationnel ni établi la proportionnalité entre l’objectif de répartir judicieusement ses ressources limitées entre les multiples besoins et le refus d’offrir la thérapie ABA/ICI, étant donné l’importance de répondre aux besoins des enfants autistes et les avantages possibles du traitement ABA/ICI pour les enfants et la collectivité. La Cour d’appel a accueilli l’appel incident et ordonné le financement du traitement ABA/ICI sur recommandation médicale.
18 Le gouvernement se pourvoit maintenant devant notre Cour et demande l’annulation de ces décisions.
III. Analyse
A. Le gouvernement a-t-il porté atteinte aux droits à l’égalité des requérants garantis par l’art. 15 de la Charte?
19 Le paragraphe 15(1) de la Charte dispose :
La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.
20 La présente affaire met en jeu le droit au « même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination [. . .] fondé[e] sur [. . .] [la] déficienc[e] mental[e] » garanti au par. 15(1).
21 La jurisprudence a énoncé de différentes manières les exigences auxquelles un demandeur doit satisfaire pour avoir gain de cause sur le fondement du par. 15(1). Pourtant, il y a « un large accord général sur le cadre d’analyse général » : Eldridge c. Colombie‑Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624, par. 58. Dans Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143, p. 168 et suiv. — l’arrêt charnière de notre Cour concernant l’interprétation du par. 15(1) —, l’analyse que commande cette disposition comporte deux volets. Premièrement, y a-t-il inégalité de traitement sous le régime de la loi et, deuxièmement, le traitement est‑il discriminatoire? De même, dans Eldridge, précité, où l’accès à des services médicaux était également en cause, le juge La Forest a formulé ainsi le critère applicable (par. 58) :
La personne qui allègue une violation du par. 15(1) doit d’abord établir que, en raison d’une distinction faite entre elle et d’autres personnes, elle est privée de la « même protection » ou du « même bénéfice » de la loi. En deuxième lieu, elle doit démontrer que cette privation constitue une discrimination fondée sur l’un des motifs énumérés au par. 15(1) ou sur un motif analogue.
22 De deux qu’elles étaient dans Andrews et Eldridge, précités, ces exigences sont passées à trois dans l’arrêt Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, par. 88 : (1) Y a-t-il une différence de traitement sous le régime de la loi; (2) est-elle fondée sur un motif énuméré ou analogue; (3) est‑elle discriminatoire?
23 Il n’y a pas d’énoncé type des éléments à établir à l’appui d’une demande fondée sur le par. 15(1). C’est le libellé de la disposition qui est déterminant. Différentes affaires soulèvent différentes questions. Dans la présente espèce, comme nous le verrons, il s’agit de savoir si l’avantage recherché est prévu par la loi. Il importe de s’assurer du respect de toutes les exigences du par. 15(1) au regard des faits de l’espèce.
24 Un élément complique cependant les choses. Peu importe la façon dont on les énonce, ces exigences se chevauchent inévitablement. Par exemple, la nature de l’avantage, le motif énuméré ou analogue en cause et le choix du bon élément de comparaison jouent un rôle à chacune des trois étapes : voir Hodge c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [2004] 3 R.C.S. 357, 2004 CSC 65. Les cadres d’analyse ne prévoient donc pas d’étapes distinctes devant être suivies de manière linéaire; ils établissent plutôt des paramètres permettant de s’assurer que le libellé et l’objet du par. 15(1) sont respectés.
25 Quel que soit le cadre d’analyse, il faut s’abstenir d’interpréter le par. 15(1) de manière trop technique. Dans l’arrêt Andrews, précité, p. 168-169, le juge McIntyre a fait une mise en garde contre une interprétation formaliste et restrictive et il a insisté sur la nécessité d’examiner les questions relatives à l’égalité en fonction de la réalité et du contexte. Le tribunal doit se pencher sur la situation réelle et déterminer s’il y a eu traitement discriminatoire au regard de l’objet du par. 15(1), qui est d’empêcher la perpétuation d’un désavantage préexistant par un traitement inégal.
26 L’application du libellé du par. 15(1) aux faits de l’espèce soulève les questions suivantes :
(1) Les demandeurs recherchent-ils un avantage prévu par la loi? Dans la négative, quel est l’avantage prévu par la loi?
(2) L’avantage prévu par la loi a‑t‑il été refusé aux demandeurs et accordé à un groupe de comparaison semblable sous tous les rapports importants pour ce qui est de l’avantage, hormis la caractéristique personnelle associée à un motif énuméré ou analogue?
(3) Si la réponse aux deux questions précédentes est affirmative, les demandeurs ont-ils établi la discrimination en prouvant que la distinction les a privés, en tant qu’êtres humains, de l’égalité sur le plan de la valeur et de la dignité.
(1) L’avantage recherché est-il prévu par la loi?
27 Pour avoir gain de cause, les demandeurs doivent établir l’inégalité de traitement sous le régime de la loi, c’est‑à‑dire qu’ils n’ont pas obtenu un avantage prévu par la loi ou qu’ils se sont vu imposer une obligation que la loi n’imposait pas à d’autres. Maintes fois énoncé, l’objectif fondamental du par. 15(1) est de combattre la discrimination et d’améliorer la situation des groupes défavorisés au sein de la société. La garantie ne vaut toutefois que pour les avantages et les obligations « prévus par la loi ». La réalisation d’un objectif aussi ambitieux exige des mesures à plusieurs niveaux. Le paragraphe 15(1) est l’une de ces mesures. L’exception prévue au par. 15(2) à l’égard des programmes de promotion sociale en est une autre. Par ailleurs, gouvernements, organismes et particuliers peuvent prendre une foule d’autres mesures pour améliorer la situation des membres de groupes défavorisés.
28 Le rôle précis du par. 15(1) dans la poursuite de cet objectif est de veiller à ce que le gouvernement qui décide d’accorder un avantage ou d’imposer une obligation le fasse de façon non discriminatoire. La demande fondée sur le par. 15(1) ne peut donc viser qu’un avantage ou une obligation prévus par la loi. Comme l’a dit notre Cour dans l’arrêt R. c. Turpin, [1989] 1 R.C.S. 1296, p. 1329 :
La garantie d’égalité devant la loi vise à promouvoir la valeur selon laquelle toutes les personnes sont sujettes aux mêmes exigences et aux mêmes obligations de la loi et nul ne doit subir un désavantage plus grand que les autres en raison du fond ou de l’application de la loi. [Je souligne.]
29 La plupart des demandes fondées sur le par. 15(1) portent sur un avantage ou une obligation clairement prévu par la loi. Conséquemment, l’exigence que l’avantage ou l’obligation en cause découle de la loi n’a guère été commentée. Néanmoins, le libellé de la disposition et la jurisprudence commandent le respect de cette exigence pour qu’un tribunal puisse faire droit à une demande fondée sur le par. 15(1).
30 En l’espèce, la question se pose de savoir si l’avantage recherché est l’un de ceux que confère la loi et elle doit être attentivement examinée. La demande a pour objet le financement d’un traitement « médicalement nécessaire ». L’inégalité de traitement résiderait dans le financement de traitements médicaux que requièrent les enfants canadiens non handicapés ou les adultes souffrant de maladie mentale et dans le non-financement de la thérapie ABA/ICI médicalement requise pour les enfants autistes. C’est ce qu’ont conclu les tribunaux dont les décisions sont contestées en l’espèce. Selon la juge de première instance, et la Cour d’appel a confirmé sa décision, la discrimination tient à ce qu’un service « médicalement nécessaire » a été refusé à un groupe défavorisé, alors que des services « médicalement nécessaires » ont été fournis à d’autres. L’avantage recherché est donc le financement de tous les traitements médicalement requis.
31 La question qui se pose alors est de savoir si le régime législatif offre effectivement à quiconque tout traitement médicalement requis. L’examen du régime révèle que ce n’est pas le cas : voir l’annexe A (Dispositions législatives et réglementaires pertinentes) et l’annexe B (Interaction entre les dispositions législatives et réglementaires pertinentes).
32 Le régime définit deux catégories distinctes de services thérapeutiques financés sur les deniers publics. Premièrement, il prévoit le financement intégral des services d’un médecin (les services « essentiels »). C’est ce que prescrit la LCS. Bon nombre de services médicalement nécessaires ou requis, dont la thérapie ABA/ICI destinée aux enfants autistes, n’entrent pas dans cette catégorie.
33 Deuxièmement, la LCS permet aux provinces de financer à leur gré des services médicaux non essentiels, soit des services qui ne sont pas fournis par un médecin. La Colombie‑Britannique énumère les catégories de « professionnels de la santé » dont les services peuvent être partiellement financés. Il appartient dès lors à la commission des services médicaux, un organisme administratif, de désigner, à l’intérieur de ces catégories, les professionnels et les actes dont le financement sera assuré.
34 On a laissé entendre que l’expression [traduction] « service médicalement requis » employée dans la Medicare Protection Act, R.S.B.C. 1996, ch. 286 (« MPA »), permettait de conclure que tout service non essentiel, mais médicalement requis ou nécessaire, doit être financé. Ce n’est cependant pas ce que dit la Loi. À l’article 1, l’expression « service médicalement requis » est employée en liaison avec un service fourni par un « médecin » ou dans un « établissement de diagnostic approuvé » (art. 1 « avantage » (benefits), par. a) et c)). Seul ce service est financé à titre de « service médicalement requis ». Dans la MPA, cette expression ne s’applique pas aux services d’un « professionnel de la santé », qui ne sont financés que si, par voie législative ou réglementaire, la province décide de faire figurer une catégorie de professionnels de la santé sur une liste « d’inscrits » (art. 1 « avantage », par. b)).
35 En résumé, le régime législatif ne garantit pas à tout Canadien le financement de tout traitement médicalement requis. La loi ne prévoit que le financement des services essentiels fournis par un médecin, celui des services non essentiels étant laissé à la discrétion des provinces. L’avantage recherché en l’espèce — le financement de tous les services médicalement requis — n’était donc pas prévu par la loi.
36 Plus particulièrement, la loi ne prévoyait pas le financement de la thérapie ABA/ICI pour les enfants autistes. La MPA autorisait le paiement partiel des services de certains professionnels de la santé : les chiropraticiens, les dentistes, les optométristes, les podiatres, les physiothérapeutes, les massothérapeutes et les naturopathes. En outre, le règlement provincial permettait le financement des services d’un physiothérapeute, d’un massothérapeute et d’un infirmier. Au moment du procès, la province n’avait pas inclus la thérapie ABA/ICI dans les services d’un « professionnel de la santé » susceptibles d’être offerts par le régime.
37 Chargée de l’application de la MPA, la commission des services médicaux n’avait donc pas le pouvoir d’ordonner le financement de la thérapie ABA/ICI. En tant qu’organisme administratif, elle n’était pas habilitée à étendre la définition de « professionnel de la santé ». Seul le gouvernement pouvait le faire. Puisqu’il n’avait pas inclus la thérapie ABA/ICI dans les services d’un « professionnel de la santé », la commission ne pouvait l’inscrire dans la liste des services financés. Telle était la situation au moment du procès. Les dispositions de la Colombie-Britannique régissant les services non essentiels ne conféraient pas l’avantage recherché par les requérants.
38 Plaidant en faveur d’une égalité d’accès aux services médicaux, les requérants ont invoqué l’arrêt Eldridge, où notre Cour a statué que la province était tenue de fournir des services d’interprétation gestuelle aux personnes atteintes de surdité afin qu’elles jouissent de l’égalité d’accès aux services essentiels qu’offrait à tous le régime de soins de santé de la Colombie‑Britannique. Notre Cour en a décidé ainsi parce que les avantages en cause — consultation d’un médecin et soins obstétriques — étaient prévus par la loi. Or, en ne fournissant pas de services d’interprétation aux personnes atteintes de surdité, la province privait dans les faits un groupe de personnes handicapées d’un avantage accordé par la loi. L’arrêt Eldridge porte sur l’inégalité d’accès à un avantage prévu par la loi et sur l’application non discriminatoire d’une loi conférant un avantage. Dans la présente affaire, c’est l’accès à un avantage non conféré par la loi qui est recherché. L’arrêt Eldridge n’étaye donc pas la thèse des requérants.
39 Cette conclusion ne met cependant pas fin à l’analyse. Il faut considérer la réalité de la situation pour déterminer si les demandeurs se sont vu refuser un avantage prévu par le régime législatif autre que celui qu’ils ont invoqué. Par conséquent, il faut se demander, de manière plus générale, si le régime législatif est discriminatoire dans la mesure où il offre des services non essentiels à certains groupes tout en refusant de supporter financièrement la thérapie ABA/ICI destinée aux enfants autistes. On allègue que le régime est en soi discriminatoire en ce qu’il assure le financement de certaines thérapies non essentielles, mais pas celui de la thérapie ABA/ICI, tout aussi nécessaire.
40 L’argument va au-delà de la définition légale d’« avantage ». Comme notre Cour l’a signalé dans l’arrêt Hodge, précité, par. 25 :
. . . la définition législative, objet de la contestation fondée sur le droit à l’égalité, n’est pas décisive. Sinon, on pourrait plaider en faveur d’une pension de survivant destinée uniquement aux hommes protestants de race blanche en affirmant que tous les hommes protestants de race blanche survivants ont été traités de la même manière.
Il faut chercher ce qui se cache derrière les mots et se demander si la définition légale ne perpétue pas en soi une inégalité au lieu d’y remédier. Le paragraphe 15(1) n’exige pas simplement l’égalité formelle, mais l’égalité réelle : Andrews, précité, p. 166.
41 Il n’est pas loisible au Parlement ou à une législature d’adopter une loi dont les objectifs de politique générale et les dispositions imposent à un groupe défavorisé un traitement moins favorable : Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203. Par contre, la décision du législateur de ne pas accorder un avantage en particulier, lorsque l’existence d’un objectif, d’une politique ou d’un effet discriminatoire n’est pas établie, ne contrevient pas à ce principe ni ne justifie un examen fondé sur le par. 15(1). Notre Cour a conclu à maintes reprises que le législateur n’a pas l’obligation de créer un avantage en particulier, qu’il peut financer les programmes sociaux de son choix pour des raisons de politique générale, à condition que l’avantage offert ne soit pas lui-même conféré d’une manière discriminatoire : Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [2000] 1 R.C.S. 703, 2000 CSC 28, par. 61; Nouvelle‑Écosse (Procureur général) c. Walsh, [2002] 4 R.C.S. 325, 2002 CSC 83, par. 55; Hodge, précité, par. 16.
42 Un régime législatif peut être discriminatoire directement par l’adoption d’une politique ou d’un objectif discriminatoire, ou indirectement par son effet. La discrimination directe, celle qui découle de la loi elle‑même ou de la politique qui la sous-tend, est aisément décelable et ne pose guère de difficulté. La discrimination qui résulte de l’effet est plus difficile à cerner. Lorsqu’il s’agit de savoir si les membres d’un groupe font l’objet d’un stéréotype, déterminer si une définition légale excluant un groupe est discriminatoire et ne constitue pas un exercice légitime du pouvoir législatif de définir un avantage suppose l’examen de l’objectif du régime législatif qui confère l’avantage ainsi que des besoins généraux auxquels il est censé répondre. Le régime d’avantages excluant un groupe en particulier d’une manière qui compromet son objectif global sera vraisemblablement discriminatoire, car il exclut arbitrairement un groupe donné. Par contre, l’exclusion qui est compatible avec l’objectif général et l’économie du régime législatif ne sera vraisemblablement pas discriminatoire. La question est donc de savoir si l’avantage exclu fait partie du régime général d’avantages établi par la loi et s’il correspond aux besoins auxquels celle-ci est censée répondre.
43 Le régime législatif constitué en l’espèce de la LCS et de la MPA n’a pas pour objectif de répondre à tous les besoins médicaux. Il garantit seulement le financement intégral des services essentiels, qui s’entendent des services fournis par un médecin. Par ailleurs, les provinces peuvent, dans les limites de leur pouvoir discrétionnaire, offrir certains services non essentiels. Il s’agit par définition d’un régime partiel de soins de santé. L’exclusion d’un service non essentiel en particulier ne saurait donc constituer à elle seule une distinction préjudiciable fondée sur un motif énuméré. C’est au contraire une caractéristique prévisible du régime législatif. On ne peut donc conclure que l’exclusion de la thérapie ABA/ICI des avantages non essentiels équivaut à une discrimination, y compris une discrimination résultant de l’effet de la loi.
44 Les conséquences qu’aurait sur le régime législatif l’obligation des provinces de fournir les services médicaux non essentiels requis par les personnes handicapées et les gens visés par un autre motif énuméré ou analogue, comme le sexe et l’âge, confirment le bien-fondé de cette conclusion. Sauf si l’absence de discrimination était établie à la troisième étape, une catégorie de personnes légalement admissibles à des services non essentiels serait créée. Cela aurait pour effet de modifier le régime de soins de santé et d’ajouter d’autres avantages à ceux que le législateur avait envisagés, soit les services essentiels fournis par un médecin et les services non essentiels offerts au gré de la province.
45 Si la situation avait été différente, les requérants auraient pu invoquer le droit à l’égalité dans l’application de la loi par la commission des services médicaux. Ils n’auraient pas fait valoir le droit substantiel au financement de services médicaux particuliers, mais exercé un recours procédural alléguant la distribution inégale des avantages prévus par la loi. Dans ce cas, l’arrêt Eldridge, précité, aurait appuyé leur thèse, savoir que la commission des services médicaux a porté atteinte au par. 15(1) en accordant des services non essentiels à des personnes non handicapées et en refusant des services équivalents aux enfants autistes et à leurs familles.
46 L’exercice d’un tel recours exige d’établir au préalable que l’avantage recherché est prévu par la loi. Il ne peut y avoir d’obligation administrative de distribuer également des avantages inexistants. Si, au moment du procès, le législateur avait inclus la thérapie ABA/ICI (ou un plus grand ensemble de soins thérapeutiques dont elle aurait fait partie) dans les services fournis par un « professionnel de la santé » au sens de la MPA, il se serait agi d’un avantage prévu par la loi que la commission aurait dû mettre en oeuvre de façon non discriminatoire. Or, ce n’était pas le cas. Dans la présente affaire, le législateur n’avait pas prévu le financement des services en question, et la commission n’avait aucun pouvoir à leur égard.
47 Je conclus que, peu importe l’angle sous lequel on le considère, l’avantage recherché n’est pas prévu par la loi. Cette conclusion suffit à clore l’examen. Toutefois, s’agissant de la première affaire du genre dont notre Cour est saisie, il convient de se demander si les requérants auraient eu gain de cause s’ils avaient établi que la thérapie ABA/ICI constituait un avantage prévu par la loi du fait de son inclusion dans les services non essentiels.
(2) Refus fondé sur un motif énuméré ou analogue d’offrir un avantage accordé à un groupe comparable
48 Il nous faut premièrement définir le bon groupe de comparaison, puis déterminer si, par rapport aux membres de ce groupe, les requérants ont été privés d’un avantage.
49 Tout d’abord, quel est le groupe de comparaison approprié? Les requérants proposent celui formé des enfants non handicapés et leurs parents, ainsi que des adultes atteints de maladie mentale. À bien y réfléchir, ces deux éléments de comparaison présentent des difficultés.
50 Le droit applicable au choix d’un élément de comparaison a fait l’objet d’une analyse exhaustive dans l’arrêt Hodge, précité, et il n’y a pas lieu de la reprendre en l’espèce. Les principes suivants s’en dégagent.
51 Premièrement, le choix du bon groupe est crucial, car la comparaison avec ce groupe influe sur chacune des étapes de l’analyse. « [L]e fait de choisir un mauvais groupe de comparaison dès le début peut compromettre l’issue de l’ensemble de l’analyse fondée sur le par. 15(1) » : Hodge, précité, par. 18.
52 Deuxièmement, même si l’élément de comparaison arrêté par les demandeurs sert de point de départ, le tribunal doit s’assurer de sa pertinence et, au besoin, le remplacer par celui qu’il juge approprié : Hodge, précité, par. 20.
53 Troisièmement, le groupe de comparaison doit refléter les caractéristiques du demandeur ou du groupe demandeur qui sont pertinentes quant à l’avantage recherché, hormis la caractéristique personnelle correspondant au motif énuméré ou analogue de discrimination qui est invoqué : Hodge, précité, par. 23. L’élément de comparaison doit établir un lien entre l’avantage et « l’univers des personnes susceptibles d’[y] avoir droit », d’une part, et le motif de discrimination allégué, d’autre part : Hodge, par. 25 et 31.
54 Quatrièmement, le demandeur qui invoque une caractéristique personnelle liée au motif énuméré de la déficience peut rechercher la comparaison avec les personnes souffrant d’un autre type de déficience ou d’une déficience plus sévère : Hodge, précité, par. 28 et 32. À titre d’exemples de la première possibilité, mentionnons la différence de traitement entre les personnes atteintes de déficience mentale et celles souffrant de déficience physique (Battlefords and District Co‑operative Ltd. c. Gibbs, [1996] 3 R.C.S. 566) et entre les personnes souffrant de douleur chronique et les autres accidentés du travail (Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin, [2003] 2 R.C.S. 504, 2003 CSC 54). Pour illustrer la seconde possibilité, mentionnons la comparaison entre le traitement accordé aux personnes atteintes d’une déficience temporaire et celui auquel ont droit les personnes souffrant d’une déficience permanente (Granovsky, précité).
55 Compte tenu de ces critères, je conclus que l’élément de comparaison approprié en l’espèce est la personne non handicapée ou celle atteinte d’une autre déficience que la déficience mentale (en l’occurrence l’autisme) sollicitant ou obtenant le financement d’une thérapie qui constitue un service non essentiel important pour sa santé actuelle et future, qui est nouvelle et qui n’est requise médicalement que depuis peu. On se rappellera que, dans un grand nombre de provinces et de territoires, la thérapie ABA/ICI destinée aux enfants autistes n’était toujours pas financée lors du procès. De fait, c’est seulement au cours de l’année ayant précédé celui-ci que deux provinces canadiennes ont autorisé son financement. Comme je l’indique précédemment, les membres du groupe de comparaison doivent être semblables en tous points aux demandeurs, hormis les caractéristiques correspondant au motif de discrimination allégué. La personne qui bénéficie d’un service non essentiel bien établi ne se trouve pas dans la même situation que celle qui réclame un service non essentiel relativement nouveau. Le financement peut être légitimement refusé ou différé en raison du caractère incertain d’un programme et de problèmes administratifs liés à sa reconnaissance et à son application. Cela n’a rien à voir avec le motif de discrimination allégué. La comparaison avec une personne bénéficiant d’une thérapie établie n’est donc pas appropriée.
56 Les éléments de comparaison proposés par les requérants ne conviennent pas parce qu’ils s’appuient sur le droit inexistant aux soins médicalement requis. Et même en présumant que l’avantage recherché est prévu par la loi — plus particulièrement, que la législation de la Colombie‑Britannique inclut la thérapie ABA/ICI dans les services d’un « professionnel de la santé » susceptibles d’être financés —, le groupe de comparaison proposé par les requérants demeure inadéquat car il ne tient pas compte du fait que la thérapie ABA/ICI est nouvelle et reconnue depuis peu. Cette erreur entache les décisions des tribunaux inférieurs.
57 Reste donc à déterminer, une fois effectuée la comparaison appropriée, si le demandeur ou le groupe demandeur a été privé d’un avantage offert au groupe de comparaison. La différence de traitement peut être établie en démontrant qu’il existe une distinction explicite (discrimination directe) ou que la mesure gouvernementale avait pour effet d’accorder au demandeur un traitement moins favorable sur le fondement du motif de discrimination allégué (discrimination indirecte). Dans ce dernier cas, la manière dont le demandeur est privé de l’avantage est un indicateur du sort réservé à son groupe. Par exemple, dans Colombie‑Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3, des normes physiques à première vue neutres s’appliquant aux pompiers exigeaient une capacité aérobique généralement inatteignable par une femme; qui plus est, cette capacité aérobique n’était pas nécessaire pour l’exécution du travail. Les exigences relatives à la capacité aérobique ne mentionnaient aucunement le sexe. De prime abord, elles n’étaient pas discriminatoires. Elles avaient cependant pour effet d’exclure les femmes en fonction non pas de leur capacité à exécuter le travail, mais de leur sexe. La capacité aérobique exigée se substituait à l’appartenance à un sexe. On a donc conclu à la discrimination fondée sur le sexe.
58 L’élément de comparaison approprié en l’espèce est donc la personne non handicapée ou celle atteinte d’une autre déficience que la déficience mentale sollicitant ou obtenant le financement d’une thérapie qui constitue un service non essentiel important pour sa santé actuelle et future, qui est nouvelle et qui n’est requise médicalement que depuis peu. Vu l’ensemble de la preuve, la différence de traitement explicite ou résultant de l’effet du régime législatif n’est pas établie. Aucune preuve n’a été produite quant à la manière dont la province avait donné suite aux demandes d’accès à de nouvelles thérapies ou à de nouveaux traitements formulées par des personnes non handicapées ou souffrant d’autres déficiences. Nous savons qu’elle a tardé à agir dans le cas du financement de la thérapie ABA/ICI pour les enfants autistes. Nous ne savons cependant pas si elle a fait de même à l’égard d’autres thérapies nouvelles.
59 En fait, vu le caractère nouveau de la thérapie ABA/ICI, on peut douter que, de par sa conduite, le gouvernement ait véritablement privé les enfants autistes d’un avantage ou leur ait réservé un traitement différent. Le gouvernement a mis en place un certain nombre de programmes d’aide pour les enfants autistes et leurs familles, même si la thérapie ABA/ICI intensive n’en faisait pas partie. Dans l’année qui a précédé le procès, il a annoncé la création et la mise en oeuvre d’un plan d’action reconnaissant l’importance d’une intervention, d’un diagnostic et d’une évaluation précoces dans le cas des enfants autistes. Le tort du gouvernement a été de tarder à mettre en place ce qui, à la fin des années 90, paraissait être la thérapie la plus efficace — la seule connue en fait —, et de continuer à financer des traitements de plus en plus contestés.
60 Je l’ai déjà mentionné, trois facteurs semblent expliquer le retard à financer la thérapie ABA/ICI. Premièrement, la malencontreuse décision de transférer la compétence en matière de santé mentale des enfants et des adolescents du ministère de la Santé au ministère des Enfants et de la Famille a fait en sorte que les décideurs n’avaient pas l’expertise médicale et psychiatrique voulue et considéraient l’autisme d’un point de vue social et non médical. Deuxièmement, la situation financière était précaire et l’on se disputait l’attribution de ressources insuffisantes. Enfin, la thérapie ABA/ICI était nouvelle et sa reconnaissance comme traitement indiqué et médicalement requis datait de peu.
61 Avec le recul, il est possible d’affirmer que le gouvernement aurait dû agir plus rapidement. Cependant, au vu de la preuve, il est difficile de dire si, en raison de l’objet ou de l’effet du régime législatif, le gouvernement a relégué les enfants autistes et leurs familles « au second plan » par rapport aux personnes non handicapées ou atteintes d’une autre déficience sollicitant le financement de thérapies nouvelles. Le tort du gouvernement a plutôt été, pour reprendre les propos de la juge de première instance, de ne pas avoir agi jusqu’alors conformément à la [traduction] « norme de qualité sur le plan de la méthode scientifique » ((2000), 78 B.C.L.R. (3d) 55, par. 66).
62 Il ne s’agit cependant pas de déterminer si le gouvernement a respecté cette norme, mais bien s’il a privé les autistes de services accordés à d’autres personnes se trouvant dans la même situation, hormis la déficience mentale. Aucun élément de preuve ne permet de conclure que l’attitude du gouvernement vis-à-vis de la thérapie ABA/ICI était différente de celle qu’il avait à l’égard d’autres thérapies nouvelles comparables destinées aux personnes non handicapées ou à celles atteintes d’un type différent de déficience. À défaut d’une telle preuve, l’on ne saurait conclure à la discrimination.
(3) Discrimination
63 S’il était établi que le refus d’un avantage prévu par la loi équivaut à une différence de traitement fondée sur un motif énuméré au par. 15(1) ou un motif analogue, il faudrait quand même déterminer si la distinction est discriminatoire au sens où les enfants autistes sont assimilés à des citoyens de deuxième classe et privés de leur dignité humaine fondamentale. L’omission d’étayer l’allégation de discrimination rend inutile l’examen de cette dernière question.
B. La conduite du gouvernement a-t-elle porté atteinte aux droits que l’art. 7 de la Charte garantit aux requérants?
64 L’article 7 de la Charte dispose :
Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.
65 Les requérants invoquent l’art. 7 dans leur pourvoi incident. Pour la juge de première instance, il était inutile d’examiner cet argument puisqu’elle avait conclu à la violation de l’art. 15. S’exprimant au nom des juges majoritaires de la Cour d’appel, la juge Saunders s’est penchée brièvement sur la question pour conclure qu’aucune atteinte n’avait été établie.
66 Dans les observations écrites et les plaidoiries présentées à notre Cour, les requérants font à peine mention de l’art. 7. Ils ne précisent pas quel principe de justice fondamentale aurait été enfreint par le refus de financer la thérapie Lovaas ou toute autre thérapie ABA/ICI. Ils ne font pas non plus valoir que le refus de débloquer des fonds ou le régime législatif était arbitraire ou ne respectait pas les garanties procédurales. Faire droit à leur demande fondée sur l’art. 7 nous entraînerait au‑delà des paramètres que notre Cour a examinés dans l’arrêt R. c. Malmo-Levine, [2003] 3 R.C.S. 571, 2003 CSC 74, par. 113, et dans Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général), [2004] 1 R.C.S. 76, 2004 CSC 4, par. 8. Le dossier dont nous sommes saisis en l’espèce ne justifie pas cette démarche.
67 Les observations limitées qui nous ont été présentées ne permettent donc pas de conclure que la conduite du gouvernement a porté atteinte aux droits des requérants garantis à l’art. 7.
IV. Conclusion
68 Le pourvoi formé par la province de la Colombie‑Britannique est accueilli. Le pourvoi incident des requérants est rejeté.
69 Je suis d’avis de répondre aux questions constitutionnelles de la façon suivante :
1. Est‑ce que les définitions des termes « benefits » et « health care practitioner » à l’art. 1 de la loi intitulée Medicare Protection Act, R.S.B.C. 1996, ch. 286, et aux art. 17 à 29 du règlement intitulé Medical and Health Care Services Regulation, B.C. Reg. 426/97, violent le par. 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés du fait qu’elles n’incluent pas les services aux enfants autistes fondés sur l’analyse behaviorale appliquée?
Non.
2. Dans l’affirmative, est‑ce que cette violation constitue, au sens de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés, une limite raisonnable prescrite par une règle de droit et dont la justification peut se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique?
Il n’est pas nécessaire de répondre à cette question.
3. Est‑ce que les définitions des termes « benefits » et « health care practitioner » à l’art. 1 de la loi intitulée Medicare Protection Act, R.S.B.C. 1996, ch. 286, et aux art. 17 à 29 du règlement intitulé Medical and Health Care Services Regulation, B.C. Reg. 426/97, violent l’art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés du fait qu’elles n’incluent pas les services aux enfants autistes fondés sur l’analyse behaviorale appliquée?
Non.
4. Dans l’affirmative, est‑ce que cette violation constitue, au sens de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés, une limite raisonnable prescrite par une règle de droit et dont la justification peut se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique?
Il n’est pas nécessaire de répondre à cette question.
ANNEXE A
Dispositions législatives et réglementaires pertinentes
(1) Loi canadienne sur la santé, L.R.C. 1985, ch. C‑6
2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.
. . .
« hôpital » Sont compris parmi les hôpitaux tout ou partie des établissements où sont fournis des soins hospitaliers, notamment aux personnes souffrant de maladie aiguë ou chronique ainsi qu’en matière de réadaptation, à l’exception _:
a) des hôpitaux ou institutions destinés principalement aux personnes souffrant de troubles mentaux;
b) de tout ou partie des établissements où sont fournis des soins intermédiaires en maison de repos ou des soins en établissement pour adultes ou des soins comparables pour les enfants.
. . .
« médecin » Personne légalement autorisée à exercer la médecine au lieu où elle se livre à cet exercice.
. . .
« professionnel de la santé » Personne légalement autorisée en vertu de la loi d’une province à fournir des services de santé au lieu où elle les fournit.
. . .
« services de santé assurés » Services hospitaliers, médicaux ou de chirurgie dentaire fournis aux assurés, à l’exception des services de santé auxquels une personne a droit ou est admissible en vertu d’une autre loi fédérale ou d’une loi provinciale relative aux accidents du travail.
« services hospitaliers » Services fournis dans un hôpital aux malades hospitalisés ou externes, si ces services sont médicalement nécessaires pour le maintien de la santé, la prévention des maladies ou le diagnostic ou le traitement des blessures, maladies ou invalidités, à savoir _:
a) l’hébergement et la fourniture des repas en salle commune ou, si médicalement nécessaire, en chambre privée ou semi‑privée;
b) les services infirmiers;
c) les actes de laboratoires, de radiologie ou autres actes de diagnostic, ainsi que les interprétations nécessaires;
d) les produits pharmaceutiques, substances biologiques et préparations connexes administrés à l’hôpital;
e) l’usage des salles d’opération, des salles d’accouchement et des installations d’anesthésie, ainsi que le matériel et les fournitures nécessaires;
f) le matériel et les fournitures médicaux et chirurgicaux;
g) l’usage des installations de radiothérapie;
h) l’usage des installations de physiothérapie;
i) les services fournis par les personnes rémunérées à cet effet par l’hôpital.
Ne sont pas compris parmi les services hospitaliers les services exclus par les règlements.
« services médicaux » Services médicalement nécessaires fournis par un médecin.
. . .
politique canadienne de la santé
3. La politique canadienne de la santé a pour premier objectif de protéger, de favoriser et d’améliorer le bien‑être physique et mental des habitants du Canada et de faciliter un accès satisfaisant aux services de santé, sans obstacles d’ordre financier ou autre.
raison d’être
4. La présente loi a pour raison d’être d’établir les conditions d’octroi et de versement d’une pleine contribution pécuniaire pour les services de santé assurés et les services complémentaires de santé fournis en vertu de la loi d’une province.
. . .
conditions d’octroi
7. Le versement à une province, pour un exercice, de la pleine contribution pécuniaire visée à l’article 5 est assujetti à l’obligation pour le régime d’assurance‑santé de satisfaire, pendant tout cet exercice, aux conditions d’octroi énumérées aux articles 8 à 12 quant à_ :
a) la gestion publique;
b) l’intégralité;
c) l’universalité;
d) la transférabilité;
e) l’accessibilité.
. . .
9. La condition d’intégralité suppose qu’au titre du régime provincial d’assurance‑santé, tous les services de santé assurés fournis par les hôpitaux, les médecins ou les dentistes soient assurés, et lorsque la loi de la province le permet, les services semblables ou additionnels fournis par les autres professionnels de la santé.
10. La condition d’universalité suppose qu’au titre du régime provincial d’assurance‑santé, cent pour cent des assurés de la province ait droit aux services de santé assurés prévus par celui‑ci, selon des modalités uniformes.
. . .
12. (1) La condition d’accessibilité suppose que le régime provincial d’assurance‑santé_ :
a) offre les services de santé assurés selon des modalités uniformes et ne fasse pas obstacle, directement ou indirectement, et notamment par facturation aux assurés, à un accès satisfaisant par eux à ces services;
b) prévoie la prise en charge des services de santé assurés selon un tarif ou autre mode de paiement autorisé par la loi de la province;
c) prévoie une rémunération raisonnable de tous les services de santé assurés fournis par les médecins ou les dentistes;
d) prévoie le versement de montants aux hôpitaux, y compris les hôpitaux que possède ou gère le Canada, à l’égard du coût des services de santé assurés.
. . .
(2) Medicare Protection Act, R.S.B.C. 1996, ch. 286
[traduction]
Préambule
attendu
que la population et le gouvernement de la Colombie‑Britannique voient dans le régime de soins de santé une caractéristique fondamentale de la société canadienne et entendent maintenir ce régime pour les générations futures;
que la population et le gouvernement de la Colombie‑Britannique adhèrent aux principes directeurs du système de soins de santé de la province que sont l’universalité, l’intégralité, l’accessibilité, la transférabilité et la gestion publique et entendent continuer d’appliquer ces principes;
qu’il incombe à la population et au gouvernement de la Colombie‑Britannique de recourir judicieusement aux services médicaux afin de maintenir un système de soins de santé financièrement viable pour les générations futures;
qu’il est fondamental, pour la population et le gouvernement de la Colombie‑Britannique, que l’accès aux soins médicaux nécessaires repose uniquement sur les besoins de chacun, et non sur la capacité de payer.
1 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.
« avantage » S’entend
a) d’un service médicalement requis fourni par un médecin inscrit conformément à l’article 13, sauf décision de la commission, fondée sur l’article 5, qu’il ne s’agit pas d’un avantage,
b) d’un service requis désigné comme un avantage en application de l’article 51 et fourni par un professionnel de la santé inscrit conformément à l’article 13 ou
c) d’un service médicalement requis fourni
(i) dans un établissement de diagnostic approuvé et
(ii) par un médecin inscrit, ou sous sa surveillance, qui agit
(A) sur ordre d’un membre d’une catégorie désignée de personnes ou
(B) en conformité avec les protocoles homologués par la commission, sauf décision de cette dernière, fondée sur l’article 5, qu’il ne s’agit pas d’un avantage.
. . .
« bénéficiaire » Résident inscrit conformément à l’article 7, y compris le conjoint ou l’enfant qui est un résident inscrit en vertu de l’article 7.
« commission » La commission des services médicaux, maintenue à l’article 3.
. . .
« médecin » Médecin au sens de l’article 29 de l’Interpretation Act.
. . .
« professionnel » Un médecin ou un professionnel de la santé inscrit conformément à l’article 13.
« professionnel de la santé » Personne autorisée à exercer à titre :
a) de chiropraticien sous le régime de la Chiropractors Act;
b) de dentiste sous le régime de la Dentists Act;
c) [Abrogé 1999‑12‑13.]
d) d’optométriste sous le régime de l’Optometrists Act;
e) de podiatre sous le régime de la Podiatrists Act;
f) de membre d’une profession médicale désignée.
. . .
Objet
2 La présente loi a pour objet le maintien en Colombie‑Britannique d’un système public de soins de santé financièrement viable où l’accès aux soins médicaux nécessaires repose sur les besoins de chacun, et non sur la capacité de payer.
Partie 1 — Commission des services médicaux
. . .
Comités spéciaux relatifs aux professionnels de la santé
4 (1) Après consultation de l’organisme de réglementation professionnelle compétent, le lieutenant‑gouverneur en conseil peut, à l’égard d’un groupe de professionnels de la santé, former un ou plusieurs comités spéciaux appelés à exercer certaines fonctions que la présente loi confère à la commission.
(2) Le lieutenant‑gouverneur en conseil désigne les personnes dont se compose un comité spécial et prescrit les modalités d’exercice de ses fonctions.
(3) Un comité spécial peut mettre sur pied un groupe d’experts qui, sous réserve des règlements, peut exercer ses fonctions.
. . .
Obligations et attributions de la commission
5 (1) La commission peut accomplir l’un ou plusieurs des actes suivants :
. . .
h) déterminer si une personne est un médecin ou un professionnel de la santé;
i) pour l’application de la présente loi, déterminer si une personne satisfait aux exigences prévues par règlement pour l’aide au paiement de la cotisation;
j) déterminer si un service constitue un avantage ou si quoi que ce soit a un lien avec la fourniture d’un avantage;
. . .
u) exercer d’autres attributions ou fonctions autorisées par règlement ou par le ministre.
(2) La commission s’abstient d’agir sur le fondement du paragraphe (1) d’une manière incompatible avec les conditions d’octroi énumérées à l’article 7 de la Loi canadienne sur la santé.
. . .
Partie 5 — Tarifs
Barèmes de tarifs et régimes d’avantages
26 (1) La commission
a) doit établir des barèmes de tarifs précisant les sommes dues aux professionnels pour la fourniture d’avantages en application de la présente loi, déduction faite des frais de visite exigés du patient;
b) peut établir différentes catégories de professionnels pour les besoins de ces barèmes de tarifs.
. . .
(3) La commission peut à tout moment modifier un barème de tarifs comme elle le juge nécessaire ou indiqué, notamment en augmentant ou en diminuant une somme qui y figure.
(4) La modification visée au paragraphe (3) peut s’appliquer :
a) à une région donnée,
b) à une catégorie de professionnels,
c) à une catégorie de professionnels dans une région donnée ou
d) à un avantage ou à une catégorie d’avantages dans une région donnée.
(3) Medical and Health Care Services Regulation, B.C. Reg. 426/97
[traduction]
Définition de professionnel de la santé
17 Les professions médicales suivantes sont désignées pour les besoins de l’alinéa f) de la définition de « professionnel de la santé » figurant à l’article 1 de la Medicare Protection Act :
a) physiothérapie;
b) massothérapie;
c) naturopathie.
. . .
Soins infirmiers
22 (1) Sous réserve de l’article 27, les services complémentaires fournis par un infirmier constituent un avantage lorsque les conditions suivantes sont remplies :
a) une entente prévoyant la fourniture et le paiement des services est homologuée par la commission;
b) un médecin ne peut habituellement être consulté là où les services sont rendus en Colombie‑Britannique;
c) les services sont décrits dans un dossier clinique adéquat.
(2) L’infirmier qui fournit les services visés au paragraphe (1) est un professionnel de la santé pour les besoins de l’alinéa f) de la définition de « professionnel de la santé » figurant à l’article 1 de la Medicare Protection Act.
. . .
Services complémentaires
25.1 (1) Sous réserve de l’article 27, les services de chiropractie, de massothérapie, de naturopathie, de physiothérapie ou de podiatrie non chirurgicale constituent des avantages s’ils
a) figurent dans un barème de tarifs applicable à des services complémentaires;
b) sont fournis en Colombie‑Britannique à un bénéficiaire
(i) ayant droit à une aide au paiement de la cotisation suivant les articles 10, 11, 12 ou 13 ou
(ii) ne payant pas de cotisation en application de l’article 13;
c) sont fournis par un professionnel de la santé inscrit;
d) sont décrits dans un dossier clinique adéquat.
(2) Sous réserve du paragraphe (1), les services de chiropractie, de massothérapie, de naturopathie, de physiothérapie et de podiatrie non chirurgicale constituent des avantages jusqu’à concurrence d’un maximum combiné de 10 visites au cours d’une année civile.
(4) Interpretation Act, R.S.B.C. 1996, ch. 238
[traduction]
Définitions
29 Les définitions suivantes s’appliquent à un texte législatif ou réglementaire :
. . .
« médecin » Personne autorisée à exercer la médecine sous le régime de la Medical Practitioners Act.
ANNEXE B
Interaction entre les dispositions législatives et réglementaires pertinentes
Suivant la Loi constitutionnelle de 1867, la prestation de services de soins de santé relève essentiellement des provinces. Cependant, le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral lui permet d’assortir de conditions sa contribution pécuniaire aux programmes sociaux des provinces. Ce pouvoir est le fondement de la Loi canadienne sur la santé, L.R.C. 1985, ch. C-6 (« LCS »), qui permet au gouvernement fédéral d’exiger des provinces désireuses de bénéficier des fonds fédéraux destinés aux soins de santé qu’elles établissent et administrent leurs régimes d’assurance-santé en respectant certains principes généraux. Comme elle énonce ces principes généraux, la LCS constitue la toile de fond du présent pourvoi.
Pour avoir droit aux crédits fédéraux, les provinces doivent souscrire aux cinq principes énoncés dans la LCS : gestion publique, transférabilité, universalité, intégralité et accessibilité. Dans le cadre de la présente affaire, l’universalité et l’intégralité sont les plus importants.
Le principe de l’« universalité » exige que, au titre du régime provincial, tous les résidents admissibles de la province aient droit aux services assurés selon des modalités uniformes : art. 10 de la LCS. Les « services de santé assurés » s’entendent des « services hospitaliers, médicaux ou de chirurgie dentaire fournis aux assurés », à l’exclusion des services de santé visés par une autre loi : art. 2 de la LCS. Les « [s]ervices hospitaliers » sont les services « médicalement nécessaires » qu’obtient un malade dans un hôpital, alors que les « services médicaux » sont les services « médicalement nécessaires » fournis par un médecin : art. 2 de la LCS. Le principe de l’« intégralité » exige que le régime d’assurance‑santé d’une province prévoie que « tous les services de santé assurés fournis par les hôpitaux, les médecins ou les dentistes soient assurés, et lorsque la loi de la province le permet, les services semblables ou additionnels fournis par les autres professionnels de la santé » : art. 9 de la LCS. Le cadre ainsi établi commande donc qu’un régime provincial d’assurance‑santé paie les services d’un hôpital et d’un médecin, la province pouvant décider à son gré d’offrir une gamme plus étendue de services. Les premiers correspondent aux « services essentiels », et les seconds aux « services non essentiels ».
En Colombie‑Britannique, la loi pertinente est la Medicare Protection Act, R.S.B.C. 1996, ch. 286 (« MPA »). Son préambule confirme les principes énoncés dans la LCS, dit du régime d’assurance‑santé qu’il est [traduction] « une caractéristique fondamentale de la société canadienne », reconnaît l’obligation « de recourir judicieusement aux services médicaux afin de maintenir un système de soins de santé financièrement viable » et affirme qu’il est « fondamental » que « l’accès aux soins médicaux nécessaires repose uniquement sur les besoins de chacun ». La MPA a pour objet [traduction] « le maintien en Colombie-Britannique d’un système public de soins de santé financièrement viable où l’accès aux soins médicaux nécessaires repose sur les besoins de chacun, et non sur la capacité de payer » : art. 2 de la MPA.
La MPA établit et réglemente le régime de soins de santé de la Colombie‑Britannique. Elle prévoit, au bénéfice des résidants de la province inscrits à titre de bénéficiaires du régime, le paiement des services fournis par un professionnel. Un « avantage » s’entend d’un service médicalement requis fourni par un « médecin » ou d’un [traduction] « service requis désigné comme un avantage en application de l’article 51 et fourni par un professionnel de la santé » : art. 1 de la MPA.
Dans la MPA, la différence entre un service fourni par un « médecin » et celui fourni par un « professionnel de la santé » correspond à celle existant entre un service essentiel et un service non essentiel dans la LCS. Les services fournis par un « médecin » englobent les services hospitaliers et médicaux. Ils doivent être offerts à tous les résidants et financés intégralement pour que le régime soit conforme à la LCS. À ces services essentiels peuvent s’ajouter, au gré de la province, des services non essentiels partiellement financés. En Colombie‑Britannique, il s’agit des services d’un « professionnel de la santé », soit un chiropraticien, un dentiste, un optométriste, un podiatre et, suivant le règlement d’application, un physiothérapeute, un massothérapeute et un infirmier. De nombreux fournisseurs de services potentiels ne sont pas désignés à titre de professionnels de la santé dans la loi ou le règlement et leurs honoraires ne sont donc pas remboursés par le régime; mentionnons par exemple les psychologues cliniciens, les conseillers en nutrition et les ostéopathes. Un service est un avantage au sens du régime de soins de santé s’il est fourni par un médecin ou par un professionnel de la santé énuméré dans la loi ou désigné par règlement.
De plus, la MPA crée la commission des services médicaux, l’organisme de réglementation chargé de la mise en oeuvre des différents volets du régime de soins de santé, et définit son mandat. La commission est composée de neuf membres représentant à raison de trois chacun l’association médicale de la Colombie‑Britannique, le gouvernement provincial et l’intérêt public. Ses attributions et ses obligations sont précises et délimitées par la loi. L’alinéa 5(1)j) lui confère le pouvoir de déterminer si un service constitue un avantage ou si quoi que ce soit a un lien avec la fourniture d’un avantage; l’al. 5(1)h) l’autorise à déterminer si une personne est un médecin ou un professionnel de la santé. Lorsque la commission décide qu’il constitue un avantage, un service peut être ajouté au barème de tarifs. La commission n’a pas le pouvoir discrétionnaire de financer un service qui n’est pas fourni par un médecin. Elle n’a pas non plus le pouvoir de légiférer ou de réglementer.
Les modalités d’inscription d’un nouvel avantage à la liste des services assurés diffèrent selon qu’il s’agit d’un service fourni par un médecin (avantage essentiel) ou par une autre personne (avantage non essentiel). La commission des services médicaux a le pouvoir discrétionnaire d’y ajouter des avantages essentiels, ceux-ci étant fournis par des médecins suivant la loi. Si elle est convaincue qu’un service est médicalement requis et fourni par un médecin, la commission peut l’inscrire au barème de tarifs. Lorsque le service est fourni par un professionnel de la santé énuméré dans la loi ou désigné par règlement, une demande de financement est présentée à un comité spécial sur les services complémentaires, qui agit comme le ferait la commission des services médicaux. Un comité spécial est formé pour chacun des groupes de professionnels de la santé approuvés offrant des services complémentaires. Lorsque le fournisseur éventuel d’un service non essentiel n’est pas désigné à titre de « professionnel de la santé » par règlement ou dans la loi, ni la commission des services médicaux ni le comité spécial ne peuvent ordonner le financement de ce service.
La limitation, par la province, de l’accès aux services non essentiels est conforme à la LCS. La Colombie‑Britannique, par exemple, n’assure qu’une gamme restreinte de services non essentiels. En outre, même lorsqu’un service non essentiel est offert, un plafond annuel limite le montant des frais et le nombre des traitements. À titre d’exemple, au moment du procès, les gens de moins de 65 ans avaient droit chaque année à un maximum de 12 visites chez le chiropraticien et devaient acquitter de modiques frais de visite. Au-delà de 12 visites, le paiement des honoraires leur incombait. Les services d’optométrie étaient assurés à raison d’un examen tous les deux ans pour les résidants de la province âgés de 16 à 65 ans. Aucun service d’un professionnel de la santé n’était financé intégralement.
Suivant la MPA, un avantage potentiel doit être « médicalement requis » pour être inscrit à la liste des services assurés. Cette expression n’est cependant pas définie. Un service n’est « médicalement requis » au sens de la loi que s’il constitue un avantage. Un médecin peut considérer qu’un service non essentiel est « médicalement requis » pour la santé de son patient. Son avis ne fait cependant pas de ce service un service « médicalement requis » au sens de la loi. C’est le législateur provincial qui en décide.
En résumé, la LCS impose un cadre que les provinces doivent respecter pour bénéficier des fonds fédéraux destinés aux soins de santé. Ce cadre s’appuie sur le principe de la prestation universelle des avantages assurés et celui de l’intégralité des services essentiels assurés, principalement les services des médecins et des hôpitaux. L’assurance des services non essentiels est laissée à la discrétion des provinces.
La MPA respecte ce cadre. Les services essentiels sont ceux fournis par un médecin et ils sont entièrement financés. Un service non essentiel peut être financé s’il est fourni par un professionnel de la santé énuméré dans la loi elle‑même ou désigné par le lieutenant-gouverneur en conseil dans le règlement d’application. Seule une protection partielle des services non essentiels est prévue. La commission des services médicaux peut, à son gré, inscrire un nouveau traitement sur la liste des services essentiels assurés à condition qu’il soit fourni par un professionnel de la santé énuméré dans la loi ou désigné par règlement.
Pourvoi accueilli et pourvoi incident rejeté.
Procureurs des appelants/intimés au pourvoi incident : Fasken Martineau DuMoulin, Vancouver; Ministère du Procureur général, Victoria.
Procureurs des intimés/appelants au pourvoi incident : Harper Grey Easton, Vancouver; Bradbrooke Crawford Green, North Vancouver.
Procureur de l’intervenant le procureur général du Canada : Ministère de la Justice, Ottawa.
Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Ontario : Procureur général de l’Ontario, Toronto.
Procureur de l’intervenant le procureur général du Québec : Ministère de la Justice, Sainte-Foy.
Procureur de l’intervenant le procureur général de la Nouvelle-Écosse : Ministère de la Justice, Halifax.
Procureur de l’intervenant le procureur général du Nouveau-Brunswick : Procureur général du Nouveau-Brunswick, Fredericton.
Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Île‑du‑Prince‑Édouard : Procureur général de l’Île-du-Prince-Édouard, Charlottetown.
Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Alberta : Alberta Justice, Edmonton.
Procureur de l’intervenant le procureur général de Terre‑Neuve‑et‑Labrador : Ministère de la Justice, St. John’s.
Procureurs des intervenants l’Association canadienne pour l’intégration communautaire et le Conseil des Canadiens avec déficiences : Cavalluzzo Hayes Shilton McIntyre & Cornish; Advocacy Resource Centre for Persons with Disabilities, Toronto.
Procureur des intervenants le Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes et le Réseau d’action des femmes handicapées du Canada : Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes, Toronto.
Procureurs de l’intervenante la Société canadienne de l’autisme : Gowling Lafleur Henderson, Ottawa.
Procureurs de l’intervenante Michelle Dawson : Irving, Mitchell & Associates, Montréal.
Procureurs des intervenantes Families for Effective Autism Treatment of Alberta Foundation et Families for Early Autism Treatment of Ontario : Chamberlain Hutchison, Edmonton; Community Legal Clinic (Simcoe, Haliburton, Kawartha Lakes), Orillia.
Procureurs de l’intervenant Friends of Children with Autism : Eberts Symes Street Pinto & Jull, Toronto.