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COUR SUPRÊME DU CANADA

 

 

Référence R. c. White, 2010 CSC 59, [2010] 3 R.C.S. 374

Date : 20101117

Dossier : 33330

 

Entre :

John (Jack) Robert White

Demandeur

et

Sa Majesté la Reine

Intimée

 

Traduction française officielle

 

Coram : Les juges Binnie, Fish et Charron

 

Motifs de jugement :

(demande de fixation du tarif des honoraires)

(par. 1 à 7)

Le juge Binnie (avec l’accord des juges Fish et Charron)


 

R. c. White, 2010 CSC 59, [2010] 3 R.C.S. 374

 

John (Jack) Robert White                                                                            Demandeur

c.

Sa Majesté la Reine                                                                                            Intimée

 

Répertorié : R. c. White

 

2010 CSC 59

 

No du greffe : 33330.

 

2010 : 17 novembre.

 

Présents : Les juges Binnie, Fish et Charron.

 

demande de fixation du tarif des honoraires

 

            Droit criminel — Avocats et procureurs — Avocat désigné par la Cour — Fixation des honoraires des avocats — Avocat désigné par la Cour suprême du Canada en vertu du Code criminel  — Désaccord entre les parties quant aux honoraires devant être payés aux avocats par le procureur général — Doit-on appliquer le tarif de l’aide juridique provinciale ou est-ce que l’examen de ce qui est juste et raisonnable dans les circonstances constitue la bonne méthode pour déterminer les honoraires payables? — Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, art. 694.1 .

 

Jurisprudence

 

            Arrêts mentionnés : R. c. Cairenius (2008), 232 C.C.C. (3d) 13; R. c. Magda, [2001] O.J. No. 1861 (QL); Egan c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 513; Alberta (Chief Commissioner of the Human Rights and Citizenship Commission) c. Brewer, C.S.C., no 32695, 25 août 2009 (reproduit dans le Bulletin des procédures de la Cour suprême du Canada, 19 février 2010, p. 224); R. c. Pietrangelo, 2008 ONCA 547, [2008] O.J. No. 5137 (QL); R. c. Kumar (inscription de la Cour d’appel d’Ontario, C48821, 2 octobre 2008), R. c. C.M. (inscription de la Cour d’appel d’Ontario, C36764/M36765, 24 octobre 2008); R. c. Hanemaayer (inscription de la Cour d’appel d’Ontario, C48928, 13 janvier 2009).

 

Lois et règlements cités

Code criminel , L.R.C. 1985, ch. C‑46 , art. 684(3) , 694 , 694.1 .

            DEMANDE de fixation du tarif des honoraires. Demande accueillie.

 

            James Lockyer et Joanne McLean, pour le demandeur.

 

            Jennifer M. Woollcombe, pour l’intimée.

            Version française du jugement de la Cour rendu par

[1]        Le juge Binnie — Il s’agit d’une demande fondée sur l’art. 694  du Code criminel , L.R.C. 1985, ch. C-46 , sollicitant la fixation du tarif des honoraires de l’avocat désigné par la Cour, en application du par. 694.1(1), pour représenter le demandeur, qui a été reconnu coupable d’agression sexuelle à l’issue d’un procès où, selon ses dires, on lui a refusé l’assistance effective d’un avocat. Dans son ordonnance datée du 3 décembre 2009, la Cour a accueilli la demande de désignation d’un avocat pour les procédures devant la Cour et pour « toute procédure devant la Cour d’appel de l’Ontario ». La Cour a renvoyé l’affaire à la Cour d’appel de l’Ontario pour que celle-ci examine les nouveaux éléments de preuve et décide si, eu égard à l’ensemble des circonstances, le maintien de la déclaration de culpabilité du demandeur constitue une erreur judiciaire. L’article 694.1 est rédigé ainsi :

 

694.1 (1) [Assistance d’un avocat] La Cour suprême du Canada, ou l’un de ses juges, peut à tout moment désigner un avocat pour agir au nom d’un accusé qui est partie à un appel ou à des procédures préliminaires ou accessoires à un appel devant elle, lorsque, à son avis, il paraît désirable dans l’intérêt de la justice que l’accusé soit pourvu d’un avocat et lorsqu’il appert que l’accusé n’a pas les moyens requis pour obtenir l’assistance d’un avocat.

 

(2) [Honoraires et dépenses] Dans le cas où l’accusé ne bénéficie pas de l’aide juridique prévue par un régime provincial, le procureur général en cause paie les honoraires et les dépenses de l’avocat désigné au titre du paragraphe (1).

 

(3) [Taxation des honoraires et des dépenses] Dans le cas de l’application du paragraphe (2), le registraire de la Cour suprême du Canada peut, sur demande du procureur général ou de l’avocat, taxer les honoraires et les dépenses de l’avocat si le procureur général et ce dernier ne s’entendent pas sur leur montant.

[2]        Le procureur général a consenti à la désignation de James Lockyer à titre d’avocat principal et de Joanne McLean comme avocate adjointe. Bien que Aide juridique Ontario (AJO) ait refusé de délivrer un certificat d’aide juridique en l’espèce, les parties ont convenu que AJO administrerait et gérerait le compte comme si un tel certificat avait été délivré. Les politiques et les procédures d’AJO, ainsi que ses règles et pratiques en matière de facturation, s’appliquent donc. Les parties ne sont toutefois pas parvenues à s’entendre sur le tarif des honoraires payables aux avocats. Me Lockyer sollicite des honoraires de 225 $ l’heure pour lui-même et de 175 $ l’heure pour Me McLean. Le procureur général propose que les honoraires des avocats correspondent au tarif de l’aide juridique pour les dossiers complexes (ce tarif est maintenant de 120,02 $ l’heure). La demande qui avait été adressée au registraire pour qu’il fixe le tarif des honoraires des avocats avant la taxation nous a été déférée par ce dernier, étant donné que notre formation avait été saisie de la demande d’autorisation originale.

 

[3]        Selon le procureur général, il faut présumer que le tarif de l’aide juridique constitue, en règle générale, la mesure des honoraires d’un avocat payé sur les deniers publics (se fondant sur R. v. Cairenius (2008), 232 C.C.C. (3d) 13 (C.S.J. Ont.), et R. c. Magda, [2001] O.J. No. 1861 (QL) (C.S.J.), par. 56), mais le par. 694.1(3) ne prévoit aucune limite de cette nature. Le ministère public fixe unilatéralement ce tarif en fonction de ses propres politiques et priorités, et sa décision à cet égard ne saurait être, à notre avis, jugée déterminante, quoiqu’il  s’agisse d’un facteur important à prendre en considération. Comme l’a affirmé le juge Sopinka dans Egan c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 513, « [l]a Cour ferait preuve d’un manque de réalisme si elle présumait qu’il existe des ressources inépuisables pour répondre aux besoins de chacun » (par. 104).

 

[4]        La décision prise en application du par. 694.1(3) doit reposer sur un examen plus général de ce qui est juste et raisonnable dans les circonstances, y compris les limites du financement accordé par l’État. Il faut cependant tenir compte de facteurs comme l’expérience de l’avocat, l’importance des questions en jeu et la complexité du dossier; voir Alberta (Chief Commissioner of the Human Rights and Citizenship Commission) c. Brewer (C.S.C., no 32695, une décision en matière de taxation rendue le 25 août 2009 par le registraire de la Cour suprême du Canada) et R. c. Pietrangelo, 2008 ONCA 547, [2008] O.J. No. 5137 (QL).

 

[5]        Le procureur général a fait plusieurs concessions en l’espèce et a dit notamment s’attendre à ce que la Cour d’appel ordonne la tenue d’un nouveau procès (mémoire, par. 2). Les questions sont assez complexes, car elles ont déjà donné lieu à un procès, à une longue procédure d’arbitrage, à un appel à la Cour divisionnaire de l’Ontario, à trois appels à la Cour d’appel de l’Ontario, ainsi qu’à deux demandes et un appel à la Cour. Par ailleurs, le procureur général signale, dans son mémoire, que l’affaire a été renvoyée sur consentement à la Cour d’appel de l’Ontario et que [traduction] « le ministère public a reconnu, avant que les avocats n’aient déposé quelque document que ce soit à la Cour d’appel, qu’il y avait lieu d’annuler la déclaration de culpabilité et de corriger cette erreur judiciaire potentielle par la tenue d’un nouveau procès » (par. 29). Ces concessions ont certainement réduit l’ampleur des tâches requises des avocats du demandeur, et (indubitablement) le temps nécessaire pour trouver une solution au litige. Toutefois, il ne faudrait pas pénaliser les avocats en réduisant leur tarif horaire du fait que le litige sera réglé de manière efficiente. Cette efficience se manifestera par la facturation d’un moins grand nombre d’heures. 

 

[6]        Me Lockyer et sa collègue, Me McLean, comptent respectivement plus de 30 ans et de 20 ans d’expérience, et ils tous deux ont exercé exclusivement le droit criminel durant toute leur carrière.  Dans le cadre de demandes fondées sur le régime comparable établi au par. 684(3) du Code en matière d’honoraires et de dépenses, le greffier et le juge Rosenberg de la Cour d’appel de l’Ontario ont déjà fixé des tarifs d’honoraires équivalents ou supérieurs à ceux sollicités par l’avocat en l’espèce; voir Pietrangelo, R. c. Kumar (C.A. Ont., C48821, décision datée du 2 octobre 2008), R. c. C.M. (C.A. Ont., C36764/M36765, décision datée du 24 octobre 2008), et R. c. Hanemaayer (C.A. Ont., C48928, décision datée du 13 janvier 2009).

 

[7]        À notre humble avis, les tarifs proposés par Me Lockyer sont justes et raisonnables eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce. Il y a donc lieu de fixer son tarif horaire à 225 $ l’heure et celui de Me McLean à 175 $ l’heure pour les procédures devant la Cour et pour « toute procédure devant la Cour d’appel de l’Ontario ».  

 

            Demande accueillie.

 

            Procureurs du demandeur : Lockyer Campbell Posner, Toronto.

 

            Procureur de l’intimée : Procureur général de l’Ontario, Toronto.

 

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