COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : Syndicat de la fonction publique du Québec c. Québec (Procureur général), 2010 CSC 28, [2010] 2 R.C.S. 61 |
Date : 20100729 Dossier : 32771, 32772 |
Entre :
Syndicat de la fonction publique du Québec
Appelant
et
Procureur général du Québec
Intimé
‑ et ‑
Commission des normes du travail et Confédération des syndicats nationaux
Intervenantes
Et entre :
Syndicat de la fonction publique du Québec
Appelant
et
Procureur général du Québec
Intimé
‑ et ‑
Confédération des syndicats nationaux
Intervenante
Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell
Motifs de jugement : (par. 1 à 54)
Motifs dissidents : (par. 55 à 117) |
Le juge LeBel (avec l’accord des juges Fish, Abella, Charron et Cromwell)
La juge Deschamps (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Binnie et Rothstein) |
______________________________
Syndicat de la fonction publique du Québec c. Québec (Procureur général), 2010 CSC 28, [2010] 2 R.C.S. 61
Syndicat de la fonction publique du Québec Appelant
c.
Procureur général du Québec Intimé
et
Commission des normes du travail et Confédération
des syndicats nationaux Intervenantes
‑ et ‑
Syndicat de la fonction publique du Québec Appelant
c.
Procureur général du Québec Intimé
et
Confédération des syndicats nationaux Intervenante
Répertorié : Syndicat de la fonction publique du Québec c. Québec (Procureur général)
2010 CSC 28
Nos du greffe : 32771, 32772.
2009 : 20 octobre; 2010 : 29 juillet.
Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell.
en appel de la cour d’appel du québec
Relations de travail — Congédiement injustifié — Recours — Compétence de l’arbitre ou de la Commission des relations du travail — Employés à statut précaire ne bénéficiant pas de la procédure d’arbitrage prévue à la convention collective en cas de congédiement — Loi sur les normes du travail accordant un recours en cas de renvoi sans cause juste et suffisante devant la Commission des relations du travail, sauf s’il existe une procédure de réparation équivalente ailleurs dans une loi ou une convention — Dépôt de griefs par les employés se plaignant d’un congédiement sans cause juste et suffisante — La norme du travail interdisant le congédiement injustifié est‑elle incorporée implicitement dans la convention collective? — La plainte relève‑t‑elle de la compétence de l’arbitre ou de la Commission? — Loi sur les normes du travail, L.R.Q., ch. N‑1.1, art. 124.
La convention collective de travail des fonctionnaires intervenue entre le syndicat et le gouvernement du Québec prévoit que les revendications découlant de la terminaison de l’emploi des employés occasionnels engagés pour une période de moins d’un an et cumulant moins de 12 mois de service ainsi que des employés en stage probatoire ne peuvent faire l’objet d’un grief. Il est mis fin à l’emploi de C, un employé occasionnel, et de L, stagiaire. Le syndicat dépose des griefs alléguant que leur congédiement a été effectué sans une cause juste et suffisante. À titre préliminaire, leur employeur respectif conteste la compétence de l’arbitre au motif que la plainte de congédiement injustifié relève de la Commission des relations du travail (« C.R.T. »). Le syndicat plaide l’incorporation implicite de la norme d’ordre public prévue à l’art. 124 de la Loi sur les normes du travail (« L.n.t. ») à toute convention collective, de façon à donner à l’arbitre la compétence nécessaire pour disposer des griefs. Dans le dossier de C, l’arbitre se déclare compétente pour entendre le grief, l’accueille et déclare le congédiement injustifié. Dans le dossier de L, l’arbitre accueille l’objection préliminaire de l’employeur à la recevabilité du grief. En révision judiciaire, la Cour supérieure conclut à la compétence exclusive des arbitres sur les griefs. La Cour d’appel infirme cette décision. Elle ne retient pas la thèse de l’incorporation implicite et conclut que la C.R.T. a compétence exclusive pour décider de la plainte de congédiement injustifié.
Arrêt (la juge en chef McLachlin et les juges Binnie, Deschamps et Rothstein sont dissidents) : Les pourvois sont accueillis.
Les juges LeBel, Fish, Abella, Charron et Cromwell : La théorie de l’intégration implicite ne respecte pas le texte de la L.n.t. et ne tient pas compte des techniques de rédaction adoptées par le législateur québécois lorsqu’il entend intégrer une norme particulière dans les conventions collectives ou les contrats individuels de travail. S’il avait voulu intégrer la norme substantielle de l’art. 124 L.n.t. à toute convention collective, il l’aurait indiqué expressément. La question du caractère d’ordre public de la L.n.t. doit être abordée sous l’angle de l’effet de la hiérarchie des sources de droit pertinentes en droit du travail sur le contenu et la mise en œuvre des conventions collectives plutôt que sous celui de la théorie de l’intégration implicite. Il revient à l’arbitre saisi du grief contre le congédiement de déterminer, à la lumière des modifications apportées à la convention collective par l’effet d’ordre public imposé par la L.n.t., si cette convention lui permet d’accorder au salarié congédié une mesure de réparation équivalente à celle qu’offre l’art. 124 L.n.t. Dans la négative, l’arbitre n’a pas compétence et doit se dessaisir en faveur de la C.R.T. En plus d’inciter au respect de la compétence arbitrale, cette approche permet à l’arbitre d’examiner la situation dans le contexte complet de la convention collective et de prendre en considération tous les facteurs pertinents à l’analyse de l’équivalence du recours. De plus, elle respecte le caractère subsidiaire du recours devant la C.R.T., puisque ce n’est que dans l’éventualité où l’arbitre ayant compétence initiale sur l’interprétation de la convention déterminerait qu’il ne peut offrir au salarié un recours équivalent à celui qu’offre la C.R.T. que cette dernière se saisira de la plainte.
C et L justifient de deux ans de service continu au sens de la L.n.t. et ils ne pouvaient donc, selon l’art. 124, être congédiés sans une cause juste et suffisante. Puisque les clauses applicables de la convention collective privent respectivement C et L de l’arbitrage de griefs pour contester leur congédiement, elles violent la norme substantielle de l’art. 124 L.n.t., sont nulles de nullité absolue et donc réputées non écrites. L’arbitre saisi doit donc examiner la convention collective afin de déterminer si elle accorde un recours équivalent à celui qu’institue l’art. 124. Pour conclure à l’équivalence des recours, chacun des décideurs doit pouvoir réviser la décision de l’employeur et ordonner des réparations appropriées dans un cadre procédural d’une efficacité comparable. En l’espèce, la C.R.T. peut annuler le congédiement, ordonner la réintégration du salarié ou fixer des indemnités. De son côté, l’arbitre de griefs, agissant en vertu de la convention collective et du Code du travail, qui prévoit et complète ses pouvoirs, possède une capacité d’intervention équivalente. Les procédures seraient donc engagées devant des décideurs qui détiennent des pouvoirs d’intervention similaires et offrent des garanties analogues d’indépendance et d’impartialité. Par conséquent, les arbitres avaient compétence pour entendre les griefs de C et L, examiner le fond du congédiement et prendre les mesures de réparation appropriées.
La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, Deschamps et Rothstein (dissidents) : Il n’existe pas de règle qui confère une compétence exclusive à l’arbitre de griefs en matière de résolution d’un différend opposant un employé syndiqué à son employeur. Il faut plutôt, dans chaque cas, interpréter la loi pertinente et examiner la nature du litige afin de déterminer si la compétence de l’arbitre est exclusive.
En ce qui a trait au régime législatif applicable, rien n’indique que le législateur a considéré que les diverses mesures de protection prévues à la L.n.t. étaient incorporées implicitement dans toutes les conventions collectives. Pour l’application de l’art. 124, il a désigné un tribunal dans la loi pour les cas où la convention négociée par les parties n’en prévoit pas. L’incorporation de l’art. 124 à la convention collective ne ressort ni de l’analyse de la L.n.t., ni de celle du Code du travail. Le respect de la procédure d’arbitrage n’emporte pas la conclusion qu’elle revêt un caractère d’ordre public. Le monopole de représentation est confié aux syndicats par le législateur, mais ce dernier peut désigner une juridiction autre qu’un arbitre lorsqu’il l’estime approprié. Compte tenu du caractère d’ordre public de la L.n.t., la convention collective ne peut contenir de norme prohibée par cette loi ou qui représente une protection moindre. Un employeur ne peut pas congédier un employé sans une cause juste et suffisante si ce dernier justifie d’au moins deux ans de service continu au sens de la L.n.t. Toutefois, rien n’impose aux parties l’obligation de confier à un arbitre de griefs la responsabilité de mettre en œuvre cette protection. Ainsi, une convention collective ne pourrait prévoir que l’employeur peut à son gré congédier une personne qui cumule deux ans de service continu. Bien que cette disposition serait tenue pour nulle, la norme prévue à la L.n.t. ne serait pas pour autant incorporée à la convention collective. L’arbitre est lié par la convention collective et par le Code du travail, plus particulièrement par l’art. 100.12, par. a), lequel précise que l’arbitre peut « interpréter et appliquer une loi ou un règlement dans la mesure où il est nécessaire de le faire pour décider d’un grief ». Cette compétence présuppose que le grief a un fondement dans la convention collective. Les dispositions conférant à l’arbitre de griefs et à la C.R.T. leur compétence respective se trouvent toutes deux dans le Code du travail. Si la procédure applicable à tous les employés syndiqués qui veulent se prévaloir de l’art. 124 L.n.t. était celle prévue par leur convention, le législateur l’aurait dit clairement. Il a plutôt laissé aux parties la liberté d’inclure cette procédure dans la convention, tout en s’assurant qu’aucun employé ne soit privé de recours.
La nature du litige n’indique pas plus qu’il relève exclusivement de l’arbitre de griefs. En matière de plainte de congédiement, tant l’arbitre que la C.R.T. possèdent une expertise reconnue. Non seulement la C.R.T. est‑elle le tribunal subsidiaire exclusif désigné par la L.n.t., mais l’analyse de sa constitution confirme également son expertise indéniable pour décider si un congédiement est fondé sur une cause juste et suffisante.
En l’espèce, les clauses de la convention collective qui limitent l’accès à la procédure de griefs ne sont pas contraires à l’ordre public, car elles ne privent pas C et L de la protection prévue à l’art. 124 L.n.t. Ni la L.n.t. ni le Code du travail n’interdisent de limiter l’accès à la procédure de griefs. Les parties n’ont pas intégré de façon générale à leur convention collective les normes établies par la L.n.t. Nulle part la L.n.t. n’impose l’obligation d’insérer dans la convention collective l’accès à la procédure de grief pour toutes les normes qu’elle établit. Elle établit plutôt un recours pour les cas où la convention n’en prévoit pas. En raison des limites assortissant la procédure d’arbitrage, C et L ne disposent pas d’une procédure de réparation adéquate au sens de l’art. 124 L.n.t. La C.R.T. est le tribunal qui doit donc décider de leur plainte de congédiement injustifié.
Le rôle des tribunaux est d’interpréter les lois d’une manière conforme à leur objet. La L.n.t. est une loi adoptée pour protéger les employés. L’interprétation retenue en l’espèce permet de réaliser cet objet de façon simple — en se reportant au texte et en évitant des débats artificiels. La L.n.t. a emprunté au régime de négociation collective une protection figurant dans de nombreuses conventions collectives. Rien ne justifie aujourd’hui d’appliquer un raisonnement qui ferait en sorte que toutes les conventions collectives devraient impérativement contenir cette protection. En fait, la réserve faite pour les cas où les conventions collectives comportent une protection adéquate reflète cette réalité historique. Pas plus le Code du travail que la L.n.t. ou les conventions collectives ne comportent de lacune qu’une interprétation judiciaire devrait combler. Par ailleurs, la L.n.t. constitue déjà un chantier législatif. Il ne conviendrait pas d’accepter une interprétation qui aurait pour effet de créer des failles dans un édifice érigé au terme de longs débats. Le législateur est libre d’intervenir pour ouvrir de nouvelles voies de recours, tant pour l’art. 124 L.n.t. que pour les autres normes. C’est à lui qu’il revient de le faire.
Jurisprudence
Citée par le juge LeBel
Arrêts mentionnés : Produits Pétro‑Canada Inc. c. Moalli, [1987] R.J.Q. 261; Isidore Garon ltée c. Tremblay, 2006 CSC 2, [2006] 1 R.C.S. 27; Parry Sound (district), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42, [2003] 2 R.C.S. 157; Thomson c. Canada (Sous‑ministre de l’Agriculture), [1992] 1 R.C.S. 385; R. c. Barnier, [1980] 1 R.C.S. 1124; Commission des normes du travail c. Chantiers Davie Ltée, [1987] R.J.Q. 1949.
Citée par la juge Deschamps (dissidente)
Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929; Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Québec (Procureur général), 2004 CSC 39, [2004] 2 R.C.S. 185; Regina Police Assn. Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, 2000 CSC 14, [2000] 1 R.C.S. 360; Produits Pétro‑Canada Inc. c. Moalli, [1987] R.J.Q. 261; Ateliers Roland Gingras inc. c. Martin, [1988] R.J.Q. 523; Giguère c. Cie Kenworth du Canada, Division de Paccar du Canada Ltée, [1990] R.J.Q. 2485; Malo c. Côté‑Desbiolles, [1995] R.J.Q. 1686; Joyal c. Hôpital du Christ‑Roi, [1997] R.J.Q. 38; Commission scolaire Chomedey de Laval c. Dubé, [1997] R.J.Q. 1203; Université du Québec à Hull c. Lalonde, 2000 CanLII 11322; Dubé c. Secrétariat de l’Action Catholique de Joliette, 2001 CanLII 12979; Beauséjour c. Lefebvre, [1986] R.J.Q. 1407, conf. par [1988] R.J.Q. 639; Syndicat du personnel enseignant du Centre d’études collégiales en Charlevoix c. St‑Laurent, 2007 QCCS 1005 (CanLII); Commission des normes du travail c. Chantiers Davie Ltée, [1987] R.J.Q. 1949; Commission des normes du travail c. Campeau Corp., [1989] R.J.Q. 2108; Commission des normes du travail c. Hawker Siddeley Canada inc., [1989] R.J.Q. 2123; Commission des normes du travail c. Domtar Inc., [1989] R.J.Q. 2130; Québec (Commission des normes du travail) c. Cie minière I.O.C. inc., 1995 CanLII 5324; Commission des normes du travail c. Cie de papier de St‑Raymond ltée, [1997] R.J.Q. 366; Syndicat des employé(es) de soutien du Cégep André‑Laurendeau c. Lavoie, 2007 QCCS 322 (CanLII); Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 503 c. Roy, 2007 QCCS 1172 (CanLII); Balthazard‑Généreux c. Collège Montmorency, [1997] T.T. 118; Lecavalier c. Montréal (Ville), [1997] D.T.T.Q. no 14 (QL); Robitaille c. Société des alcools du Québec, [1997] T.T. 597; Calcuttawala c. Conseil du Québec — Unite Here, [2006] R.J.D.T. 1472; Parry Sound (district), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42, [2003] 2 R.C.S. 157; McLeod c. Egan, [1975] 1 R.C.S. 517; Isidore Garon ltée c. Tremblay, 2006 CSC 2, [2006] 1 R.C.S. 27.
Lois et règlements cités
Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., ch. C‑12.
Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, art. 1438.
Code du travail, L.R.Q., ch. C‑27, art. 1f) « grief », 16, 17, 62, 64, 100, 100.12a), f), 114, 118, 137.12, ann. I, art. 15.
Employment Standards Act, 1968, S.O. 1968, ch. 35.
Loi de 1995 sur les relations de travail, L.O. 1995, ch. 1, ann. A, art. 48(1), (12)j).
Loi du salaire minimum, S.R.Q. 1941, ch. 164.
Loi du salaire minimum des femmes, S.R.Q. 1925, ch. 100.
Loi modifiant la Loi sur les normes du travail, L.Q. 1997, ch. 2, art. 2.
Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives, L.Q. 1990, ch. 73, art. 61.
Loi modifiant le Code du travail, instituant la Commission des relations du travail et modifiant d’autres dispositions législatives, L.Q. 2001, ch. 26, art. 144.
Loi sur l’équité salariale, L.R.Q., ch. E‑12.001.
Loi sur la santé et la sécurité du travail, L.R.Q., ch. S‑2.1.
Loi sur le salaire minimum, L.R.Q., ch. S‑1.
Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., ch. A‑3.001, art. 32, 369.
Loi sur les normes d’emploi, L.R.O. 1990, ch. E.14, art. 64.5(1), (2), (3), (4).
Loi sur les normes du travail, L.Q. 1979, ch. 45, art. 126.
Loi sur les normes du travail, L.R.Q., ch. N‑1.1, art. 1 « convention», « salarié », « service continu », 81.18, 81.19, 81.20, 93, 94, 102, 122, 123, 123.4, 123.7, 123.13, 123.15, 123.16, 124, 125, 126, 126.1, 127, 128.
Doctrine citée
Côté, Pierre‑André, avec la collaboration de Stéphane Beaulac et Mathieu Devinat. Interprétation des lois, 4e éd. Montréal : Thémis, 2009.
Dubé, Jean‑Louis, et Nicola Di Iorio. Les normes du travail, 2e éd. Sherbrooke : Revue de droit Université de Sherbrooke, 1992.
Gagnon, Robert P. Le droit du travail du Québec, 6e éd. Cowansville, Qué. : Yvon Blais, 2008.
Hébert, Gérard, et Gilles Trudeau. Les normes minimales du travail au Canada et au Québec : Étude juridique et institutionnelle. Cowansville, Qué. : Yvon Blais, 1987.
Morin, Fernand, Jean‑Yves Brière et Dominic Roux. Le droit de l’emploi au Québec, 3e éd. Montréal : Wilson & Lafleur, 2006.
Québec. Assemblée nationale. Journal des débats, 2e sess., 35e lég., 23 mai 1996, p. 1325, 1332, 1334.
Vallée, Guylaine. « Les lois de l’emploi et la convention collective », dans Dominic Roux et Anne‑Marie Laflamme, dir., Rapports hiérarchiques ou anarchiques des règles en droit du travail : Chartes, normes d’ordre public, convention collective, contrat de travail, etc. : Actes du colloque tenu à l’Université Laval/8 novembre 2007. Montréal : Wilson & Lafleur, 2008, 81.
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec (les juges Baudouin, Morin et Rochon), 2008 QCCA 1046, [2008] J.Q. no 4944 (QL), 2008 CarswellQue 4906, qui a infirmé une décision du juge Fraiberg, 2006 QCCS 5230, [2006] R.J.D.T. 1400, [2006] J.Q. no 14258 (QL), 2006 CarswellQue 9642, rejetant la requête en révision judiciaire d’une sentence arbitrale. Pourvoi accueilli, la juge en chef McLachlin et les juges Binnie, Deschamps et Rothstein sont dissidents.
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec (les juges Baudouin, Morin et Rochon), 2008 QCCA 1054, [2008] R.J.D.T. 1005, [2008] J.Q. no 4945 (QL), 2008 CarswellQue 4906, qui a infirmé une décision du juge Fraiberg, 2006 QCCS 5230, [2006] R.J.D.T. 1400, [2006] J.Q. no 14258 (QL), 2006 CarswellQue 9642, accueillant la requête en révision judiciaire d’une sentence arbitrale. Pourvoi accueilli, la juge en chef McLachlin et les juges Binnie, Deschamps et Rothstein sont dissidents.
Pierre Brun et Sophie Cloutier, pour l’appelant.
Michel Déom, pour l’intimé.
Robert L. Rivest et Dalia Gesualdi‑Fecteau, pour l’intervenante la Commission des normes du travail.
Gérard Notebaert et Isabelle Lacas, pour l’intervenante la Confédération des syndicats nationaux.
Le jugement des juges LeBel, Fish, Abella, Charron et Cromwell a été rendu par
Le juge LeBel —
I. Introduction
A. Nature des dossiers
[1] Notre Cour est saisie de deux appels interjetés par le Syndicat de la fonction publique du Québec (« S.F.P.Q. »). Ce dernier représente deux salariés à l’emploi du gouvernement du Québec et régis par une convention collective intervenue avec celui-ci. Les fonctions de ces salariés ont pris fin. Avec le S.F.P.Q., ils contestent cette cessation d’emploi qu’ils considèrent comme un renvoi sans cause juste et suffisante. Toutes les parties reconnaissent aux salariés le droit de soumettre leur plainte de renvoi illégal à un décideur externe neutre. Le problème consiste à déterminer lequel de l’arbitre de griefs désigné par la convention collective ou de la Commission des relations du travail (« C.R.T. ») a compétence pour assumer ce rôle à l’égard des droits accordés aux salariés par l’art. 124 de la Loi sur les normes du travail, L.R.Q., ch. N‑1.1 (« L.n.t. »). L’appelant plaide que l’arbitre est compétent. L’intimé répond que ces affaires relèvent de la C.R.T. Outre cette question de choix du tribunal, ces appels soulèvent plus généralement la question des effets de la L.n.t., loi d’ordre public, sur le contenu des conventions collectives.
B. Solution
[2] À mon avis, la solution qui s’impose est la reconnaissance de la compétence de l’arbitre de griefs à se saisir de la plainte afin d’examiner l’équivalence de la procédure de grief et d’arbitrage prévue à la convention collective avec le recours offert par l’art. 124 L.n.t., et ce en raison de la portée d’ordre public de la L.n.t. sur le contenu des conventions collectives conclues en vertu du Code du travail, L.R.Q., ch. C‑27 (« C.t. »). Si la procédure de grief et d’arbitrage est équivalente, l’arbitre doit entendre le grief. Autrement, celui-ci doit être renvoyé devant la C.R.T. Pour les motifs qui suivent, je conclurais que les arbitres ont, en l’espèce, compétence pour entendre les griefs. J’accueillerais en conséquence les deux appels et je rétablirais le jugement de la Cour supérieure du Québec.
II. Origine des litiges
A. La convention collective
[3] Ces pourvois découlent d’un différend relatif à l’application de la « Convention collective de travail des fonctionnaires, 1998-2002 » intervenue entre le gouvernement du Québec et le S.F.P.Q. Cette convention prévoit, entre autres conditions de travail, que les revendications découlant du congédiement de certains employés à statut précaire ne peuvent faire l’objet de griefs devant l’arbitre de griefs désigné, sauf dans des circonstances particulières.
[4] Plus précisément, le dossier 32771 met en jeu la clause 4-14.28 de la convention collective, qui ne rend applicables aux employés saisonniers ou occasionnels les dispositions de la convention relatives aux mesures disciplinaires, et notamment la clause 4-14.21 donnant ouverture au dépôt d’un grief par un employé en faisant l’objet, que dans la mesure où cet employé a été embauché pour une période d’un an ou plus ou, s’il s’agit d’un employé occasionnel, que s’il possède au moins 12 mois de service. Aucun autre recours n’est prévu pour un employé qui est exclu de la procédure de grief.
[5] Le dossier 32772 concerne la clause 5-17.04 de cette même convention. Cette disposition interdit à tout employé congédié au cours ou à la fin d’un stage probatoire de déposer un grief à l’encontre de son congédiement. Cette clause se lit :
5-17.04 La décision du sous-ministre de mettre fin à l’emploi d’un employé temporaire au cours ou à la fin du stage probatoire prévu à l’article 13 de la Loi sur la fonction publique ou à la Directive concernant la classification des emplois de la fonction publique et sa gestion, ne peut faire l’objet d’un grief sauf si sa décision a pour but d’éluder l’application du deuxième alinéa du présent article.
Toutefois, après ce stage probatoire, le sous-ministre ne peut procéder à la mise à pied d’un employé temporaire que pour la raison qu’il y a manque de travail ou par suite d’une réduction d’effectifs ou en application des dispositions du chapitre 6-0.00.
Comme toute convention collective, l’entente à l’étude s’interprète à la lumière des dispositions pertinentes du régime législatif complexe qui encadre les relations du travail au Québec.
B. Le cadre législatif
[6] Le domaine des relations du travail au Québec a reçu un encadrement législatif important, qui résulte de la volonté législative de prendre en compte la situation fréquente de vulnérabilité des salariés à l’égard de leur employeur, et d’établir un système de relations du travail stable et ordonné. Comme ailleurs au Canada, cet encadrement se retrouve dans plusieurs lois qui régissent des aspects divers des rapports individuels ou collectifs du travail. La L.n.t., qui édicte des conditions minimales de travail, joue un rôle particulièrement important à l’égard des salariés de la province de Québec, qu’ils soient syndiqués ou non. Elle représente la plus importante intervention du législateur québécois en cette matière et constitue, avec la Loi sur la santé et la sécurité du travail, L.R.Q., ch. S-2.1, la pièce maîtresse du régime légal de travail du Québec (R. P. Gagnon, Le droit du travail du Québec (6e éd. 2008), p. 143).
[7] La L.n.t. vise à assurer aux salariés québécois une protection minimale à laquelle ne peuvent déroger les parties à une relation de travail. Adoptée en 1979, elle avait pour objectif d’améliorer la protection jugée insuffisante qu’offraient jusqu’alors les lois du travail à caractère exclusivement économique, dont la Loi sur le salaire minimum, L.R.Q., ch. S-1. Avant l’adoption de la L.n.t., en effet, ces lois ne permettaient pas l’établissement de conditions de travail justes en raison du déséquilibre fonctionnel inhérent à la relation salarié-employeur (F. Morin, J.-Y. Brière et D. Roux, Le droit de l’emploi au Québec (3e éd. 2006), p. 52).
[8] Loi à portée sociale, la L.n.t. établit à son chapitre IV une vaste gamme de normes constituant le seuil minimal de protection qui s’applique à l’égard de nombreux aspects du travail salarié, notamment le versement du salaire, les congés pour raisons familiales ou parentales et la rupture du lien d’emploi. La L.n.t. institue également à son chapitre V les recours nécessaires au respect des normes qu’elle édicte. Reflet de l’évolution des attitudes sociales en ce domaine, la L.n.t. a subi des modifications fréquentes. De récents changements ont d’ailleurs été apportés au système de plainte mis en place à l’art. 124 L.n.t., et dont le salarié peut se prévaloir à condition d’avoir acquis non plus cinq, mais deux ans de service continu. C’est la protection offerte par cet article qu’invoquent les appelants en l’espèce.
[9] L’article 124 L.n.t. accorde aux salariés qui ont complété deux ans de service continu dans une même entreprise un recours en cas de renvoi sans cause juste et suffisante :
124. Le salarié qui justifie de deux ans de service continu dans une même entreprise et qui croit avoir été congédié sans une cause juste et suffisante peut soumettre sa plainte par écrit à la Commission des normes du travail ou la mettre à la poste à l’adresse de la Commission des normes du travail dans les 45 jours de son congédiement, sauf si une procédure de réparation, autre que le recours en dommages‑intérêts, est prévue ailleurs dans la présente loi, dans une autre loi ou dans une convention.
Si la plainte est soumise dans ce délai à la Commission des relations du travail, le défaut de l’avoir soumise à la Commission des normes du travail ne peut être opposé au plaignant.
[10] La Cour d’appel du Québec a examiné la nature des droits établis par l’art. 124 L.n.t. dans Produits Pétro-Canada Inc. c. Moalli, [1987] R.J.Q. 261, et a reconnu alors sa dualité normative. Se présentant sous une forme procédurale, cet article crée non seulement une voie de droit, mais aussi une norme substantielle du travail interdisant le congédiement ou la cessation d’emploi d’un salarié, en l’absence de cause juste et suffisante, pourvu que celui-ci ait complété la durée de service requise. Cette norme s’impose à tout contrat individuel à durée déterminée ou indéterminée et aux conventions collectives de travail. Elle déroge ainsi aux principes traditionnels de la liberté contractuelle et restreint le pouvoir discrétionnaire de l’employeur de mettre fin, à son gré, à tout contrat de travail à durée indéterminée sous réserve d’un avis suffisant.
[11] La loi crée aussi un recours auquel peut faire appel un salarié en cas de violation de la norme substantielle. Ce recours, qui a été exercé, suivant les périodes, d’abord devant un arbitre, puis devant un commissaire du travail et maintenant devant la C.R.T. (Morin, Brière et Roux, p. 1293), permet au salarié congédié d’obtenir l’exécution en nature de l’obligation de l’employeur, que ce soit par sa réintégration au milieu de travail ou par une compensation financière équivalente. Il a toutefois un caractère subsidiaire en ce qu’il ne peut être exercé devant la C.R.T. qu’en l’absence d’une procédure de réparation équivalente prévue ailleurs dans la L.n.t., dans une autre loi ou dans une convention, et notamment une convention collective. Dans la mesure où le législateur québécois admet qu’une autre instance que celle mentionnée à l’art. 124 L.n.t. puisse avoir la compétence requise pour se prononcer sur le respect de la norme du travail établie par cet article, les aspects procédural et substantiel de celui-ci peuvent être considérés dissociables l’un de l’autre.
[12] Les conventions collectives sont avant tout régies par le C.t., qui constitue, sauf pour certains secteurs particuliers, la voie exclusive d’aménagement des rapports collectifs du travail (Morin, Brière et Roux, p. 808). Il contient notamment les règles de droit gouvernant l’aménagement des conditions de travail par la négociation collective entre salariés et employeurs, et assure l’application des conventions collectives qui en résultent, en établissant des procédures obligatoires de grief et d’arbitrage (Isidore Garon ltée c. Tremblay, 2006 CSC 2, [2006] 1 R.C.S. 27, par. 93). Le premier alinéa de l’art. 100 C.t. prévoit que tout grief découlant de l’application d’une convention collective doit être soumis à l’arbitre de griefs :
100. Tout grief doit être soumis à l’arbitrage en la manière prévue dans la convention collective si elle y pourvoit et si l’association accréditée et l’employeur y donnent suite; sinon il est déféré à un arbitre choisi par l’association accréditée et l’employeur ou, à défaut d’accord, nommé par le ministre.
[13] L’arbitre possède en outre le pouvoir, en vertu de l’art. 100.12 C.t., d’interpréter et d’appliquer une loi ou un règlement s’il est nécessaire de le faire pour décider d’un grief. Les lois d’ordre public, dont la L.n.t., s’imposent d’elles-mêmes à l’arbitre qui doit impérativement en tenir compte dans l’exécution de son mandat. L’article 62 C.t. prévoit d’ailleurs la nullité des dispositions d’une convention collective qui seraient contraires à l’ordre public ou prohibées par la loi.
[14] C’est dans ce contexte législatif que s’inscrivent les griefs des salariés dont il est question dans les dossiers à l’étude.
C. Les griefs, leur base et les objections des employeurs
[15] Le S.F.P.Q. conteste, dans le dossier 32771, le congédiement de M. Claude Mireault, travailleur occasionnel à la Pépinière forestière de Berthier, un organisme relevant du ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs du Québec. Selon la preuve retenue par l’arbitre de griefs, Me Maureen Flynn, cette décision repose sur cinq points, soit l’évaluation insatisfaisante de M. Mireault, son leadership négatif qui affecte son rendement et la perception des employés de l’organisation à l’égard de celle-ci, son attitude misogyne et le fait que certains salariés le craignaient. Au moment de son congédiement, M. Mireault totalisait 188 jours de service effectués entre le 23 avril 2001 et le 2 décembre 2003, soit moins que les 260 jours négociés par les parties pour pouvoir se prévaloir de la clause 4-14.21 de la convention collective. Il prétend cependant avoir complété la période de service continu de deux ans prévue par l’art. 124 L.n.t. Sur cette base, il réclame l’annulation de son congédiement ainsi que tous les droits et avantages stipulés dans la convention collective à laquelle il est soumis.
[16] Dans le dossier 32772, le S.F.P.Q. conteste le congédiement de M. Lahcene Messaoudan, stagiaire au ministère du Revenu du Québec. L’employeur de M. Messaoudan reproche à ce dernier d’avoir « travaillé au noir » en ayant préparé, contre rémunération, des déclarations de revenus pour des particuliers et des entreprises, d’avoir consulté les dossiers et fait usage du matériel du ministère en dehors du cadre de son travail et de lui avoir menti. M. Messaoudan prétend avoir fait l’objet d’un congédiement déguisé et demande sa réintégration immédiate avec le salaire et les avantages s’y rapportant, de même que des intérêts depuis la date de son congédiement. Comme M. Mireault, il soutient qu’il a accompli la période de deux ans de service continu fixée à l’art. 124 L.n.t. et qu’il peut donc contester son congédiement, malgré son statut d’employé en stage probatoire.
[17] Comme nous l’avons vu plus haut, la convention collective des fonctionnaires québécois prévoit que les revendications découlant du congédiement de salariés saisonniers ou occasionnels engagés pour une période de moins d’un an, ainsi que de salariés en stage probatoire, ne peuvent faire l’objet de griefs devant l’arbitre de griefs désigné. MM. Mireault et Messaoudan entrent dans l’une ou l’autre de ces catégories de salariés. À titre préliminaire, leur employeur respectif conteste donc la juridiction de l’arbitre pour entendre les griefs déposés par le syndicat. En réponse, le syndicat plaide l’incorporation implicite de la norme substantielle du travail que contient l’art. 124 L.n.t. à toute convention collective, de façon à donner à l’arbitre la compétence nécessaire pour disposer des griefs.
III. Historique judiciaire
A. Tribunal d’arbitrage
(1) Dossier 32771
[18] L’arbitre Me Maureen Flynn fait droit à l’argument du S.F.P.Q. selon lequel la norme substantielle édictée à l’art. 124 L.n.t. est incorporée à la convention collective, et ce en raison de la nature d’ordre public de cette loi. Elle rejette donc l’objection préliminaire de l’employeur et se déclare compétente pour entendre le grief de M. Mireault. Quant au fond, l’arbitre Flynn décide que l’employeur n’a pas établi un comportement si grave qu’il justifierait le congédiement du salarié sans application préalable du principe de la progression des sanctions disciplinaires. Elle accueille alors le grief et déclare le congédiement de M. Mireault injustifié : [2006] R.J.D.T. 329.
(2) Dossier 32772
[19] L’arbitre Me Pierre Laplante accueille quant à lui l’objection préliminaire de l’employeur à la recevabilité du grief de M. Messaoudan. Constatant une incompatibilité entre la norme contenue à l’art. 124 L.n.t. et l’intention des parties de ne pas accorder le droit à un employé temporaire en stage probatoire de contester son congédiement devant le tribunal d’arbitrage, il conclut à la non-intégration de l’art. 124 L.n.t. à la convention collective. Il se déclare donc sans compétence pour entendre le grief : D.T.E. 2006T-473, SOQUIJ AZ-50370564.
B. Cour supérieure du Québec
[20] En révision judiciaire de ces deux décisions, le juge Fraiberg adopte le raisonnement de l’arbitre Flynn et conclut à la compétence exclusive des arbitres sur les griefs disciplinaires. Ce faisant, il rejette la requête en révision judiciaire dans le dossier de M. Mireault et l’accueille dans le dossier de M. Messaoudan : 2006 QCCS 5230, [2006] R.J.D.T. 1400.
C. Cour d’appel du Québec
[21] La Cour d’appel entend ensemble les appels de six dossiers présentant des questions de droit similaires, dont les deux pourvois que j’examine dans ces motifs.
[22] En étudiant la portée de l’art. 124 L.n.t., la Cour d’appel note que plusieurs décisions ont reconnu sa nature complexe. En effet, cette disposition contient à la fois une norme du travail et un mécanisme procédural qui en permet la mise en œuvre. La plainte qui y est prévue n’est recevable que dans la mesure où il n’existe pas de mesure de réparation équivalente, c’est-à-dire aussi efficace, dans une loi ou dans une convention. Pour la Cour d’appel, il est manifeste que l’incorporation implicite de l’art. 124 L.n.t. dans toute convention collective amputerait le texte même de la loi de façon significative, et rendrait superfétatoire l’exception à la recevabilité de la plainte dès qu’un salarié est régi par une convention collective.
[23] Au terme de son examen du régime législatif mis en place par la L.n.t. et le C.t., la Cour d’appel rejette la thèse selon laquelle la loi ne confère pas une compétence exclusive à la C.R.T. Pour elle, la plainte visée à l’art. 126 L.n.t. demeure nécessairement celle qui fut déposée en application de l’art. 124 L.n.t., et la C.R.T. a, en vertu de l’art. 114 C.t., compétence exclusive sur cette dernière. La Cour d’appel rappelle que la jurisprudence de la Cour suprême du Canada sur la compétence de l’arbitre de griefs souligne l’importance fondamentale que joue en cette matière la recherche de l’intention du législateur. Celui-ci n’a pas choisi de conférer à l’arbitre de griefs compétence dès qu’un salarié, régi par une convention collective, porte une plainte en vertu de l’art. 124 L.n.t.; il a plutôt opté pour un tribunal spécialisé, la C.R.T. De plus, rien n’indique, selon la Cour d’appel, que cet organisme a du mal à s’acquitter de sa mission législative.
[24] Pour ces raisons, la Cour d’appel accueille les appels et casse le jugement de la Cour supérieure. En conséquence, les griefs de M. Mireault et de M. Messaoudan sont déclarés irrecevables et rejetés : 2008 QCCA 1046 (CanLII) et 2008 QCCA 1054, [2008] R.J.D.T. 1005.
IV. Analyse
A. Question en litige
[25] Les parties demandent à notre Cour de déterminer si la norme substantielle d’ordre public qu’édicte l’art. 124 L.n.t., et qui interdit le congédiement sans cause juste et suffisante d’un salarié cumulant deux années de service continu, fait partie du contenu implicite de toute convention collective. Cette question me paraît mal posée en ce qu’elle ne correspond pas au véritable problème soulevé par les pourvois. À mon avis, il ne s’agit pas de se prononcer sur une éventuelle intégration des dispositions de la L.n.t. à la convention collective, ou sur le mode d’attribution formelle de la compétence à la C.R.T. Ces pourvois soulèvent plutôt une question de hiérarchie des sources du droit du travail québécois, et plus particulièrement de l’effet d’ordre public de la L.n.t. sur le contenu des conventions collectives et, par conséquent, sur la compétence attribuée aux arbitres de griefs chargés de leur interprétation et de leur application.
B. Prétentions des parties
(1) Prétentions de la partie syndicale
[26] Le S.F.P.Q. plaide l’incorporation implicite de la norme substantielle édictée à l’art. 124 L.n.t. à toute convention collective. Il s’appuie principalement sur l’arrêt Parry Sound (district), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42, [2003] 2 R.C.S. 157.
[27] Pour le S.F.P.Q., le principe de l’incorporation implicite des normes fondamentales établi par l’arrêt Parry Sound ne se limite pas aux seuls droits de la personne, mais s’applique aussi aux normes minimales de travail établies par diverses lois au Canada. Le décideur approprié lorsqu’une telle incorporation se réalise reste l’arbitre de griefs, sauf lorsqu’un texte de loi clair et une intention manifeste du législateur de confier de façon exclusive l’application et la mise en œuvre d’une norme à une autre instance soustraient la question à sa compétence usuelle. Les parties ne peuvent contourner ou éliminer le droit au recours prévu à l’art. 124 L.n.t. par convention; l’intention du législateur de l’accorder à tous les salariés, syndiqués ou non, relève de l’ordre public de direction. L’intégration implicite de l’art. 124 n’affecte toutefois en rien la validité d’une clause de convention collective qui nie ou restreint le droit de grief de certains salariés à statut précaire, auxquels ne s’applique pas la norme édictée à l’art. 124 L.n.t.
[28] Selon l’appelant, la norme du travail contenue à l’art. 124 L.n.t. est dissociable de sa procédure. Les dispositions de la convention collective qui y dérogent sont inopérantes et réputées inexistantes, ce qui rend l’arbitre compétent pour examiner un congédiement selon le critère de la cause juste et suffisante. Le S.F.P.Q. soutient que sa position respecte la fonction essentielle de l’arbitrage de griefs en milieu de travail syndiqué ainsi que le caractère d’ordre public obligatoire de ce mode de résolution des conflits. Le refus d’intégrer la norme du travail contenue à l’art. 124 L.n.t. à la convention collective équivaut à permettre aux parties de soustraire la protection du lien d’emploi de la compétence de l’arbitre pour la confier à la C.R.T. Cette conclusion ne respecterait pas l’intention du législateur.
[29] Pour interpréter correctement l’art. 124, al. 1 in fine, il est impératif, selon le S.F.P.Q., de se demander si une mesure de réparation est prévue non seulement dans une convention, mais aussi dans une autre loi. L’appelant souligne que le régime d’arbitrage obligatoire des griefs est prévu dans une « autre loi » au sens de l’art. 124 L.n.t., soit le C.t.
[30] Le S.F.P.Q. ajoute que sa position respecte le monopole de représentation du syndicat. Puisque celui-ci n’assume aucun devoir de représentation envers le salarié qui exerce un recours individuel dont il est le seul titulaire, comme c’est le cas pour la plainte fondée sur l’art. 124 L.n.t., la Cour d’appel crée par sa décision deux catégories distinctes de salariés en milieu syndiqué. Elle crée une première classe de salariés auxquels la convention collective permet de bénéficier du devoir de représentation syndicale en leur accordant un droit de grief en cas de congédiement sans cause juste et suffisante après deux ans de service. Elle les distingue ainsi d’une deuxième classe de salariés que la convention collective prive du bénéfice du droit à la juste représentation syndicale, en leur refusant le droit de grief en cas de congédiement injustifié après deux ans de service continu. Dans ce dernier cas, le seul recours qu’offrirait alors à ces salariés la convention serait le dépôt d’une plainte individuelle à la C.R.T. Cette deuxième catégorie de salariés syndiqués jouirait donc de droits plus restreints que tous les autres salariés, y compris les salariés non syndiqués qui peuvent être représentés par la Commission des normes du travail.
[31] Selon le S.F.P.Q., la décision de la Cour d’appel favorise la multiplication des recours parallèles dans les rapports collectifs du travail. En effet, elle oblige le salarié et le syndicat à formuler deux recours à l’encontre de la décision de cessation d’emploi prise par l’employeur : un grief, dont le syndicat est titulaire, et une plainte en vertu de l’art. 124 L.n.t., qui appartient au salarié. D’après le S.F.P.Q., le législateur ne voulait accorder à la C.R.T. qu’une compétence résiduelle sur le recours prévu à l’art. 124 L.n.t., mais entendait étendre l’application du droit substantiel qui y est prévu à tous les salariés, y compris les non-syndiqués. L’exception à la recevabilité de la plainte, lorsqu’une autre procédure de réparation existe dans une convention, demeure donc pertinente, même en cas d’incorporation implicite de la norme fixée par l’art. 124 L.n.t. à toute convention collective.
(2) Prétentions de l’intimé
[32] L’intimé propose de trancher la question de la compétence de la C.R.T. avant celle de l’incorporation implicite de la norme contenue dans l’art. 124 L.n.t. à la convention collective. Selon son argumentation, l’incorporation de cette norme, même si elle est d’ordre public, violerait l’intention du législateur. L’article 124 dispose, en effet, que le salarié ne peut se prévaloir du recours qu’il offre s’il existe une procédure de réparation équivalente dans la L.n.t., une autre loi ou une convention. Le salarié syndiqué qui ne peut se prévaloir de la procédure de grief, parce qu’elle ne constitue pas une procédure de réparation équivalente au sens de l’art. 124 L.n.t., doit procéder devant la C.R.T. L’incorporation généralisée du contenu de l’art. 124 dans les conventions collectives rendrait inutile la réserve faite à cette disposition quant aux recours reconnus comme équivalents.
[33] Pour l’intimé, l’art. 124 L.n.t. constitue une disposition de nature procédurale contenant une règle de droit substantiel dont les deux composantes forment un tout indissociable. Les droits qu’il reconnaît sont d’ordre public et de nature individuelle. Seul le salarié en est titulaire. L’ordre public se concilie mal avec la possibilité qu’un tiers puisse, en lieu et place du titulaire, renoncer à l’application d’une disposition telle que l’art. 124. L’intimé soutient qu’une manifestation claire de l’intention du législateur est requise pour conclure autrement, comme en témoigne, par exemple, l’art. 102 L.n.t.
[34] L’intimé ajoute que le régime législatif établi par les art. 124 et suiv. de la L.n.t. forme un tout cohérent. Il n’existe pas à la fois une plainte sur le droit substantiel et une autre plainte servant de véhicule procédural. Il ne s’agit que d’une seule et même plainte. L’intimé plaide que le fait d’exercer des droits prévus par une loi d’ordre public ne crée pas de contrat individuel ni ne fait renaître celui-ci. Le monopole de représentation syndicale ne fait pas obstacle à ce choix législatif que la Cour d’appel a correctement interprété et appliqué, d’après l’intimé.
C. La théorie de l’intégration implicite et ses faiblesses
[35] La question de l’intégration implicite à toute convention collective de la norme substantielle du travail que contient l’art. 124 L.n.t. se situe au cœur de l’argumentation des parties. Selon la thèse de l’incorporation, que défend le S.F.P.Q., la norme, dissociable du mécanisme procédural que prévoit également cet article, est implicitement incorporée à toute convention collective de façon à donner à l’arbitre de griefs compétence sur les griefs portant sur sa mise en œuvre. Par conséquent, dès qu’un salarié justifiant de deux ans de service continu conteste son congédiement en raison de causes qu’elle ou il juge injustes ou insuffisantes, le syndicat qui la ou le représente peut saisir l’arbitre de griefs, et ce, même si la lettre de la convention collective ne permet pas au salarié de contester les motifs de son renvoi.
[36] Ma collègue la juge Deschamps discute dans ses motifs de la théorie de l’intégration implicite et conclut, au terme de son analyse, qu’une telle « incorporation à la convention collective ne ressort ni de l’analyse de la L.n.t. ni de celle du C.t. » (par. 100). Sur ce point, je souscris à sa position. À mon avis, comme elle est présentée par l’appelant, cette théorie ne respecte pas le texte de la L.n.t. et ne tient pas compte des techniques de rédaction adoptées par le législateur québécois lorsqu’il entend intégrer une norme particulière dans les conventions collectives ou les contrats individuels de travail.
[37] Le facteur déterminant en l’espèce est le mode qu’a choisi le législateur québécois pour exprimer, le cas échéant, son intention d’intégrer aux conventions collectives certaines normes contenues dans la L.n.t. L’article 81.20, al. 1 L.n.t. illustre fort bien la technique qu’il privilégie :
81.20. Les dispositions des articles 81.18, 81.19, 123.7, 123.15 et 123.16 sont réputées faire partie intégrante de toute convention collective, compte tenu des adaptations nécessaires. Un salarié visé par une telle convention doit exercer les recours qui y sont prévus, dans la mesure où un tel recours existe à son égard.
Si le législateur avait voulu intégrer la norme substantielle de l’art. 124 L.n.t. à toute convention collective, comme le prétend le S.F.P.Q., il l’aurait fait de la même manière qu’à l’art. 81.20 L.n.t., c’est-à-dire en l’indiquant expressément. Rien ne nous permet de penser que le législateur a choisi d’adopter, dans une même loi, deux techniques législatives différentes pour atteindre un même résultat. Cela irait à l’encontre de la présomption selon laquelle une modification dans l’expression d’une notion juridique traduit un changement dans les concepts signifiés, et le même terme conserve, en général, un sens semblable dans l’ensemble d’une loi (Thomson c. Canada (Sous-ministre de l’Agriculture), [1992] 1 R.C.S. 385, p. 400-401; R. c. Barnier, [1980] 1 R.C.S. 1124, p. 1135-1136; P.-A. Côté, avec la collaboration de S. Beaulac et M. Devinat, Interprétation des lois (4e éd. 2009), p. 382).
[38] L’intégration des normes peut résulter de la volonté des parties exprimée dans leur convention collective. Cependant, on constate rapidement que la convention collective à l’étude ne contient aucune stipulation prévoyant que les dispositions de la L.n.t. sont réputées se substituer aux dispositions de l’entente, comme c’était le cas dans Commission des normes du travail c. Chantiers Davie Ltée, [1987] R.J.Q. 1949 (C.A.), par exemple.
[39] Selon moi, ce n’est pas tant sous l’angle de l’intégration implicite des dispositions de la L.n.t. aux conventions collectives que sous celui de l’effet de la hiérarchie des sources de droit pertinentes en droit du travail sur le contenu et la mise en œuvre des conventions collectives que doit être abordée, en l’espèce, la question du caractère d’ordre public de la L.n.t. Seul un examen de la convention telle que la modifie cet ordre public permettra de déterminer qui, de l’arbitre de griefs ou de la C.R.T., a compétence pour statuer sur la contestation engagée par les salariés et leur syndicat contre leur renvoi.
D. L’impact de l’ordre public sur le contenu des conventions collectives
[40] L’article 93 confère expressément à la L.n.t. son caractère d’ordre public. Il édicte :
93. Sous réserve d’une dérogation permise par la présente loi, les normes du travail contenues dans la présente loi et les règlements sont d’ordre public.
Une disposition d’une convention ou d’un décret qui déroge à une norme du travail est nulle de nullité absolue.
En vertu de cet article, on peut déroger à la L.n.t. uniquement si l’une de ses dispositions le permet ou si, comme le prévoit l’art. 94 L.n.t., les parties à un contrat de travail ou à une convention collective négocient des conditions plus avantageuses pour les salariés. Autrement, toute disposition privant un salarié des conditions minimales de travail que prévoit la L.n.t. est nulle de nullité absolue (Isidore Garon, par. 112).
[41] Interprété de façon étroite, le caractère d’ordre public de la L.n.t. signifierait uniquement que les parties ne peuvent convenir de supprimer le recours que l’art. 124 L.n.t. offre aux salariés. Une telle interprétation paraît trop restreinte. Ce caractère d’ordre public attribué par le législateur à cette disposition interdit et prive de tout effet les stipulations d’une convention individuelle ou collective qui empêchent un salarié justifiant de deux ans de service continu de contester un congédiement décidé par un employeur sans cause juste et suffisante. La convention subsiste, mais ses dispositions incompatibles avec la norme minimale sont privées d’effet. Elles sont réputées non écrites, ainsi que le prévoient les art. 62 et 64 C.t., et la convention doit être examinée, interprétée et appliquée en conséquence. En d’autres termes, la loi restreint pour autant la liberté contractuelle des parties, en privant d’effet toute stipulation incompatible avec les normes d’ordre public qu’elles ont incluse dans l’entente ou en les obligeant à adopter des conditions de travail à tout le moins aussi avantageuses pour les salariés que celles prévues à la L.n.t. L’ordre public législatif produit donc ses effets sur le contenu même du contrat de travail ou de la convention collective, et non uniquement sur son encadrement juridique.
[42] Dans cette optique, je ne peux accepter le point de vue de l’intimé selon lequel l’effet de l’ordre public se limite, en l’espèce, à interdire aux parties de stipuler que le salarié ne pourra exercer le recours offert par l’art. 124 L.n.t. Le caractère impératif de la norme signifie plutôt que toute disposition conventionnelle incompatible avec l’interdiction du congédiement sans cause juste et suffisante d’un salarié justifiant de deux ans de service continu est réputée non écrite, ce qui modifie le contenu de la convention collective. Le reste du contrat ou de la convention, quant à lui, survit à l’invalidation de la clause (art. 62 et 64 C.t. et art. 1438 du Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64). C’est à la lumière de ces modifications qu’il faut alors examiner la convention collective modifiée par l’effet d’ordre public de la loi pour déterminer si elle permet au salarié de contester son renvoi devant l’arbitre de griefs.
[43] Pour décider s’il existe un recours équivalent au sens de l’art. 124 L.n.t., on doit alors examiner si le contenu modifié de la convention collective accorde des droits et recours équivalents à ceux que la L.n.t. accorde pour contrôler et sanctionner le congédiement sans cause juste et suffisante des salariés justifiant de deux ans de service continu. Ce n’est que si la convention n’accorde pas de tels recours que le salarié devra se pourvoir devant la C.R.T.
[44] Comme le souligne à juste titre la professeure Guylaine Vallée, « [i]l revient aux parties des rapports collectifs de faire prévaloir la hiérarchie des sources dans le cadre de la convention collective ou lors de la procédure de grief. L’articulation entre des règles issues de ces sources en milieu syndiqué doit se faire au sein des instances des rapports collectifs du travail et non en dehors d’elles » (« Les lois de l’emploi et la convention collective », dans D. Roux et A.-M. Laflamme, dir., Rapports hiérarchiques ou anarchiques des règles en droit du travail : Chartes, normes d’ordre public, convention collective, contrat de travail, etc. : Actes du colloque tenu à l’Université Laval/8 novembre 2007 (2008), 81, p. 88). Conformément à ces principes, il revient à l’arbitre de griefs désigné par les parties, une fois saisi du grief contre le congédiement, de déterminer, à la lumière des modifications apportées à la convention par l’effet d’ordre public imposé par la L.n.t., si cette convention lui permet, le cas échéant, d’accorder au salarié congédié une mesure de réparation équivalente à celle qu’offre l’art. 124 L.n.t. Une conclusion négative à cette question entraînerait le constat de son absence de compétence et son dessaisissement en faveur de la C.R.T.
[45] En plus d’inciter au respect de la compétence arbitrale, cette approche permet à l’arbitre d’examiner la situation dans le contexte complet de la convention collective, et de prendre alors en considération tous les facteurs pertinents à l’analyse de l’équivalence du recours. Elle respecte, de surcroît, le caractère subsidiaire du recours devant la C.R.T., puisque ce n’est que dans l’éventualité où l’arbitre de griefs ayant compétence initiale sur l’interprétation de la convention déterminerait qu’il ne peut offrir au salarié un recours équivalent à celui qu’offre la C.R.T. que cette dernière se saisira de la plainte. À la lumière de ces principes, je passerai maintenant à l’examen de la convention collective en l’espèce pour déterminer si les arbitres de griefs ont compétence sur les griefs déposés par MM. Mireault et Messaoudan.
E. Analyse de la convention en l’espèce
(1) Dossier 32771
[46] Au début de cette analyse, j’ai étudié la disposition en litige dans ce dossier, la clause 4-14.28 de la convention collective des fonctionnaires du Québec, en vertu de laquelle un employé saisonnier ou occasionnel ne peut se prévaloir de certaines dispositions de la convention relatives aux mesures disciplinaires que dans la mesure où il a été embauché pour une période d’un an ou plus. Le dernier paragraphe de cette clause ajoute que « [m]algré ce qui précède, les dispositions des articles 4-14.01 à 4-14.06 et 4‑14.21 à 4-14.27 s’appliquent à l’employé occasionnel embauché pour une période de moins d’un (1) an qui a douze (12) mois de service et plus. »
[47] Par ailleurs, c’est la clause 4-14.21 qui accorde aux salariés faisant l’objet d’une mesure disciplinaire le droit de déposer un grief à l’encontre de celle-ci, « conformément à la procédure de règlement de griefs sous réserve que les griefs de suspension et de congédiement sont soumis dans les trente (30) jours suivant la date d’entrée en vigueur de la suspension ou du congédiement ». La clause 4-14.21 fait donc partie de celles dont ne peuvent se prévaloir les employés saisonniers ou les employés occasionnels embauchés pour une période de moins d’un an, et justifiant de moins de 12 mois de service.
[48] M. Mireault était employé occasionnel au ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs. Au moment de son congédiement, il ne bénéficiait ni d’un contrat de travail d’un an ou plus, ni de 12 mois de service selon la définition qu’en donne la clause 5-18.06 de la convention. Il était donc exclu, en vertu de la clause 4-14.28, de la catégorie de salariés pouvant déposer un grief à l’encontre de leur congédiement.
[49] Selon ses prétentions, M. Mireault justifiait de deux ans de service continu au sens de la L.n.t. Ainsi, il ne pouvait, selon l’art. 124 L.n.t., être congédié sans une cause juste et suffisante, et il répondait aux conditions requises pour voir la légalité de son congédiement évaluée par une autorité neutre. La clause 4-14.28 de la convention collective constitue un obstacle à l’exercice de ce droit puisqu’elle interdit à M. Mireault, en raison de son statut d’employé occasionnel, de soumettre sa plainte à l’arbitrage.
[50] Toutefois, en vertu des principes dont j’ai précédemment discuté, la clause 4-14.28 est nulle de nullité absolue, et donc réputée non écrite en raison de son incompatibilité avec la norme substantielle de l’art. 124. Cette clause prive, en effet, le salarié du droit de contester un renvoi sans cause juste et suffisante après deux ans de service continu. Il faut donc revenir à la clause 4-14.21 donnant ouverture au dépôt du grief. L’arbitre saisi doit examiner la convention collective en tenant compte aussi des pouvoirs qui lui sont accordés par l’art. 100 C.t., afin de déterminer si elle accorde, compte tenu de l’effet d’ordre public de la L.n.t., un recours équivalent à celui qu’institue l’art. 124 L.n.t. En d’autres termes, il s’agit de déterminer s’il peut réviser le renvoi lorsqu’il est intervenu sans cause juste et suffisante et accorder des réparations équivalentes à celles que la C.R.T. pourrait ordonner.
[51] Pour conclure à l’équivalence des recours, on doit retrouver chez l’un et l’autre des décideurs la capacité de réviser la décision de l’employeur et celle d’ordonner des réparations appropriées, et ce, dans un cadre procédural d’une efficacité comparable.
[52] La C.R.T. peut annuler le congédiement, ordonner la réintégration du salarié ou fixer des indemnités (art. 118 C.t. et art. 127 et 128 L.n.t.). De son côté, l’arbitre de griefs, agissant en vertu de la convention collective (clause 4-14.24) et du C.t., qui prévoit et complète ses pouvoirs (art. 100.12f)), possède une capacité d’intervention équivalente. Les procédures seraient donc engagées devant des décideurs qui détiennent des pouvoirs d’intervention similaires et offrent des garanties analogues d’indépendance et d’impartialité. Bien que le délai d’introduction du grief (30 jours) soit plus court que celui permis pour déposer la plainte devant la C.R.T. (45 jours), cette différence n’empêche pas de conclure à l’existence d’une équivalence globale des recours et des droits créés par ces derniers. L’article 124 L.n.t. n’exige pas l’identité parfaite des recours, mais la reconnaissance de leur caractère équivalent, ce qui est le cas. Je conclurais donc que l’arbitrage de griefs, en raison de l’effet d’ordre public de la L.n.t. sur le contenu de la convention, constitue en l’espèce un recours équivalent et que l’arbitre avait, par conséquent, compétence en la matière.
(2) Dossier 32772
[53] Je conclurais de la même façon dans le cas de M. Messaoudan. On a vu que M. Messaoudan, en stage probatoire au ministère du Revenu du Québec, prétend avoir été congédié alors qu’il justifiait de deux ans de service continu au sens de la L.n.t. Comme la clause 4-14.28 concernant l’employé saisonnier ou occasionnel, la clause 5‑17.04 de la convention collective des fonctionnaires du Québec prive l’employé en stage probatoire de l’arbitrage de griefs. Puisqu’elle viole la norme substantielle de l’art. 124 L.n.t., cette clause est nulle de nullité absolue, et donc réputée non écrite. Cet obstacle levé, l’arbitre peut examiner le fond du congédiement et prendre les mesures de réparation appropriées. En raison de l’équivalence des recours, l’arbitre était compétent à l’égard de la matière et pouvait entendre le grief.
V. Conclusion
[54] Pour ces motifs, j’accueillerais les pourvois, je casserais les arrêts de la Cour d’appel du Québec et je rétablirais le jugement de la Cour supérieure, avec dépens.
Les motifs de la juge en chef McLachlin et des juges Binnie, Deschamps et Rothstein ont été rendus par
[55] La juge Deschamps (dissidente) — Nul ne conteste que les employés québécois, qu’ils soient couverts par une convention collective ou par un contrat individuel de travail, bénéficient d’une protection contre un congédiement effectué sans une cause juste et suffisante s’ils comptent au moins deux ans de service continu dans une entreprise. Cette protection est prévue dans un très grand nombre de conventions collectives, mais aussi à l’art. 124 de la Loi sur les normes du travail, L.R.Q., ch. N-1.1 (« L.n.t. »), qui lui est d’ordre public. Seules quelques exceptions sont faites à la règle de l’art. 124. Le présent litige porte, non pas sur l’existence de cette protection, mais sur l’identité du tribunal devant lequel l’employé doit exercer son droit. En l’espèce, il s’agit de déterminer qui, de l’arbitre nommé aux termes d’une convention collective qui n’accorde pas aux employés concernés le droit à l’arbitrage ou de la Commission des relations du travail (« C.R.T. »), a compétence pour décider de leur plainte de congédiement injustifié.
[56] Les arrêts de la Cour qui traitent du tribunal approprié pour trancher certains différends doivent être distingués de ceux qui décident si une norme s’applique ou non à une partie. S’il est évident qu’aucun décideur ne peut interpréter une loi ou une convention d’une manière qui priverait un employé du bénéfice d’une norme impérative ou permettrait à un employeur d’échapper à l’application d’une règle d’ordre public, il faut reconnaître que le choix du tribunal approprié pour la mise en œuvre d’une norme législative n’est pas une question de pure politique judiciaire. En ce domaine, la décision revient en premier lieu au législateur, en second lieu aux parties et, en dernier lieu seulement, aux tribunaux. En l’espèce, imposer l’arbitre comme juridiction exclusive pour tous les employés couverts par une convention collective ne correspond ni à l’intention du législateur ni à celle des parties. Les tribunaux doivent respecter ce choix. Dans toutes les conventions collectives, le recours à l’arbitrage est assorti de limites, qu’il s’agisse de limites procédurales comme les étapes de la procédure de griefs ou les délais, ou de limites substantielles comme celles fondées sur les régimes d’embauche (à l’essai ou à contrat, temporaires ou occasionnels, etc.). Les pourvois que la Cour a entendus ensemble donnent un bon aperçu de la variété de ces limites. Pour ébranler l’équilibre délicat dont ont convenu les parties, il faut une règle claire. Je ne trouve rien de tel en l’espèce. Au contraire, le législateur a établi un tribunal spécialisé à qui il a confié en exclusivité la responsabilité d’entendre les plaintes des employés qui ne disposent pas, dans leur convention collective, de procédure de réparation adéquate.
[57] Notre Cour a été saisie de quatre pourvois qui soulèvent les mêmes enjeux. La présente opinion vise deux d’entre eux. Les dispositions pertinentes des lois et de la convention collective applicables sont reproduites en annexe. Dans les deux pourvois visés, en raison des limites assortissant la procédure d’arbitrage, les employés concernés ne disposent pas d’une procédure de réparation adéquate. Je conclus que la C.R.T. est le tribunal qui doit décider de leur plainte. Je propose de rejeter ces deux pourvois avec dépens.
1. Faits
1.1 Dossier 32771
[58] M. Claude Mireault, un employé occasionnel du ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs, a été congédié à la suite d’une évaluation de rendement insatisfaisante. La convention collective liant l’appelant, le Syndicat de la fonction publique du Québec (« Syndicat »), à l’employeur, représenté par le procureur général du Québec intimé, limite, dans le cas des employés occasionnels ou saisonniers, le droit à la procédure de griefs (clauses 4-14.21 et 4-14.28).
1.2 Dossier 32772
[59] M. Lahcene Messaoudan, un employé temporaire du ministère du Revenu, a été congédié au cours de son stage probatoire. Plusieurs reproches ont été formulés à son endroit. Par exemple, il aurait préparé des déclarations d’impôts pour des particuliers, il aurait consulté les dossiers du ministère en dehors du cadre de son travail, et ce, pour des personnes qui n’étaient pas de sa clientèle, et il aurait été rémunéré pour ces services. Selon la convention collective, la décision du sous-ministre de mettre fin à l’emploi d’un employé au cours de son stage probatoire ne peut faire l’objet d’un grief (clause 5-17.04).
[60] Le Syndicat a déposé un grief dans chacun des dossiers.
2. Décisions des juridictions inférieures
2.1 Décisions des arbitres de griefs
[61] Dans le dossier de M. Mireault, l’arbitre Maureen Flynn décide que l’art. 124 L.n.t. est une norme de travail incorporée à toute convention collective. Partant, elle conclut qu’elle est compétente pour se saisir du grief. Sur le fond, elle juge que l’employeur n’a pas fait la preuve requise. Elle accueille le grief et déclare le congédiement injustifié : [2006] R.J.D.T. 329. Dans le dossier de M. Messaoudan, l’arbitre Pierre Laplante statue que, vu la présence de dispositions incompatibles avec l’art. 124 L.n.t. dans la convention collective, il ne peut conclure à l’incorporation implicite de cet article à la convention. Il juge que, dans le cas dont il est saisi, la mise en œuvre de la protection relève exclusivement de la C.R.T. et il décline compétence pour entendre le grief : D.T.E. 2006T-473, SOQUIJ AZ-50370564.
2.2 Jugement de la Cour supérieure
[62] Saisi des demandes de révision judiciaire présentées à l’encontre de ces deux décisions contradictoires, le juge Fraiberg conclut que, dans le cadre d’un régime de négociation collective, la justesse d’un congédiement est une question qui est davantage compatible avec la compétence d’un arbitre qu’avec celle de la C.R.T. De plus, il estime que la procédure de griefs constitue une procédure équivalente à celle de l’art. 124 L.n.t., ce qui prive la C.R.T. de toute compétence. Il rejette donc la demande dans le dossier de M. Mireault et l’accueille dans celui de M. Messaoudan : 2006 QCCS 5230, [2006] R.J.D.T. 1400.
2.3 Arrêts de la Cour d’appel (les juges Baudouin, Morin et Rochon)
[63] Saisie des appels formés contre le jugement du juge Fraiberg, la Cour d’appel souligne le caractère normatif de la règle prévue à l’art. 124 L.n.t. : quant au fond, il s’agit d’une norme du travail; quant à la procédure, la disposition établit un régime subsidiaire devant la C.R.T. lorsque la convention ne comporte pas de recours équivalent. Après avoir analysé les dispositions législatives pertinentes et la jurisprudence de notre Cour, la Cour d’appel ne retient pas la thèse de l’incorporation implicite. Elle conclut que l’art. 114 et le par. 15 de l’annexe I du Code du travail, L.R.Q., ch. C-27 (« C.t. »), confèrent à la C.R.T. compétence exclusive pour décider de la plainte de congédiement injustifié. En conséquence, la Cour d’appel infirme le jugement de la Cour supérieure, casse la sentence de l’arbitre Flynn et rétablit celle de l’arbitre Laplante : 2008 QCCA 1046 (CanLII) et 2008 QCCA 1054, [2008] R.J.D.T. 1005.
3. Position des parties
[64] Devant notre Cour, le Syndicat soutient que l’art. 124 L.n.t. est implicitement incorporé à la convention collective, et que la règle qui y est énoncée est d’ordre public. Cette incorporation résulte du pouvoir qu’a l’arbitre d’appliquer toutes les normes minimales du travail édictées par une loi. Le Syndicat plaide aussi que l’arbitrage est un mode de règlement des conflits non seulement impératif mais même d’ordre public, que le monopole des syndicats en matière de représentation doit être respecté, qu’il est nécessaire d’éviter la multiplicité des recours et que la C.R.T. ne possède qu’une compétence résiduelle.
[65] Pour sa part, l’employeur prétend qu’il ressort de l’analyse de la L.n.t. que le législateur n’a pas voulu que l’art. 124 L.n.t. soit incorporé à toutes les conventions collectives. Il ajoute que le fait de reconnaître à la C.R.T. compétence exclusive comme tribunal subsidiaire ne remet en cause ni le monopole des syndicats en matière de représentation ni l’assujettissement des droits des employeurs aux limites législatives d’ordre public.
4. Analyse
[66] La détermination du tribunal approprié pour résoudre un différend opposant un employé syndiqué à son employeur a fait l’objet de nombreux litiges. Se fondant sur Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929, la Juge en chef, dans Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Québec (Procureur général), 2004 CSC 39, [2004] 2 R.C.S. 185 (« Morin »), par. 14, a rappelé que la Cour n’avait pas retenu une règle qui conférerait une compétence exclusive à l’arbitre de griefs : « . . . il n’existe pas in abstracto de présomption légale d’exclusivité. Il faut plutôt se demander dans chaque cas si la loi pertinente, appliquée au litige considéré dans son contexte factuel, établit que la compétence de l’arbitre en droit du travail est exclusive. » En proposant de commencer l’analyse par l’examen des dispositions législatives, la Juge en chef confirmait la préséance qu’il faut donner au but poursuivi par le législateur, règle également appliquée dans Regina Police Assn. Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, 2000 CSC 14, [2000] 1 R.C.S. 360 : « . . . pour déterminer si elle a compétence pour entendre un litige, l’instance décisionnelle doit se conformer à l’intention du législateur énoncée dans le ou les textes législatifs régissant les parties » (par. 23).
[67] On pourrait s’interroger sur le choix des dispositions législatives devant être analysées en premier lieu. À mon avis, il faut commencer par la L.n.t. En effet, la protection dont les employés veulent se prévaloir est prévue par cette loi. De plus, c’est cette loi qui fait état du tribunal compétent pour assurer le respect de la protection. Commencer l’analyse en modulant les dispositions de la convention collective équivaudrait à contourner la disposition que nous sommes appelés à interpréter.
[68] C’est le texte du premier alinéa de l’art. 124 L.n.t. reproduit ci-dessous — plus particulièrement les mots soulignés — qui est au cœur du litige :
124. Le salarié qui justifie de deux ans de service continu dans une même entreprise et qui croit avoir été congédié sans une cause juste et suffisante peut soumettre sa plainte par écrit à la Commission des normes du travail ou la mettre à la poste à l’adresse de la Commission des normes du travail dans les 45 jours de son congédiement, sauf si une procédure de réparation, autre que le recours en dommages-intérêts, est prévue ailleurs dans la présente loi, dans une autre loi ou dans une convention.
(Les mots « convention », « salarié » et « service continu » sont définis à l’art. 1 L.n.t.)
[69] Suivant cette disposition, la Commission des normes du travail (« C.N.T. ») doit vérifier si l’employé bénéficie ailleurs dans la L.n.t., dans une autre loi ou dans une convention d’une « procédure de réparation » autre que le recours en dommages-intérêts. Si c’est le cas, elle invite le plaignant à utiliser cette autre procédure. Dans le cas contraire, elle peut, avec l’accord des parties, nommer une personne qui tente de régler la plainte (art. 125 L.n.t.). Si aucun règlement n’intervient, la C.N.T. défère la plainte à la C.R.T. (art. 126 L.n.t.), laquelle jouit alors d’une compétence exclusive sur la question (art. 114 C.t.). Le texte de l’art. 114 C.t. est clair :
114. La Commission est chargée d’assurer l’application diligente et efficace du présent code et d’exercer les autres fonctions que celui‑ci et toute autre loi lui attribuent.
Sauf pour l’application des dispositions prévues aux articles 111.0.1 à 111.2, 111.10 à 111.20 et au chapitre IX, la Commission connaît et dispose, à l’exclusion de tout tribunal, d’une plainte alléguant une contravention au présent code, de tout recours formé en application des dispositions du présent code ou d’une autre loi et de toute demande qui lui est faite conformément au présent code ou à une autre loi. Les recours formés devant la Commission en application d’une autre loi sont énumérés à l’annexe I.
À ces fins, la Commission exerce les fonctions, pouvoirs et devoirs qui lui sont attribués par le présent code et par toute autre loi.
Les passages pertinents de l’annexe I sont rédigés ainsi :
ANNEXE I
RECOURS FORMÉS EN VERTU D’AUTRES LOIS
En plus des recours formés en vertu du présent code, la Commission connaît et dispose des recours formés en vertu :
. . .
15° des articles 86.1, 123.4, 123.9, 123.12 et 126 de la Loi sur les normes du travail (chapitre N‑1.1);
[70] Selon le Syndicat, puisque la convention collective établit une procédure de griefs, c’est l’arbitre qui doit entendre la plainte. Plus précisément, selon le Syndicat, la protection substantielle prévue à la L.n.t. et le régime procédural qui y est établi sont deux aspects dissociables. La protection substantielle est implicitement incorporée aux conventions collectives et, par conséquent, seul l’arbitre est compétent.
[71] De son côté, l’employeur soutient plutôt que la question de la compétence de l’arbitre doit être tranchée avant celle de l’étendue des obligations des parties. La C.N.T. ou l’arbitre de griefs, selon le cas, doit décider la question de la compétence sur réception de la plainte ou du grief. L’exception à la compétence exclusive de la C.R.T. vise les cas où une convention ou une loi prévoit une protection équivalente. Selon l’employeur, la technique de l’incorporation implicite ne s’applique pas en l’espèce.
[72] La protection prévue à l’art. 124 L.n.t. n’est pas récente. Pour répondre à la question dont nous sommes saisis, je passerai d’abord en revue l’interprétation qui en a été donnée depuis près de 25 ans. J’analyserai ensuite d’autres dispositions législatives qui figurent dans la L.n.t. et d’autres lois et qui confèrent à un tribunal autre qu’un arbitre la responsabilité d’appliquer une norme du travail. Puis, j’examinerai la nature du litige. Enfin, je me pencherai sur les arrêts de la Cour portant sur l’incorporation implicite des normes d’ordre public afin de déterminer leur incidence sur la question qui nous occupe en l’espèce.
4.1 L’interprétation de la norme depuis son entrée en vigueur
[73] Adoptée en 1979, la L.n.t. a remplacé la Loi du salaire minimum, S.R.Q. 1941, ch. 164 (plus tard la Loi sur le salaire minimum, L.R.Q., ch. S-1), qui modifiait la Loi du salaire minimum des femmes, S.R.Q. 1925, ch. 100. La L.n.t. a été fréquemment modifiée pour mieux répondre aux besoins des employés ou encore pour corriger le libellé des dispositions en fonction de son application. Cette loi constitue donc un « chantier législatif » : F. Morin, J.-Y. Brière et D. Roux, Le droit de l’emploi au Québec (3e éd. 2006), p. 498. Elle est une loi d’ordre public (art. 93 L.n.t.). Elle s’applique à la vaste majorité des employés québécois, qu’ils soient couverts par un régime collectif ou par un contrat individuel de travail. La protection législative contre les congédiements injustes est d’ailleurs inspirée de celle qui figurait, sous une forme ou une autre, dans la plupart des conventions collectives : G. Hébert et G. Trudeau, Les normes minimales du travail au Canada et au Québec : Étude juridique et institutionnelle (1987), p. 160.
[74] Les tribunaux québécois ont été amenés à se pencher sur la nature de la protection prévue à l’art. 124 L.n.t. Constituait-elle seulement une protection d’ordre procédural ou établissait-elle aussi une norme substantielle? Cette question fut réglée par l’arrêt Produits Pétro-Canada Inc. c. Moalli, [1987] R.J.Q. 261 (C.A.). Dans cette affaire, l’employeur plaidait que, comme l’art. 124 se trouvait dans la section de la L.n.t. traitant des recours, il constituait un recours particulier, assujetti à des conditions d’exercice bien précises. Pour sa part, le syndicat soutenait que la disposition avait un caractère normatif. Le juge LeBel, maintenant juge de notre Cour, a tiré la conclusion suivante (p. 269) :
Il est vrai que cette disposition se présente sous une forme procédurale. Elle offre un recours arbitral aux salariés qui croient se situer dans les conditions prévues à la loi. La création de ce recours introduit cependant une règle de droit substantif, qui déroge aux principes traditionnels qui s’appliquaient au contrat individuel de travail.
[75] L’interprétation de l’art. 124 L.n.t. s’est aussi posée à l’égard du tribunal devant lequel doit être exercé le recours établi par cette disposition. La procédure de griefs prévue par une convention collective constituait-elle une procédure qui écartait celle prévue à la L.n.t.? Tout comme dans l’arrêt Moalli, les tribunaux ont conclu que l’expression « procédure de réparation » comportait nécessairement un aspect substantiel. Il ne suffisait pas qu’une procédure de griefs soit prévue par la convention, encore fallait-il que cette procédure permette à l’employé de faire valoir son droit de manière adéquate. Pour reprendre l’expression du juge Marquis dans Ateliers Roland Gingras inc. c. Martin, [1988] R.J.Q. 523 (C.S.) :
[C]’est à l’existence d’un recours applicable au cas précis en litige que réfèrent les mots « sauf si une procédure de réparation, autre que le recours en dommages-intérêts, est prévue ailleurs dans la présente loi, dans une autre loi ou dans une convention ». [p. 525-526]
[76] La question du caractère adéquat de la procédure a fait l’objet de nombreux arrêts de la Cour d’appel du Québec. On retient que trois critères permettent de répondre à cette question :
1 - la procédure doit revêtir un caractère obligatoire;
2 - le recours doit comporter une certaine similitude avec le recours de l’art. 124 L.n.t.;
3 - l’autorité appelée à trancher le différend doit posséder des pouvoirs au moins équivalents à ceux du tribunal prévu par la L.n.t.
Voir entre autres : Giguère c. Cie Kenworth du Canada, Division de Paccar du Canada Ltée, [1990] R.J.Q. 2485 (C.A.), p. 2493; Malo c. Côté-Desbiolles, [1995] R.J.Q. 1686 (C.A.); Joyal c. Hôpital du Christ-Roi, [1997] R.J.Q. 38 (C.A.); Commission scolaire Chomedey de Laval c. Dubé, [1997] R.J.Q. 1203 (C.A.); Université du Québec à Hull c. Lalonde, 2000 CanLII 11322 (C.A. Qué.); Dubé c. Secrétariat de l’Action Catholique de Joliette, 2001 CanLII 12979 (C.A. Qué.); voir, au même effet, Beauséjour c. Lefebvre, [1986] R.J.Q. 1407 (C.S.), p. 1413, conf. par [1988] R.J.Q. 639 (C.A.); Syndicat du personnel enseignant du Centre d’études collégiales en Charlevoix c. St-Laurent, 2007 QCCS 1005 (CanLII); et J.-L. Dubé et N. Di Iorio, Les normes du travail (2e éd. 1992), p. 398-423.
[77] En présence d’une convention collective, la condition concernant le caractère obligatoire de la procédure ne crée pas de difficulté. Les litiges ont surtout porté sur la similitude des recours et sur les pouvoirs de l’arbitre nommé en vertu d’une convention collective. En l’espèce, l’employeur soutient que le recours doit être équivalent. Le niveau d’équivalence entre le recours prévu par la convention collective et celui prévu par la L.n.t. mérite un commentaire. À la lecture des décisions portant sur le sujet, on constate que plusieurs expressions sont utilisées pour décrire cette équivalence. À mon avis, il faut s’attacher au contenu réel des recours plutôt qu’aux termes utilisés dans les décisions. En élargissant aux employés non syndiqués la protection dont bénéficiaient déjà de nombreux employés syndiqués, le législateur n’a pas voulu écarter le tribunal conventionnel. Lorsqu’un tribunal évalue sa compétence, il doit donc procéder à une analyse globale tenant compte de l’objectif poursuivi par le législateur, à savoir éviter la multiplicité des recours tout en assurant à l’employé une protection adéquate. Si la convention collective autorise l’arbitre à se saisir de la plainte de congédiement, à mesurer la proportionnalité de la sanction prise à l’endroit de l’employé en fonction des faits qu’on lui reproche ou de l’objectif de la décision de l’employeur, et lui permet de prononcer l’ordonnance recherchée par l’employé, la procédure devrait alors être jugée adéquate. Il n’y a pas lieu de procéder à une comparaison théorique qui ne serait destinée qu’à écarter l’arbitre pour des motifs qui n’ont aucun rapport avec le litige. (Voir Dubé et Di Iorio, p. 418 et suiv.)
[78] Il ressort de l’étude des nombreuses modifications apportées à la L.n.t. que le législateur n’est pas intervenu pour indiquer que l’interprétation des tribunaux selon laquelle l’arbitre n’a pas compétence exclusive ne correspondait pas à son intention. Cette absence d’intervention est particulièrement remarquable en ce que, lors de deux de ces modifications, le tribunal spécifiquement désigné dans la loi a été changé. À l’origine, cette compétence appartenait à un arbitre dont le nom paraissait sur une liste dressée par le ministre du Travail (Loi sur les normes du travail, L.Q. 1979, ch. 45, art. 126). À la suite de critiques concernant les frais que devait engager l’employé pour payer les honoraires de l’arbitre, la Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives, L.Q. 1990, ch. 73, a été adoptée. Par cette loi, le législateur a confié l’application de l’art. 124 au commissaire général du travail (art. 61). Par suite d’une autre modification, cette compétence a été transférée à la C.R.T. (Loi modifiant le Code du travail, instituant la Commission des relations du travail et modifiant d’autres dispositions législatives, L.Q. 2001, ch. 26, art. 144). Il s’agissait là de belles occasions de manifester que l’arbitre de griefs pouvait, et ce, que la convention collective le prévoie ou non, contrôler le respect de la norme établie à l’art. 124 L.n.t. Rien pourtant n’a été ajouté à cet effet.
[79] Fait plus remarquable encore, alors que le législateur choisit de ne pas considérer que la protection contre un congédiement injustifié prévue à la L.n.t. fait partie des conventions collectives, il fait ce choix précis dans le cas de la protection contre le harcèlement (art. 81.20 L.n.t.). J’y reviendrai après avoir examiné l’incidence de l’interprétation suggérée par le Syndicat sur d’autres dispositions législatives.
4.2 Les autres dispositions législatives
4.2.1 Le mécanisme prévu à l’art. 126.1 L.n.t.
[80] Au Québec, toutes les conventions collectives contiennent une procédure de griefs pour régler les mésententes résultant de l’interprétation et de l’application de la convention collective applicable. Cela découle de la définition du mot « grief » à l’art. 1, par. f) C.t. et du texte de l’art. 100 C.t. :
1. . . .
. . .
f) « grief » : toute mésentente relative à l’interprétation ou à l’application d’une convention collective;
100. Tout grief doit être soumis à l’arbitrage en la manière prévue dans la convention collective si elle y pourvoit et si l’association accréditée et l’employeur y donnent suite; sinon il est déféré à un arbitre choisi par l’association accréditée et l’employeur ou, à défaut d’accord, nommé par le ministre.
[81] Comme tout grief doit être soumis à l’arbitrage, si le contenu substantiel de l’art. 124 L.n.t. était incorporé à la convention collective, la C.R.T. ne serait jamais compétente pour entendre le recours d’un employé syndiqué. En effet, il existerait alors toujours une autre procédure de réparation écartant la compétence de la C.R.T. Ni la lecture de l’art. 124 L.n.t., non plus que celle de l’art. 126.1 L.n.t. d’ailleurs, ne permettent d’affirmer que telle est l’intention du législateur.
[82] L’article 126.1 a été adopté en 1997 (Loi modifiant la Loi sur les normes du travail, L.Q. 1997, ch. 2, art. 2), et il n’a subi aucune modification importante depuis. Il est lié à l’application de l’art. 124 L.n.t. Il précise que la C.N.T. peut représenter devant la C.R.T. un employé « qui ne fait pas partie d’un groupe de salariés visé par une accréditation accordée en vertu du Code du travail ». Il est permis de se demander pourquoi le législateur aurait inclus une disposition prévoyant que la C.N.T. peut seulement représenter les employés non syndiqués, si le recours à la C.R.T. n’était pas ouvert aux employés syndiqués. Pour retenir l’interprétation du Syndicat, il faudrait nécessairement conclure que la limite énoncée à l’art. 126.1 L.n.t. est sans effet.
[83] L’interprétation qui permet de donner effet à l’art. 126.1 et selon laquelle les employés syndiqués peuvent, dans certains cas, s’adresser à la C.R.T. est confirmée par l’examen de la transcription des débats à l’Assemblée nationale sur les modifications proposées à la L.n.t. Ces débats révèlent qu’on tenait pour acquis que les employés syndiqués ne s’adressaient pas nécessairement à l’arbitre nommé en vertu de la convention collective — ils devaient parfois se tourner vers le tribunal désigné par la loi. À l’époque, le Commissaire général du travail était désigné dans la loi comme le tribunal chargé d’entendre les recours prévus par la L.n.t. en matière de congédiement. La C.N.T. pouvait représenter l’employé non syndiqué si le recours était fondé sur les art. 122 et 123 (pratiques interdites), mais non lorsque l’art. 124 était invoqué. La modification proposée (maintenant l’art. 126.1) avait pour but de pallier cette lacune tout en tentant de limiter les coûts pour la C.N.T. Ce passage des débats à l’Assemblée nationale permet de comprendre comment la procédure était alors interprétée :
Au Bureau du Commissaire général du travail, on estime que le volume de travail devra augmenter en raison de la représentation des salariés pour les causes de congédiement. . .
Le projet de loi formule également un amendement à la loi de la Commission des normes. Ça va être amendé pour qu’elle représente, dans un recours à l’encontre de congédiement sans cause juste et suffisante [. . .] on va faire en sorte que le salarié sera appelé à contribuer. S’il est couvert par une convention collective, c’est son syndicat qui va le défendre; s’il est admissible à l’aide juridique, c’est l’aide juridique qui va le défendre. [Je souligne.]
(Assemblée nationale, Journal des débats, 2e sess., 35e lég., Projet de loi no 31, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail (Présentation), 23 mai 1996, p. 1325; voir aussi p. 1332 et 1334.)
[84] Le Syndicat objecte que, si cette interprétation était retenue, dans la mesure où un syndicat n’est pas tenu de représenter ses membres devant la C.R.T., il en résulterait une distinction importante entre les deux groupes d’employés, distinction qui serait désavantageuse pour les employés syndiqués.
[85] D’une part, cet argument ne permet pas de résoudre les problèmes qu’il engendre quant à l’interprétation du texte des art. 124 et 126.1 L.n.t. D’autre part, l’argument ne tient pas compte du pouvoir discrétionnaire de la C.N.T., laquelle « peut » (et non doit) représenter l’employé non syndiqué devant la C.R.T. En effet, tout comme un syndicat n’est pas tenu de représenter un employé devant la C.R.T. — bien qu’en pratique il le fasse dans de nombreux cas — la C.N.T. n’a elle aussi aucune obligation de représentation. Le terme « peut » reflète ce choix du législateur. Par l’article 126.1, le législateur visait non pas à retirer aux employés syndiqués la possibilité d’être représentés, mais bien à offrir aux employés non syndiqués d’avoir eux aussi la possibilité d’être assistés devant la C.R.T. Il n’existe donc pas de distinction réelle entre les deux groupes d’employés à cet égard.
4.2.2 Les articles 102, 122 et 123 L.n.t.
[86] Aux termes de l’art. 102 L.n.t., l’employé qui croit avoir été victime d’une atteinte à un droit conféré par la L.n.t. peut déposer une plainte auprès de la C.N.T. Si cet employé est syndiqué, il doit démontrer qu’il a épuisé les recours prévus par la convention collective. Cette disposition a une vaste portée. Sous réserve de certaines exceptions, elle s’applique à tous les recours prévus par la L.n.t. Cette disposition illustre non seulement l’intention du législateur d’éviter la multiplicité des recours, mais aussi le fait que la compétence reconnue aux arbitres par la convention collective n’inclut pas nécessairement le pouvoir de régler tous les litiges susceptibles de surgir concernant les normes établies par la L.n.t.
[87] Jusqu’à maintenant, tout comme pour l’art. 124 L.n.t., les tribunaux ont été saisis de litiges qui faisaient appel à une comparaison entre le recours prévu par la convention collective et celui de la L.n.t. Ils ont, également dans ces cas, conclu que la convention collective devait contenir une disposition qui offrait une protection adéquate. Voir Commission des normes du travail c. Chantiers Davie Ltée, [1987] R.J.Q. 1949 (C.A.); Commission des normes du travail c. Campeau Corp., [1989] R.J.Q. 2108 (C.A.); Commission des normes du travail c. Hawker Siddeley Canada inc., [1989] R.J.Q. 2123 (C.A.); Commission des normes du travail c. Domtar Inc., [1989] R.J.Q. 2130 (C.A.); Québec (Commission des normes du travail) c. Cie minière I.O.C. inc., 1995 CanLII 5324 (C.A. Qué.); Commission des normes du travail c. Cie de papier de St-Raymond ltée, [1997] R.J.Q. 366 (C.A.).
[88] À la différence de l’art. 124 L.n.t., le législateur n’a pas désigné de tribunal exclusif pour l’application de l’art. 102 L.n.t. En effet, les recours couverts par l’art. 102 L.n.t. ne sont pas inclus à l’art. 114 C.t. et à l’annexe I C.t. Par conséquent, si un employé a accès à la procédure de griefs, il pourra être décidé que, conformément à la démarche proposée dans Morin, l’arbitre constitue le tribunal approprié pour faire valoir les droits prévus à la convention collective et ceux que la L.n.t. n’attribue pas à un tribunal exclusif. Par exemple, si la méthode de calcul des heures supplémentaires ou des congés de maladie prévue par la convention collective n’était pas la même que celle prévue à la L.n.t., et que l’employé ne soit pas exclu de la procédure de griefs, il pourrait arriver que l’arbitre soit appelé à utiliser la méthode de calcul prévue à la L.n.t. plutôt que celle figurant dans la convention : voir Syndicat des employé(es) de soutien du Cégep André-Laurendeau c. Lavoie, 2007 QCCS 322 (CanLII); Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 503 c. Roy, 2007 QCCS 1172 (CanLII).
[89] L’interprétation du Syndicat préconisant l’incorporation à la convention collective de toutes les normes du travail va donc à contre-courant de celle que les tribunaux donnent à l’art. 102 L.n.t. Mais il y a plus. Elle crée des problèmes d’interprétation, par exemple pour l’application de l’art. 122 L.n.t. Cette disposition énumère un certain nombre de pratiques jugées répréhensibles. Tout comme celle prévue par l’art. 124 L.n.t., la protection établie par l’art. 122 L.n.t. comporte un volet substantiel et un volet procédural. Là où l’art. 124 L.n.t. protège l’employé qui compte au moins deux ans de service continu contre un congédiement injustifié, l’art. 122 L.n.t. le protège contre toute sanction fondée sur une pratique interdite. Concernant le volet procédural, l’art. 123 L.n.t. prescrit que la plainte doit être déposée auprès de la C.N.T.; de plus, l’art. 123.4 L.n.t. rend applicable en faveur de l’employé qui a fait l’objet d’une sanction la présomption prévue par l’art. 17 C.t.
[90] Appliquée à l’art. 122 L.n.t., l’interprétation préconisée par le Syndicat soulève deux problèmes d’ordre procédural. Le premier est le caractère impératif du recours au tribunal désigné : la plainte doit être déposée auprès de la C.N.T. Aucun choix n’est laissé aux parties. Ceci illustre que toutes les normes de la L.n.t. ne sont pas incorporées implicitement à la convention collective et par conséquent susceptibles de griefs arbitrables. Le deuxième problème procédural a trait au bénéfice de la présomption. Puisque l’employé bénéficie d’une présomption en sa faveur devant la C.R.T., il est permis de se demander si cette protection procédurale est incorporée à la convention collective.
[91] L’interprétation du Syndicat produirait aussi un étrange effet en ce qui concerne l’aspect substantiel si elle était appliquée à certaines pratiques interdites. En effet, l’arbitre aurait compétence pour décider si une sanction est liée à une enquête menée par la C.N.T. (art. 122, par. 1.1o L.n.t.) ou au fait qu’un employé a fourni des informations à la C.N.T. (art. 122, par. 2o L.n.t.). Il s’agit de situations qui intéressent la C.N.T. elle-même et qui ont très peu à voir avec les clauses qui ont fait l’objet de la négociation collective et que l’arbitre est chargé d’interpréter et d’appliquer. Si l’approche favorisée par le Syndicat ne vaut pas pour toutes les normes prévues à l’art. 122, elle serait alors source de confusion et entraînerait une multiplication des litiges visant à déterminer la faisabilité ou l’opportunité du recours dans chaque cas particulier, et ce, malgré le fait que la C.R.T. ait été désignée, à l’art. 123 L.n.t., comme le tribunal où le recours doit être exercé.
[92] En ce qui a trait à l’application de l’art. 122 L.n.t., les tribunaux ont opté pour une approche favorisant le tribunal désigné par la L.n.t. soit la C.R.T. Ni le recours à l’arbitrage en vertu de la convention collective ni le recours à l’art. 124 L.n.t. n’écartent la compétence de la C.R.T. en cas de plainte fondée sur une allégation de pratique interdite : Balthazard-Généreux c. Collège Montmorency, [1997] T.T. 118; Lecavalier c. Montréal (Ville), [1997] D.T.T.Q. no 14 (QL); Robitaille c. Société des alcools du Québec, [1997] T.T. 597; Giguère c. Cie Kenworth du Canada.
[93] Comme on l’a vu, les tribunaux ont choisi d’aborder la question de la compétence sans d’abord intégrer la norme en cause à la convention collective. Pour déterminer le tribunal approprié, les tribunaux vérifient simplement le contenu de la convention collective telle qu’elle leur est présentée. Lorsque la plainte met en cause le caractère approprié du tribunal conventionnel, la question doit recevoir sa réponse par l’étude des dispositions législatives et conventionnelles. Cette approche me paraît respectueuse tant de la jurisprudence de notre Cour concernant la détermination du tribunal compétent que des textes législatifs et conventionnels, en plus d’être simple, transparente et tout autant sinon davantage apte à protéger les droits des employés que celle proposée par le Syndicat, laquelle ouvre au contraire la porte à des débats procéduraux, débats inutiles à mon avis.
4.2.3 L’article 81.20 L.n.t.
[94] Dans la hiérarchie des normes prévues par la L.n.t., la protection contre le harcèlement psychologique se trouve au haut de l’échelle. Non seulement la norme substantielle est-elle intégrée à la convention collective, mais les délais et la nature de la réparation le sont également. L’article 81.18 énonce la définition, l’art. 81.19 la protection, l’art. 123.7 le délai de dépôt de la plainte, et les art. 123.15 et 123.16 la nature de la réparation.
[95] La dernière phrase du premier alinéa de l’art. 81.20 L.n.t. indique cependant que le législateur envisage la possibilité que les employés ne soient pas tous admissibles à la procédure de griefs. Le premier alinéa de l’art. 81.20 L.n.t. est rédigé ainsi :
81.20. Les dispositions des articles 81.18, 81.19, 123.7, 123.15 et 123.16 sont réputées faire partie intégrante de toute convention collective, compte tenu des adaptations nécessaires. Un salarié visé par une telle convention doit exercer les recours qui y sont prévus, dans la mesure où un tel recours existe à son égard.
Cela signifie que, pour tous les employés bénéficiant de la procédure de griefs, la protection contre le harcèlement doit être mise en œuvre par l’arbitre de griefs : Calcuttawala c. Conseil du Québec — Unite Here, [2006] R.J.D.T. 1472 (C.R.T.), par. 8. Cependant, pour ceux qui n’ont pas accès à une telle procédure, la C.R.T. demeure le tribunal où doit être exercé ce droit. En effet, tout comme pour l’application de l’art. 124 L.n.t., la C.R.T. est désignée comme tribunal subsidiaire exclusif par l’art. 114 C.t. et l’annexe I.
[96] Plus encore que pour l’art. 126.1 L.n.t., le fait de conclure que toutes les normes impératives sont implicitement incorporées aux conventions collectives et que les arbitres ont compétence pour trancher les plaintes fondées sur toutes ces normes créerait une incohérence de textes. Il faudrait conclure que le législateur a édicté un autre texte sans effet.
[97] La formulation de l’art. 81.20 L.n.t. marque bien la distinction que fait le législateur entre la protection substantielle — qui bénéficie à tous — et l’accès à une procédure de réparation. L’accès à une procédure de réparation conventionnelle demeure une question qui peut être négociée par les parties. Il va de soi que les parties ne sauraient convenir qu’un employé ne bénéficiera pas de la protection. Mais il n’existe aucune obligation de mettre à la disposition de tous les employés un tribunal conventionnel. Ainsi, tout comme un employé en probation congédié pour motif disciplinaire n’a souvent pas droit à la procédure de griefs, un employé qui bénéficie de la protection contre le harcèlement peut, en raison des modalités de la convention collective, être tenu de faire valoir son droit devant la C.R.T. L’employé qui croit avoir été victime de harcèlement peut, en l’absence de recours conventionnel, adresser sa plainte à la C.N.T. Si celle-ci n’est pas réglée et est déférée à la C.R.T., l’art. 123.13 permet à la C.N.T. de représenter l’employé et, dans un tel cas, la L.n.t. ne fait pas de distinction entre l’employé syndiqué et celui qui ne l’est pas.
[98] Il est davantage conforme aux principes d’interprétation législative de donner à un texte son sens naturel et d’y voir un choix du législateur. S’il incombe aux tribunaux d’interpréter une loi réparatrice de façon à ce qu’elle atteigne son but, il ne leur est pas permis d’appliquer une approche qui crée des incohérences. Les articles 102, 122 et 81.20 L.n.t. illustrent bien que le législateur a voulu doter tous les employés d’une protection accrue. Cependant, rien n’indique qu’il a considéré que les diverses mesures de protection étaient incorporées implicitement dans toutes les conventions collectives, bien au contraire. Il a prescrit un tribunal unique pour l’application de l’art. 122 L.n.t. et il en a désigné un dans la loi pour l’application de l’art. 124 L.n.t. pour les cas où la convention négociée par les parties n’en prévoit pas. Dans ce cadre législatif, il n’appartient pas à l’arbitre de récrire le texte dont ont convenu les parties ou de procéder à quelque interprétation extensive (« reading in ») que ce soit.
4.2.4 Autres lois québécoises
[99] Bon nombre de lois québécoises portant sur les relations de travail ou d’autres sujets établissent des recours exclusifs, concurrents, résiduels ou subsidiaires. Bien que plusieurs de ces lois aient un caractère impératif, ce seul fait n’implique nullement que leurs dispositions substantielles sont implicitement incorporées aux conventions collectives des employés québécois. Nous avons vu que l’art. 124 L.n.t. institue un tribunal subsidiaire. On trouve un exemple de tribunal concurrent à l’art. 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., ch. A-3.001. Cette disposition prévoit que l’employé syndiqué peut choisir le tribunal conventionnel plutôt que celui prévu à la loi. L’article 32 est rédigé ainsi :
32. L’employeur ne peut congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu’il a été victime d’une lésion professionnelle ou à cause de l’exercice d’un droit que lui confère la présente loi.
Le travailleur qui croit avoir été l’objet d’une sanction ou d’une mesure visée dans le premier alinéa peut, à son choix, recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou soumettre une plainte à la Commission conformément à l’article 253.
La même loi désigne cependant la Commission des lésions professionnelles comme tribunal exclusif relativement à certaines autres matières. Ainsi, aux termes de l’art. 369 :
369. La Commission des lésions professionnelles statue, à l’exclusion de tout autre tribunal :
1° sur les recours formés en vertu des articles 359, 359.1, 450 et 451;
2° sur les recours formés en vertu des articles 37.3 et 193 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S‑2.1).
Plusieurs autres exemples de recours exclusifs se trouvent à l’art. 114 C.t., plus particulièrement celui qui a trait à l’application de la Loi sur l’équité salariale, L.R.Q., ch. E-12.001.
[100] En somme, avant de conclure qu’une disposition impérative est incorporée à une convention collective, il faut, comme la Juge en chef le dit dans Morin, examiner le régime législatif applicable à cette disposition. Dans le cas de l’art. 124 L.n.t., l’incorporation à la convention collective ne ressort ni de l’analyse de la L.n.t. ni de celle du C.t. Le respect de la procédure d’arbitrage n’emporte pas la conclusion qu’elle revêt un caractère d’ordre public comme le soutient le Syndicat. Le monopole de représentation est confié aux syndicats par le législateur. Ce que les dispositions législatives que j’ai examinées ci-dessus indiquent est que ce même législateur peut désigner une juridiction autre qu’un arbitre lorsqu’il l’estime approprié.
4.3 Conclusion sur l’analyse des dispositions législatives
[101] La L.n.t. est, nous l’avons vu, une loi d’ordre public (art. 93 L.n.t.). De plus, le C.t. (art. 62) prescrit que « [l]a convention collective peut contenir toute disposition relative aux conditions de travail qui n’est pas contraire à l’ordre public ni prohibée par la loi. » La convention collective ne peut donc pas contenir de norme prohibée par la L.n.t. ou qui représente une protection moindre. Un employeur ne peut pas congédier un employé sans une cause juste et suffisante si ce dernier justifie d’au moins deux ans de service continu au sens de la L.n.t. Toutefois, rien n’impose aux parties l’obligation de confier à l’arbitre nommé aux termes de la convention collective la responsabilité de mettre en œuvre cette protection. En d’autres termes, une convention collective ne pourrait prévoir que l’employeur peut à son gré congédier une personne qui cumule deux ans de service continu. Cette disposition serait tenue pour nulle. Cependant, la norme prévue à la L.n.t. ne serait pas pour autant incorporée à la convention collective. L’arbitre est lié par la convention collective et par le C.t., plus particulièrement par l’art. 100.12, par. a) C.t., lequel précise que l’arbitre peut « interpréter et appliquer une loi ou un règlement dans la mesure où il est nécessaire de le faire pour décider d’un grief ». Cette compétence présuppose que le grief a un fondement dans la convention collective.
[102] Mon collègue le juge LeBel est également d’avis que la norme de l’art. 124 L.n.t. n’est pas incorporée à la convention collective par application de la technique de l’interprétation extensive (« reading in »). Il conclut plutôt à la compétence de l’arbitre en recourant à la technique de l’interprétation atténuante (« reading out »). À mon avis, cette seconde technique soulève les mêmes difficultés que la première. Toute créative qu’elle soit, cette approche est susceptible de causer plus d’inconvénients qu’elle n’apporte de bénéfices. Je préfère donc une interprétation qui donne un sens aux textes législatifs et conventionnels.
[103] Je souligne finalement que les dispositions conférant à l’arbitre de griefs et à la C.R.T. leur compétence respective se trouvent dans la même loi, le C.t. (aux art. 100 et 114). Si la procédure applicable à tous les employés syndiqués qui veulent se prévaloir de l’art. 124 L.n.t. était celle prévue par leur convention, il aurait été logique de s’attendre à ce que le législateur le dise clairement. La technique utilisée dans la loi ontarienne sur les relations de travail (al. 48(12)j) de la Loi de 1995 sur les relations de travail, L.O. 1995, ch. 1, ann. A) étudiée dans Parry Sound (district), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42, [2003] 2 R.C.S. 157, donne un tel résultat. Le législateur québécois n’a pas fait ce choix à l’art. 100.12, par. a) C.t. et à l’art. 124 L.n.t. Il a plutôt laissé aux parties la liberté d’inclure cette procédure dans la convention, tout en s’assurant qu’aucun employé ne soit privé de recours.
4.4 La nature du litige
[104] Jusqu’à présent, je me suis attachée à rechercher l’intention du législateur. L’arrêt Morin propose aussi d’étudier la nature du litige pour déterminer s’il relève exclusivement de l’arbitre de griefs. En l’espèce, cette étape n’apporte aucun élément qui pourrait influer sur cette décision. En effet, en matière de plainte de congédiement, l’arbitre possède une expertise reconnue. Cependant, la C.R.T. a elle aussi une expertise reconnue. Non seulement la C.R.T. est-elle le tribunal subsidiaire exclusif désigné par la L.n.t., mais l’analyse de sa constitution confirme également son expertise. Ainsi, l’auteur Robert P. Gagnon décrit la C.R.T. comme « un tribunal spécialisé exerçant une compétence civile d’attribution qui lui est dévolue à la fois par le Code du travail lui-même et par d’autres lois » (Le droit du travail du Québec (6e éd. 2008), p. 275). Ce même auteur mentionne que la réforme de 2001 « a réuni sous la compétence unique, exclusive et finale de la C.R.T. l’exercice des recours à caractère individuel formés en vertu de quelque 25 lois » (p. 281-282). De plus, pour être nommé commissaire à la C.R.T., une personne doit connaître la législation applicable et posséder 10 années d’expérience dans les matières qui sont du ressort de la C.R.T. (art. 137.12 C.t.). Par ailleurs, la C.R.T. a compétence exclusive sur les recours pour congédiement résultant de pratiques illégales (art. 123 L.n.t. et art. 16 et 114 C.t.); de plus, elle entend tous les recours des employés, syndiqués ou non, fondés sur l’art. 124 L.n.t., lorsque ceux-ci ne disposent pas d’autre recours de même nature. De ce fait, la C.R.T. possède, en matière de révision des décisions des employeurs, une expertise indéniable pour déterminer si le motif invoqué par l’employeur constitue une cause autre qu’une pratique illégale et aussi pour décider si un congédiement est fondé sur une cause juste et suffisante.
4.5 Les arrêts McLeod, Parry Sound et Isidore Garon
[105] Le Syndicat soutient que trois arrêts de la Cour concluent à l’incorporation implicite aux conventions collectives des normes impératives prévues par les lois canadiennes : McLeod c. Egan, [1975] 1 R.C.S. 517; Parry Sound; et Isidore Garon ltée c. Tremblay, 2006 CSC 2, [2006] 1 R.C.S. 27. Aucun de ces arrêts ne traite de la question du tribunal chargé de faire respecter les droits concernés. Il s’agissait plutôt d’affaires où l’application de la protection substantielle était en cause.
[106] Dans l’affaire McLeod, émanant de l’Ontario, l’arbitre avait conclu que la clause de gérance figurant dans la convention valait consentement de la part de l’employé à effectuer des heures supplémentaires au-delà de la limite prescrite par la loi intitulée Employment Standards Act, 1968, S.O. 1968, ch. 35. Le consentement de l’employé était une exception à la protection expressément prévue par cette loi. L’arbitre avait donc interprété l’exception, non pas en faveur de l’employé, mais en faveur de l’employeur. Il avait incorporé implicitement à la convention collective une exception à l’application de la norme. Notre Cour a jugé que la clause de gérance ne pouvait être interprétée comme tenant lieu de consentement implicite de la part de l’employé. Dans cet arrêt, la Cour a aussi énoncé le principe que toute disposition d’une convention collective censée conférer à l’employeur le droit absolu d’obliger un employé à travailler des heures supplémentaires serait illégale. Une telle conclusion est tout à fait compatible avec les art. 93 L.n.t. et 62 C.t.
[107] Dans Parry Sound, non seulement la loi ontarienne sur les relations de travail n’imposait-elle pas de forum exclusif, mais, à la différence de l’art. 100.12, par. a) C.t., elle prévoyait que l’arbitre avait compétence pour interpréter et appliquer « les lois ayant trait aux droits de la personne ainsi que les autres lois ayant trait à l’emploi » (al. 48(12)j)). Au surplus, toutes les normes relatives à l’emploi étaient incorporées dans les conventions collectives (par. 64.5(1) de la Loi sur les normes d’emploi, L.R.O. 1990, ch. E.14).
[108] Dans Isidore Garon, affaire émanant du Québec, il s’agissait de déterminer si les employés couverts par un régime collectif du travail étaient régis par la norme prévue par le Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64. L’interprétation voulant que toutes les normes impératives soient automatiquement et implicitement incorporées aux conventions collectives fut rejetée par la majorité. La compétence de l’arbitre a été décrite ainsi (par. 61) :
S’il n’y a pas incompatibilité et que la disposition peut être considérée comme implicitement incluse dans la convention collective, l’arbitre aura compétence pour trancher les différends s’y rapportant.
[109] Dans le dossier Messaoudan, l’arbitre Laplante a estimé que l’art. 124 L.n.t. était incompatible avec les dispositions de la convention collective qui n’accordaient pas aux employés temporaires, en stage probatoire, le droit de contester leur congédiement devant un tribunal d’arbitrage. Le critère de la compatibilité est utile pour déterminer si un employé syndiqué peut invoquer le bénéfice d’une protection législative. Telle n’est cependant pas la question dont nous sommes saisis, car personne ne conteste que tout employé bénéficie d’une protection contre un congédiement effectué sans une cause juste et suffisante. En l’espèce, à la différence des questions qui se posaient dans McLeod, Parry Sound et Isidore Garon, le litige porte sur la détermination du tribunal chargé de la mise en œuvre de la protection. À cette fin, il faut, suivant les arrêts Weber, Regina Police et Morin, interpréter la L.n.t. et examiner la nature du litige.
5. Application des principes aux faits des deux pourvois
[110] La convention collective qui s’applique dans chacun des deux dossiers en cause contient une disposition décrivant la compétence de l’arbitre. Il s’agit de la clause 3-13.05, qui est rédigée ainsi :
3‑13.05 L’arbitre décide des griefs conformément aux dispositions de la présente convention collective. Il n’a pas le pouvoir de la modifier, d’y ajouter, d’y soustraire ou d’y suppléer. L’arbitre ne peut accorder de dommages-intérêts dans le cas de congédiement administratif ou de mesures disciplinaires.
[111] L’arbitre qui est saisi du grief d’un employé se plaignant d’un congédiement injustifié dispose de larges pouvoirs. Il peut vérifier le bien-fondé de la décision et la maintenir ou l’annuler (clause 4-14.16). Les clauses 4-14.28 et 5-17.04 de la convention collective limitent cependant l’accès à la procédure de griefs. Ces limites affectent les deux employés visés dans les présents dossiers. Ces clauses ne sont pas contraires à l’ordre public, car elles ne privent pas les employés de la protection prévue à l’art. 124 L.n.t. Ni la L.n.t. ni le C.t. n’interdisent de limiter l’accès à la procédure de griefs.
[112] Les parties n’ont pas intégré de façon générale à leur convention collective les normes établies par la L.n.t. Dans le contexte qui nous occupe, il est intéressant de constater qu’elles y ont cependant intégré une norme externe, la protection contre la discrimination incorporant les motifs prévus à la Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., ch. C-12 (clause 1-4.14).
[113] En l’espèce, pour être en mesure de conclure à l’existence du droit à la procédure de griefs, il faudrait reformuler le texte de la clause d’arbitrage. Une telle opération soulève une question plus vaste. On pourrait en effet se demander si le droit au grief serait ouvert aux employés en stage probatoire et aux autres employés à statut précaire à l’égard de toutes les normes d’emploi, ou à l’égard de certaines seulement et si les art. 81.20 et 102 L.n.t. seraient touchés par cette reformulation. On se souviendra que, dans le cas de l’art. 81.20 L.n.t., le législateur a prévu ce qui est incorporé à la convention collective, mais le recours à l’arbitrage n’est ouvert que dans la mesure où la convention collective y pourvoit. Dans le cas de l’art. 102, les recours de la convention collective doivent avoir été épuisés. En somme, l’exercice de reformulation est susceptible d’entraîner des conséquences sur plusieurs autres dispositions de la convention collective. Je ne crois pas qu’un tel exercice soit requis ici. Nulle part la L.n.t. n’impose l’obligation d’insérer dans la convention collective l’accès à la procédure de grief pour toutes les normes qu’elle établit. Bien au contraire, la L.n.t. établit un recours pour les cas où la convention n’en prévoit pas.
[114] On ne nous demande pas simplement ici — comme c’était le cas dans McLeod — d’interpréter les droits patronaux conformément à une norme qui serait applicable dans un régime de négociation collective, mais plutôt de nous substituer aux parties pour conférer à l’arbitre une compétence qu’il n’a pas aux termes de la convention collective.
6. Conclusion
[115] La recherche de l’intention du législateur démontre que l’art. 124 L.n.t. ne peut être incorporé implicitement aux conventions collectives. Aucune interprétation extensive (« reading in ») n’est requise ni même autorisée par la L.n.t., le C.t. ou la convention collective. Une interprétation atténuée (« reading out ») n’est pas davantage de mise. Les limites à la procédure d’arbitrage ne sont pas contraires à l’ordre public parce qu’elles ne privent pas les employés de la protection de la norme et du recours prévus à la L.n.t. La reformulation de la convention collective reposerait sur l’hypothèse que le législateur a rédigé la L.n.t. de façon incohérente. Elle tiendrait aussi pour acquis que le législateur québécois a retenu le modèle de la compétence exclusive de l’arbitre pour tous les litiges liés à l’application des normes législatives impératives. Ces hypothèses ne sont pas fondées. Les parties à une convention collective ont la faculté d’intégrer une protection adéquate qui a pour effet d’écarter le tribunal subsidiaire prévu à l’art. 124 L.n.t. Cette faculté n’a toutefois pas été exercée pour les employés concernés dans les présents pourvois.
[116] Le rôle des tribunaux est d’interpréter les lois d’une manière conforme à leur objet. La L.n.t. est une loi adoptée pour protéger les employés. L’interprétation retenue dans les présents motifs permet de réaliser cet objet de façon simple — en se reportant au texte et en évitant des débats artificiels. La L.n.t. a emprunté au régime de négociation collective une protection figurant dans de nombreuses conventions collectives. Rien ne justifie aujourd’hui d’appliquer un raisonnement qui ferait en sorte que toutes les conventions collectives devraient impérativement contenir cette protection. En fait, la réserve faite pour les cas où les conventions collectives comportent une protection adéquate reflète cette réalité historique. Pas plus le C.t. que la L.n.t. ou les conventions collectives ne comportent de lacune qu’une interprétation judiciaire devrait combler. Par ailleurs, la L.n.t. constitue déjà, on l’a vu, un chantier législatif. Il ne conviendrait pas d’accepter une interprétation qui aurait pour effet de créer des failles dans un édifice érigé au terme de longs débats. Le législateur est libre d’intervenir pour ouvrir de nouvelles voies de recours, tant pour l’art. 124 L.n.t. que pour les autres normes. C’est à lui qu’il revient de le faire.
[117] Je rejetterais les deux appels avec dépens.
ANNEXE
Loi sur les normes du travail, L.R.Q., ch. N-1.1
1. Dans la présente loi, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :
. . .
4° « convention » : un contrat individuel de travail, une convention collective au sens du paragraphe d de l’article 1 du Code du travail (chapitre C‑27) ou toute autre entente relative à des conditions de travail, y compris un règlement du gouvernement qui y donne effet;
10° « salarié » : une personne qui travaille pour un employeur et qui a droit à un salaire; ce mot comprend en outre le travailleur partie à un contrat en vertu duquel :
i. il s’oblige envers une personne à exécuter un travail déterminé dans le cadre et selon les méthodes et les moyens que cette personne détermine;
ii. il s’oblige à fournir, pour l’exécution du contrat, le matériel, l’équipement, les matières premières ou la marchandise choisis par cette personne, et à les utiliser de la façon qu’elle indique;
iii. il conserve, à titre de rémunération, le montant qui lui reste de la somme reçue conformément au contrat, après déduction des frais d’exécution de ce contrat;
12° « service continu » : la durée ininterrompue pendant laquelle le salarié est lié à l’employeur par un contrat de travail, même si l’exécution du travail a été interrompue sans qu’il y ait résiliation du contrat, et la période pendant laquelle se succèdent des contrats à durée déterminée sans une interruption qui, dans les circonstances, permette de conclure à un non‑renouvellement de contrat.
81.20. Les dispositions des articles 81.18, 81.19, 123.7, 123.15 et 123.16 sont réputées faire partie intégrante de toute convention collective, compte tenu des adaptations nécessaires. Un salarié visé par une telle convention doit exercer les recours qui y sont prévus, dans la mesure où un tel recours existe à son égard.
En tout temps avant le délibéré, une demande conjointe des parties à une telle convention peut être présentée au ministre en vue de nommer une personne pour entreprendre une médiation.
Les dispositions visées au premier alinéa sont aussi réputées faire partie des conditions de travail de tout salarié nommé en vertu de la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1) qui n’est pas régi par une convention collective. Ce salarié doit exercer le recours en découlant devant la Commission de la fonction publique selon les règles de procédure établies conformément à cette loi. La Commission de la fonction publique exerce à cette fin les pouvoirs prévus aux articles 123.15 et 123.16 de la présente loi.
Le troisième alinéa s’applique également aux membres et dirigeants d’organismes.
93. Sous réserve d’une dérogation permise par la présente loi, les normes du travail contenues dans la présente loi et les règlements sont d’ordre public.
Une disposition d’une convention ou d’un décret qui déroge à une norme du travail est nulle de nullité absolue.
102. Sous réserve des articles 123 et 123.1, un salarié qui croit avoir été victime d’une atteinte à un droit conféré par la présente loi ou un règlement peut adresser, par écrit, une plainte à la Commission. Une telle plainte peut aussi être adressée, pour le compte d’un salarié qui y consent par écrit, par un organisme sans but lucratif de défense des droits des salariés.
Si un salarié est assujetti à une convention collective ou à un décret, le plaignant doit alors démontrer à la Commission qu’il a épuisé les recours découlant de cette convention ou de ce décret, sauf lorsque la plainte porte sur une condition de travail interdite par l’article 87.1; dans ce dernier cas, le plaignant doit plutôt démontrer à la Commission qu’il n’a pas utilisé ces recours ou que, les ayant utilisés, il s’en est désisté avant qu’une décision finale n’ait été rendue.
122. Il est interdit à un employeur ou à son agent de congédier, de suspendre ou de déplacer un salarié, d’exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou des représailles ou de lui imposer toute autre sanction :
1° à cause de l’exercice par ce salarié d’un droit, autre que celui visé à l’article 84.1, qui lui résulte de la présente loi ou d’un règlement;
1.1° en raison d’une enquête effectuée par la Commission dans un établissement de cet employeur;
2° pour le motif que ce salarié a fourni des renseignements à la Commission ou à l’un de ses représentants sur l’application des normes du travail ou qu’il a témoigné dans une poursuite s’y rapportant;
3° pour la raison qu’une saisie-arrêt a été pratiquée à l’égard du salarié ou peut l’être;
3.1° pour le motif que le salarié est un débiteur alimentaire assujetti à la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires (chapitre P-2.2);
4° pour la raison qu’une salariée est enceinte;
5° dans le but d’éluder l’application de la présente loi ou d’un règlement;
6° pour le motif que le salarié a refusé de travailler au-delà de ses heures habituelles de travail parce que sa présence était nécessaire pour remplir des obligations reliées à la garde, à la santé ou à l’éducation de son enfant ou de l’enfant de son conjoint, ou en raison de l’état de santé de son conjoint, de son père, de sa mère, d’un frère, d’une sœur ou de l’un de ses grands-parents, bien qu’il ait pris les moyens raisonnables à sa disposition pour assumer autrement ces obligations.
Un employeur doit, de son propre chef, déplacer une salariée enceinte si les conditions de travail de cette dernière comportent des dangers physiques pour elle ou pour l’enfant à naître. La salariée peut refuser ce déplacement sur présentation d’un certificat médical attestant que ces conditions de travail ne présentent pas les dangers allégués.
123. Un salarié qui croit avoir été victime d’une pratique interdite en vertu de l’article 122 et qui désire faire valoir ses droits doit le faire auprès de la Commission des normes du travail dans les 45 jours de la pratique dont il se plaint.
Si la plainte est soumise dans ce délai à la Commission des relations du travail, le défaut de l’avoir soumise à la Commission des normes du travail ne peut être opposé au plaignant.
124. Le salarié qui justifie de deux ans de service continu dans une même entreprise et qui croit avoir été congédié sans une cause juste et suffisante peut soumettre sa plainte par écrit à la Commission des normes du travail ou la mettre à la poste à l’adresse de la Commission des normes du travail dans les 45 jours de son congédiement, sauf si une procédure de réparation, autre que le recours en dommages-intérêts, est prévue ailleurs dans la présente loi, dans une autre loi ou dans une convention.
Si la plainte est soumise dans ce délai à la Commission des relations du travail, le défaut de l’avoir soumise à la Commission des normes du travail ne peut être opposé au plaignant.
125. Sur réception de la plainte, la Commission des normes du travail peut, avec l’accord des parties, nommer une personne qui tente de régler la plainte à la satisfaction des intéressés. Les deuxième et troisième alinéas de l’article 123.3 s’appliquent aux fins du présent article.
La Commission des normes du travail peut exiger de l’employeur un écrit contenant les motifs du congédiement du salarié. Elle doit, sur demande, fournir une copie de cet écrit au salarié.
126. Si aucun règlement n’intervient à la suite de la réception de la plainte par la Commission des normes du travail, cette dernière défère sans délai la plainte à la Commission des relations du travail.
126.1. La Commission des normes du travail peut, dans une instance relative à la présente section, représenter un salarié qui ne fait pas partie d’un groupe de salariés visé par une accréditation accordée en vertu du Code du travail (chapitre C-27).
Code du travail, L.R.Q., ch. C-27
1. Dans le présent code, à moins que le contexte ne s’y oppose, les termes suivants signifient :
. . .
f) « grief » : toute mésentente relative à l’interprétation ou à l’application d’une convention collective;
. . .
62. La convention collective peut contenir toute disposition relative aux conditions de travail qui n’est pas contraire à l’ordre public ni prohibée par la loi.
100. Tout grief doit être soumis à l’arbitrage en la manière prévue dans la convention collective si elle y pourvoit et si l’association accréditée et l’employeur y donnent suite; sinon il est déféré à un arbitre choisi par l’association accréditée et l’employeur ou, à défaut d’accord, nommé par le ministre.
L’arbitre nommé par le ministre est choisi sur la liste prévue à l’article 77.
Sauf disposition contraire, les dispositions de la présente section prévalent, en cas d’incompatibilité, sur les dispositions de toute convention collective.
100.12. Dans l’exercice de ses fonctions l’arbitre peut :
a) interpréter et appliquer une loi ou un règlement dans la mesure où il est nécessaire de le faire pour décider d’un grief;
. . .
114. La Commission est chargée d’assurer l’application diligente et efficace du présent code et d’exercer les autres fonctions que celui-ci et toute autre loi lui attribuent.
Sauf pour l’application des dispositions prévues aux articles 111.0.1 à 111.2, 111.10 à 111.20 et au chapitre IX, la Commission connaît et dispose, à l’exclusion de tout tribunal, d’une plainte alléguant une contravention au présent code, de tout recours formé en application des dispositions du présent code ou d’une autre loi et de toute demande qui lui est faite conformément au présent code ou à une autre loi. Les recours formés devant la Commission en application d’une autre loi sont énumérés à l’annexe I.
À ces fins, la Commission exerce les fonctions, pouvoirs et devoirs qui lui sont attribués par le présent code et par toute autre loi.
ANNEXE I
En plus des recours formés en vertu du présent code, la Commission connaît et dispose des recours formés en vertu :
. . .
15° des articles 86.1, 123.4, 123.9, 123.12 et 126 de la Loi sur les normes du travail (chapitre N-1.1);
Loi sur les normes d’emploi, L.R.O. 1990, ch. E.14
64.5 (1) Si un employeur conclut une convention collective, la Loi s’applique à l’employeur à l’égard des questions suivantes comme si elle faisait partie de la convention collective :
1. Une contravention à la Loi, ou l’inobservation de celle-ci, qui est commise pendant que la convention collective est en vigueur.
. . .
(2) L’employé à qui une convention collective s’applique (y compris l’employé qui n’est pas membre du syndicat) n’a pas le droit de déposer ni de maintenir une plainte en vertu de la Loi.
(3) Malgré le paragraphe (2), le directeur peut permettre à un employé de déposer ou de maintenir une plainte en vertu de la Loi s’il estime qu’il est opportun de ce faire dans les circonstances.
(4) L’employé à qui une convention collective s’applique (y compris l’employé qui n’est pas membre du syndicat) est lié par une décision prise par le syndicat relativement à l’application de la Loi en vertu de la convention, y compris une décision de ne pas tenter d’appliquer la Loi.
. . .
Loi de 1995 sur les relations de travail, L.O. 1995, ch. 1, ann. A
48. (1) Chaque convention collective contient une disposition sur le règlement, par voie de décision arbitrale définitive et sans interruption du travail, de tous les différends entre les parties que soulèvent l’interprétation, l’application, l’administration ou une prétendue violation de la convention collective, y compris la question de savoir s’il y a matière à arbitrage.
. . .
(12) L’arbitre ou le président d’un conseil d’arbitrage, selon le cas, a le pouvoir :
. . .
j) d’interpréter et d’appliquer les lois ayant trait aux droits de la personne ainsi que les autres lois ayant trait à l’emploi, malgré toute incompatibilité entre ces lois et les conditions de la convention collective.
Convention collective de travail des fonctionnaires intervenue entre le gouvernement du Québec et le Syndicat de la fonction publique du Québec, 1998-2002
1-4.14 Les parties conviennent que tout employé a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne et qu’à cette fin il n’y aura aucune menace, contrainte, discrimination ou harcèlement par l’employeur, le syndicat ou leurs représentants respectifs, contre un employé pour l’un ou l’autre des motifs prévus à la Charte des droits et libertés de la personne ou pour son état de grossesse ou pour l’exercice d’un droit que lui reconnaît la présente convention collective.
Les mécanismes prévus à la Charte des droits et libertés de la personne constituent pour l’employé l’unique recours utile lorsqu’il invoque l’un des motifs mentionnés à ladite Charte. Toutefois, ce recours ne peut limiter la preuve qui peut être faite devant l’arbitre de griefs lors de l’audition d’un grief.
3‑13.05 L’arbitre décide des griefs conformément aux dispositions de la présente convention collective. Il n’a pas le pouvoir de la modifier, d’y ajouter, d’y soustraire ou d’y suppléer. L’arbitre ne peut accorder de dommages-intérêts dans le cas de congédiement administratif ou de mesures disciplinaires.
4-14.16 L’employé peut dans les trente (30) jours suivant l’entrée en vigueur de sa rétrogradation ou de son congédiement, recourir à la procédure de règlement de griefs pour contester le bien-fondé des motifs donnés par le sous-ministre.
Seuls les faits se rapportant aux motifs mentionnés dans l’écrit peuvent être allégués à l’occasion d’un arbitrage.
L’arbitre peut maintenir ou annuler la décision rendue.
Dans le cas où l’arbitre maintient la rétrogradation, il peut, à la demande du plaignant, demander au Président du Conseil du trésor de lui donner un avis sur le classement qu’il juge le plus en rapport avec les aptitudes de l’employé après les avoir vérifiées.
Sur réception de l’avis, l’arbitre peut ordonner que la rétrogradation déjà effectuée soit remplacée par une autre qui se fait à la classe d’emplois indiquée dans l’avis du Président du Conseil du trésor.
4-14.21 Toute mesure disciplinaire peut faire l’objet d’un grief de la part de l’employé à qui elle est imposée, conformément à la procédure de règlement de griefs sous réserve que les griefs de suspension et de congédiement sont soumis dans les trente (30) jours suivant la date d’entrée en vigueur de la suspension ou du congédiement.
4-14.28 Les dispositions de la présente section s’appliquent à l’employé occasionnel ou saisonnier de la façon suivante :
- les dispositions des articles 4-14.01 à 4-14.06 ne s’appliquent qu’à l’employé saisonnier ou occasionnel embauché pour une période d’un (1) an ou plus et ce, pour les périodes effectivement travaillées;
- les dispositions des articles 4-14.07 à 4-14.20 ne s’appliquent pas à l’employé occasionnel ou saisonnier;
- les dispositions des articles 4-14.21 à 4-14.27 ne s’appliquent qu’à l’employé saisonnier ou occasionnel embauché pour une période d’un (1) an ou plus.
Malgré ce qui précède, les dispositions des articles 4-14.01 à 4-14.06 et 4-14.21 à 4-14.27 s’appliquent à l’employé occasionnel embauché pour une période de moins d’un (1) an qui a douze (12) mois de service et plus.
5-17.04 La décision du sous-ministre de mettre fin à l’emploi d’un employé temporaire au cours ou à la fin du stage probatoire prévu à l’article 13 de la Loi sur la fonction publique ou à la Directive concernant la classification des emplois de la fonction publique et sa gestion, ne peut faire l’objet d’un grief sauf si sa décision a pour but d’éluder l’application du deuxième alinéa du présent article.
Toutefois, après ce stage probatoire, le sous-ministre ne peut procéder à la mise à pied d’un employé temporaire que pour la raison qu’il y a manque de travail ou par suite d’une réduction d’effectifs ou en application des dispositions du chapitre 6-0.00.
Pourvois accueillis avec dépens, la juge en chef McLachlin et les juges Binnie, Deschamps et Rothstein sont dissidents.
Procureurs de l’appelant : Grondin, Poudrier, Bernier, Québec.
Procureur de l’intimé : Procureur général du Québec, Montréal.
Procureurs de l’intervenante la Commission des normes du travail : Poirier, Rivest, Fradette, Montréal.
Procureurs de l’intervenante la Confédération des syndicats nationaux : Pepin et Roy Avocats, Montréal.