Cour suprême du Canada
Hatchwell c. R., [1976] 1 R.C.S. 39
Date: 1974-12-19
Robert William Hatchwell Appelant;
et
Sa Majesté la Reine Intimée.
1974: le 22 novembre; 1974: le 19 décembre.
Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Judson, Ritchie, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré.
EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE
Droit criminel—Repris de justice—Dossier chargé d’infractions contre la propriété—Aucun crime de violence au dossier—Est-il opportun, pour la protection du public, de condamner à la détention préventive?—Code criminel, S.R.C. 1970, c. C-34, art. 688.
L’appelant a interjeté un pourvoi à cette Cour à l’encontre d’un arrêt majoritaire de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique qui a rejeté son appel d’une sentence de détention préventive prononcée le 22 mai 1973, en conformité de l’art. 688 du Code criminel, au lieu d’une sentence de deux ans qui avait été imposée à l’appelant le 11 mai 1971 à la suite de sa condamnation pour une accusation d’introduction par effraction et de vol de clefs d’automobile. L’appelant était âgé de 44 ans à l’époque où des procédures visant à le faire reconnaître comme repris de justice ont été intentées et depuis 1948, il a été reconnu coupable de 28 infractions criminelles. Ces infractions ont été commises contre la propriété et sans violence. La majorité des condamnations étaient reliées d’une quelconque façon aux automobiles.
En 1968, à sa 24e condamnation, des procédures visant à faire reconnaître l’appelant comme repris de justice ont été intentées. Il fut reconnu par le magistrat comme repris de justice mais ce dernier n’a pas cru opportun, pour la protection du public, de le condamner à la détention préventive. Le magistrat a donc rejeté la demande. Postérieurement à ces procédures, l’appelant a été déclaré coupable d’avoir en sa possession un véhicule volé, et plus tard encore il a été déclaré coupable de trois autres infractions reliées aux automobiles.
Arrêt (les juges Martland et Ritchie étant dissidents): Le pourvoi doit être accueilli et le dossier renvoyé à la Cour d’appel pour qu’elle inflige la sentence appropriée eu égard à l’infraction principale.
Le juge en chef Laskin et les juges Judson, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré: La législation sur les repris de justice ainsi que la détention préventive visent essentiellement les récidivistes dangereux et non pas ceux qui ont un dossier relativement chargé d’infrac-
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tions mineures contre la propriété. Le but principal est de protéger le public lorsque le comportement antérieur d’un criminel dénote une tendance à commettre des crimes de violence contre la personne et qu’il existe, de ce fait, un danger réel et actuel pour la vie et l’intégrité physique des gens. Cela ne signifie pas cependant qu’on ne peut jamais invoquer la législation concernant la détention préventive pour des crimes contre la propriété.
Ce comportement anormal et déraisonnable de l’appelant est sans doute ennuyeux pour tout le monde, indisposant les propriétaires et contrariant les autorités, mais ce comportement est, de par sa nature, plus nuisible que menaçant. L’appelant était une peste plutôt qu’un danger pour la société.
Les juges Martland et Ritchie, dissidents: Le trait distinctif de la présente affaire réside dans le fait qu’en 1968, l’appelant était un repris de justice, même si à cette époque l’on a pas cru opportun de lui infliger une sentence de détention préventive. Malgré cet avertissement, l’appelant a continué à commettre des crimes et son comportement était tel qu’on ne pouvait le qualifier de simplement nuisible.
La présente affaire impliquait un criminel incorrigible dont les activités criminelles se poursuivront indéfiniment s’il n’est pas détenu. Si l’art. 688 peut être appliqué pour protéger le public des crimes répétés contre la propriété et il n’y a rien dans cet article qui puisse l’empêcher, alors il faut précisément l’appliquer en l’espèce, comme l’ont décidé les cours d’instance inférieure.
[Arrêt appliqué: Mendick c. La Reine, [1969] R.C.S. 865; distinction faite avec l’arrêt: Bingham c. La Reine, [1971] R.C.S. 369.]
POURVOI interjeté à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique[1] qui a rejeté l’appel interjeté par l’appelant à l’encontre d’une sentence de détention préventive infligée en conformité de l’art. 688 du Code criminel. Pourvoi accueilli, les juges Martland et Ritchie étant dissidents.
J.B. Clarke, pour l’appelant.
W.G. Burke-Robertson, c.r., pour l’intimée.
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Le jugement du juge en chef Laskin et des juges Judson, Spence, Pigeon, Dickson, Beetz et de Grandpré a été rendu par
LE JUGE DICKSON—Le présent pourvoi est interjeté à l’encontre d’un arrêt majoritaire de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique (les juges d’appel Robertson et Bull) rejetant un appel de Robert William Hatchwell d’une sentence de détention préventive imposée par le juge Johnson le 22 mai 1973 en la ville de Vancouver, en conformité de l’art. 688 du Code criminel, au lieu d’une sentence de deux ans qui avait été imposée à l’appelant le 11 mai 1971 par le juge Anderson à la suite de sa condamnation pour une accusation d’introduction par effraction et de vol de clefs d’automobile. Le juge d’appel McFarlane, dissident, aurait accueilli l’appel et, exerçant les pouvoirs qu’accorde le par. (3) de l’art. 695 à la Cour d’appel, il aurait cassé la sentence de détention préventive et imposé une sentence de six années consécutives d’emprisonnement au lieu de la sentence de deux ans.
Il appert de la déclaration des faits que l’appelant était âgé de 44 ans à l’époque où des procédures visant à le faire reconnaître comme repris de justice ont été intentées, et qu’il a été reconnu coupable, depuis 1948, de 28 infractions criminelles, desquelles 22 étaient reliées d’une quelconque façon aux automobiles, telles que le vol d’un véhicule automobile, la possession d’un véhicule automobile volé, l’introduction par effraction pour voler des clefs d’automobile et des infractions se rapportant à la conduite automobile. Les cinq infractions qui ne sont pas reliées à l’automobile sont: évasion d’une garde légale (mai 1949); avoir négocié un chèque contrefait d’un montant de $176.01 (avril 1960); vol d’une scie à découper (décembre 1965); avoir en sa possession un rasoir électrique volé de même que des timbres volés (décembre 1965); avoir en sa possession des instruments d’effraction, à savoir une lampe de poche, une paire de gants et un tournevis (novembre 1967).
En 1968, à sa 24e condamnation, des procédures visant à faire reconnaître l’appelant comme repris de justice ont été intentées. Le 11 juin 1968, il fut reconnu repris de justice par le magistrat Isman
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mais ce dernier n’a pas cru opportun, pour la protection du public, de le condamner à la détention préventive. Le magistrat a donc rejeté la demande. Postérieurement à ces procédures, l’appelant a été déclaré coupable, en juillet 1969, d’avoir en sa possession un véhicule volé et, au début de 1971, il a été déclaré coupable de trois autres infractions commises lorsqu’il «fit la fête» après avoir obtenu un laissez-passer de trois jours pour travailler, et notamment d’avoir en sa possession un véhicule volé, d’introduction par effraction et de vol de clefs d’automobile (la principale infraction en vertu de laquelle furent intentées, le 15 juillet 1971, des procédures de repris de justice), d’avoir conduit un véhicule automobile alors que la proportion d’alcool dans son sang dépassait 80 mg par 100 ml.
L’article 688 du Code prévoit deux possibilités. Lorsqu’un accusé a été déclaré coupable d’un acte criminel, la Cour peut, sur demande, imposer une sentence de détention préventive au lieu de toute autre sentence qui pourrait être infligée pour l’infraction dont il a été déclaré coupable, a) si l’accusé est reconnu repris de justice, et b) si la cour estime que, l’accusé étant repris de justice, il est opportun pour la protection du public de le condamner à la détention préventive. Il n’y a aucun doute que l’appelant correspond aux critères établis (al. a) du par. (2) de l’art. 688) d’un repris de justice, en ce que, depuis l’âge de 18 ans, il a antérieurement, dans au moins trois occasions distinctes et indépendantes, été déclaré coupable d’un acte criminel pour lequel il était passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus et qu’il mène continûment une vie criminelle. Ainsi, il ne reste plus qu’à décider la question suivante, à savoir si la Couronne a établi, au-delà du doute raisonnable, qu’il est opportun pour la protection du public de condamner l’appelant à la détention préventive puisqu’il est reconnu repris de justice.
Il convient d’appliquer dans de telles causes le critère général énoncé par le juge en chef Cartwright, alors qu’il parlait au nom de la majorité de la Cour, dans l’arrêt Mendick c. La Reine[2], à la p. 872:
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[TRADUCTION]… Somme toute, je suis d’avis que, même s’il nous est impossible d’affirmer que l’appelant ne fait simplement que nuire à la société, il ne constitue pas une menace dont la gravité est telle, que la protection du public exige qu’il soit privé de sa liberté jusqu’à sa mort, sous la seule réserve des dispositions de l’art. 666 du Code criminel et de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus.
et repris par le juge Martland, en des termes quelque peu différents, alors qu’il s’exprimait au nom de la Cour dans l’affaire Bingham c. La Reine[3], à la p. 373:
[TRADUCTION] «Cet article a pour but de protéger le public contre ceux qui, de par leurs antécédents ont démontré que non seulement ils nuisent à la société, mais sont pour elle une menace; or lorsque ce fait est établi, il ne s’agit pas de les punir, puisque cela s’est avéré inutile, mais plutôt de les mettre à l’écart, pour ainsi dire, afin de protéger le public. A mon avis, il importe que le public soit protégé contre les criminels, qu’il s’agisse d’infractions où l’on fait violence à quelqu’un, ou d’infractions contre la propriété, qui sont en elles-mêmes très graves.»
Hatchwell est-il une menace pour la société ou nuit-il simplement à cette dernière? Doit-on l’emprisonner à perpétuité, sous la seule réserve de l’examen annuel de son cas par la Commission de libérations conditionnelles et de sa mise en liberté à la discrétion absolue de cette Commission? Ces décisions sont difficiles à prendre car il faut peser d’un côté le droit légitime de la société à se protéger des déprédations criminelles et de l’autre côté le droit à la liberté de l’individu qui a purgé la sentence qui lui avait été infligée pour l’infraction principale. La législation sur les repris de justice ainsi que la détention préventive visent essentiellement les récidivistes dangereux et non pas ceux qui ont un dossier relativement chargé d’infractions mineures contre la propriété. Le but principal est de protéger le public lorsque le comportement antérieur d’un criminel dénote une tendance à commettre des crimes de violence contre la personne et qu’il existe, de ce fait, un danger réel et actuel pour la vie et l’intégrité physique des gens. Dans de tels cas, la voie est libre et le terme «menace» semble particulièrement approprié et significatif. Cela ne signifie pas cependant qu’on ne peut jamais invoquer la législation concernant
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le détention préventive pour des crimes contre la propriété, car cette législation ne prévoit aucune exclusion semblable et la société est en droit de recevoir une protection raisonnable contre les crimes impliquant perte ou dommages matériels. Il me semble cependant qu’en présence d’un crime de ce genre et en cherchant à distinguer entre ce qui est menaçant et ce qui’est nuisible, il importe, et l’occasion y est propice, de déterminer soigneusement la véritable nature et la gravité de cette menace possible. Car il est manifeste que certains crimes touchant la propriété sont très graves tandis que d’autres ne le sont pas.
Aucun crime de violence n’apparaît au dossier de l’appelant. Sans être concluant, ce fait est important. Il n’y a aucune preuve d’association avec des criminels notoires durant les périodes de mise en liberté. Durant ces périodes parfois brèves, l’appelant occupait un emploi rémunérateur. Un de ses anciens employeurs a fait l’éloge de sa compétence et de son comportement comme ouvrier et s’est déclaré prêt à le réembaucher en tout temps. L’appelant est immaturé et il souffre d’instabilité émotive. La grande majorité des crimes qu’il a commis semble découler d’une aberration ou d’une fixation irrésistible pour les automobiles. Ces crimes ne sont motivés ni par l’appât du gain ni par une impulsion destructrice car la preuve démontre que dans chaque cas les biens volés ont été retrouvés en bon état. L’appelant conduit tout simplement les véhicules volés jusqu’à ce qu’il soit appréhendé. Depuis quelque temps, il affectionne particulièrement les gros camions-remorques. Ce genre de comportement anormal et déraisonnable est sans doute ennuyeux pour tout le monde, indisposant les propriétaires et contrariant les autorités, mais il me semble qu’un tel comportement est, de par sa nature, plus nuisible que menaçant. Hatchwell est une peste plutôt qu’un danger pour la société.
Les autres causes nous sont fort peu utiles quand la décision à prendre repose essentiellement sur des faits, mais compte tenu de cette réserve, je suis d’avis que la présente cause se rapproche davantage de l’affaire Mendick, où la sentence de détention préventive fut écartée, que de l’affaire Bingham où la sentence de détention préventive
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fut maintenue. Dans l’affaire Mendick, l’avis de la demande faisait état de 47 condamnations dont 27 se rapportaient à la possession illicite et à l’usage de cartes de crédit pour essence. Parmi les autres infractions, huit se rapportaient au vol ou à la possession illicite et à l’usage d’automobiles. En 1957, Mendick a été condamné pour vol qualifié; en 1965, il a été condamné pour vol d’argent et il y a eu d’autres infractions. D’après ce dossier, qui me semble, du moins, aussi chargé que celui du présent appelant, un pourvoi interjeté à cette Cour contre une sentence de détention préventive a été accueilli.
Ainsi, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, d’infirmer la sentence de détention préventive et de renvoyer la cause devant la Cour d’appel qui infligera la sentence appropriée eu égard à l’infraction principale, après avoir entendu tout plaidoyer quant à la sentence présenté par l’appelant ou en son nom.
Le jugement des juges Martland et Ritchie a été rendu par
LE JUGE MARTLAND (dissident)—Le présent appel est interjeté contre un arrêt majoritaire de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique confirmant le jugement de première instance qui avait infligé à l’appelant une sentence de détention préventive. Je suis d’avis que les faits de la présente affaire ne permettent pas à cette Cour de modifier la conclusion à laquelle était arrivée le juge du procès et qui a été confirmée par la Cour d’appel, à savoir que l’appelant étant repris de justice, il était opportun pour la protection du public de le condamner à la détention préventive.
Depuis 1948, l’appelant a été reconnu coupable de 28 infractions criminelles qui sont des crimes contre la propriété commis sans violence. Cependant, la majorité de ces crimes ne peuvent être considérés comme des larcins. Un certain nombre de ces condamnations étaient reliées aux vols d’automobiles, non seulement des voitures de tourisme mais également des camions.
En 1968, à sa 24e condamnation, des procédures de détention préventive ont été intentées. Au même moment, le 11 juin, l’appelant a été reconnu repris de justice par le magistrat, mais ce dernier n’a pas
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conclu qu’il était opportun pour la protection du public de le condamner à la détention préventive. Le motif de cette décision est énoncé comme suit par le juge d’appel Robertson, qui a prononcé les motifs de la décision majoritaire de la Cour d’appel:
[TRADUCTION] Son dossier pour la période d’environ quatre ans et demi de 1955 à 1960, pendant laquelle il était marié et vivait auprès de son épouse, est immaculé et il occupait à cette époque un emploi rémunéré; il a également occupé un emploi rémunéré pendant quelques brèves périodes de liberté. De ces périodes, une seule fut assez longue, soit la période d’un an et demi qui suivit sa libération du pénitencier en mai 1964. Par voie des procédures intentées en 1968, il a été reconnu repris de justice, mais le magistrat n’a pas conclu qu’il était opportun de le condamner à la détention préventive et il ne l’a pas fait. Nul doute que le magistrat a été impressionné par l’absence de condamnations pendant les périodes de quatre ans et demi et d’un an et demi mentionnées et par le bilan de travail dont j’ai fait état précédemment, et il a formulé le souhait que le choc d’avoir été reconnu repris de justice aurait pour effet d’assagir l’appelant et de le dissuader de commettre d’autres crimes.
Et le juge d’appel Robertson poursuit en ajoutant ceci:
[TRADUCTION] Malheureusement, ce souhait ne s est pas réalisé. Alors que l’appelant était en libération conditionnelle relativement à une condamnation datant du mois de décembre 1967, soit moins d’un an après avoir été reconnu repris de justice, il avait en sa possession un tracteur volé; il a été condamné pour cette infraction au mois de juillet 1969. En avril 1971, l’appelant a obtenu un laissez-passer de trois jours de la maison de détention Agassiz et il a profité de cette liberté provisoire pour commettre trois autres infractions, pour lesquelles il a été condamné. Il s’était introduit par effraction dans la propriété d’une meunerie et y avait volé des clefs d’automobile et de l’argent; il fut trouvé en possession d’un camion volé à la meunerie, et il l’avait conduit alors que la proportion d’alcool dans son sang dépassait.08.
Après avoir cité les affaires Mendick c. La Reine[4], et Bingham c. La Reine[5], le juge d’appel Robertson expose les motifs qui’ l’ont amené à imposer une sentence de détention préventive.
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[TRADUCTION] A la lumière de ces principes, je dois me demander en l’espèce si l’appelant constitue pour la propriété du public une menace dont la gravité est telle qu’il devient nécessaire de l’incarcérer comme l’autorise l’art. 688. Je réponds à cette question par l’affirmative, car il appert de la preuve que c’est sous l’influence d’une impulsion irrésistible que l’appelant commet des crimes qui signifient pour autrui, entre autres choses, la privation d’objets de valeur qui sont souvent susceptibles d’être endommagés. De plus, même s’il n’a, jusqu’à ce jour, commis aucun crime de violence contre autrui, les genres de crimes qu’il a commis résultent souvent en violence ou blessures pour autrui. Les antécédents de l’appelant nous démontrent clairement qu’il ne peut être laissé en liberté le moindrement longtemps sans qu’il ne commette un autre crime; il ne peut accomplir un travail rémunéré que jusqu’à ce que se manifeste son envie à mener de nouveau une vie criminelle.
En 1968, le témoignage d’experts médicaux ne laissait que peu d’espoir et les événements subséquents ont confirmé ce pronostic. L’appelant est beaucoup plus qu’une simple nuisance. Un gentilhomme cambrioleur qui accomplit un travail rémunéré à certaines périodes et qui recommence infailliblement à commettre des crimes contre la propriété, représente, à mon avis, une menace sérieuse pour le public qui est en droit de se voir protéger contre une telle menace. Ses années de prison ne l’ont pas dissuadé de commettre des déprédations une fois libéré, et j’estime qu’il doit être incarcéré en permanence, sous la seule réserve d’un retour au sein de la société suivant la procédure et les garanties de la libération conditionnelle.
Je n’ai aucune difficulté à conclure au-delà du doute raisonnable qu’il était opportun pour la protection du public de condamner ce repris de justice à la détention préventive. À la lumière de ces faits, je suis d’avis que le savant juge de la cour provinciale avait raison d’imposer cette sentence.
Les faits suivants m’ont grandement influencé dans l’élaboration de cette conclusion. Au cours de l’audition de cette cause au mois de mai 1973, l’appelant avait fait lecture du témoignage déposé par un psychiatre lors de l’audition tenue en 1968 (ce témoignage était peu favorable à l’appelant et ne laissait que peu d’espoir d’un changement de comportement) et du témoignage de M. Dickey, son ami et employeur. L’appelant n’a apporté aucune preuve et n’a pas témoigné lui-même et rien n’indique qu’il a travaillé depuis 1968. Tout ce que nous savons c’est que l’appelant a été libéré sous libération conditionnelle environ un an après l’audition de 1968 et qu’après moins de trois mois, il a été déclaré coupable de possession d’un objet volé et condamné à deux années
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consécutives d’emprisonnement; et que par la suite, moins de deux ans après, ayant obtenu un laissez-passer de trois jours, il commettait les diverses infractions que j’ai décrites précédemment.
Je suis d’avis, à l’instar du juge d’appel Robertson, que le trait distinctif de la présente affaire réside dans le fait qu’en 1968, l’appelant était un repris de justice, même si à cette époque l’on n’a pas cru opportun de lui infliger une sentence de détention préventive. Malgré cet avertissement, l’appelant a continué à commettre des crimes, démontrant ainsi la justesse de l’opinion émise par le Dr Lipinski, lors de l’audition de 1968, qu’il existait peu de chance de changement quant aux habitudes criminelles de l’appelant. Un des crimes commis après cette audition a été l’introduction par effraction dans le but de se procurer les clefs d’un camion-remorque Ford de trois tonnes qu’il a ensuite conduit dans la ville de New Westminster alors que la proportion d’alcool dans son sang dépassait.08. A mon avis, on ne peut qualifier ce comportement de simplement nuisible.
Dans la présente affaire, nous sommes aux prises avec un criminel incorrigible dont les activités criminelles se poursuivront indéfiniment s’il’ n’est pas détenu. Si l’art. 688 peut être appliqué pour protéger le public des crimes répétés contre la propriété, et je ne vois rien dans cet article qui puisse l’empêcher, alors, je suis d’avis qu’il faut précisément l’appliquer en l’espèce, comme l’ont décidé les cours d’instance inférieure. Je rejetterais l’appel.
Pourvoi acceuilli, les JUGES MARTLAND et RITCHIE étant dissidents.
Procureurs de l’appelant: Deverell, Harrop & Co., Vancouver.
Procureur de l’intimée: J.B. Clarke, Victoria.