Supreme Court Judgments

Decision Information

Decision Content

Supreme Court of Canada

Phaneuf v. Champoux et Bellavance Limitée, [1962] S.C.R. 461

Date: 1962-01-23

Germaine Phaneuf (Plaintiff) Appellant;

and

Champoux et Bellavance Limitée (Defendant) Respondent.

Motor vehicles—Tort—Collision—Negligence—Snowplow travelling on left side of highway—Visibility poor—Liability.

The plaintiff was a passenger in an automobile which collided with a snowplow at midnight on February 20, 1959. The snowplow was travelling on the left side of the road and the accident happened on a curve. The trial judge came to the conclusion that the accident was caused, at least in part, by the fault of the operator of the snowplow, and maintained the action. The Court of Queen's Bench, by a majority decision, dismissed the action. The plaintiff appealed to this Court.

Held: The appeal should be allowed.

The dangerous situation was created by the presence of the snowplow on the wrong side of the road. The driver of the car was on a road which curved to his right. The snow banks on the side of the road varied from 4 to 7 feet in height. Drifting snow reduced visibility to 150 feet for the driver of the car. It might be true that the driver of the snowplow could see at a distance of 400 feet, but that was because he was seated high in his cab.

By driving his snowplow on the left side of the road without any valid reason and in full knowledge of the danger he was creating, the driver of the snowplow did not exercise the standard of care which a reasonable prudent man would have exercised in the circumstances. Assuming that the driver of the car had failed to keep a proper lookout, the character of his fault was not abnormal and unforeseeable in relation to the danger caused by the driver of the snowplow. In this hypothesis the liability would be divided between the two drivers, so that there was at least contributory negligence on the part of the driver of the snowplow.

[Page 462]

APPEAL from a judgment of the Court of Queen's Bench, Appeal Side, Province of Quebec1, reversing a judgment of Desmarais J. Appeal allowed.

Ε vender Veilleux, Q.C., for the plaintiff, appellant.

Laurent E. Belanger, Q.C., for the defendant, respondent.

The judgment of the Court was delivered by

Fauteux J.:—Dans la nuit du 19 au 20 février 1959, vers minuit, l'appelante, passagère dans une automobile conduite par René Couture, sur la route n° 1, dans la province de Québec, fut grièvement blessée lorsque, dans une courbe entre Garth Bay et St-Gérard, ce véhicule, procédant à droite de la route, est entré en collision avec un camion chasse-neige venant en sens opposé et conduit par le préposé de l'intimée, Lorenzo Audit, à sa gauche et non à sa droite.

Dans une action en dommages intentée par la victime à l'intimée, le Juge de première instance considéra que le préposé de cette dernière n'avait en l'occurrence aucune raison valable de circuler sur la route à sa gauche pour y enlever la neige; qu'en ce faisant, dans une courbe où la visibilité était presque nulle, il avait créé une situation inusitée, imprévisible et rendant périlleuse la circulation des véhicules venant à sa rencontre; que la prudence exigeait alors qu'il prît au moins les précautions nécessaires pour prévenir suffisamment à l'avance les usagers de la route, venant en sens opposé, du danger, qu'il réalisait d'ailleurs créer en conduisant ainsi illégalement; que même si on pouvait reprocher à Couture d'avoir, en cette courbe, maintenu une vitesse trop grande, ou un manque de maîtrise de son véhicule, cette collision ne serait pas survenue Audit n'eût-il d'abord barré le chemin. La Cour en conclut que cet accident était attribuable, au moins en partie, à la faute du préposé de la défenderesse et condamna celle-ci à payer à l'appelante la somme de $14,707.80.

Porté en appel par l'intimée, ce jugement fut infirmé par une décision majoritaire de la Cour du banc de la reine2. La question considérée fut de savoir quelle était la cause directe de cet accident, la présence du camion sur la gauche du chemin ou l'imprudence, négligence et manque d'attention de la part de Couture, ou les deux.

[Page 463]

MM. les Juges Badeaux et Hyde, de la majorité, furent d'avis que le préposé de l'intimée, qui, quelques secondes avant l'accident, avait constaté la venue d'une automobile à une distance d'environ 400 pieds, ne pouvait prendre d'autres précautions que celles qu'il avait alors adoptées par la mise à l'arrêt de son camion et par le signalement de sa présence en allumant et éteignant à quelques reprises les phares d'avant de son véhicule; que si Couture avait été attentif, il aurait pu voir le camion en temps utile, modérer sa vitesse et passer à côté sans incident. On jugea que les faits de cette cause ne pouvaient se distinguer de ceux qui avaient donné lieu aux décisions de la Cour du banc de la reine dans Trudel v. Broughton Soapstone Quarry Company Limited3 et Lauzier v. Asbestos Transport Limited4.

Dissident, M. le Juge Bissonnette rappela, en droit, les principes posés dans les causes ci-dessus et dans celle de Brisson v. Potvin5. En fait, cependant, il considéra que le préposé de l'intimée avait, en l'espèce, commis une faute causale en rapport avec le fait dommageable. Peu importe, ajoute-t-il, que ce soit là ou non l'unique cause de l'accident; la passagère de Couture n'ayant pas à établir ni à départager la responsabilité de chaque conducteur, la faute causale de l'intimée étant constatée, son droit au recouvrement de ses dommages était dès lors légalement fondé.

L'examen attentif et complet de tous les témoignages, nécessité par ces divergences de vues sur les faits, révèle ce qui suit. Au moment de l'accident, la nuit était claire et, au dire de témoins désintéressés, le pavé était quelque peu glissant. La collision se produisit dans une courbe que Couture devait prendre en inclinant vers la droite. De ce côté de la route, la présence de bancs de neige variant en hauteur, suivant les témoignages, de 4 à 7 pieds, et la neige soulevée et poussée en tourbillons par le vent, réduisaient considérablement la distance qui, sans ces circonstances, aurait permis à Couture d'apercevoir, dans cette courbe, un véhicule conduit, en sens opposé, à gauche de la route. Ceci, comme l'a signalé M. le Juge Bissonnette, est amplement confirmé par le fait que peu de temps après la collision, Audette, le conducteur de l'ambulance transportant la victime à l'hôpital, en suivant le même parcours précédemment

[Page 464]

effectué par Couture, évita de justesse ce camion chasse-neige qu'il ne put apercevoir qu'à une distance de 150 à 200 pieds. Il se peut que le conducteur du camion ait pu, lui, voir venir une automobile à une distance de 400 pieds; le banc sur lequel il était assis pour conduire était, en hauteur, à un niveau deux fois supérieur à celui du siège de l'automobile conduite par Couture. A la vitesse combinée à laquelle ces deux véhicules approchaient l'un de l'autre avant l'imminence du danger, il est certain que lorsque Couture fut en position de pouvoir réaliser la présence du camion sur la travée où lui-même procédait légalement, il ne lui restait à peine que quelques secondes pour réagir, aviser et passer à gauche du camion.

La faute du préposé de l'intimée ne fait aucun doute. La conduite de son camion à gauche du chemin, sans aucune raison valable et en pleine connaissance de la situation périlleuse qu'il créait, ne correspond pas au standard de prudence qu'un homme raisonnablement prudent devait adopter dans les circonstances. La nécessité ou l'urgence qu'il peut y avoir d'enlever la neige sur les grandes routes n'exclut pas l'obligation de ceux qui y sont préposés de se conformer à ce degré de prudence dont dépend la sécurité des usagers de la route et à l'observation duquel il est légitime pour ceux-ci de s'attendre.

Assumant que Couture ait commis cette faute d'inattention, que lui ont imputée les Juges de la majorité, le caractère de cette faute n'était pas anormal et imprévisible par rapport au danger causé par le conducteur du camion. L'état de choses délibérément créé par la faute première de celui-ci comportait, à sa connaissance d'ailleurs, une puissance dommageable propre que la faute subséquente de Couture a déclenchée. Dans cette hypothèse, la responsabilité se partage entre les auteurs des deux fautes. Savatier, Traité de Responsabilité civile en droit français, tome 2, p. 40, n° 480. En somme, cette collision, normalement prévisible par le préposé de l'intimée, a été la conséquence logique de sa faute. En toute déférence pour les Juges de la majorité, je dirais donc que sa faute a été, pour le moins, contributive au fait dommageable.

En Cour d'Appel, l'intimée a plaidé que le montant des dommages accordés était excessif. Étant donné la conclusion à laquelle ils en sont arrivés, les Juges de la majorité n'ont

[Page 465]

pas eu à considérer la question. M. le Juge Bissonnette, d'autre part, a trouvé que ce grief était sans fondement et, devant cette Cour, l'intimée en a formellement fait l'abandon.

Dans ces vues, je maintiendrais l'appel et infirmerais le jugement de la Cour du banc de la reine, avec dépens des deux Cours.

Appeal allowed with costs.

Attorney for the plaintiff, appellant: E. Veilleux, Sherbrooke.

Attorneys for the defendant, respondent: Slattery, Bélanger & Fairbanks, Montreal.



1 [1961] Que. Q.B. 631.

2 [1961] Que. Q.B. 631.

3 [1957] Que. Q.B 314.

4 [1945] Que. K.Β. 579.

5 [1948] Que. K.B. 38.

 You are being directed to the most recent version of the statute which may not be the version considered at the time of the judgment.