Cour suprême du Canada
R. c. Chabot, [1980] 2 R.C.S. 985
Date: 1980-12-18
Sa Majesté La Reine (Plaignant) Appelante;
et
Richard Ferdinand Chabot (Défenduer) Intimé.
1980: 28, 29 mai; 1980: 18 décembre.
Présents: Les juges Martland, Dickson, Beetz, Estey, Mclntyre, Chouinard et Lamer.
EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO
Droit criminel—Procédure—Renvoi à procès—Présentation d’un acte d’accusation—Recours extraordinaire pour faire annuler le renvoi—Code criminel, art. 507, 507.1
Droit criminel—Enquête préliminaire—Accusation de meurtre au deuxième degré—Renvoi à procès pour une infraction autre que celle énoncée dans la dénonciation—Code criminel, art. 463, 464, 469, 473, 474, 475, 504, 511, 589.
L’intimé a été renvoyé à procès par un juge de la Cour provinciale pour meurtre au premier degré à la fin d’une enquête préliminaire tenue sur la base d’une dénonciation qui l’inculpait de meurtre au deuxième degré. Le 14 août 1978, le substitut du procureur général a signé un acte d’accusation qui a été produit auprès du registraire de la Cour suprême de l’Ontario. Le 18 août 1978, avant la présentation de l’acte d’accusation devant le tribunal de première instance, l’intimé a contesté le renvoi à procès au moyen d’une demande d’habeas corpus assorti d’un certiorari. Le juge Dupont de la Cour suprême de l’Ontario a rejeté la demande mais la Cour d’appel a infirmé l’ordonnance de renvoi à procès de l’intimé sur l’accusation de meurtre au premier degré et renvoyé l’affaire au juge de la Cour provinciale pour qu’il renvoie à procès sur une accusation de meurtre au deuxième degré, s’il le jugeait à‑propos. Le pourvoi du ministère public à cette Cour soulève deux questions: (i) un acte d’accusation fait-il obstacle à une demande d’habeas corpus assorti d’un certiorari que présente un prévenu pour contester son renvoi à procès et, dans l’affirmative, à quel moment y fait-il obstacle, et (ii) un juge qui mène une enquête préliminaire a-t-il compétence pour renvoyer un prévenu à procès pour meurtre au premier degré lorsque la dénonciation l’inculpe de meurtre au deuxième degré?
Arrêt: Le pourvoi est rejeté.
Quant à la première question, la Cour d’appel a conclu à bon droit qu’à un certain moment, l’acte d’accusation devient le document opérant dans la procédure criminelle. Après le dépôt de l’acte d’accusation, l’ac-
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cusé peut, par requête présentée devant le tribunal de première instance, demander l’annulation de l’acte d’accusation, mais il ne peut plus contester par certiorari la régularité du renvoi à procès. Lorsqu’un acte d’accusation est présenté en vertu de l’art. 507 sans l’intervention du grand jury, il n’y a pas de distinction entre la présentation d’un projet d’acte d’accusation et le dépôt d’un acte d’accusation. Il n’y a qu’une seule procédure, soit la production auprès du tribunal de première instance, par l’autorité compétente, d’«un acte d’accusation écrit énonçant l’infraction». Cette procédure marque le début du procès et réunit les étapes de la présentation et du dépôt. Le simple fait de signer l’acte d’accusation et de le produire auprès du greffier de la cour ne constitue pas une présentation de l’acte d’accusation suffisante pour faire obstacle au droit du prévenu de contester son renvoi à procès par voie de certiorari. Si la simple production était déterminante, le droit du prévenu de demander l’annulation de son renvoi à procès pour irrégularité à l’enquête préliminaire serait assujetti à la décision de la poursuite quant au moment approprié pour produire l’acte d’accusation. Un acte d’accusation fondé sur un renvoi à procès sans l’intervention d’un grand jury n’est pas «présenté» contre un prévenu tant qu’il n’est pas produit devant la cour de première instance à l’ouverture du procès du prévenu et que la cour n’est pas prête à commencer le procès. La simple présence de l’acte d’accusation et du prévenu devant un juge de la cour du rôle ne suffit pas à priver ce dernier de son droit de demander l’annulation de son renvoi à procès. Un acte d’accusation est présenté lorsqu’il se trouve devant un tribunal qui a le pouvoir de connaître de l’accusation. En l’espèce, l’acte d’accusation n’a jamais été soumis à un tribunal de première instance constitué pour connaître de l’accusation et il ne fait pas obstacle au droit de l’intimé de contester son renvoi à procès.
Quant à la deuxième question, l’enquête du juge qui préside l’enquête préliminaire doit être limitée aux «inculpations» énoncées dans les dénonciations pendantes contre le prévenu au moment de l’enquête. Si la portée de l’enquête préliminaire s’étendait au-delà des «inculpations» véritables pour comprendre les rumeurs ou accusations, ces principes fondamentaux du droit criminel seraient bouleversés. Même si le par. 475(1) du Code criminel confère au juge le pouvoir de renvoyer «à procès» sans imposer de limites expresses à ce pouvoir, cet article doit être interprété dans le contexte des articles précédents et de l’économie générale de la Partie XV du Code. Logiquement, le pouvoir de renvoyer à procès ne peut être plus large que celui de faire enquête. Si le législateur avait voulu conférer au magistrat le pouvoir de renvoyer un prévenu à procès sur toute
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infraction révélée par la preuve, il aurait facilement pu le faire en termes clairs. Aucune disposition expresse ou implicite du Code ne permet le renvoi à procès sur d’autres infractions révélées par la preuve, que ces infractions soient reliées ou non reliées à l’inculpation originale, à moins que ce ne soit une infraction comprise.
Jurisprudence: Doyle c. La Reine, [1977] 1 R.C.S. 597; R. v. Nyczyk (1919), 31 C.C.C. 240; R. v. Botting (1966), 48 C.R. 73, [1966] 2 O.R. 121; Ex p. Salajko (1974), 19 C.C.C. (2d) 368; R. v. Morin (1917), 28 C.C.C. 269; R. v. Seguin (1912), 20 C.C.C. 69; R. v. Elliott, [1970] 2 O.R. 102; Re Beeds and The Queen (1972), 8 C.C.C. (2d) 462; R. v. Philbin and Henderson (1977), 37 C.C.C. (2d) 528; R. v. Deol, Gill and Randev (1979), 12 C.R. (3d) 262; Re Joly and The Queen (1978), 41 C.C.C. (2d) 538; R. v. Sednyk (1956), 23 C.R. 340; R. v. Harrigan and Graham (1975), 33 C.R.N.S. 60; Ex. p. McGrath (1975), 23 C.C.C. (2d) 214; R. c. Mooney (1905), 15 B.R. 57; R. v. Philips (1906), 11 O.L.R. 478; R. v. Brown, [1895] 1 Q.B. 119; R. v. Beaudoin (1913), 22 C.C.C. 319; Re Shumiatcher, [1964] 3 C.C.C. 359; Re Carriere, Preet and Davidson (1970), 14 C.R.N.S. 20: R. v. Monkman (1975), 30 C.R.N.S. 338; Eusler and Budovitch and The Queen (1978), 43 C.C.C. (2d) 501.
POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario[1], qui a accueilli un appel du rejet d’une demande d’habeas corpus assorti d’un certiorari pour casser le renvoi à procès de l’accusé sur une accusation de meurtre au premier degré. Pourvoi rejeté.
David H. Doherty, pour l’appelante.
Donald B. Bayne et Alan D. Gold, pour l’intimé.
Version française du jugement de la Cour rendu par
LE JUGE DICKSON—Ce pourvoi doit résoudre deux questions: (i) un acte d’accusation fait-il obstacle à une demande d’habeas corpus assorti d’un certiorari que présente un prévenu pour contester son renvoi à procès et, dans l’affirmative, à quel moment y fait-il obstacle, et (ii) un juge qui mène une enquête préliminaire a-t-il compétence pour renvoyer un prévenu à procès pour meurtre
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au premier degré lorsque la dénonciation l’inculpe de meurtre au deuxième degré?
I
L’intimé, Richard Ferdinand Chabot, a été inculpé dans une dénonciation d’avoir tué un nommé Dwayne Weldon Nichol, le 27 janvier 1978 ou vers cette date, en la ville d’Ottawa, contrairement aux dispositions de l’art. 214 du Code criminel. Une enquête préliminaire a été tenue à Ottawa devant un juge de la Cour provinciale (Division criminelle). L’audition de la preuve s’est poursuivie pendant trois jours. Le ministère public a terminé sa preuve le deuxième jour et l’accusé a choisi de faire entendre des témoins. Le troisième jour, l’avocat de la défense a, pour la première fois, fait valoir que la dénonciation inculpait de meurtre au deuxième degré et non de meurtre au premier degré. L’avocat de la défense avait raison, bien sûr, puisque l’art. 511 du Code prévoit que seules les personnes expressément inculpées de meurtre au premier degré peuvent être déclarées coupables de cette infraction. La dénonciation n’inculpait pas expressément de meurtre au premier degré et donc le par. 214(7) s’appliquait: les meurtres qui n’appartiennent pas à la catégorie des meurtres au premier degré sont des meurtres au deuxième degré.
Le substitut du procureur général a informé la cour qu’il avait été quelque peu surpris que l’enquête préliminaire se soit déroulée sur le fondement d’une dénonciation qui n’imputait pas expressément un meurtre au premier degré. Il a néanmoins demandé le renvoi à procès sur l’inculpation la plus grave. La cour a invité la défense à faire entendre d’autres témoins si elle le désirait. L’avocat de la défense a refusé l’offre. Le 14 août 1978, le juge a conclu qu’il avait compétence et a renvoyé l’intimé à son procès sur l’inculpation de meurtre au premier degré. Le même jour le substitut du procureur général a signé un acte d’accusation inculpant l’intimé de cette infraction. L’acte d’accusation a été produit auprès du registraire de la Cour suprême de l’Ontario à Ottawa.
Par avis de requête daté du 18 août 1978, à présenter le 5 septembre 1978, l’avocat de l’intimé a contesté le renvoi à procès au moyen d’une
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demande d’habeas corpus assorti d’un certiorari.
Le 21 août 1978, l’intimé et son avocat ont comparu devant un juge de la Cour suprême de l’Ontario siégeant, suivant l’appellation connue en Ontario, comme «cour du rôle», afin de faire fixer la date du procès. Le juge qui présidait avait l’acte d’accusation devant lui et y a inscrit la date du début du procès. Le procès n’a pas débuté au jour fixé. Depuis la comparution initiale, l’acte d’accusation a été soumis à six reprises devant divers juges de la Cour suprême de l’Ontario siégeant en cour du rôle. L’intimé n’a jamais comparu à une date fixée pour son procès; rien dans les inscriptions portées à l’endos de l’acte d’accusation ne laisse croire qu’il ait déjà été interpellé ou qu’on lui ait demandé de plaider en réponse à l’acte d’accusation.
La demande d’habeas corpus assorti d’un certiorari a été présentée par l’intimé devant le juge Dupont le 19 octobre 1978 et a été rejetée. Le juge a statué que le pouvoir de renvoyer un prévenu à son procès sur une infraction plus grave est appuyé par une série de décisions qui laissent à entendre qu’un prévenu peut être renvoyé pour subir son procès sur toute accusation criminelle révélée par la preuve. Bien qu’aucune des décisions n’ait expressément autorisé le renvoi à procès sur une accusation plus grave, de l’avis du juge Dupont, ce pouvoir existe, du moins lorsque l’autre infraction est «reliée» à l’inculpation initiale. Bien que le pouvoir d’un magistrat de renvoyer l’accusé à procès sur des accusations autres que celles mentionnées dans la dénonciation ne soit pas expressément énoncé par le Code, ce pouvoir a été conféré «implicitement»: Doyle c. La Reine[2].
L’intimé a interjeté un appel que la Cour d’appel a accueilli; elle a infirmé l’ordonnance de renvoi à procès de l’intimé sur l’accusation de meurtre au premier degré et renvoyé l’affaire au juge de la Cour provinciale pour qu’il renvoie à procès sur l’accusation de meurtre au deuxième degré, s’il le juge à-propos. La Cour a, de son propre chef, posé la question de savoir si l’accusé pouvait attaquer son renvoi à procès une fois l’acte
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d’accusation produit. Le juge Brooke qui a exprimé l’opinion de la Cour, a conclu que l’acte d’accusation ne devient le document opérant que lorsqu’il est «déposé» à la Cour et que, dans les circonstances, il n’y avait pas eu dépôt de l’acte d’accusation. La simple production de l’acte d’accusation ne constitue pas un obstacle à la demande d’habeas corpus assorti d’un certiorari présentée par l’accusé.
Sur la question de fond, la Cour a statué que le juge de la Cour provinciale ne pouvait renvoyer à procès sur n’importe quelle accusation révélée par la preuve, mais seulement a) sur l’infraction imputée; b) sur une infraction comprise, ou c) sur une infraction que, suivant la preuve offerte, le prévenu a probablement commise lors de la perpétration alléguée de l’acte criminel dont il est inculpé, mais seulement lorsque la preuve est insuffisante pour que le prévenu subisse un procès sur l’accusation telle que portée. Le juge Brooke a conclu qu’aucun précédent ne permettait de renvoyer le prévenu à procès sur une infraction plus grave que celle mentionnée dans la dénonciation.
Ce pourvoi est interjeté par le ministère public sur autorisation de cette Cour.
II
L’acte d’accusation comme obstacle
L’existence d’un acte d’accusation à un certain moment fait-elle obstacle à une contestation, par voie d’habeas corpus assorti d’un certiorari, de la validité du renvoi à procès, et dans l’affirmative, à quel moment y fait-elle obstacle?
La Cour d’appel a conclu, à bon droit à mon avis, qu’à un certain moment, l’acte d’accusation devient le document opérant dans la procédure criminelle. A ce moment, l’acte d’accusation offre un «nouveau point de départ». En effet, l’acte d’accusation devient la base sur laquelle s’édifient les procédures subséquentes. Après le dépôt de l’acte d’accusation, l’accusé peut, par requête présentée devant la cour de première instance, demander l’annulation de l’acte d’accusation, mais il ne peut plus contester par certiorari la régularité du renvoi à procès.
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Le ministère public s’appuie de façon générale sur une jurisprudence élaborée alors que le recours au grand jury était encore courant au Canada. Selon ce système, toute personne, y compris le procureur général, pouvait présenter un projet d’acte d’accusation devant le grand jury. La Loi n’exigeait pas qu’un avis soit donné au prévenu et il n’était pas nécessaire d’obtenir une autorisation avant de présenter l’acte d’accusation. Le grand jury pouvait entendre les dépositions des témoins dont les noms étaient inscrits au verso de l’acte d’accusation. Si le jury était d’avis qu’il y avait une preuve prima facie, il pouvait présenter une déclaration d’acte d’accusation contre l’accusé, et le président du grand jury inscrivait sur l’accusation les mots «déclaration d’acte d’accusation». Si le jury était d’avis que la preuve n’établissait pas prima facie l’accusation, le président du grand jury inscrivait sur l’accusation les mots «accusation non fondée».
Le rapport public d’un projet d’acte d’accusation devant la cour était appelé le «dépôt» de l’acte d’accusation. Suivant l’ancienne procédure, lorsqu’un acte d’accusation avait été déposé, le procès de l’accusé sur l’acte d’accusation pouvait alors commencer, indépendamment de toute irrégularité dans les procédures devant le magistrat, puisque ces dernières ne faisaient pas partie du procès ni de l’acte d’accusation: R. v. Nyczyk[3]. Voir R. v. Bot ting[4]; Ex p. Salajko[5]; R. v. Morin[6]; R. v. Seguin[7] et Tremeear’s Annotated Criminal Code (6e éd.) 836.
Dans neuf des provinces, y compris l’Ontario, il n’existe plus de grand jury; le procureur général ou son représentant peut maintenant présenter un acte d’accusation devant la cour suite à l’enquête préliminaire (par. 507(2) du Code). Cette nouvelle procédure a fait naître le problème de l’application de la jurisprudence élaborée sous le régime du grand jury. A quel moment exactement peut-on dire qu’un acte d’accusation produit en vertu du par. 507(2) est «déposé» à la cour? A quel moment
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l’acte d’accusation devient-il le document opérant empêchant la contestation par certiorari du renvoi à procès?
Je partage l’opinion du substitut du procureur général que lorsqu’un acte d’accusation est présenté en vertu de l’art. 507 sans l’intervention du grand jury il n’y a pas de distinction entre la présentation d’un projet d’acte d’accusation et le dépôt d’un acte d’accusation. Il n’y a qu’une seule procédure, soit la production auprès du tribunal de première instance, par l’autorité compétente, d’«un acte d’accusation écrit énonçant l’infraction». Cette procédure marque le début du procès et réunit les étapes de la présentation et du dépôt
Les tribunaux sont loin d’être unanimes sur le moment précis auquel un acte d’accusation devient le document opérant dans les procédures. On peut dégager deux tendances principales de la jurisprudence. La première a été formulée par le juge Jessup en Cour d’appel, dans l’arrêt R. v. Elliott[8]. Dans cette affaire, contrairement à la présente, le ministère public prétendait que l’acte d’accusation n’était pas «présenté» tant que le prévenu n’avait pas effectivement été interpellé sur l’inculpation. Le juge Jessup s’est prononcé ainsi sur cette prétention:
[TRADUCTION] Selon mon opinion de ce qui s’est réellement passé au procès, il n’est pas nécessaire de déterminer le moment exact auquel un acte d’accusation doit être réputé présenté au sens de l’art. 478. Dans R. v. Jun Goon et al. (1916), 25 C.C.C. 415, 28 D.L.R. 374, 22 B.C.R. 381, sub nom. Jun Goon, le juge Martin de la Cour d’appel a déclaré que c’est la lecture de l’inculpation au prévenu par le greffier qui constitue la présentation de l’acte d’accusation de même que la première partie de l’interpellation; la deuxième partie est la question posée à l’accusé de savoir s’il est coupable ou non coupable. Toutefois il est clair, à mon avis, que dans les procédures intentées en vertu des art. 486 et 487, la présentation a lieu plus tôt. S’il était nécessaire de trancher la question je serais plutôt d’avis que l’acte d’accusation est présenté lorsqu’il est confié au tribunal qui doit connaître de l’accusation. (à la p. 106) (C’est moi qui souligne.)
Ce dictum a été appliqué par le juge J. Holland dans Re Newstead and Dollan and The Queen (arrêt inédit de la Haute Cour de l’Ontario du 30
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octobre 1979). Dans cette affaire, le ministère public avait présenté deux actes d’accusation contre deux prévenus. Ceux-ci ont comparu devant un juge de première instance à une date fixée pour le procès à deux reprises mais chaque fois il y a eu remise. Par la suite, le juge Holland a été saisi de deux demandes d’annulation des renvois à procès. Il les a rejetées pour le motif que les actes d’accusation avaient été présentés à une cour de première instance qui devait connaître de l’accusation et que les accusés ne pouvaient donc plus contester directement le renvoi à procès.
L’autre opinion qui est apparue sur la question est quelque peu différente. En plus d’exiger que l’acte d’accusation se trouve devant une cour prête à connaître de l’accusation, il faut que l’acte d’accusation ait réellement été lu au prévenu et qu’un plaidoyer ait été enregistré avant que l’acte d’accusation devienne le document opérant. Dans Re Beeds and The Queen[9], le juge Disberry était saisi d’une requête en annulation de renvoi à procès après que l’acte d’accusation eut été signé par le procureur général et produit auprès de la cour. Le juge Disberry a conclu que la signature et la production de l’acte d’accusation n’étaient que des procédures administratives qui ne modifiaient pas le droit du prévenu de contester son renvoi à procès. Il a dit:
[TRADUCTION] Appliquant cette jurisprudence, je suis d’avis que les actes d’accusation sont «présentés» à la cour pendant l’interpellation du prévenu qui précède le début du procès: R. v. Wakeling, Ex. p. Block, [1966] 1 C.C.C. 90 aux pp. 93 et suiv., 52 W.W.R. 548 sub nom Block v. Schauerte. Cela se produit lorsque le greffier lit l’acte d’accusation au prévenu, puis demande: «Plaidezvous coupable ou non coupable». (à la p. 470)
La Cour d’appel de l’Alberta a adopté cette façon de voir dans l’arrêt R. v. Philbin and Henderson[10]. L’arrêt R. v. Deol, Gill and Randev[11] décide qu’il y a présentation d’un acte d’accusation lorsque ce dernier est signé, remis au greffier et lu au prévenu.
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D’autres décisions dans lesquelles on a examiné la question ne déterminent pas le moment précis auquel on peut dire qu’un acte d’accusation est «présenté», mais il en ressort que la simple signature de l’acte d’accusation et sa remise au greffier de la cour ne peuvent constituer une présentation. On peut mentionner à ce titre la décision du juge Krever de la Haute Cour de l’Ontario, Re Joly and The Queen[12]. Dans cette affaire un acte d’accusation avait été signé et produit auprès de la Cour mais le ministère public n’avait pris aucune autre procédure. Le juge Krever a rejeté la prétention que le prévenu ne pouvait plus contester son renvoi à procès:
[TRADUCTION] Il faut d’abord examiner la prétention de Me Macdougall que je n’ai pas compétence pour connaître de cette requête puisque l’acte d’accusation a déjà été signé par le sous-procureur général à titre de représentant du procureur général et que le requérant doit maintenant subir son procès sur cet acte d’accusation et non en vertu de l’ordonnance de renvoi à procès du savant juge de la Cour provinciale. Je ne peux accepter cette prétention. Je ne crois pas que le rapprochement des arrêts Ex parte Salajko (1974), 19 C.C.C. (2d) 368, et Re Stewart et al. and The Queen (N° 2) (1977), 35 C.C.C. (2d) 281, compte tenu des questions examinées dans ces affaires, permet raisonnablement de prétendre que la compétence d’un juge de la Cour suprême de connaître du recours important de l’habeas corpus soit écartée du simple fait que le substitut a signé un acte d’accusation devant le prévenu, qui, sans perdre de temps après son renvoi à procès, a effectivement signifié son avis de requête. Dans cette situation la course ne peut revenir au plus rapide. (C’est moi qui souligne.) (à la p. 539)
Le jugement du juge Freedman, tel était son titre, va dans le même sens dans l’arrêt R. v. Sednyk[13]. Dans cette affaire le prévenu cherchait à faire annuler son renvoi à procès après que l’acte d’accusation eut été signé et produit. Il devait être interpellé sur l’acte d’accusation deux jours plus tard. Le juge Freedman a dit que [TRADUCTION] «malgré l’existence de l’acte d’accusation, le prévenu avait le droit de présenter cette requête» (à la p. 342). Il a ensuite examiné la preuve et a finalement infirmé l’ordonnance de renvoi à procès du juge de la cour provinciale.
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Dans R. v. Harrigan and Graham[14] (appel rejeté pour défaut de compétence[15]), le juge Henry de la Cour suprême de l’Ontario a fait ressortir la distinction entre l’art. 505 du Code (présentation d’un projet d’acte d’accusation devant le grand jury d’une cour constituée avec grand jury) et l’art. 507, en cause ici, où il n’y a pas de grand jury; il dit à la p. 64:
[TRADUCTION] Bien que l’art. 507 comporte des similitudes frappantes avec l’art. 505 du Code (qui m’intéresse ici), il faut remarquer que dans les provinces où le régime de grand jury existe, un projet d’acte d’accusation est présenté devant le grand jury et ce dernier présente l’acte d’accusation à la cour.
La distinction entre les deux articles est qu’en l’absence d’un grand jury, l’acte d’accusation est présenté à la cour à l’ouverture du procès et le prévenu est interpellé sur cet acte, alors qu’en vertu de l’art. 505, le projet d’acte d’accusation est présenté devant le grand jury avant le début du procès et généralement en l’absence du prévenu. Il ne fait pas partie du procès.
Trois propositions découlent de cet examen de la jurisprudence:
1. Le simple fait de signer l’acte d’accusation et de le produire auprès du greffier de la cour ne constitue pas une présentation de l’acte d’accusation suffisante pour faire obstacle au droit du prévenu de contester son renvoi à procès.
2. La présentation de l’acte d’accusation peut se produire lorsque l’acte d’accusation est devant le tribunal de première instance constitué pour connaître de l’accusation (R. v. Elliott, précité).
3. Subsidiairement, il peut y avoir présentation lorsque l’acte d’accusation est lu au prévenu devant la cour et qu’on lui demande de plaider à l’accusation (Re Seeds, précité).
Cette ambiguïté dans la jurisprudence n’a pas été entièrement résolue par l’arrêt de la Cour d’appel dans la présente affaire. Voici le passage pertinent des motifs du juge Brooke:
[TRADUCTION] A mon avis l’acte unilatéral de simple signature et de production d’une formule d’acte d’accusation au greffe de la Cour ne porte pas atteinte au droit du prévenu de contester son renvoi à procès au moyen d’un habeas corpus assorti d’un certiorari. Ce n’est que lorsque l’acte d’accusation est déposé à la Cour que le prévenu devient accusé et cela signifie plus que la simple
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production d’un acte d’accusation au greffe. Tel était et demeure l’effet de la procédure lorsqu’il y a un grand jury et je crois que le législateur a voulu que la procédure demeure sensiblement la même dans les provinces où il n’y a pas de grand jury. C’est pour cette raison que le législateur a placé sur le même pied la «déclaration» et la «présentation» à l’art. 503 du Code criminel.
Le grand jury offrait peut-être une protection supplémentaire au prévenu et, avec son abolition, il est plus juste pour ce dernier qu’aucun obstacle de procédure ne l’empêche de contester son renvoi à procès jusqu’au moment où il doit répondre à l’acte d’accusation.
Le juge Brooke a nettement adopté la «proposition 1» susmentionnée portant que la simple production de l’acte d’accusation ne peut porter atteinte aux droits de l’accusé. Par ailleurs son choix entre la proposition 2 ou la proposition 3 est moins évident.
Suite à l’audition de ce pourvoi et afin de vérifier s’il se dégage une pratique uniforme, la Cour a demandé aux procureurs généraux des différentes provinces et du gouvernement fédéral de l’informer des procédures généralement appliquées dans leur sphère de compétence relativement à la rédaction et à la production des actes d’accusation. Le dernier des rapports à ce sujet nous a maintenant été remis. On peut seulement conclure à la lecture de ces rapports qu’il n’y a pas de pratique uniforme. Les procédures diffèrent entre les provinces et même parfois d’une juridiction à l’autre dans une même province et même à l’intérieur d’uftè même juridiction. Ce n’est pas surprenant. En l’absence de directives dans la loi ou ailleurs, il est naturel et normal que des pratiques et des procédures s’élaborent pour répondre aux nécessités et aux conditions locales.
Voici en termes très généraux la procédure qui semble normalement suivie:
a) l’acte d’accusation est généralement dressé presque immédiatement après le renvoi à procès et est aussitôt produit auprès du greffier de la cour compétente; il faut remarquer, toutefois, que dans certains ressorts, il n’y a jamais de production; dans d’autres, une copie non signée de l’acte d’accusation est produite et l’acte d’accusation n’est pas signé avant l’ouverture du procès;
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b) le prévenu n’est pas toujours informé de la production de l’acte d’accusation à la cour. Plusieurs provinces ont laissé savoir que, par mesure de courtoisie, une copie de l’acte d’accusation est envoyée au prévenu ou à son avocat, mais la Colombie-Britannique, le Québec et plusieurs substituts du procureur général fédéral ont fait savoir qu’ils n’informaient pas le prévenu de la production de l’acte d’accusation;
c) en général l’acte d’accusation est remis à la cour où doit se dérouler le procès le jour même du procès. A ce moment le prévenu est interpellé et doit enregistrer un plaidoyer formel, mais cette pratique n’est pas uniforme et, dans certains ressorts, il y a une «date d’interpellation» distincte à laquelle le prévenu doit répondre à l’accusation;
d) dans quelques rares ressorts, une cour du rôle siège pour fixer les dates de procès.
Je considère cette preuve pertinente pour déterminer à quel moment l’on peut dire qu’un acte d’accusation a été «présenté». Plus particulièrement, je suis d’avis qu’elle confirme la «proposition 1» qui découle de l’analyse de la jurisprudence, savoir la simple production d’un acte d’accusation auprès d’un greffier ne constitue pas un obstacle aux droits du prévenu de contester son renvoi à procès au moyen d’un certiorari. Comme je l’ai dit, dans plusieurs juridictions il n’y a aucune procédure formelle qui vise à informer le prévenu de la production de l’acte d’accusation auprès de la cour. Les rapports indiquent, indubitablement à mon avis, qu’à travers le pays, ni les substituts du procureur général ni les procureurs de la défense ne considèrent importante la simple production de l’acte d’accusation.
Si la simple production était déterminante, le droit du prévenu de demander l’annulation de son renvoi à procès pour irrégularité à l’enquête préliminaire serait assujetti à la décision de la poursuite quant au moment approprié pour produire l’acte d’accusation. Le droit de contester le renvoi à procès au moyen d’un bref de prérogative serait vraiment précaire. La présente affaire en est la preuve. Pour reprendre les paroles du juge Krever dans Joly, la course reviendrait au plus rapide. Le
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recours du prévenu ne devrait pas dépendre des caprices du ministère public. Je ne trouve pas justifié d’opposer des obstacles de procédure au droit du prévenu de contester son renvoi à procès au moyen d’un bref de prérogative, jusqu’au moment même où il peut avoir à répondre à l’acte d’accusation.
Il faut donc choisir entre les propositions 2 et 3 pour déterminer le moment auquel l’acte d’accusation a été «présenté». Je ferais toutefois remarquer qu’indépendamment de la proposition choisie, on ne saurait empêcher l’intimé en l’espèce de contester son renvoi à procès. Rien ne laisse croire que l’acte d’accusation se soit déjà trouvé devant une cour de première instance constituée et prête à connaître de l’accusation ni que le prévenu ait été interpellé et qu’il ait répondu à l’acte d’accusation.
Je vais examiner maintenant le par. 507.1(1) dont voici le texte:
507.1(1) Après le dépôt de l’acte d’accusation, le juge peut, dans les cas où il l’estime nécessaire,
a) sommer le prévenu de comparaître devant lui, ou
b) lancer un mandat d’arrestation contre le prévenu afin de l’obliger à se présenter devant lui et à répondre à l’inculpation formulée dans l’acte.
Le substitut du procureur général n’a pas soulevé le point lors des plaidoiries, mais il faut, à mon avis, remarquer que les premiers mots du par. 507.1(1) de la version française du Code se lisent comme suit: «Après le dépôt de l’acte d’accusation¼». Bien que l’on puisse croire que la version française appuie la prétention que l’accusation est déposée auprès de la cour lorsqu’elle est remise ou produite, et qu’il y a ensuite une sommation ou un mandat pour obliger le prévenu à être présent, puis un procès, je suis d’avis de rejeter cet argument. Le paragraphe 507.1(1) est nouveau. Adopté récemment (1974-75-76 (Can.), chap. 93, art. 59), à mon avis, son but est de donner le pouvoir d’obliger le prévenu à être présent, après l’inculpation, voir Ex p. McGrath[16]. S’il avait été adopté dans un autre but, par exemple pour imposer l’obligation de produire, ce qui empêcherait la
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contestation du renvoi à procès, il aurait fallu le prévoir en termes plus clairs, assortis d’une obligation de la part du ministère public de donner un avis à l’accusé.
On pourrait croire que la question de savoir si l’acte d’accusation est présenté lorsqu’il est soumis au tribunal de première instance ou lorsque le prévenu a effectivement été interpellé sur l’accusation, est d’un intérêt purement théorique. Sous réserve des exceptions, la pratique générale est que le prévenu est interpellé lorsqu’il comparaît pour son procès. Cependant, pour éviter toute ambiguïté, je suis d’avis qu’un acte d’accusation fondé sur un renvoi à procès sans l’intervention d’un grand jury n’est pas «présenté» contre un prévenu tant qu’il n’est pas produit devant la cour de première instance à l’ouverture du procès du prévenu, et que la cour n’est pas prête à commencer le procès.
A l’époque du grand jury, le dépôt ne comportait pas l’étape de la lecture de l’acte d’accusation en présence du prévenu ni celle de son plaidoyer. Le dépôt était un acte unilatéral accompli par un corps accusatoire en l’absence du prévenu. A mon avis, il n’est pas sans importance de remarquer que le dépôt était fait en séance publique par le grand jury devant un juge du tribunal de première instance. Il est vrai que le dépôt n’était pas fait devant un juge constitué avec un petit jury pour connaître de l’accusation. Le ministère public prétend que la production de l’acte d’accusation devant un juge de la cour du rôle constitue un dépôt; avec égards, je ne peux accepter cette prétention. Si je comprends bien la pratique, un tel juge n’est pas une cour constituée pour connaître de l’accusation. Je partage l’opinion du juge Anderson dans R. v. Hansen (jugement inédit de la Haute Cour de l’Ontario du 11 mars 1980) qui déclare [TRADUCTION] «il me semble très formaliste de dire que la simple présence de l’acte d’accusation et du prévenu devant un juge de la cour du rôle et de la cour de pratique suffit à priver le prévenu de son droit de demander l’annulation de son renvoi à procès. Un acte d’accusation est présenté lorsqu’il se trouve devant une cour qui a le pouvoir de connaître de l’accusation».
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Il s’ensuit qu’en l’espèce l’acte d’accusation n’a jamais été soumis à un tribunal de première instance constitué pour connaître de l’accusation et qu’il ne fait pas obstacle au droit de l’intimé de contester son renvoi à procès.
III
Renvoi à procès pour meurtre au premier degré
Quelle est l’étendue du pouvoir d’un juge d’une cour provinciale de renvoyer à procès à l’enquête préliminaire? Le juge peut-il renvoyer à procès sur toute accusation révélée par la preuve faite à l’audience? Subsidiairement, peut-il renvoyer à procès seulement sur les accusations qui sont «reliées» à l’accusation mentionnée dans la dénonciation? Peut-il renvoyer à procès uniquement sur l’infraction réellement imputée dans la dénonciation ou sur une infraction comprise?
Les enquêtes préliminaires ont une longue histoire, remontant au moins aux lois de Philip et Mary en 1554 et peut-être même avant cela. Dans 1 & 2 Phil. & Mary, chap. 13 (1554), il était décrété que lorsqu’une personne, arrêtée pour homicide involontaire coupable ou pour crime (felony) et admise, à fournir caution par la loi, est amenée devant deux juges, ils doivent [TRADUCTION] «interroger le prisonnier et obtenir de lui des renseignements relativement aux faits et aux circonstances qui l’impliquent». Cette loi a été prorogée l’année suivante, puis jusqu’en 1826 où on l’a élargie pour l’appliquer aux délits graves. Elle est demeurée en vigueur jusqu’au moment où elle a été remplacée en 1849 par 11 & 12 Vict., chap. 42, la Loi dite Sir John Jervis’s Act. Cette dernière a servi de guide pour une bonne partie de la pratique en matière d’enquêtes préliminaires au Canada.
Comme l’a fait remarquer sir James Stephen dans son History of the Criminal Law of England, vol. 1, à la p. 221, selon la procédure établie au seizième siècle, le magistrat agissait comme s’il était la poursuite. Le prévenu devait subir un interrogatoire. Il était interrogé à fond sur toutes les circonstances reliées à l’infraction qu’on lui imputait. Selon la procédure du dix-neuvième siècle, aucune question ne pouvait lui être posée, bien qu’on l’invitât à faire une déclaration s’il le
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désirait, tout en le prévenant que cette déclaration pourrait être consignée et servir de preuve contre lui. L’objet de la loi antérieure, selon Stephen, était de dénoncer un homme présumé coupable et de révéler sa culpabilité. L’objet de la loi postérieure était une enquête approfondie sur sa culpabilité ou sur son innocence.
Il est important de noter que l’enquête en vertu de 11 & 12 Vict. est plus large que celle envisagée par notre Code criminel. La loi anglaise envisage le renvoi à procès, à la fin de l’enquête, pour [TRADUCTION] «tout acte criminel». De nombreuses décisions canadiennes paraissent considérer l’enquête préliminaire comme si elle était régie par 11 & 12 Vict., chap. 42 plutôt que par le Code criminel canadien.
Un des premiers arrêts canadiens faisant jurisprudence est R. c. Mooney[17], où le juge Madore a conclu que puisque aucune loi n’interdisait à un juge de renvoyer à procès un prévenu sur d’autres accusations que celles mentionnées dans la dénonciation, le juge avait ce pouvoir.
Un autre arrêt ancien est R. v. Philips[18], une décision du juge Boyd, de la Haute Cour de l’Ontario. S’appuyant sur l’arrêt R. v. Brown[19], le juge a conclu que [TRADUCTION] «la portée de l’enquête (préliminaire) peut être étendue et on peut considérer des questions non visées par l’accusation originale».
Cette jurisprudence a été suivie maintes fois au Canada. Voici certains des arrêts qui ont analysé les questions en litige: R. v. Beaudoin[20]; Re Shumiatcher[21]; R. v. Botting[22]; Re Carriere, Preet and Davidson[23]; R. v. Monkman[24]; Eusler and Budovitch and The Queen[25].
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Dans la présente affaire, le juge Brooke a examiné ces décisions. Il a fait remarquer, fort justement à mon avis, que dans aucune d’entre elles, on ne s’était livré à un examen approfondi des dispositions pertinentes du Code criminel. Elles s’appuient soit sur le fondement que le magistrat avait ce pouvoir puisqu’il ne lui était pas expressément refusé par le Code, soit sur le fondement que le pouvoir de renvoyer à procès avait été reconnu par l’arrêt anglais Brown. Les décisions qui cherchent à appliquer l’arrêt Brown dans le contexte canadien sont, au mieux, des précédents douteux.
Il est essentiel, à mon avis, de commencer cet examen par l’analyse des dispositions du Code. Si le pouvoir de renvoyer à procès pour des infractions autres que celles précisées dans la dénonciation existe, ce pouvoir doit être prévu par le Code soit expressément soit implicitement. Cela se dégage clairement de l’opinion du juge Ritchie dans l’arrêt Doyle c. La Reine, précité, à la p. 602, où il dit:
Quels que soient les pouvoirs inhérents d’un juge d’une cour supérieure sur le déroulement des procédures dans sa propre cour, j’estime que les pouvoirs et les fonctions d’un magistrat agissant en vertu du Code criminel sont délimités par les dispositions de cette loi et doivent lui avoir été conférés explicitement ou implicitement.
Le ministère public concède qu’aucune disposition du Code n’accorde expressément le pouvoir de renvoyer à procès sur une infraction plus grave. Il s’agit donc de savoir s’il est évident que le législateur a implicitement accordé ce pouvoir.
Le juge Bordeleau de la Cour provinciale a fondé sa décision sur l’art. 463 du Code, dont voici le texte:
463. Lorsqu’un prévenu inculpé d’un acte criminel est devant un juge de paix, le juge de paix doit, en conformité de la présente Partie, enquêter sur l’accusation ainsi que sur toute autre accusation portée contre cette personne. 1953-54, c. 51, art. 449.
Le juge Bordeleau a conclu que les mots «ainsi que sur toute autre accusation portée contre cette personne» lui donnaient le pouvoir de renvoyer le prévenu à procès pour meurtre au premier degré.
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Le juge Dupont, de la Haute Cour de l’Ontario, en arrive au même résultat, tout en ne souscrivant pas à l’interprétation de l’art. 463. Selon lui, cet article ne vise pas du tout les enquêtes préliminaires et ne peut donc pas servir de fondement à un renvoi à procès. A son avis, c’est le par. 464(4) qui permet de tenir une enquête préliminaire; en voici un extrait:
Lorsqu’un prévenu ne choisit pas d’être jugé par un magistrat, le juge de paix doit tenir une enquête préliminaire sur l’inculpation,¼
Le juge Dupont fait remarquer que le par. 464(4) parle d’une enquête sur «l’inculpation» par opposition à l’art. 463 qui parle d’une enquête «sur l’accusation ainsi que sur toute autre accusation». Il conclut toutefois que cette différence dans le texte ne signifie pas qu’un juge de la cour provinciale ne peut renvoyer à procès que sur «l’inculpation»; le pouvoir de renvoyer à procès pour d’autres infractions peut «implicitement» être tiré du Code.
En Cour d’appel, le juge Brooke rejette à la fois l’interprétation de l’art. 463 et du par. 464(4) et, pour ce qui est de la conclusion du juge Dupont, il estime que le par. 464(4) ne vise l’enquête préliminaire que dans les cas où l’accusé a le droit de choisir d’être jugé par une autre personne qu’un magistrat. Partant, l’art. 463 doit porter sur l’étendue de l’enquête préliminaire; sinon, [TRADUCTION] «rien dans le Code criminel ne permet de tenir une enquête préliminaire sur une accusation comme celle dont la Cour est saisie en l’espèce».
Le juge Brooke n’accepte pas l’opinion que l’art. 463 permet au juge de faire enquête et de renvoyer à procès sur toute infraction que la preuve peut révéler; à son avis les mots «toute autre accusation» de l’art. 463 signifient [TRADUCTION] «l’accusation ou les accusations que contiennent d’autres dénonciations pendantes contre lui à l’époque. Ces accusations sont précises et marquent les limites de l’enquête». Comme je l’ai déjà dit, il a poursuivi en disant que cela permettait au juge de renvoyer à procès pour une infraction comprise ou, dans certaines circonstances, pour une «infraction reliée», mais non pas pour une infraction plus grave que celle énoncée dans la dénonciation. Par conséquent, il a annulé le renvoi à procès pour meurtre au premier degré.
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Le mot «accusation» n’est pas défini dans le Code. Dans l’arrêt In re Criminal Code[26], cette Cour a examiné la Loi modificatrice du code criminel, 1907 (Can.), chap. 8, et en particulier l’art. 873A, dont le texte est très semblable à l’actuel par. 507(1). Voici le texte de l’art. 873A:
873A. Dans les provinces de la Saskatchewan et d’Alberta, il n’est pas nécessaire de porter un acte d’accusation devant un grand jury, mais il suffit que le procès de toute personne accusée d’une infraction criminelle soit commencé par une accusation formelle par écrit qui énonce, de même que dans un acte d’accusation, l’infraction dont la personne est accusée.
Le juge Idington a dit à la p. 448:
[TRADUCTION] Il ne vise que le «procès de toute personne accusée d’une infraction criminelle». Comment était-elle accusée? S’agit-il seulement des personnes qui ont été accusées judiciairement en vertu des dispositions de la loi qui permettent de renvoyer l’accusé à son procès?
Comment pourrait-il en être autrement? Le mot «accusé» convient pour désigner une personne contre laquelle pèse une accusation et qui est détenue. Il a indubitablement un autre sens, mais on peut bien soutenir que c’est dans ce sens limité que la loi l’applique.
Dans R. v. D’Eyncourt[27], le juge Field a dit à la p. 119:
[TRADUCTION] Je suis d’avis que le mot «accusé» [dans la Metropolitan Police Courts Act 1839, art. 29 (abrogé; voir maintenant Police (Property) Act 1897, par. 1(1))] doit être interprété selon le sens juridique qu’on lui connaît, savoir, l’acte solennel qui consiste à citer un prévenu devant un magistrat et à lui lire l’accusation portée contre lui pour qu’il l’entende et se défende.
Dans l’arrêt Stirland v. Director of Public Prosecutions[28], on a jugé qu’«accusé» aux fins de la Criminal Evidence Act (1898) (U.K.), chap. 36, art. f), signifiait accusé devant un tribunal et dans Arnell v. Harris[29], «personne accusée» signifiait au moins une personne accusée d’un crime (felony) ou délit grave (misdemeanour). Le Black’s Law Dictionary (5e éd.) définit «accusation», aux fins du droit criminel, comme une [TRADUCTION] «accu-
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sation d’un crime par une plainte, une dénonciation, ou un acte d’accusation formels», et Jowitts, Dictionary of English Law (2e éd.), donne notamment au mot le sens suivant [TRADUCTION] «la présentation d’une accusation contre une personne».
Le ministère public prétend que lorsque l’art. 463 du Code parle d’une enquête «sur l’accusation», il est question de l’accusation formelle par écrit, mais lorsque l’article parle de «toute autre accusation portée contre cette personne» le mot «accusation» prend un autre sens, savoir [TRADUCTION] «toute autre allégation révélée au cours de l’enquête. Cette allégation peut découler de la preuve et il n’est pas nécessaire qu’elle existe au début de l’enquête». Cette citation est tirée du mémoire du ministère public. Bien qu’à l’occasion il soit nécessaire de donner à un mot un sens quelque peu différent dans différentes parties d’une loi, il serait étrange, à mon avis, de donner à un mot des sens différents dans le même article et qui plus est sur la même ligne. Comme l’a fait remarquer la Cour suprême des États-Unis dans l’arrêt United States v. Patterson[30], à la p. 68, une accusation criminelle, à proprement parler, n’existe que lorsqu’une plainte formelle par écrit a été portée contre l’accusé et que des poursuites ont été entamées, [TRADUCTION] «Selon la loi, une personne est accusée d’un crime seulement lorsqu’elle doit répondre à cette accusation dans des procédures légales.»
Un autre aspect de l’argument du ministère public demande d’être examiné. Bien que ce ne soit pas un procès, une enquête préliminaire doit être conduite d’une façon judiciaire. (Patterson c. La Reine[31] à la p. 412). Les règles de la preuve relatives à la pertinence s’appliquent aux enquêtes préliminaires de la même façon qu’aux procès. Je doute de la pertinence et, partant, de la recevabilité d’une preuve relative à une accusation autre que celle formellement énoncée dans la dénonciation.
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On a prétendu que l’effet combiné des art. 473 et 474 du Code est de permettre à un juge d’entendre la preuve relative.à une ou plusieurs accusations différentes de celle énoncée dans la dénonciation. Voici le texte de ces articles:
473. La validité d’une procédure à une enquête préliminaire, ou postérieurement à une telle enquête, n’est pas compromise par
a) une irrégularité ou un défaut dans la substance ou la forme de la sommation ou du mandat,
b) une divergence entre l’inculpation énoncée dans la sommation ou le mandat et celle qui est indiquée dans la dénonciation, ou
c) une divergence entre l’inculpation énoncée dans la sommation, le mandat ou la dénonciation et la preuve apportée par la poursuite à l’enquête.
474. Le juge peut ajourner l’enquête et renvoyer le prévenu en détention ou lui accorder une liberté provisoire en vertu de la Partie XIV dans les cas où il estime que les irrégularités, défauts ou divergences visés à l’article 473 ont trompé le prévenu ou l’ont induit en erreur.
Bien que cet argument ait beaucoup de poids, je ne crois pas qu’il puisse tenir lorsque l’on considère les autres articles de la Partie XV du Code. La «divergence» dont parle l’al. 473c) doit, à mon avis, être considérée comme une divergence relative à des questions telles que les noms, les lieux, les dates et autres éléments semblables. La portée des art. 473 et 474 est limitée. A mon avis, elle ne permet pas de tenir une enquête générale non seulement sur l’infraction énoncée dans l’acte d’accusation mais aussi sur toutes les dénonciations relativement auxquelles le ministère public peut décider de présenter des éléments de preuve. Une accusation n’existe pas à l’état latent. Une personne est inculpée ou elle ne l’est pas. L’accusation ou les accusations sur lesquelles un juge peut faire enquête doivent exister au moment où débute l’enquête préliminaire. Voir également Salhany, Canadian Criminal Procedure (3e éd.) à la p. 100: conformément au pouvoir conféré par l’art. 463 [TRADUCTION] «Le juge devant lequel est amené un prévenu doit faire enquête sur toute accusation pendante contre l’accusé». (C’est moi qui souligne.)
Tout au long de la Partie XV du Code, l’accent est mis sur «l’accusation» ou «l’inculpation». Voici le texte de l’al. 465(1)h):
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«Un juge de paix agissant en vertu de la présente Partie peut accorder ou refuser au poursuivant ou à son avocat la permission de lui adresser la parole, à l’appui de l’inculpation, soit pour ouvrir ou résumer l’affaire, soit par voie de réplique sur tout témoignage rendu pour le compte du prévenu;»
Cette disposition n’a de sens que si l’on tient pour acquis que l’enquête doit se limiter à «l’inculpation» énoncée dans la dénonciation; autrement on se retrouverait devant une situation anormale où la cour aurait le droit de faire enquête sur toute autre question, mais où le substitut du procureur général ne pourrait s’adresser à la cour que relativement à «l’inculpation».
Voici un extrait du par. 469(1):
Quand les dépositions des témoins appelés de la part de la poursuite ont été consignées et, lorsque la présente Partie l’exige, ont été lues, le juge de paix adresse au prévenu les paroles suivantes ou d’autres de même teneur:
«Après avoir entendu les témoignages, désirez-vous dire quelque chose en réponse à l’inculpation?...»
Là encore, cet article n’a de sens que si l’on tient pour acquis que la portée de l’enquête se limite à «l’inculpation» énoncée dans la dénonciation; autrement on se trouverait dans une situation où un prévenu devrait à «l’inculpation» lorsqu’en réalité il risque d’être renvoyé à procès pour une autre infraction; la mise en garde du par. 469(1) ne servirait qu’à créer de la confusion et à induire en erreur.
Je crois qu’en l’espèce rien ne dépend de la question de savoir si l’art. 463 vise une enquête préliminaire ou simplement une enquête initiale obligatoire par le juge après l’arrestation du prévenu, afin de déterminer s’il a compétence absolue sur l’inculpation. Quoi qu’il en soit, je souscris à l’opinion de la Cour d’appel qu’une telle enquête doit être limitée aux «inculpations» énoncées dans les dénonciations pendantes contre le prévenu au moment de l’enquête. Comme l’a fait remarquer le juge Brooke, ce point de vue est compatible avec les principes fondamentaux du droit criminel qui exigent qu’un mandat soit lancé pour l’arrestation sur une inculpation précise, qu’il y ait arrestation sur ce fondement et que l’inculpation soit énoncée avec détails dans la dénonciation de sorte que le
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prévenu sache de quoi il est accusé et ce à quoi il doit répondre. Si la portée de l’enquête préliminaire s’étendait au-delà des «inculpations» véritables pour comprendre les rumeurs ou accusations, ces principes fondamentaux de notre droit seraient bouleversés. Une enquête préliminaire n’est pas et ne devrait pas devenir une enquête sur toutes les mauvaises actions du prévenu, qu’elles lui aient ou non été «reprochées».
C’est le par. 475(1) qui confère le pouvoir de renvoyer le prévenu à procès. En voici le texte:
475. (1) Lorsque le juge de paix a recueilli tous les témoignages, il doit,
a) si, à son avis, la preuve est suffisante pour faire passer la personne inculpée en jugement,
(i) renvoyer la personne inculpée pour qu’elle subisse son procès, ou
(ii) si la personne inculpée est une corporation, ordonner qu’elle subisse son procès devant la cour ayant juridiction criminelle; ou
b) libérer la personne inculpée, s’il estime, d’après toute la preuve, qu’on n’a établi aucun motif suffisant pour la faire passer en jugement.
Le substitut du procureur général fait correctement remarquer que cet article confère au juge le pouvoir de renvoyer «à procès» sans imposer de limites expresses à ce pouvoir. Cependant, je crois qu’il faut interpréter l’article dans le contexte des articles précédents et de l’économie générale de la Partie XV du Code. Logiquement, le pouvoir de renvoyer à procès ne peut être plus large que celui de faire enquête. Si le juge peut faire enquête sur «l’accusation», alors il doit pouvoir renvoyer à procès sur cette accusation ou ne pas renvoyer à procès du tout.
Si le législateur avait voulu conférer au magistrat le pouvoir de renvoyer un prévenu à procès sur toute infraction révélée par la preuve, il aurait facilement pu le faire en termes clairs. Ce n’est pas par inadvertance que ce pouvoir n’a pas été précisé à l’art. 475. D’autres articles portant sur le pouvoir du ministère public de présenter un acte d’accusation envisagent expressément ce pouvoir. Par exemple, l’al. 496(2)b) prévoit que le procureur général peut, en certaines circonstances, présenter un acte d’accusation qui comporte des chefs «portant sur des infractions révélées par les témoigna-
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ges recueillis à l’enquête préliminaire...». L’article 504 qui concerne une procédure devant une cour constituée avec grand jury comprend une disposition semblable. Le législateur a nettement fait référence au pouvoir que réclame le ministère public en l’espèce. Le législateur a expressément accordé ce pouvoir aux art. 496 et 504, mais s’est abstenu de le faire à l’art. 475.
Je conclus donc qu’un juge qui mène une enquête préliminaire ne peut faire enquête et renvoyer à procès que sur l’accusation énoncée dans la dénonciation ou les dénonciations. Cela englobe toutes «infractions comprises» puisque ces infractions font nécessairement partie de l’accusation originale: par. 589(1) du Code criminel.
La Cour d’appel de l’Ontario a ensuite examiné une autre question; le prévenu peut-il être renvoyé à procès sur une «infraction reliée»? Je n’ai jamais très bien su ce que voulait dire l’expression «infraction reliée». La Cour d’appel a cité R. v. Monkman, précité. Le prévenu avait été inculpé de voies de fait ayant causé des lésions corporelles, mais à l’enquête préliminaire ces accusations ont été rejetées et le prévenu a été renvoyé à procès sur une inculpation de négligence criminelle dans la conduite d’un véhicule à moteur. En appel, on a jugé que le renvoi à procès était justifié puisque, selon les faits particuliers de l’affaire, l’inculpation de négligence criminelle était «reliée» à l’inculpation de voies de fait ayant causé des lésions corporelles. Le juge Brooke a conclu sur ce point que le prévenu pouvait être renvoyé à procès pour «une infraction que, suivant la preuve offerte, le prévenu a probablement commise lors de la perpétration alléguée de l’acte criminel dont il est inculpé, mais seulement lorsque la preuve est insuffisante pour que le prévenu subisse un procès sur l’accusation telle que portée». On a dit qu’une telle conclusion découlait «implicitement» des dispositions pertinentes du Code criminel. Avec égards, je ne vois pas comment la distinction que l’on veut faire peut découler des dispositions du Code.
Il me semble qu’une fois que l’on décide que le juge peut renvoyer à procès sur «l’inculpation» et non sur «d’autres infractions révélées par la preuve», la conclusion logique est que le juge peut renvoyer à procès sur «l’inculpation» et sur rien
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d’autre. En d’autres mots, aucune disposition expresse ou implicite du Code ne permet le renvoi à procès sur d’autres infractions révélées par la preuve, que ces infractions soient «reliées» ou «non reliées» à l’inculpation originale. Je suis d’avis qu’un juge qui mène une enquête préliminaire ne peut renvoyer à procès que sur l’inculpation formulée dans la dénonciation ou les dénonciations et sur les infractions comprises.
Je suis d’avis de rejeter le pouvoi et de renvoyer l’affaire au juge de la Cour provinciale pour qu’il renvoie à procès sur l’accusation de meurtre au deuxième degré, s’il le juge à-propos.
Pourvoi rejeté.
Procureur de l’appelant: Le procureur général de l’Ontario, Toronto.
Procureurs de l’intimé: McCann & Bayne, Ottawa.
[1] (1979), 49 C.C.C. (2d) 481, 10 C.R. (3d) 24.
[2] [1977] 1 R.C.S. 597.
[3] (1919), 31 C.C.C. 240 (C.A. Man.).
[4] (1966), 48 C.R. 73 (C.A. Ont.).
[5] (1974), 19 C.C.C. (2d) 368 (H.C. Ont.).
[6] (1917), 28 C.C.C. 269 (B.R. Qué.).
[7] (1912), 20 C.C.C. 69 (B.R. Qué.).
[8] [1970) 2 O.R. 102.
[9] (1972), 8 C.C.C. (2d) 462.
[10] (1977), 37 C.C.C. (2d) 528 (C.A. Alta).
[11] (1979), 12 C.R. (3d) 262 (B.R. Alta).
[12] (1978), 41 C.C.C. (2d) 538.
[13] (1956), 23 C.R. 340 (B.R. Man.).
[14] (1975), 33 C.R.N.S. 60.
[15] (1975), 33 C.R.N.S. 72.
[16] (1975), 23 C.C.C. (2d) 214 (C.S.C.-B.).
[17] (1905), 15 B.R. 57.
[18] (1906), 11 O.L.R. 478.
[19] [1895] 1 Q.B. 119.
[20] (1913), 22 C.C.C. 319.
[21] [1964] 3 C.C.C. 359 (C.A. Sask.).
[22] [1966] 2 O.R. 121 (C.A. Ont.).
[23] (1970), 14 C.R.N.S. 20 (C.A. Ont.).
[24] (1975), 30 C.R.N.S. 338 (C.A. Man.).
[25] (1978), 43 C.C.C. (2d) 501 (C.A.N.-B.).
[26] (1910), 43 R.C.S. 434.
[27] (1888), 21 Q.B.D. 109.
[28] [1944] A.C. 315.
[29] [1945] K.B. 60.
[30] (1893), 150 U.S.R. 65.
[31] [1970] R.C.S.409.