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Cour suprême du Canada

Procédure civile—Autorisation d’exercer un recours collectif—«Représentation adéquate» des membres du groupe—Conclusion non susceptible d’exécution—Chose certaine et déterminée—Amendement verbal en Cour suprême—Intérêts et mise en demeure—Code de procédure civile, art. 469, 1003, 1005—Code civil, art. 1025, 1026, 1065, 1067, 1070.

L’appelant avait accepté une offre de vente de coutellerie parue dans un journal et payé le montant prévu. Le vendeur, l’intimée, n’ayant pas livré ladite coutellerie, l’appelant, se disant le porte-parole du groupe d’acheteurs, demande l’autorisation d’exercer un recours collectif, dont le but ultime est de faire condamner l’intimée à livrer la marchandise et à payer des dommages-intérêts consistant en l’intérêt au taux légal sur le prix d’achat à compter d’un mois après paiement.

La Cour supérieure a accordé la requête, mais la Cour d’appel a infirmé ce jugement, au motif que l’appelant n’est pas en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres du groupe décrit à la requête, tel que le requiert l’al. 1003d) du Code de procédure civile.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Dans un recours en matière contractuelle, il sera souvent difficile de constituer un groupe entièrement homogène à cause du choix de remèdes qu’offre l’art. 1065 C.c., et il suffira que la conclusion recherchée soit susceptible d’être un remède approprié pour tous les membres du groupe, libre à ceux qui préfèrent un autre remède de s’exclure du groupe. Quoi qu’il en soit, la requête en autorisation doit être rejetée pour un motif qui n’a pas été soulevé devant les tribunaux d’instance inférieure, soit que la conclusion recherchée ne serait pas susceptible d’exécution contrairement à l’art. 469 C.p.c. En effet, la coutellerie n’est pas une chose certaine et déterminée qui pourrait faire l’objet d’une exécution forcée par saisie.

En ce qui a trait à la possibilité qu’aurait le juge, aux dires de l’appelant, de remanier la conclusion proposée

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afin qu’elle soit recevable, le juge n’aurait pu, en l’espèce, modifier la conclusion recherchée pour y joindre une demande de remboursement, puisque l’appelant lui-même, dans ses procédures, s’oppose expressément à tout remboursement.

En ce qui a trait à la requête verbale pour permission d’amender présentée à l’audience pour ajouter une demande subsidiaire en dommages-intérêts, elle ne peut être accueillie à ce stade, non seulement parce qu’elle ajouterait une conclusion contraire à la volonté première de l’appelant mais aussi parce qu’elle imposerait à l’intimée des frais qui auraient été évités si l’appelant avait accepté le remboursement qu’il demande maintenant.

Enfin, en ce qui a trait à la demande d’intérêts qui seraient dus à partir de l’expiration d’un mois après paiement, il ne semble pas, vu l’absence de mise en demeure, qu’elle puisse être accordée.

Jurisprudence: Cohen c. Bonnier et Dame Stone (1923), 36 B.R. 1; Melançon c. Commissaires d’écoles de Grand’Mère (1934), 58 B.R. 498; Quebec County Railway Company c. Montcalm Land Company Limited (1928), 46 B.R. 262.

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec[1], infirmant un jugement de la Cour supérieure. Pourvoi rejeté.

Pierre Sylvestre et Mario Bouchard, pour l’appelant.

George R. Hendy et William Brock, pour l’intimée.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE CHOUINARD—Autorisé à exercer un recours collectif par jugement de la Cour supérieure en date du 9 mai 1979, l’appelant a vu ce jugement infirmé par la Cour d’appel le 14 janvier 1980, d’où son pourvoi.

Dans ses motifs auxquels le juge Turgeon souscrit, le juge Lamer, alors juge à la Cour d’appel, résume le débat comme suit:

Le 19 novembre 1978, Robert Nault, l’Intimé à ce pourvoi et Requérant en Cour Supérieure, prenait connaissance d’une publicité dans le journal Dimanche-Matin par laquelle Canadian Consumer Company Limited, l’Appelante, offrait une coutellerie au prix de $16.88. Monsieur Nault remplissait le bon de com-

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mande pour deux ensembles de coutellerie en indiquant sur le coupon détachable son numéro de compte Chargex pour un montant de $39.97, somme qui représente le prix des deux coutelleries, auquel s’ajoutent la taxe de vente et les frais d’expédition. Effectivement la compagnie Canadian Consumer encaissait le montant de $39.97 quelques jours plus tard, soit le 24 novembre 1978. Suite au retard qu’accusait la compagnie à lui livrer sa marchandise, Nault entreprenait plusieurs démarches auprès de celle-ci et formulait des plaintes auprès du service fédéral aux consommateurs du Ministère de la Consommation et des Corporations. Le 8 mars 1979 il recevait en remboursement du montant qu’il avait payé un chèque daté du 2 mars 1979. Il choisissait de ne pas l’encaisser et présentait en Cour Supérieure une requête pour exercer un recours collectif. Les conclusions de fond qu’il entend éventuellement rechercher pour lui-même et pour tous autres du «groupe» qu’il cherche à représenter sont les suivantes:

D’ordonner la livraison des coutelleries achetées par les membres;

De condamner l’Intimée à verser aux membres du groupe des dommages-intérêts en raison du retard de livraison, consistant en un intérêt au taux légal sur le prix d’achat, à partir de l’expiration d’un délai d’un mois après paiement;

Le groupe qu’il cherche à représenter et dont il se dit membre est décrit comme suit:

Toute personne qui a accepté une des offres publiques parues sous forme de publicité dans un journal de la Province de Québec, par laquelle l’Intimée offrait de vendre une «Coutellerie complète pour six personnes» de modèle «Old Colony», qui a effectué paiement et n’a pas reçu livraison de la ou des coutelleries achetées dans le mois qui a suivi le paiement;

L’article 1003 C.p.c. énumère les conditions moyennant lesquelles l’autorisation préalable requise pour l’exercice d’un recours collectif pourra être accordée:

1003. Le tribunal autorise l’exercice du recours collectif et attribue le statut de représentant au membre qu’il désigne s’il est d’avis que:

a) les recours des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes;

b) les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;

c) la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l’application des articles 59 ou 67; et que

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d) le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres.

C’est en s’appuyant sur l’al. d) de cet article que le juge Lamer a conclu au rejet de la requête en autorisation au motif que l’appelant n’est pas en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres du groupe décrit à la requête. Ceci parce que la conclusion recherchée est trop restreinte pour faire valoir les droits des membres du groupe. Outre les intérêts au taux légal sur la somme payée de $39.97, depuis 1 mois après le paiement jusqu’à la livraison et dont je traiterai de façon plus particulière plus loin, la seule conclusion recherchée est «la livraison des coutelleries achetées par les membres». Cette seule conclusion ne permettrait pas à l’appelant de représenter adéquatement les membres du groupe dont, fait observer le juge Lamer, «les intérêts personnels varieront de la façon suivante:

1° ceux qui, comme lui, ne veulent pas être remboursés, qu’on le leur ait offert ou pas, et qui persistent à ne vouloir que la coutellerie, et/ou des dommages-intérêts;

2° ceux qui ont accepté le remboursement et qui voudraient avoir des dommages‑intérêts;

3° ceux qui ont de fait obtenu la coutellerie mais ce, après l’expiration d’un mois de la date de leur paiement et qui voudraient des intérêts sur la somme payée pour la période courue au-delà de ce mois;

4° ceux qui n’ont pas eu la coutellerie, n’ont pas eu de remboursement mais voudraient leur argent et des dommages-intérêts;

5° enfin, ceux qui ne recherchent que la coutellerie ou le remboursement.»

Le juge Lamer se pose alors la question de savoir si au regard de la stipulation de l’art. 1005 C.p.c. à l’effet que «le jugement qui fait droit à la requête décrit le groupe dont les membres seront liés par tout jugement», le juge pouvait restreindre le groupe de manière à bonifier la représentativité de l’appelant. Dans les circonstances de l’espèce, il estime qu’à moins d’une requête amendée le juge ne pouvait imposer à l’appelant la représentation d’un groupe autre que celui qu’il voulait représenter, même s’il s’agissait d’un sous-groupe. Partant la requête devait être rejetée comme nous l’avons

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vu au motif que l’appelant n’est pas en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres du groupe décrit à la requête.

Il m’apparaît que dans un recours en matière contractuelle il sera souvent difficile de constituer un groupe entièrement homogène à cause du choix de remèdes qu’offre l’art. 1065 C.c. en cas de contravention de la part du débiteur:

1065. Toute obligation rend le débiteur passible de dommages en cas de contravention de sa part; dans les cas qui le permettent, le créancier peut aussi demander l’exécution de l’obligation même, et l’autorisation de la faire exécuter aux dépens du débiteur, ou la résolution du contrat d’où nait l’obligation; sauf les exceptions contenues dans ce Code et sans préjudice à son recours pour les dommages-intérêts dans tous les cas.

J’hésiterais pour ma part à adopter une intervention telle qu’un recours collectif ne puisse être exercé en matière contractuelle et il suffira à mon avis que la conclusion recherchée soit susceptible d’être un remède approprié pour tous les membres du groupe, libre à ceux qui préfèrent un autre remède de s’exclure du groupe.

Je ne me propose pas d’élaborer davantage sur ce sujet car à mon avis il existe par ailleurs un motif péremptoire pourquoi la requête en autorisation devait être rejetée.

Ce motif n’a pas été considéré ni en Cour supérieure ni en Cour d’appel, mais a été débattu devant cette Cour à son invitation.

Ce motif est que la conclusion recherchée, seule, à part les intérêts demandés dont je reparlerai, ne pouvait pas être accordée car elle ne serait pas susceptible d’exécution contrairement à l’art. 469 C.p.c.

En effet, la coutellerie n’est pas une chose certaine et déterminée et faute par l’intimée d’exécuter volontairement le jugement lui ordonnant de livrer, celui-ci ne pourrait pas faire l’objet d’une exécution forcée par saisie.

Comme l’écrit le juge Dorion dans Cohen c.

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Bonnier et Dame Stone[2] à la p. 8: «Tout le monde est d’accord sur le sens des mots «chose certaine et déterminée»: c’est une chose dont l’identité est connue.»

Dans l’espèce il s’agit d’une coutellerie d’un genre décrit dans la publicité mais non identifiée, non individualisée.

Ce n’est pas un cas où l’exécution en nature de l’obligation peut être obtenue aux termes de l’art. 1065 C.c.

Appliquant les règles de l’art. 1065 C.c. aux obligations de donner, Mignault écrit dans Le droit civil canadien, t. 5, à la p. 405:

Obligation de donner une chose qui n’est point déterminée individuellement, par exemple, Un cheval.—Il n’existe aucun moyen direct de forcer le débiteur à exécuter son obligation; car, s’il ne veut pas acheter un cheval pour le livrer à son créancier, la justice ne peut évidemment pas l’y contraindre. Il ne reste alors au créancier qu’une seule ressource, la condamnation à des dommages et intérêts.

Faribault dans le Traité de Droit civil du Québec, t. 7-bis, écrit à la p. 233, n° 339:

Lorsque l’obligation de donner a pour objet une chose indéterminée, son exécution en nature n’est plus possible. Le seul recours du créancier consiste alors uniquement dans une réclamation en dommages-intérêts.

Dans «L’exécution spécifique des contrats en droit québécois», (1958-59) 5 McGill L.J. 108, Jean-Louis Baudoin écrit à la p. 111:

Dans le contrat de vente, l’exécution spécifique dépend uniquement de la nature de l’objet vendu. Lorsque celui-ci est un corps incertain ou indéterminé, comme dans la vente au compte, au poids ou à la mesure, le droit de propriété ne passe pas à l’acheteur avant le comptage, le pesage ou le mesurage; l’exécution spécifique est impossible par suite du manque de détermination de l’objet. Par contre, si l’objet est un corps certain, meuble ou immeuble, l’exécution en espèce est toujours octroyée par les tribunaux. L’acheteur d’un meuble devenant propriétaire avant même la livraison, peut le revendiquer entre les mains du vendeur ou de tout tiers. En cas de refus de ceux-ci de délaisser le meuble en question, le créancier peut, au moyen de la saisie revendication, en obtenir la possession physique et légale.

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Au sujet du moment auquel la propriété passe à l’acquéreur tel que mentionné dans le passage qui précède, qu’il suffise de référer aux art. 1025 et 1026 C.c.

Le même auteur écrit plus loin, à la p. 127:

Le choix donné au créancier par notre droit, peut devenir une arme dangereuse contre lui. Ce danger présente un double aspect. Tout d’abord la demande du créancier doit être formulée de façon à ce que le jugement qui l’accorde puisse être susceptible d’exécution. Si donc, celui-ci rédige mal ses conclusions, il risque de voir s’éteindre tout recours éventuel contre son débiteur. D’autre part, les tribunaux ne pouvant juger ultra petita (art. 113 C. de Proc. civ.) le juge ne peut suppléer à l’omission d’une conclusion subsidiaire, car d’après notre droit il est obligé de considérer uniquement la demande même du créancier. Si donc, celui-ci opte pour l’exécution spécifique, alors qu’elle est moralement impossible selon le tribunal, aucune compensation monétaire ne peut lui être accordée. Ce principe est poussé tellement loin que tout jugement prescrivant un mode d’exécution non prévu par la loi, est invariablement renversé par les Cours d’Appel. Pour pallier cette difficulté de forme, le créancier, de nos jours, conclut en général principalement à l’exécution spécifique et subsidiairement à des dommages‑intérêts.

Dans Melançon c. Commissaires d’écoles de Grand’Mère[3], où il s’agissait d’une action en remboursement d’une partie du prix payé pour des briques faute de livraison de la quantité totale, le juge Rivard écrit aux pp. 502 et 503:

Enfin, il faut signaler que la règle générale de l’article 1065 est que l’inexécution de l’obligation rend le débiteur passible de dommages-intérêts. Le créancier peut aussi demander l’exécution ou la résolution du contrat «dans les cas qui le permettent».

Le cas actuel permettait-il aux commissaires de demander l’exécution? On ne doit pas perdre de vue que la livraison ne pouvait se faire indépendamment du vendeur et que nul ne pouvait la faire que lui, qui ne le voulait pas. Quoi qu’il en soit, les commissaires ont demandé à Melançon l’exécution de son obligation, ils l’ont mis en demeure de livrer; et il a refusé. Même après ce premier refus, il eût pu, sans doute, en réponse à l’action, offrir l’exécution; car, jusqu’à jugement, on est toujours à temps pour remplir son obligation. Il ne l’a pas voulu, il a maintenu la position qu’il avait prise, il

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a persisté et il persiste encore dans son refus de livrer. Comment peut-il se plaindre que les commissaires n’aient pas exigé de lui ce qu’ils lui avaient demandé, qu’il avait refusé, et qu’il refuse encore de faire?

Comme l’exprime Tancelin, Théorie du droit des obligations, 1975, à la p. 367, traitant des obligations de donner une chose de genre, comme en l’espèce, «… Son [le débiteur] refus d’exécution peut alors bloquer l’exécution en nature et le créancier doit se contenter de dommages-intérêts».

Voir aussi sur l’obligation de faire Quebec County Railway Company c. Montcalm Land Company Limited[4].

Je suis d’avis en conséquence que la requête en autorisation devait être rejetée pour le motif que la conclusion recherchée par le recours collectif envisagé, soit la livraison des coutelleries, non assortie d’une conclusion subsidiaire ne pouvait être accordée parce que non susceptible d’exécution.

L’appelant fait valoir cependant que sur une requête en autorisation d’un recours collectif le juge doit jouer un rôle actif et qu’il pouvait remanier la conclusion proposée afin qu’elle soit recevable. L’appelant se fonde sur divers articles du chapitre relatif au déroulement du recours collectif une fois l’autorisation accordée et le recours intenté. Il se fonde aussi sur l’art. 1005 C.p.c:

1005. Le jugement qui fait droit à la requête:

a) décrit le groupe dont les membres seront liés par tout jugement;

b) identifie les principales questions qui seront traitées collectivement et les conclusions recherchées qui s’y rattachent;

c) ordonne la publication d’un avis aux membres.

Le jugement détermine également la date après laquelle un membre ne pourra plus s’exclure du groupe; le délai d’exclusion ne peut être fixé à moins de trente jours ni à plus de six mois après la date de l’avis aux membres. Ce délai est de rigueur; néanmoins, le tribunal peut permettre au membre de s’exclure s’il démontre qu’il a été, en fait, dans l’impossibilité d’agir plus tôt.

Il appert de cet article que le juge ne doit pas se contenter d’accorder ou de refuser l’autorisation mais qu’en l’accordant il doit procéder à certaines

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déterminations. Il doit décrire le groupe dont les membres seront liés par tout jugement, indentifier les principales questions qui seront traitées collectivement et les conclusions recherchées qui s’y rattachent, ordonner la publication d’un avis aux membres. Il doit également déterminer la date après laquelle un membre ne pourra plus s’exclure du groupe.

En cela le juge jouit sans doute d’une certaine discrétion et n’est pas tenu de façon stricte aux demandes formulées par le requérant. Le présent dossier se prête mal toutefois à une élaboration de ce que le juge pourrait faire en vertu de cet article. Il s’agit plutôt d’un cas où le juge ne pouvait pas corriger les procédures. A mon avis le juge ne pouvait modifier la conclusion recherchée pour y joindre une conclusion subsidiaire allant à l’encontre de la volonté expresse de l’appelant qui s’oppose à tout remboursement. Après avoir allégué que le ou vers le 8 mars 1979 il a reçu de l’intimée un chèque de $39.36 en remboursement du prix d’achat, chèque qu’il produit comme pièce R-4, l’appelant allègue en effet:

Le Requérant n’a jamais sollicité ce remboursement, le refuse et n’a donc pas l’intention d’encaisser ledit chèque;

Je ne vois pas comment le juge pouvait ajouter une conclusion écartée de façon aussi catégorique par l’appelant lui-même.

Il reste à considérer la possibilité pour l’appelant d’amender sa procédure.

Dans son factum l’appelant formule la demande suivante:

D’ACCUEILLER le présent appel;

D’INFIRMER le jugement de la Cour d’Appel;

D’ACCORDER à l’Appelant l’autorisation d’exercer le recours collectif selon les conclusions de la requête initiale;

D’IDENTIFIER toute autre conclusion alternative que le Tribunal jugera à propos de rendre dans l’intérêt des membres du groupe.

A l’audience l’appelant a de plus présenté une requête verbale pour permission d’amender, afin

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d’ajouter une demande subsidiaire en dommage-intérêts correspondant à la somme versée en plus des intérêts sur cette somme.

Je ne crois pas que cette demande puisse être accueillie à ce stade. Outre l’addition d’une conclusion contraire à la volonté première de l’appelant, elle n’aurait pour effet que de permettre à celui-ci d’obtenir des frais considérables.

En effet, l’appelant reconnaît avoir reçu un chèque qu’il a produit comme pièce, destiné à lui rembourser la somme que la conclusion viendrait maintenant réclamer. Le résultat serait qu’à défaut de livraison dans le délai imparti, l’appelant obtiendrait le paiement qui lui a été proposé le 8 mars 1979 tout en imposant à l’intimée des frais qui auraient été évités si l’appelant avait accepté alors ce qu’il demanderait maintenant.

Subsiste la demande d’intérêts. L’appelant demandait en effet que l’intimée soit condamnée à verser aux membres du groupe des dommages-intérêts en raison du retard de livraison, consistant en des intérêts au taux légal sur le prix d’achat, à partir de l’expiration d’un délai d’un mois après paiement.

Les faits allégués paraissent-ils justifier que l’appelant ait droit à des intérêts à partir de l’expiration d’un délai d’un mois après paiement? Selon l’art. 1070 C.c. les dommages‑intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure. L’appelant n’allègue aucune mise en demeure. L’avis publié par l’intimée ne mentionnait aucun délai de livraison. Aux termes de l’art. 1067 C.c. l’interpellation en justice constitue le débiteur en demeure. Dans un recours collectif quelle procédure constitue une interpellation en justice: la requête en autorisation ou l’introduction d’une action suite à l’autorisation? Les faits allégués paraissent-ils justifier que l’appelant ait droit à des intérêts après le 8 mars 1979, date à laquelle l’intimée a proposé d’effectuer le remboursement de la somme payée par l’appelant? Ce sont là autant de questions qui n’ont pas été débattues devant notre Cour mais auxquelles j’ai cru à propos de faire allusion pour mieux illustrer pourquoi cette requête en recours collectif ne saurait être accordée par notre Cour en fonction seulement de la conclusion relative aux intérêts.

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Pour ces motifs, je suis d’avis qu’il n’y a pas lieu d’accorder la requête en autorisation d’amender formulée par l’appelant à l’audience et je suis aussi d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs de l’appelant: Sylvestre, Brisson, Dupin, Charbonneau & Bourdeau, Montréal.

Procureurs de l’intimée: Phillips & Vineberg, Montréal.

 



[1] [1980] R.P. 293.

[2] (1923), 36 B.R. 1.

[3] (1934), 58 B.R. 498.

[4] (1928), 46 B.R. 262.

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