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Cour suprême du Canada

Droit administratif—Prohibition—Comité d’enquête pour examiner refus de louer un logement—Logement n’est pas un logement «indépendant» et dans un domaine prévu par l’Ontario Human Rights Code—Pouvoir de la Cour, par une ordonnance de prohibition, d’empêcher les procédures destinées à une enquête sur une plainte—The Ontario Human Rights Code, 1961-62 (Ont.), c. 93, art. 3 [modifié en 1967, c. 66, art. 1], 13.

Le plaignant, un Jamaïquain, a déposé une plainte devant la Commission ontarienne des Droits de l’Homme déclarant que l’appelant avait refusé de lui louer un certain logement à cause de sa race, de sa couleur et de son lieu d’origine. La Commission n’a pu régler la plainte et recommanda au ministre du Travail, en vertu de l’art. 13(1) de The Ontario Human Rights Code, 1961-62, la nomination d’un comité d’enquête pour qu’une audience publique soit tenue sur le sujet de la plainte. Au début de l’audition, le procureur de l’appelant a demandé au comité de conclure qu’il n’était pas compétent parce que l’art. 3 du Code, qui dispose, en partie, que nul ne peut refuser de louer à une personne un logement indépendant en raison de la race, des croyances, de la couleur, de la nationalité, de l’ascendance ou du lieu d’origine de cette personne, ne s’applique pas aux locaux en question parce qu’ils ne forment pas un «logement indépendant». Le comité d’enquête a refusé d’en conclure ainsi pour le motif qu’à ce stade des procédures, il était impossible de savoir si l’art. 3 s’appliquait ou non au logement.

L’appelant a demandé une ordonnance interdisant au comité d’enquêter sur la plainte. L’ordonnance de prohibition a été accordée par le juge de première instance qui a conclu que le logement à louer n’était pas un logement indépendant. La Cour d’appel a accueilli l’appel, se fondant surtout sur la

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proposition que les procédures en vue d’obtenir l’ordonnance de prohibition étaient prématurées. Un appel a été interjeté à cette Cour.

Arrêt: L’appel doit être accueilli et l’ordonnance de prohibition rétablie, les Juges Abbott et Hall étant dissidents.

Le Juge en Chef Fauteux et les Juges Martland, Judson, Ritchie et Spence: Les pièces louées par l’appelant (un plain-pied de trois chambres, sans entrée particulière, au premier étage et une chambre à coucher au deuxième, faisant partie d’un immeuble de trois étages appartenant à l’appelant) ne sont pas un «logement indépendant» et, par conséquent, ne sont pas visées par l’art. 3 du Code.

Les pouvoirs conférés à un comité d’enquête ont pour but de déterminer s’il y a eu de la discrimination en ce qui a trait à des domaines prévus par la Loi. Il n’a pas le pouvoir de se prononcer lorsque la discrimination dont on se plaint tombe dans un domaine non prévu par la Loi, et il ne peut faire de recommandations à cet égard. Que le Code s’applique à ce logement est un point qui soulève une question de droit relativement au champ d’application de la Loi; de la réponse à cette question dépend toute l’autorité du comité d’enquête sur la plainte déclarant qu’il y a eu de la discrimination. La Loi ne prétend nullement placer cette question sous la compétence exclusive du comité; une décision erronée sur ce point ne permettrait pas à celui-ci de poursuivre l’enquête. L’appelant n’était pas tenu d’attendre la décision du comité d’enquête sur ce point avant de chercher, au moyen d’une demande d’ordonnance de prohibition, à le faire décider par une cour de justice.

Le Juge Abbot, dissident: Le comité d’enquête nommé en vertu de l’art. 13 a le pouvoir d’enquêter et de faire les recommandations qu’il juge appropriées. Il n’est pas autorisé à rendre des jugements sur quoi que ce soit. Les tribunaux ne sont pas appelés à se prononcer sur l’opportunité ou l’efficacité d’une enquête semblable ou sur les inconvénients qu’elle peut causer aux personnes concernées.

Le Juge Hall, dissident: Pour les motifs donnés par la Cour d’appel, l’appel doit être rejeté.

[Arrêts suivis: Darrall v. Whitaker (1923), 92 L.J.K.B. 882; Smith v. Prime (1923), 129 L.T. 441; R. v. Tottenham and District Rent Tribunal, Ex p. Northfield (Highgate) Ltd., [1957] 1 Q.B. 103; R. v. Galvin (1949), 77 C.L.R. 432; R. v. Northumberland Compensation Appeal Tribunal, Ex p. Shaw, [1952] 1 All E.R. 122. Arrêts mentionnés: Re Jackson et al.

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and Ontario Labour Relations Board, [1955] 3 D.L.R. 297; Guay c. Lafleur, [1965] R.C.S. 12; Baldwin c. Pouliot, [1969] R.C.S. 577.]

APPEL d’un jugement de la Cour d’appel d’Ontario[1], accueillant un appel d’un jugement du Juge Stewart qui avait accordé une ordonnance de prohibition contre un comité d’enquête nommé en vertu de The Ontario Human Rights Code, 1961-62, modifié. Appel accueilli, les Juges Abbott et Hall étant dissidents.

R.N. Starr, c.r., et W.C. Cuttell, c.r., pour l’appelant.

F.W. Callaghan, c.r., et E.M. Pollock, pour l’intimée.

Le jugement du Juge en Chef Fauteux et des Juges Martland, Judson, Ritchie et Spence a été rendu par

LE JUGE MARTLAND—L’appel est à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel d’Ontario[2] accueillant l’appel qu’avait formé la Commission ontarienne des Droits de l’Homme (Ontario Human Rights Commission), intimée en cette Cour, à la suite d’une ordonnance, rendue à la demande de celui qui se pourvoit devant cette Cour, qui interdisait à un comité d’enquête nommé en vertu du Ontario Human Rights Code, 1961-62 (Ont.), c. 93, modifié, de poursuivre son enquête sur le sujet de la plainte déposée par le plaignant, Carl McKay.

Cette Loi, dans sa forme modifiée, est une refonte de trois lois antérieures: le Racial Discrimination Act, 1944 (Ont.), c. 51; le Fair Employment Practices Act, 1951 (Ont.), c. 24, et le Fair Accommodation Practices Act, 1954 (Ont.), c. 28. Son objet principal est d’empêcher la discrimination, dans certains domaines précis, en raison de la race, des croyances, de la couleur, de la nationalité, de l’ascendance ou du lieu d’origine. L’article 1 interdit la publication ou l’affichage de tout avis, signe, symbole, emblème ou autre repré-

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sentation témoignant d’une discrimination pour l’une de ces raisons. Le paragraphe (2) renferme la restriction suivante: [TRADUCTION]

Rien au présent article ne doit s’interpréter comme portant atteinte à la liberté d’exprimer une opinion sur quelque sujet que ce soit.

L’article 2 interdit de refuser à qui que ce soit, pour l’une de ces raisons, un logement, les services ou les installations disponibles en tout lieu où le public est habituellement admis, ou d’agir de façon discriminatoire, pour l’une de ces raisons, en ce qui concerne le logement, les services et les installations disponibles dans un tel lieu.

L’article 4 interdit toute discrimination, pour l’une de ces raisons, quant à l’emploi ou aux conditions d’emploi. Il interdit une telle discrimination à l’endroit de ceux qui sont membres d’un syndicat ouvrier. Il interdit une telle discrimination dans les formulaires de demande d’emploi ou les annonces relatives aux emplois. Le paragraphe (4) renferme une restriction portant que l’art. 4 ne s’applique pas aux domestiques en service chez des particuliers, aux organismes sans but lucratif et de caractère exclusivement religieux, philanthropique, éducatif, fraternel ou social, ni aux organismes sans but lucratif dont le premier est d’accroître le bien-être d’un groupe religieux ou ethnique.

L’article 5 interdit toute discrimination fondée sur le sexe dans lés échelles de traitement d’un même travail fait dans le même établissement.

C’est l’article 3, assorti de la note marginale: [TRADUCTION] «Discrimination prohibée dans les immeubles de rapport», qui est en cause en: l’espèce; il dispose que: [TRADUCTION]

3. Nul ne peut, directement ou indirectement, seul ou avec d’autres, de lui-même ou par l’intermédiaire: d’autrui,

(a) refuser de louer à une personne ou à une classe de personnes un local commercial ou un logement indépendant; ni

(b) agir de façon discriminatoire envers une personne ou une classe de personnes en ce qui concerne les modalités ou conditions d’occupation d’un, local commercial ou d’un logement indépendant,

en raison de la race, des croyances, de la couleur, de la nationalité, de l’ascendance ou du lieu d’origine; de cette personne ou de cette classe de personnes.

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Ce résumé des dispositions de la Partie I de la Loi montre que celle-ci a pour objet d’empêcher certaines formes de discrimination dans des domaines précis. Elle ne s’applique qu’aux domaines ainsi définis.

La Partie II de la Loi assure le maintien de la Commission ontarienne des Droits de l’Homme, ci-après appelée «La Commission», qui répond au Ministre (le ministre du Travail ou tout autre membre du Conseil exécutif chargé par le lieutenant-gouverneur en conseil de l’application de la Loi) de l’administration de la Loi.

La Partie III de la Loi traite de l’examen des plaintes relatives à des procédés discriminatoires contraires au Code, de la nomination et des fonctions des comités d’enquête. L’article 12 et les dispositions pertinentes de l’art. 13 sont ainsi conçus:

[TRADUCTION] 12. (1) La Commission elle-même ou par l’entremise d’une personne désignée à cet effet, peut enquêter sur la plainte de toute personne affirmant avoir été victime de discrimination contrairement à la présente loi et doit s’efforcer de régler la question qui fait l’objet de la plainte.

(2) Chaque plainte doit être portée par écrit, en la manière prescrite par la Commission, et doit être postée ou livrée au bureau de la Commission.

13. (1) Si la Commission est incapable de régler la question qui fait l’objet de la plainte, le Ministre peut, sur la recommandation de celle-ci, nommer un comité d’enquête composé d’une personne ou plus et chargé d’enquêter sur la plainte; il doit sans délai communiquer aux parties en cause les noms des membres du comité d’enquête et il sera dès lors présumé de façon concluante que le comité d’enquête a été nommé en conformité de la présente loi.

(2) Le comité a tous les pouvoirs dont jouit un bureau de conciliation en vertu de l’article 28 du Labour Relations Act.

(3) Le comité doit donner aux parties toutes les occasions voulues de faire une preuve et de soumettre leurs arguments; s’il juge que la plainte est justifiée par la preuve, il doit recommander à la Commission les mesures à prendre en ce qui concerne cette plainte.

(4) Si le comité se compose de plus d’une personne, ses recommandations seront celles de la majorité de ses membres.

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(5) Après que le comité a fait ses recommandations, la Commission peut lui donner instruction de les éclaircir ou développer; et celles-ci seront censées n’avoir été reçues par la Commission que lorsqu’elles auront été ainsi éclaircies ou développées.

(6) Le Ministre, sur la recommandation de la Commission, peut prendre tout arrêté qu’il juge nécessaire pour mettre en œuvre les recommandations du comité; cet arrêté est final et l’on doit s’y conformer selon les conditions qui y sont énoncées.

A la Partie IV, l’art. 14 édicte que commet une infraction quiconque contrevient à une disposition de la Loi ou à un arrêté pris en vertu de celle-ci. L’article 15 édicte que l’autorisation écrite du Ministre est requise si l’on veut intenter une poursuite pour une infraction prévue par la Loi.

Le plaignant, Carl McKay, a déposé une plainte contre l’appelant devant la Commission, à Toronto, le 12 décembre 1968. Il déclare dans ladite plainte que l’appelant [TRADUCTION] «aurait commis un acte illégal en matière d’habitation» le 11 décembre 1968 ou vers cette date, pour des raisons de race, de couleur et de lieu d’origine, et il y donne les détails suivants: [TRADUCTION]

Le 10 décembre 1968, j’ai vu annoncé dans le Toronto Daily Star un plain-pied de 3 pièces à louer, avec salle de bain privée, cuisine, au 30, chemin Indian. J’ai téléphoné au numéro donné; on m’a dit que le plain-pied était encore vacant. Le lendemain, je me suis rendu à l’adresse indiquée où un homme qui était, comme je l’ai appris par la suite, M. Bell, le propriétaire, m’a dit que le plain-pied était loué. Cependant, lorsque mon amie, Mlle Nancy Sharp, s’est présentée après moi, le même jour, on lui a dit qu’il était encore vacant. Je suis un Noir de la Jamaïque, et je crois que si je n’ai pas obtenu le logement, c’est pour des motifs de race, de couleur et de lieu d’origine.

L’appelant n’a pas reçu de copie de cette plainte avant qu’une copie ne soit jointe à la lettre datée du 7 mars 1969, que lui a adressée Brett W. Mann, membre du personnel de la Commission. Dans l’intervalle, le personnel de la Commission avait correspondu avec l’appelant et son procureur, William C. Cuttell.

Dans une lettre du 2 janvier 1969 adressée à l’appelant, M. Mann écrit:

[TRADUCTION] Suite à notre rencontre du 13 décembre 1968, où nous avons discuté du sujet de pré-

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occupation dont un certain Carl McKay, qui se plaint de ce que vous ayez agi de façon discriminatoire envers lui en matière d’habitation, a saisi la Commission, nous désirons vous mettre au courant, par la présente, des derniers événements.

La Commission a mené une enquête approfondie sur la plainte de M. McKay; elle a recueilli à l’appui de ses allégations de discrimination des preuves suffisantes pour qu’elle doive continuer à s’occuper de l’affaire. La Commission prend la question très au sérieux et j’aimerais vous voir le plus tôt possible afin de discuter des conditions possibles de règlement et de conciliation.

Le 6 janvier, M. Cuttel répondit:

[TRADUCTION] M.K.S. Bell a porté à ma connaissance votre lettre du 2 janvier, où vous l’invitez à se rendre à votre bureau pour discuter de l’affaire. J’accepte avec plaisir votre invitation en son nom, mais j’aimerais auparavant obtenir des éclaircissements sur la rencontre projetée. Vous proposez que nous discutions des «conditions possibles de règlement et de conciliation». Avant toute rencontre, auriez-vous l’obligeance de me donner une idée de ce que vous entendez par «conditions de règlement et de conciliation»?

D’après ce que je sais des circonstances. de l’affaire, je ne puis voir que M. Bell ait en l’occurrence quelque responsabilité susceptible de donner lieu à un règlement et vous m’obligeriez beaucoup en me donnant des précisions à cet égard.

Le 14 janvier, M. Mann écrivit à M. Cuttel une lettre dont voici un extrait:

[TRADUCTION] La Commission a mené une enquête sur cette affaire et a recueilli des preuves suffisantes pour justifier la plainte de M. McKay.

D’habitude, la Commission essaie de régler à l’amiable toutes les plaintes de ce genre et ne recourt qu’en dernier ressort à des procédures plus formelles, prévues par la loi ontarienne. A cette fin, je vous invite, ainsi que M. Bell, à venir me voir à une date convenue aux bureaux de la Commission pour discuter des garanties demandées dans des cas semblables. Les conditions typiques de règlement seront, entre autres, une lettre d’excuses de M. Bell au plaignant, à qui devra aussi être offert le premier logement disponible, et le remboursement des sommes dépensées par suite de l’impossibilité d’obtenir le logement du 30, chemin Indian.

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Votre collaboration sera grandement appréciée et je vous invite à communiquer avec moi le plus tôt possible au numéro 365-6841 pour que nous puissions fixer un rendez‑vous en vue de régler cette affaire.

Par la suite, le 12 février, M. Herbert A. Sohn, directeur adjoint de la Commission, a écrit à M. Cuttell pour l’inviter à discuter l’affaire et l’aviser que si aucune réponse satisfaisante n’était reçue avant le 21 février, l’affaire serait soumise à la Commission à sa prochaine réunion régulière, le 24 février.

Le 21 février, M. Cuttell a écrit à la Commission qu’après discussion et à la suite d’une inspection approfondie de l’immeuble, il avait avisé l’appelant qu’il n’avait pas enfreint le Code et n’avait contracté aucune responsabilité l’obligeant à verser de l’argent à qui que ce soit.

Il proposa à la Commission, qui affirmait avoir recueilli des preuves suffisantes pour justifier la plainte, de poursuivre l’appelant si elle désirait pousser l’affaire plus loin.

Le 28 février, M. Mann écrivit à l’appelant que la Commission avait décidé de demander la nomination d’un comité d’enquête pour qu’une audience publique soit tenue sur le sujet de la plainte. Un double de cette lettre a été envoyé à M. Cuttell.

Ce dernier envoya alors au ministre du Travail, le 3 mars, une lettre dont il fit parvenir un double à la Commission et dans laquelle il résumait la correspondance qu’il avait échangée avec celle-ci. Il demanda au Ministre de refuser de nommer un comité d’enquête puisque la Commission avait déjà enquêté sur l’affaire et qu’une autre enquête était inutile. Il suggéra que le Ministre autorise plutôt une poursuite. Voici un extrait de cette lettre:

[TRADUCTION] La Commission a non seulement dit avoir des preuves à l’appui d’une accusation en vertu de l’article 3 de la Loi, mais elle est allée jusqu’à laisser entendre qu’il était possible de «régler» l’affaire en obtenant de M. Bell une lettre d’excuses, la garantie que le logement sera éventuellement disponible et le paiement d’une somme d’argent. Je ne puis trouver dans la Loi aucune infraction à l’une de ses dispositions. Si la Commission a recueilli des preuves indiquant une infraction à la Loi, il n’est sûrement pas correct

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de prétendre que l’infraction puisse être rachetée par le versement d’une somme d’argent à une personne, ou par les autres méthodes de règlement proposées.

Le 7 mars, M. Mann adressa à l’appelant une lettre à laquelle était jointe une copie de la plainte et où il donnait avis de la nomination, par le Ministre, du doyen Walter Tarnopolsky comme comité d’enquête, ainsi que de la date, de l’heure et du lieu de l’audition.

Voici un extrait de la réponse de M. Cuttell à la Commission, en date du 14 mars:

[TRADUCTION] Dans votre lettre du 14 janvier, vous mentionnez que les procédures sont instituées en vertu de l’article 3 du Ontario Human Rights Code. Rien dans la plainte de M. McKay ne justifie l’application de l’article 3. De plus, puisqu’elle a mené une «enquête approfondie», la Commission doit savoir que l’article 3 n’est, de fait, pas applicable.

De toute façon, il est parfaitement clair que si la Commission a mené une enquête approfondie et «recueilli à l’appui [des] allégations [de M. McKay]…des preuves suffisantes…», l’affaire est manifestement close. Comme je l’ai signalé, ce recours est prévu par les articles 14, 15 et 16 de la Loi et toute autre enquête ne constituerait ni plus ni moins qu’une persécution destinée à obtenir un règlement aux dépens de mon client, ou une persécution faite en violation des règles fondamentales de justice. Dans un cas comme dans l’autre, le comité d’enquête n’est plus compétent, à quelque titre que ce soit.

Au début de l’audition menée par le comité d’enquête, M. Cuttell a demandé à celui-ci de conclure qu’il n’était pas compétent, l’art. 3 du Code ne s’appliquant pas aux locaux en question parce qu’ils ne formaient pas un: [TRADUCTION] «logement indépendant». D’autres points ont également été soulevés. Le comité d’enquête a refusé d’en conclure ainsi pour le motif qu’à ce stade des procédures, il était impossible de savoir si l’art. 3 s’appliquait ou non au logement.

Le 9 mai, l’appelant a demandé une ordonnance de prohibition. A l’appui de sa requête, il a déposé un affidavit souscrit par lui-même, auquel étaient jointes des photographies des locaux lui apparte-

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nant. Les passages pertinents de l’affidavit sont les suivants:

[TRADUCTION] 1. Je suis propriétaire du n° 30, chemin Indian, Toronto, que j’habite depuis 1957. De 1957 à 1965, j’ai loué le rez-de-chaussée, que j’ai habité avec mon épouse; le propriétaire, son épouse et son enfant occupaient alors les étages supérieurs.

2. J’ai acheté la maison en 1965; j’ai continué à habiter le rez-de-chaussée et j’ai loué les étages supérieurs.

3. Les étages supérieurs consistent en un plainpied comportant cuisine et salle de bain privées, une chambre à coucher et vivoir, toutes ces pièces étant au premier étage, et une chambre à coucher au deuxième; le plain-pied n’a pas d’entrée particulière.

4. Les locataires ne peuvent aller aux étages supérieurs que par la porte avant et le vestibule, ayant ainsi accès à l’escalier. Le vestibule et l’escalier ne sont pas isolés ni séparés du logement que j’habite.

5. Des photographies du vestibule et de l’escalier sont jointes au présent affidavit. Sur la photographie n° 1, on voit le rez-de-chaussée et ma cuisine au bout du vestibule. Sur la photographie n° 2, on voit le rez-de-chaussée et l’entrée de mon vivoir. La photographie n° 3 montre le premier étage, et fait voir le vestibule du logement des locataires et un escalier menant au deuxième.

6. Les portes du logement des locataires n’ont pas de serrure; les portes vitrées de mon vivoir n’ont qu’une simple serrure à clé ordinaire et la porte de la cuisine, un verrou à tige. Je ne les ai pas fermées à clé depuis 1965.

7. Je travaille comme expéditeur à la division du pain Christie de la Nabisco depuis 18 ans. Comme je travaille régulièrement durant trois postes distincts, je suis parfois absent de chez moi de 16h à minuit, ou de minuit à 8h, et mon épouse est alors seule à la maison. C’est pourquoi je dois choisir avec prudence les locataires des étages supérieurs.

8. J’ai eu quatre groupes différents de locataires depuis 1965; trois étaient des couples mariés et le locataire actuel est un homme d’environ 45 ans. C’est un Sémite d’origine égyptienne. Je préfère comme locataires des couples mariés ou des personnes d’âge mûr.

9. Le 10 décembre 1968 ou vers cette date, le logement étant à louer, deux jeunes Noirs se sont présentés chez moi à ce sujet. Ils avaient l’air

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d’avoir à peu près entre 20 et 22 ans et j’ai pensé qu’ils étaient probablement étudiants. Comme je les considérais trop jeunes, je n’ai pas voulu leur louer le logement. Je leur ai dit qu’il était déjà loué parce que c’est la façon de procéder la plus simple pour éviter les discussions et les disputes.

10. Si j’ai refusé de louer aux Noirs, ce n’est pas parce qu’ils étaient Noirs mais parce qu’ils étaient trop jeunes et semblaient être étudiants; je ne veux pas de jeunes hommes ou d’étudiants comme locataires, en particulier parce que le plain-pied n’est pas séparé du logement que j’habite et qu’il n’est pas indépendant.

D’après les documents au dossier, on peut avoir accès à chacune des pièces occupées par l’appelant en passant par le vestibule du rez-de-chaussée; on accède au premier par un escalier qui part de ce vestibule et aux pièces de l’étage supérieur par le vestibule du premier. En d’autres termes, l’appelant possède une maison ordinaire dont quelques-unes des chambres à coucher du premier ont été converties en cuisine et en vivoir.

Le savant juge de première instance a conclu que le logement à louer n’est pas un logement indépendant. La Cour d’appel n’a pas examiné cette conclusion, s’étant appuyée sur d’autres motifs pour accueillir l’appel interjeté contre le jugement de première instance.

A ce sujet, le savant juge de première instance a dit:

[TRADUCTION] Les définitions du terme «self-contained» (indépendant) dans le Oxford Dictionary, le Funk and Wagnall’s Dictionary et le Webster’s Dictionary (troisième édition), indiquent que les premier et deuxième étages de la maison de M. Bell ne sont pas visés par ce terme. Même si l’on fait abstraction des définitions des dictionnaires, cela semble clair. On m’a cité un certain nombre d’arrêts écossais rendus dans le même sens, dont The Trustees of the late William Cotton, Appellants, Richard Farmer, Surveyor of Taxes (Edinburgh) Respondents, (1912-13) Scottish Session Cases, p. 1131; Speevack and Robson, (1949) S.L.T., notes sur des décisions récentes, p. 39; The Assets Company, Limited and Ogilvie, 34 S.L.R. 195, p. 200. Il y a bien un arrêt anglais qui peut paraître contredire les décisions écossaises, soit Darrall v. Whitaker and another, 92 L.J.K.B. 882, mais on avait jugé dans l’arrêt en question que le caractère généralde la maison avait été modifié.

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Dans l’arrêt Darrall v. Whitaker et dans une autre décision anglaise rendue par un juge seul, Smith v. Prime[3], les tribunaux ont étudié la portée d’une mesure législative visant à restreindre les loyers, le Increase of Rent and Mortgage Interest Act, 1920. Dans chaque cas, le propriétaire a réussi à établir qu’il n’était pas assujetti aux restrictions imposées par cette Loi parce qu’il avait apporté d’importantes transformations aux locaux. Dans l’arrêt Darrall, il a été décidé que: [TRADUCTION] «on ne peut parler d’une hausse de loyer par le propriétaire lorsqu’il s’agit d’une maison qui a été transformée à un point tel qu’elle n’est plus la maison qui existait en 1914.» C’est de façon incidente seulement qu’a été examiné le par. (9) de l’art. 12 de la Loi, qui se lisait ainsi:

[TRADUCTION] La présente loi ne s’applique pas à une maison d’habitation construite après le 2 avril 1919 ou en voie de construction à cette date, ni à une maison d’habitation réellement reconstruite depuis cette date ou réellement en voie de reconstruction à cette date de façon à être convertie en au moins deux plain-pieds ou logements séparés et indépendants…

Je ne suis pas prêt à admettre que les opinions exprimées dans ces arrêts sur ce qui constitue un plain-pied séparé et indépendant, aux fins de ce paragraphe, régissent la signification qu’il faut donner à l’expression «logement indépendant» à l’art. 3 de la Loi.

Lorsqu’il a été décrété pour la première fois dans les Statuts de l’Ontario de 1961-62, c. 93, l’art. 3 de la Loi interdisait de refuser à une personne, pour des raisons de race, de croyances, de couleur, etc., l’occupation de [TRADUCTION] «tout appartement d’un immeuble comprenant au-delà de six logements indépendants.»

Par l’adoption du c. 85, en 1965, le nombre «six» a été réduit à «trois». C’est en 1967, par l’adoption du c. 66, que le présent art. 3 a été décrété.

Il semble clair que l’expression «logements indépendants» telle qu’elle est employée dans les deux textes antérieurs, se rapporte à des logements assimilables aux appartements d’un immeuble de rapports. Le présent art. 3 s’applique à tout [TRADUCTION] «logement indépendant», mais, compte

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tenu de l’évolution de la loi, il me paraît englober maintenant soit une maison indépendante, soit des locaux indépendants et analogues à un appartement dans un immeuble de rapport.

A mon avis, il est bien possible que les pièces des étages supérieurs louées par l’appelant soient des «logements», mais elles ne sont pas des logements «indépendants».

Cela m’amène au principal point en litige dans le présent appel, que j’énonce comme suit: si une plainte est formulée à l’égard d’une mesure discriminatoire dans un domaine non prévu par la loi, la Cour suprême de l’Ontario a-t-elle le pouvoir, par une ordonnance de prohibition, d’empêcher les procédures destinées à l’enquête sur la plainte en vertu de l’art. 13 de la Loi?

Comme il a déjà été signalé, l’objet de la Loi est de chercher à obtenir l’égalité de traitement sans distinction de race, de croyances, de couleur, de nationalité, d’ascendance, ou de lieu d’origine et, à cette fin, un mécanisme a été créé pour l’examen des plaintes imputant de la discrimination basée sur de tels motifs. Mais la portée de la Loi est expressément limitée, de par les termes employés, à la discrimination qui a lieu relativement à des domaines d’application définis. La Loi déclare expressément que ses dispositions ne portent pas atteinte à la liberté d’exprimer une opinion sur quelque sujet que ce soit. Elle n’empêche pas l’occupant d’une maison de refuser d’engager un domestique parce que sa race, sa couleur ou ses croyances lui inspirent de l’antipathie. De même, elle n’empêche pas le propriétaire d’une maison comprenant des logements non indépendants de refuser de louer ceux-ci à qui que ce soit.

Lorsque le par. (1) de l’art. 12 édicte que la Commission [TRADUCTION] «doit s’efforcer de régler la question qui fait l’objet de la plainte», il ne permet pas à celle-ci de chercher à régler des plaintes qui portent sur de la discrimination pratiquée dans des domaines non prévus par la Loi, parce que l’expression «la question qui fait l’objet de la plainte» désigne une plainte relative à de la discrimination [TRADUCTION] «contrairement à la présente Loi».

Le Ministre n’est autorisé à nommer un comité d’enquête sur la recommandation de la Commission que [TRADUCTION] «si la Commission est incapable de régler la question qui fait l’objet de

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la plainte», c’est-à-dire d’une plainte relative à de la discrimination [TRADUCTION] «contrairement à la présente Loi.»

Le comité d’enquête nommé par le Ministre a pour tâche d’enquêter sur «la question», c’est‑à-dire de décider s’il y a eu discrimination dans un domaine prévu par la Loi.

En l’espèce, la Commission a formulé l’opinion que la plainte avait bien trait à de la discrimination contraire à la Loi; elle a donc recommandé que le Ministre nomme un comité d’enquête. L’intimé était convaincu que la plainte ne touchait pas à un domaine prévu par la Loi. Lui est-il impossible de faire déterminer ce point essentiel par une cour de justice sans attendre que l’enquête soit terminée et que le comité d’enquête ait réglé ce point?

Le péril en la demeure pour l’appelant est évident. En vertu du par. (3) de l’art. 13, si le comité d’enquête conclut que la plainte est justifiée par la preuve, il doit recommander à la Commission les mesures à prendre en ce qui concerne cette plainte. En vertu du par. (6), le Ministre, sur la recommandation de la Commission, peut prendre [TRADUCTION] «tout arrêté qu’il juge nécessaire pour mettre en œuvre les recommandations du comité».

Cet arrêté est [TRADUCTION] «final et l’on doit s’y conformer selon les conditions qui y sont énoncées».

Aucun appel n’est prévu de la décision du comité d’enquête ou d’un arrêté ministériel en vertu du par. (6).

Dans son arrêt, la Cour d’appel a dit ce qui suit:

[TRADUCTION] Cela ne veut pas dire que la décision du comité d’enquête serait exempte de toute revision judiciaire s’il y était donné suite par le Ministre comme le prescrit le Code ou, en dernier lieu, par une cour de déclaration sommaire de culpabilité. L’avocat du Procureur général, qui représentait la Commission, a été d’accord là‑dessus.

Lorsque ce point a été soulevé devant cette Cour, le procureur de l’intimée n’a pas admis que les procédures devant le comité d’enquête pouvaient faire l’objet d’un certiorari, et il s’est borné

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à émettre l’opinion qu’il y avait possibilité d’intenter une action pour jugement déclaratoire. L’existence d’un tel droit est douteuse.

Si un arrêté ministériel était rendu et que des poursuites étaient engagées pour contravention à cet arrêté ministériel, le point en litige devant la Cour serait uniquement la question de savoir s’il y a eu contravention à l’arrêté et non si l’accusé a d’abord enfreint la Loi.

La décision de la Cour d’appel d’accueillir l’appel se fondait surtout sur la proposition que les procédures en vue d’obtenir une ordonnance de prohibition étaient prématurées. Le passage pertinent de l’arrêt se lit comme suit:

[TRADUCTION] Le savant Juge a conclu que l’article 3 ne s’appliquait pas au plain-pied que louait M. Bell; il a également décidé qu’un comité d’enquête n’était compétent que s’il s’agissait d’un logement indépendant. Le Juge Stewart ayant été saisi d’une requête en prohibition à un moment où le comité d’enquête s’était simplement réuni et n’avait pas encore examiné la plainte au fond, sa décision sur la question de compétence ne peut s’interpréter que de cette façon: le comité d’enquête ne pouvait pas, même s’il s’agissait du stade initial, bien que subséquemment revisable, d’une affaire, entreprendre sa tâche sans que la question de sa compétence soit d’abord élucidée, une fois que l’objection portant que le Code ne s’appliquait pas aux locaux en cause eut été faite.

Soit dit en toute déférence, le savant Juge a commis une erreur de principe, compte tenu des termes du Code. Bien sûr, le Juge a déterminé la nature du comité d’enquête et se fondant sur le Code, et conclu que celui-ci exerçait des pouvoirs judiciaires, que c’était là la première étape de procédures judiciaires exposant M. Bell à une sanction et que le tribunal pouvait donc être assujetti à une ordonnance de prohibition. Toutefois, on ne peut généraliser l’assujettissement d’un tribunal à une ordonnance de prohibition du seul fait qu’il s’agit d’un tribunal judiciaire ou quasi-judiciaire. Il y a une autre question, très pertinente, celle du défaut de compétence, sur laquelle la demande d’ordonnance de prohibition est fondée.

En l’espèce, s’il ne peut être soulevé d’objection à l’établissement ou à la constitution du comité d’enquête, il est prématuré de chercher à en bloquer les procédures dès le début dans l’appréhension d’une erreur de droit, c’est-à-dire l’interprétation erronée d’une disposition du Code, que l’on présume que le comité fera. Il paraît passablement évident que si

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l’on avait permis au comité d’enquête de poursuivre, ce dernier aurait eu à décider (1) s’il y avait eu refus de louer un logement, (2) si le Code s’appliquait à ce logement, et (3) si le refus dans ce cas était dû à la race, à la couleur ou au lieu d’origine du plaignant.

La Cour a poursuivi en ces termes:

[TRADUCTION] La question de savoir si le plain-pied de M. Bell est un logement indépendant dépend de considérations aussi bien de fait que d’interprétation et il est difficile de voir comment le savant Juge aurait pu déterminer cette question, étant donné que le comité d’enquête n’avait rien consigné à ce sujet.

En toute déférence, je ne partage pas l’avis selon lequel le comité d’enquête ne pouvait entreprendre sa tâche avant que la question de sa compétence ne soit d’abord élucidée, une fois que l’objection portant que le Code ne s’appliquait pas aux locaux en cause eut été faite. Cette seule objection ne suffit pas. L’appelant aurait pu soulever ce point, et choisir de laisser l’enquête se poursuivre et attendre la décision du comité. Cette question a été traitée par Lord Goddard, Juge en chef, dans R. v. Tottenham and District Rent Tribunal, Ex p. Northfield (Highgate) Ltd.[4], une affaire où les occupants d’un plain-pied avaient demandé au tribunal des loyers de se prononcer sur le loyer demandé pour l’appartement. Ils étaient concessionnaires d’un bail entre le propriétaire et leur cédant. Le paragraphe (1) de l’art. 2 du Furnished Houses (Rent Control) Act, 1946, disposait que:

[TRADUCTION] Lorsqu’à été passé avant ou après l’adoption de la présente loi un contrat en vertu duquel une personne (ci-après appelée le «bailleur») accorde à une autre (ci-après appelée le «preneur»), le droit d’occuper, à titre de résidence, une maison ou une partie d’une maison située dans un district où est en vigueur la présente loi, en contrepartie d’un loyer incluant un montant pour l’utilisation du mobilier ou pour la prestation de services. l’une ou l’autre des parties au contrat, ou l’autorité locale, peut légalement soumettre le contrat à l’examen du tribunal du district…

Le propriétaire demanda que soit rendue une ordonnance de prohibition interdisant au tribunal

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de connaître de la demande pour le motif que les occupants n’étaient pas «parties au contrat» au sens de cette disposition.

L’ordonnance fut accordée. A la fin de ses motifs, Lord Goddard dit, p. 107:

[TRADUCTION] Je dois ajouter un dernier mot. M. Winn, qui comparaît au nom du tribunal, n’a pris part aux débats que pour exprimer l’avis, en qualité d’amicus curiae, qu’il serait difficile de dire que les moyens invoqués par M. Ackner ne sont pas valables. Mais M. Winn nous a demandé de dire si, à notre avis, les requérants étaient fondés à demander une ordonnance de prohibition à cette Cour et s’ils n’auraient pas dû plutôt s’adresser au tribunal et soulever la question devant lui. Bien sûr, ils auraient pu soulever la question devant le tribunal et si ce dernier leur avait donné raison, tant mieux. Si toutefois, il leur avait donné tort, ils auraient été obligés de saisir cette Cour-ci de l’affaire et de demander une ordonnance de certiorari plutôt que de prohibition; mais à mon sens, il serait impossible et tout à fait inopportun d’établir une règle précise pour déterminer quand une personne qui conteste la compétence d’un tribunal doit s’adresser à celui-ci ou demander une ordonnance de prohibition en cette Cour. Lorsque se pose, comme en l’espèce, une question de droit parfaitement simple, brève et claire, il me semble tout indiqué, et certainement possible pour les requérants, de demander à cette Cour-ci de rendre une ordonnance de prohibition. Cela n’empêcherait pas le tribunal en question de poursuivre l’audition de l’affaire, s’il le désire, durant le délai accordé pour demander l’ordonnance de prohibition et pendant l’audition de la requête; bien entendu, si une ordonnance de prohibition est décernée, il ne lui sera pas possible de rendre une décision et si aucune ordonnance de prohibition n’est décernée, il pourra faire connaître sa décision. Pour ma part, je dirais que lorsque se pose une question de droit manifeste qui ne dépend pas de faits particuliers—car aucun fait n’est en litige en l’espèce—rien n’empêche les requérants de s’adresser directement à cette Cour-ci pour obtenir une ordonnance de prohibition plutôt que d’attendre de voir si la décision leur sera défavorable, éventualité qui les obligerait à demander une ordonnance de certiorari. Pour ces motifs, je crois qu’une ordonnance de prohibition doit être décernée.

Il ressort clairement aussi de l’affaire précitée que les faits qui avaient donné naissance à la question de droit durent être présentés à la Cour aux fins de l’examen de la requête et n’ont pu être

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révélés par un procès verbal émanant du tribunal d’instance inférieure, étant donné que celui‑ci ne s’était pas penché sur le litige.

Dans l’arrêt R. v. Galvin[5], la High Court australienne a examiné une demande d’ordonnance de prohibition. Cette demande faisait suite à la requête présentée par un syndicat ouvrier à un conciliateur nommé en vertu des dispositions du Commonwealth Conciliation and Arbitration Act, requête qui demandait que soit modifiée une sentence fixant à 40 heures le nombre des heures de travail hebdomadaire, par l’établissement d’une pause-café de 15 minutes. L’article 13 de la Loi en question édictait qu’un conciliateur n’avait pas le pouvoir de rendre une ordonnance modifiant la durée normale du travail dans une industrie. L’article 16 prévoyait qu’à tout stade d’une affaire dont il était saisi, un conciliateur pouvait soumettre à la Commonwealth Court of Conciliation and Arbitration toute question de droit ou toute question mettant sa compétence en doute.

Dans son jugement, la High Court, se reportant à l’art. 16, dit ceci, p. 444:

[TRADUCTION] On soutient que ces dispositions permettent à un conciliateur de continuer les procédures lorsque sa compétence est contestée, sous réserve du renvoi à la Arbitration Court de la question de savoir s’il est compétent ou non en la matière. Ce tribunal rend alors à ce sujet une décision qui a force obligatoire et dont dépend la compétence du conciliateur. Si la décision est qu’il n’est pas compétent, le conciliateur doit modifier sa sentence provisoire en conformité de cette décision. Si, par contre, la décision est qu’il est compétent, dans ce cas, en vertu de l’al. a) du par. (5), il acquiert sa compétence en vertu de cette décision. Quels motifs y a-t-il, a-t-on demandé, de présumer que le conciliateur exercera le pouvoir que la citation à comparaître vise à invoquer, sans d’abord chercher à obtenir la décision de l’a Arbitration Court sur la question de savoir s’il est compétent. Si, de fait, il soumet la question à la Arbitration Court, sa compétence dépendra de la décision de celle-ci. On trouve réponse à cet argument dans un certain nombre de considérations. Le conciliateur n’est pas tenu de soumettre la question à là Arbitration Court. Une déclaration de ce tribunal en faveur de sa compétence existe déjà et on peut fort bien s’attendre à ce qu’il agisse en se fondant sur une telle déclaration et sans avoir recours

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au renvoi. Ce que la citation à comparaître lui demande de faire, c’est de rendre une ordonnance qui, au dire des poursuivants, excède sa compétence. Celui à l’encontre duquel est invoquée une compétence inexistante n’est pas tenu d’attendre que le tribunal décide lui-même s’il est compétent ou obtienne par renvoi, exposé de cause ou autre moyen semblable une décision sur cette question. Il peut dès le début demander une ordonnance de prohibition.

Dans cette cause-là, aucune objection ne pouvait être soulevée contre l’établissement ou la constitution du tribunal concerné. C’est à un conciliateur dûment nommé en conformité des dispositions de la Loi que la demande en modification de l’ordonnance était présentée. La Loi en vertu de laquelle il avait été nommé lui permettait expressément de renvoyer une question de compétence à la Commonwealth Court of Conciliation and Arbitration. Néanmoins, la Cour a estimé qu’elle pouvait décider la question de droit qui avait été soulevée relativement aux pouvoirs du tribunal sans attendre la décision de ce dernier sur ce point, ou celle de la Court of Conciliation and Arbitration, à laquelle la question aurait pu être soumise.

Dans cette cause-là, il appert que des éléments de preuve avaient été soumis, au moyen d’un affidavit, à la Cour saisie de la requête en prohibition.

Au sujet du bref de certiorari, Lord Denning a dit, dans l’arrêt R. v. Northumberland Compensation Appeal Tribunal, Ex p. Shaw[6]:

[TRADUCTION] Lorsqu’une ordonnance de certiorari est rendue pour défaut de compétence, partialité ou fraude, une preuve sous forme d’affidavit est non seulement recevable mais, en règle générale, nécessaire.

A mon avis, une telle preuve est également recevable lorsqu’on veut soulever une question de droit portant sur la compétence d’un tribunal, lors d’une requête en prohibition.

L’affaire qui nous occupe soulève une question de droit quant à la signification de l’expression «logement indépendant». Les faits qui sont à retenir pour déterminer si cette expression s’étend aux locaux que l’appelant voulait louer ont trait uniquement à la structure d’un immeuble et n’im-

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pliquent pas de choix entre des témoignages contradictoires. En présence de témoignages contradictoires, la Cour saisie d’une demande d’ordonnance de prohibition peut fort bien refuser d’intervenir. En l’espèce, toutefois, la position de la Cour d’appel n’est pas, semble-t-il, que le savant juge de première instance aurait dû ne pas exercer sa discrétion pour rendre l’ordonnance de prohibition, mais plutôt qu’il n’avait aucune discrétion à cet égard.

En toute déférence, je ne partage pas cet avis. Les pouvoirs conférés à un comité d’enquête ont pour but de lui permettre de déterminer s’il y à eu de la discrimination en ce qui a trait à des domaines prévus par la Loi. Il n’a pas le pouvoir de se prononcer lorsque la discrimination dont on se plaint tombe dans un domaine non prévu par la Loi, et il ne peut faire de recommandations à cet égard.

Dans son jugement, la Cour d’appel dit que si le comité d’enquête avait été autorisé à poursuivre l’enquête, il aurait eu à décider (1) s’il y avait eu refus de louer le logement, (2) si le Code s’appliquait à ce logement, et (3) si le refus était dû à la race, à la couleur ou au lieu d’origine du plaignant. A mon avis, il fallait tout d’abord examiner le deuxième point; si la Loi ne s’appliquait pas au logement, le comité ne pouvait poursuivre l’enquête.

Le deuxième point soulève une question de droit relativement au champ d’application de la Loi; de la réponse à cette question dépend toute l’autorité du comité d’enquêter sur la plainte déclarant qu’il y a eu de la discrimination. La Loi ne prétend nullement placer cette question sous la compétence exclusive du comité; une décision erronée sur ce point ne permettrait pas à celui-ci de poursuivre l’enquête.

A mon avis, l’appelant n’était pas tenu d’attendre la décision du comité d’enquête sur ce point avant de chercher, au moyen d’une demande d’ordonnance de prohibition, à le faire décider par une cour de justice, et la cour était compétente pour connaître de l’affaire.

Je suis d’avis d’accueillir l’appel et de rétablir l’ordonnance rendue par le savant juge de première instance. L’appelant aura droit à ses dépens en toutes les Cours.

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LE JUGE ABBOTT (dissident)—Il s’agit d’un appel interjeté sur autorisation contre une ordonnance de la Cour d’appel d’Ontario du 20 novembre 1969 accueillant l’appel formé par l’intimée, la Commission ontarienne des Droits de l’Homme (Ontario Human Rights Commission), à l’encontre d’une ordonnance de prohibition datée du 9 mai 1969 par laquelle le Juge Stewart interdisait à M. Walter S. Tarnopolsky, siégeant à titre de comité d’enquête nommé en vertu des dispositions du Ontario Human Rights Code, 1961-62, dans sa forme modifiée, d’enquêter sur la plainte d’un dénommé Carl McKay qui soutenait avoir été victime de discrimination, en violation dudit Code, relativement à la location d’un certain logement.

Le logement en cause fait partie d’un immeuble de trois étages, sis au 30, chemin Indian, Toronto, qui appartient à l’appelant depuis juillet 1965. Celui-ci habite le rez-de-chaussée avec son épouse et loue les étages supérieurs. Le logement que renferment les étages supérieurs comprend une cuisine, une salle de bain, une chambre à coucher et un vivoir au premier étage, ainsi qu’une chambre à coucher au second. On accède au premier par une entrée commune menant à un escalier qui communique avec le logement du haut.

Le 10 décembre 1968, à la suite d’une annonce dans le journal quotidien, le plaignant, un Jamaïquain, et une autre personne, cherchèrent à louer le logement décrit ci-dessus mais apprirent de l’appelant qu’il était déjà loué. En réalité, ledit logement n’avait pas encore été loué à ce moment-là.

Le 12 décembre 1968, M. McKay déposa une plainte devant la Commission ontarienne des Droits de l’Hpmme déclarant que l’appelant, Kenneth S. Bell, avait refusé de lui louer un plain-pied sis au 30, chemin Indian, Toronto, à cause de sa race, de sa couleur, et de son lieu d’origine.

Le 2 janvier 1969, la Commission écrivit à l’appelant dans le but d’organiser une rencontre pour essayer de régler par la conciliation la question qui faisait l’objet de la plainte. L’appelant, par l’entremise de son procureur, demanda des renseignements sur les conditions possibles de règlement et de conciliation et fut avisé par la Commission que les conditions typiques compren-

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draient une lettre d’excuses adressée au plaignant par l’appelant ainsi que l’offre du prochain logement disponible et le remboursement des sommes dépensées par le plaignant pour n’avoir pu obtenir un logement à ladite adresse.

Le 12 février 1969, la Commission tenta de nouveau d’organiser une rencontre pour discuter des possibilités de règlement avec l’appelant; celui-ci, par l’entremise de son procureur, suggéra à la Commission de procéder par voie de poursuite en vertu du Ontario Human Rights Code, 1961-62, si elle voulait pousser l’affaire plus loin.

Le 24 février 1969, la Commission recommanda au ministre du Travail, en vertu de l’art. 13 dudit Code, la nomination d’un comité d’enquête chargé d’examiner la plainte de McKay. Le 3 mars 1969, l’appelant, par l’entremise de son procureur, demanda au ministre du Travail de passer outre à cette recommandation et d’autoriser plutôt une poursuite contre l’appelant en vertu de l’art, 15 du Code.

Par une lettre datée du 13 mars 1969, le ministre du Travail rejeta la proposition du procureur de l’appelant et avisa celui-ci de la nomination d’un comité chargé, en vertu des dispositions du Code, de faire enquête au sujet de la plainte. Ladite nomination a été notifiée à l’appelant en, conformité de l’art. 13 du Code.

Le 21 avril 1969, ledit Walter S. Tarnopolsky, a tenu une audience du comité d’enquête aux édifices du Parlement, à Queen’s Park, Toronto; le procureur de l’appelant a alors contesté la compétence du comité d’enquête et proposé que le comité prononce sa dissolution ou demande au ministre du Travail d’ordonner que l’intimée soit poursuivie.

Le comité d’enquête a rejeté la requête de l’appelant, décidant qu’il était compétent pour entendre le litige.

A la suite de cette décision et avant la présentation de preuves, un avis de requête pour ordonnance de prohibition a été signifié et l’affaire a été ajournée sine die en attendant qu’une décision soit rendue sur ladite requête.

Le 9 mai 1969, le Juge Stewart entendit la requête et rendit une ordonnance interdisant à

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Walter S. Tarnopolsky de continuer d’agir en qualité de comité d’enquête en vertu de l’art. 13 du Ontario Human Rights Code, 1961-62.

Le Juge Stewart s’est dit d’avis que le comité d’enquête est un organisme judiciaire qui, comme tel, peut être assujetti à une ordonnance de prohibition; que les locaux de l’appelant ne sont pas indépendants au sens de l’al. a) de l’art. 3 du Code et que le comité d’enquête n’est donc pas compétent pour entendre des demandes; que les vues des fonctionnaires de la Commission sur la signification de l’al. a) de l’art. 3 et sur la question de la violation dudit alinéa par l’appelant peuvent être imputées au comité d’enquête et, par conséquent, que ce dernier a été constitué à des fins non valables, et qu’aucune décision erronée de celui-ci n’est une condition préalable nécessaire à la délivrance de l’ordonnance demandée.

Le procureur de la Commission ontarienne des Droits de l’Homme a présenté à la Cour d’appel d’Ontario une requête en appel de l’ordonnance du Juge Stewart, pour que soit rendue une ordonnance infirmant l’ordonnance de prohibition.

Le 20 novembre 1969, la Cour d’appel accueillit la requête en appel et annula l’ordonnance. Le jugement de la Cour fut rendu par le Juge d’appel Laskin (le Juge en chef Gale et les Juges d’appel Schroeder, Kelly et Evans souscrivant à son avis); il fut jugé qu’étant donné que le Ministre avait le pouvoir discrétionnaire de nommer un comité d’enquête plutôt que de procéder par voie de poursuite, que le comité avait été valablement constitué en vertu du par. (1) de l’art. 13 du Code, qu’aucune décision n’avait été prise par le comité, organisme distinct et indépendant auquel ni les opinions ni le comportement des fonctionnaires de la Commission ne pouvaient être imputés, et que la nature de l’immeuble en cause était une question mixte de droit et de fait à l’égard de laquelle aucune preuve n’avait été présentée au comité d’enquête, la demande en prohibition était prématurée.

Le 27 janvier 1970, l’appelant a été autorisé à interjeter appel devant cette Cour à l’encontre de l’ordonnance de la Cour d’appel d’Ontario.

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Les dispositions pertinentes de l’art. 13 du Ontario Human Rights Code, en vertu duquel le comité d’enquête a été nommé, sont les suivantes:

[TRADUCTION] 13. (1) Si la Commission est incapable de régler la question qui fait l’objet de la plainte, le Ministre peut, sur la recommandation de celle-ci, nommer un comité d’enquête composé d’une personne ou plus et chargé d’enquêter sur la plainte; il doit sans délai communiquer aux parties en cause les noms des membres du comité d’enquête et il sera dès lors présumé de façon concluante que le comité d’enquête a été nommé en conformité de la présente Loi.

(2) Le comité a tous les pouvoirs dont jouit un bureau de conciliation en vertu de l’article 28 du Labour Relations Act.

(3) Le comité doit donner aux parties toutes les occasions voulues de faire une preuve et de soumettre leurs arguments; s’il juge que la plainte est justifiée par la preuve, il doit recommander à la Commission les mesures à prendre en ce qui concerne cette plainte.

(6) Le Ministre, sur la recommandation de la Commission, peut prendre tout arrêté qu’il juge nécessaire pour mettre en œuvre les recommandations du comité; cet arrêté est final et l’on doit s’y conformer selon les conditions qui y sont énoncées.

Il va sans dire, évidemment, que les tribunaux doivent s’abstenir d’empiéter sur le domaine réservé à bon droit à la législature. Ce principe a souvent été exposé dans des décisions judiciaires, et rarement aussi bien, sans doute, que par le Juge en chef McRuer, de la Haute Cour, dans Re Jackson et al. and Ontario Labour Relations Board[7]:

[TRADUCTION] Il n’appartient pas aux tribunaux de légiférer. Dans notre système de gouvernement, c’est aux membres dûment élus de la législature ou du Parlement qu’est conféré le pouvoir de légiférer dans les limites de leurs juridictions respectives, et c’est à eux qu’il appartient de déterminer la compétence d’un tribunal administratif au moment de sa création. Les tribunaux n’ont pas à examiner s’il était sage ou non de conférer la compétence que l’autorité législative a conférée. Ce sont les électeurs et non les juges qui assument cette responsabilité. Toutefois, les cours supérieures ont le devoir d’être toujours vigilantes, afin de s’assurer que les tribunaux administratifs se conforment à la compétence qui leur a été conférée

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par la législature ou le Parlement, qu’ils n’instituent pas d’enquêtes pour lesquelles ils ne sont pas compétents, ou, s’ils entreprennent des enquêtes qui relèvent de leur compétence, qu’ils n’excèdent pas celle-ci, et qu’ils ne se privent pas de leurs pouvoirs de décision en accomplissant des actes qu’ils ne sont pas autorisés à accomplir ou en refusant d’exercer la compétence que l’autorité législative leur a conférée.

Les termes de l’art. 13 du Human Rights Code ne sont pas ambigus et l’on n’a pas exprimé l’avis que la loi était au-delà de la compétence législative de la législature provinciale.

Le comité d’enquête nommé en vertu de l’art. 13 a le pouvoir d’enquêter et de faire les recommandations qu’il juge appropriées. Il n’est pas autorisé à rendre des jugements sur quoi que ce soit. Je ne puis voir aucune différence de principe entre ce genre d’enquête et celles que cette Cour a examinées dans Guay c. Lafteur[8], et Baldwin c. Pouliot[9].

Quelle que soit l’opinion que l’on puisse avoir sur l’opportunité ou l’efficacité d’une enquête semblable ou sur les inconvénients qu’elle peut causer aux personnes concernées, ce sont là des questions sur lesquelles les tribunaux ne sont pas appelés à se prononcer. Les termes de l’art. 13 sont clairs et, à mon avis, il faut leur donner effet.

Conformément au jugement de la Cour d’instance inférieure, je suis d’avis de rejeter l’appel avec dépens.

LE JUGE HALL (dissident)—Je souscris aux motifs du Juge Laskin (alors Juge d’appel) qui a rendu l’arrêt de la Cour d’appel. Par conséquent, je suis d’avis de rejeter l’appel comme le propose mon collègue le Juge Abbott.

Appel accueilli avec dépens, les JUGES ABBOTT et HALL étant dissidents.

Procureur de l’appelant: William C. Cuttell, Toronto.

Procureur de l’intimée: F.W. Callaghan, Toronto.



[1] Sub nom. R. V. Tarnopolsky, Ex p. Bell, [1970] 2 O.R. 672, 11 D.L.R. (3d) 658.

[2] Sub nom. R. v. Tamopolsky, Ex p. Bell, [1970] 2 O.R. 672, 11 D.L.R. (3d) 658.

[3] (1923), 129 L.T. 441.

[4] [1957] 1 Q.B. 103.

[5] (1949), 77 C.L.R. 432.

[6] [1952] 1 All E.R. 122, 131.

[7] [1955] 3 D.L.R. 297, p. 300.

[8] [1965] R.C.S. 12.

[9] [1969] R.C.S. 577.

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